DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre T
(Première partie)
TABAC
Cf. Alcoolisme*, Mutilation volontaire*, Publicité commerciale*, Santé publique*, Stupéfiants*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », n° II-218,
p.344 (interdiction de toute propagande en faveur du tabac)
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »,
- sur le danger du tabagisme n° 438, p.291 / n° 449, p.303
- sur l'incitation à
fumer n° 450, p.304 / n° 456, p.311
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-258,
p.561 (la lutte contre le tabagisme)
- Danger du tabagisme. La consommation intensive ou régulière de tabac porte atteinte à la santé physique, non
seulement des fumeurs eux-mêmes, mais encore de ceux qui se trouvent à leurs côtés.
Certains pouvoirs publics en ont pris très tôt conscience.
De surcroît, la consommation du tabac est cause de maladies qui
grèvent le budget de la sécurité sociale.
Circulaire du 24 novembre 2006 : On estime qu'en
France la mortalité liée au tabagisme passif serait de 3.000 morts, au minimum par an ; certaines études évoquant même des chiffres allant de 5.000 à
10.000 morts.
Desmaze
(Curiosités des anciennes justices) : En 1667, le Conseil de
ville de ville de Dijon défend aux bourgeois de fumer à l'
Église, et d'en user dans leur maison.
Menessier (18 janvier 2011) : Les effets
nocifs sur les chromosomes se manifestent au bout d'un quart d'heure. « Fumer nuit gravement à l'ADN ». La mention pourrait figurer en bonne
place sur les paquets de cigarettes à côté de « fumer tue », « fumer bouche les artères » ou « fumer peut entraîner une mort
lente et douloureuse ». Des chercheurs américains viennent de montrer dans la revue « Chemical Research in Toxicology » que les
chromosomes d'un fumeur sont exposés aux effets délétères du tabac dès les premières bouffées.
- Science criminelle. Cependant, contrairement à l'alcoolisme et à la toxicomanie, fumer ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine. Aussi un législateur libéral ne saurait en faire un délit pénal ; mais il peut agir dans quatre directions. 1° Surveiller la composition du produit ; 2° informer les fumeurs du risque qu'ils prennent ; 3° interdire de fumer dans un lieu public : 4° interdire le tabac aux mineurs.
Code criminel des Indiens Ute. §13-4-115. Une personne
est coupable d'infraction à la législation en matière de tabac si, étant âgée de moins de 19 ans, elle achète, obtient, possède, fume, mâche, inhale ou
ingère n'importe quel produit fait à partir ou avec du tabac ; ou si elle vend, obtient ou s'arrange pour obtenir du tabac ou un produit dérivé du
tabac pour une personne âgée de moins de 19 ans...
Code pénal d'Italie. Art. 730 : Encourt une
amende... celui qui vend ou fournit du tabac à un mineur de moins de quatorze ans.
Dépêche AFP 30 décembre 2010 : Les Espagnols
découvriront dimanche à leur réveil que ce qu'ils considèrent souvent comme un droit inaliénable - savourer une cigarette avec un verre dans un bar - est
désormais interdit, à la faveur d'une loi anti-tabac, la plus sévère en Europe avec celle de l'Irlande.
Il ne faut toutefois pas se cacher que, comme toute loi prohibitive, une loi interdisant le tabac (même indirectement par la voie de lourdes taxes fiscales) développe une activité de contrebande.
Dépêche AFP 27 décembre 2010 : Quelque 51
tonnes de cigarettes de contrebande d'une valeur de 13 millions d'euros ont été saisies, en novembre et décembre, sur le port du Havre, dans six
conteneurs en provenance d'Asie du sud-est. Ces cigarettes qui étaient destinées aux marchés français et britannique ont été saisies, entre le 17
novembre et le 17 décembre, après un travail de ciblage des conteneurs, selon leurs origines, leurs itinéraires ou encore leurs documents
douaniers. Les cigarettes de marques Richman, Saint-Thomas, Capital ou encore Business ont été embarquées, selon les cas, dans un port de Malaisie, du
Vietnam ou de Singapour.
- Droit positif français. D'abord, le législateur interdit l’instigation, la provocation ou la propagande en faveur du tabac (art. L. 355-25 du Code de la santé publique). Voir l’obligation faite aux fabricants de porter sur les paquets de cigarettes des mentions telles que « fumer nuit gravement à votre santé ».
Voir :
Tableau des incriminations luttant
contre le tabagisme (en droit positif français)
Cass.crim. 11 janvier 2005 (Bull.crim. n° 13
p.35) : On entend par publicité, au sens de la loi, tout acte en faveur d’un organisme, d’une activité, d’un produit qui, par son graphisme, sa
présentation et l’utilisation d’une marque, a pour effet de rappeler le tabac ou un produit du tabac.
Cass.crim. 26 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim.
145) : Toute diffusion d’objets participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l’achat constitue, quel qu’en soit
l’auteur, une publicité ou une propagande interdite par l’art. L.355-25 C. santé publique.
Cass.crim.
21 janvier 2014, n° 13-80075 (Gaz.Pal. 13 mars 2014 p.27) :
Sont prohibées toutes formes de communication commerciale,
quel qu'en soit le support, et toute diffusion d'objets ayant
pour but ou pour effet de promouvoir le tabac ou un produit du
tabac.
Ensuite, il lui appartient de préserver la santé des tiers, d'où la légitimité des interdictions de fumer dans un lieu public (Décret du 15 novembre 2006). Mais qu'en est-il du fait de fumer des cigarettes électroniques ?
Décret du 15 novembre 2006, modifiant le Code de la
santé publique : Art. R. 3511-1. L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7
s'applique : 1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ; 2° Dans les moyens de
transport collectif ; 3° Dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à
l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs.
Cass.crim.
26 novembre 2014, arrêt n° 14-81888 : Il résulte du
jugement attaqué et des pièces de la procédure que, le 13 avril
2013, Mme X... a été verbalisée pour infraction à une
interdiction de fumer, alors qu'elle faisait usage d'une
cigarette électronique dans l'enceinte de la gare SNCF de
Neuilly-Porte Maillot ;
Pour relaxer à bon droit la prévenue des fins de la
poursuite, le jugement retient que les textes de répression sont
d'interprétation stricte et que l'interdiction de fumer a été
prévue alors que la cigarette électronique n'était pas encore
utilisée, que celle-ci ne saurait être assimilée à une cigarette
traditionnelle et que le liquide, mélangé à l'air, est diffusé
sous forme de vapeur, qu'en conséquence les textes visés par la
poursuite ne sont pas applicables à l'espèce.
Il lui incombe par ailleurs de protéger les mineurs ; d'où la légitimité du texte incriminant le fait de leur fournir du tabac. Voir l'art. L.3512-1-1 du Code de la santé publique.
TABASSER - Voir : Passage à tabac*.
TABLEAU GÉNÉRAL DES INCRIMINATIONS PÉNALES
Cf. Classification des délits*, Délits pénaux*, Doctrine*, Familles d’infractions*, Intérêt protégé*, Jurisconsulte*, Science criminelle*, Techniques juridiques*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° I-250, p.266
Voir :
Tableau général des incriminations pénales pouvant protéger un intérêt juridique
donné
Voir :
Tableau général des incriminations de police complétant les incriminations
pénales
Voir :
Bentham, La classification des crimes et
délits
Pour assurer la protection pénale d’un intérêt juridique donné, le législateur dispose d’un certain nombre d’outils, principalement de plusieurs types d’incriminations. Comme ces incriminations se répartissent selon des critères rationnels simples, il est possible de les présenter de manière systématique dans deux tableaux synoptiques, l’un concernant les incriminations subjectives, l’autre les incriminations objectives.
Von Jhering (L’esprit du droit romain) : L’ordonnance
systématique de la matière. Une classification systématique n’est pas une distribution purement locale de la masse des notions contenues dans une
science, ce n’est pas un simple classement déterminé par des motifs d’opportunité, pour y retrouver plus facilement les matériaux recueillis ; elle
indique, en forme de tableau ce qu’est chaque objet ou chaque notion et comment il se rattache à tout l’organisme d’ensemble de la science. C’est l’arbre
généalogique des notions. Chaque science cache, dans la charpente nue de ses doctrines, sous la forme la moins apparente et la plus condensée, une grande
énergie de pensée, une concentration puissante de tout son contenu.
Servant (Discours sur l’administration de la justice
criminelle) : Chose étrange ! Nous avons des nomenclatures complètes pour les plantes et pour les animaux, et nous en manquons pour nos
actions morales.
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : Seul le
classement des connaissances en un système garantit une possession sûre de tous les détails, sans laquelle la mise en pratique du droit n’est jamais
qu’un dilettantisme livré à tous les hasards et à tous les arbitraires.
Warée (Curiosités judiciaires) : Il existe une
dissertation de Jean Botéon intitulée « La connaissance de la géométrie est nécessaire au jurisconsulte ». Je ne connais point l’ouvrage, mais
je le croirais bon et utile, s’il prouvait que l’esprit géométrique est essentiel dans la pratique de la jurisprudence, comme dans toutes les sciences où
la justesse et la sûreté du raisonnement sont nécessaires.
TABOU
Cf. Inceste*, Sacrilège*.
Ce terme, d’origine polynésienne, marque le caractère sacré d’une personne, d’une chose ou d’une institution, qui rend cette dernière rigoureusement intouchable. Par extension on désigne par tabous certaines interdictions absolues posées par notre civilisation ; ainsi l’inceste constitue un tabou dont le législateur doit assurer le respect.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Tabou veut dire
sanctification... ou plutôt, à proprement parler, le Tabou est une force essentiellement inhérente à la divinité ; cette force que les dieux ont en
eux-mêmes, ils la transmettent à certaines personnes...
Lombroso (L’homme criminel) : En Océanie, c’est un
crime, tabou, que de toucher le corps du chef.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) :
Comprenant un respect mêlé de crainte, le tabou appartient au fond religieux de l’humanité. Relève-t-il d’une mentalité primitive ? On l’observe
souvent à l’état brut dans les religions de type animiste, mais il survit dans les sociétés modernes, souvent de manière inconsciente… On évoque par
exemple les « tabous sexuels »… L’éthique chrétienne explique que le respect d’autrui et la pudeur préservent la dignité humaine ; elle
plaide pour le bien-fondé des interdits qui aident l’homme à structurer sa personnalité morale et spirituelle.
TAGS - Voir : Graffitis*. Ils revêtent parfois un caractère politique, et peuvent alors constituer une cause d'aggravation conduisant à une qualification supérieure.
Exemple (Ouest-France
9 octobre 2015) : Des tags anti-islam près de la mosquée
de Béziers. Plusieurs croix gammées on été dessinées et le mot
mosquée a été barré sur un panneau de signalisation indiquant la
direction du lieu de culte musulman de Béziers.
TALION (LOI DU)
Cf. Châtiment*, Composition volontaire*, Vengeance*, Peine*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° 2, p.2 /
puis n° III-306, p.429 et s.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »,
n° II-I-127, p.368 / n° II-II-117, p.473 (notes 3,4 et 5)
Voir :
A. Franck, De la peine en général
- Notion originelle. La loi du talion, qui est notamment posée dans le Code d’Hammourabi, consiste en une prescription de l’autorité interdisant à la victime d’une infraction d’exercer sa Vengeance* au-delà du mal qu’elle a souffert : elle doit se borner à rendre « œil pour œil, dent pour dent ».
Platon (Les lois, IX870) : Le meurtrier doit
nécessairement subir la peine de droit naturel, qui est d’éprouver ce qu’on a fait à autrui, c’est-à-dire de périr par la main d’autrui du même genre de
mort que l’on a perpétré soi-même.
Lois de Manou : Que le roi fasse noyer dans l’eau celui qui
rompt la digue d’un étang et occasionne la perte des eaux.
Paul
Faure (La vie quotidienne en Crète au temps de Minos) :
Une loi attribuée par les grecs à Rhadamanthe énonçait : Si l'on
inflige à autrui le mal qu'il a fait subir, c'est stricte
justice.
Code d'Hammourabi. § 196 : Si un homme a crevé l'œil d'un
homme libre, on lui crèvera un œil. § 197 : S'il a brisé un membre d'un homme libre, on lui brisera un membre.
Digeste de Justinien, 47 IX, 9. Gaïus : Celui qui aura mis
le feu à un bâtiment ou à un tas de blé près d'une maison, sera enchaîné, battu de verges et jeté au feu, s'il l'a fait sciemment et avec
connaissance.
Coran
(Sourate 2, v.173 et 174) : La peine du talion vous est
prescrite pour le meurtre. Un homme libre pour un homme libre,
un esclave pour un esclave, et une femme pour une femme. Celui
auquel une remise de la peine du talion est faite doit être
traité avec humanité, et il doit à son tour s'acquitter
généreusement envers celui qui lui a fait cette remise.
C'est un adoucissement de la part de votre Seigneur et une
faveur de sa miséricorde ; mais quiconque se rendra coupable
encore une fois d'un crime pareil sera livré à un châtiment
douloureux.
- Évolution. Les auteurs du Moyen-âge chrétien se sont efforcés d’adapter cette vieille loi aux notions de faute et d’expiation. Certains parlaient de « contrepan » : contrepartie, équivalent. En Italien, encore aujourd’hui, le mot « contrapasso » vise la loi du talion.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Le talion est
une peine égale et semblable au crime commis. Œil pour œil, dent pour dent, comme il est porté à l’Évangile. Les grecs et les romains ont autorisé cette
peine, qui a été approuvée et reçue par les peuples les mieux policés. Mais cette peine s’est trouvée dans la suite des temps une chose difficile à
pratiquer ; ce qui fait qu’elle n’est restée en usage que chez quelques Nations, encore n’est-ce qu’à l’égard des calomniateurs.
Pézard (Dante, Œuvres complètes) : Le
contrepan : vieux mot français, dont le radical est pan « gage », a le sens de l’italien cantrapasso
«contrepartie, talion » ; le latin scolastique usait d’une forme contrapassum (venant de contra et de patior) qui marque une équivalence entre
le degré de la faute et le juste degré de la réparation ou expiation (St Thomas, Somme Théol. II ii 61, 4). Ce système punitif s’est pas toujours l’exact
équivalent du talion biblique ou germanique.
Dante l’imagine souvent comme une forme et même une qualité de peine contraire à l’action ou à l’intention du coupable : le châtiment est
répression et rétorsion, comme on a vu par exemple chez ceux dont le péché fait tort à autrui : les meurtriers, les voleurs. D’autres fois au
contraire il est impulsion et expansion : l’accomplissement même de cette tendance coupable, poussée à l’extrême d’une logique sans pitié; comme
c’est le cas pour ceux qui en péchant font tort principalement à eux-mêmes, les suicidés, les hérésiarques.
M.Pearl (Le cercle de Dante) : Nous n’avons
pas pour le mot contrapasso de définition précise, parce qu’il est lui-même sa propre définition. Je proposerais « contre-souffrance » … L’idée
que tout pécheur aura pour châtiment de perpétrer son propre péché éternellement, au détriment de lui-même.
Vercel (Du Guesclin) : Un anglais imagina
d’élever un gibet sur une des portes de Moncontour et d’y suspendre à l’envers le blason de Du Guesclin ; il donnait ainsi à entendre que le
Connétable était un félon. Bertrand jura de tirer de l’insulteur une vengeance assortie au crime : « Il sera pendu au col, et accroché au vent
là où il a pendu mon blason peinturé ! » … La ville prise, l’anglais, la hart au col, prit la place du blason. Cela nous paraît féroce ; à
l’époque, tout le monde trouva la réplique juste, même le pendu.
Pour sa part, le droit anglo-saxon partait de l'idée de peine caractéristique (characteristic punischment). Dans cette conception, p.ex., l'auteur d'un parjure est condamné à perdre la main qu'il avait levée pour prêter serment.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) attire
l'attention sur la distinction qui doit être faite entre le châtiment par le talion et le châtiment par les peines caractéristiques. Si nous avons
cité la peine de la perte d'un membre, appliquée aux coups et blessures, nous n'avons pas cité comme tel le supplice de la castration et de
l'aveuglement, prononcé pour le viol d'une vierge. En effet, mutiler le coupable de viol n'est point lui appliquer le talion (ut patiatur ut facit),
c'est lui appliquer ce que l'on nomme un châtiment caractéristique, ainsi appelé parce que le châtiment prononcé est un châtiment spécialement inspiré au
juge par la nature du crime.
- Notion moderne. Dans la conception humaniste, la notion de talion n’est plus prise à la lettre mais dans son esprit. On admet que la nature de la sanction puisse être tirée de la nature de l’acte accompli, mais dans le respect de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine.
Voir :
J-P. Marat, Des principes fondamentaux
d'une bonne législation
Montesquieu (De l’esprit des lois, VI-XIX) : Les États
despotiques, qui aiment les lois simples, usent beaucoup de la loi du talion. Les États modérés ne la reçoivent que quelquefois, et lui donnent presque
toujours des tempéraments.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Le talion a
d'abord contre lui de conserver, tout en les atténuant, les inconvénients essentiels de la vengeance : il l'autorise en effet en même temps qu'il la
limite. Il a en outre le défaut de n'être... qu'une norme brutale qui ne considère que les actes matériels sans tenir le moindre compte des intentions
morales : tel Hammourabi faisant crever un œil au médecin qui par accident avait crevé un
œil à son patient. C'est une norme d'égalité, qui devient
injuste chaque fois que s'impose une norme de proportionnalité, ce qui est le cas ordinaire : on ne saurait punir justement les coupables qu'à proportion
de leur culpabilité.
Franck (Philosophie du droit pénal) : L’analogie de
la peine et du délit doit être toute intérieure, toute morale, et non purement matérielle, comme celle que recherchait autrefois la justice criminelle.
L’analogie morale est celle qui consiste à priver un coupable du droit qu’il a méprisé, qu’il a violé dans les autres. L’analogie matérielle
consiste à copier le délit même qu’elle est destinée à punir ; elle fait entrer dans la punition les mêmes moyens dont on s’est servi pour accomplir le
crime, ou quelque chose qui en est comme la figure ou la représentation extérieure. C’est ainsi qu’autrefois on coupait le poing aux
parricides.
Carrara (Cours de droit criminel) : La proportion de la
peine au délit ne doit pas être entendue sous un rapport matériel, mais dans un sens tout psychologique.
Catherine II (Instructions pour un Code de lois).
66 – La punition que l’on doit infliger, dans certains cas,
doit être prise de la nature même du délit.
Exemple (Ouest-France
5 juin 2015). Elle avait appelé un taxi pour l'emmener de
Cleveland à Painesville (dans l'Ohio). Arrivée à destination, la
passagère s'est enfuie sans payer la course. En fin de semaine
dernière, un juge lui a donné une option : une peine de 60 jours
de prison, ou une marche de 48,2 km, la distance qu'elle avait
parcourue en taxi. Elle a choisi la deuxième option.
Il en va autrement dans les pays musulmans régis par la charia, où la loi du talion est appliquée à la lettre et non dans son esprit.
Dépêche AFP 11 décembre 2010 : La cour suprême
iranienne a condamné un homme reconnu coupable d'avoir fait perdre la vue au mari de sa maîtresse, à avoir les yeux brûlés à l'acide, en application de
la loi du talion, a rapporté aujourd'hui un journal officiel iranien. Selon le journal Iran, Mojtaba, 25 ans, a jeté de l'acide sur Alireza, 25 ans et
chauffeur de taxi dans la ville sainte de Qom (centre), après « une relation illicite » avec l'épouse de ce dernier, Mojedh, également âgée de 25 ans. La
cour suprême a confirmé la peine prononcée par un tribunal, soit une condamnation à la cécité par acide, en conformité avec la loi islamique (charia) qui
autorise la loi du Talion pour les crimes violents. Selon le journal, le procureur de Qom, Mostafa Barzegar Ganji, a estimé que cette sanction
s'imposait, la victime insistant pour obtenir « la peine Qisas », le terme islamique pour « œil pour œil ». « Nous avons demandé aux
spécialistes de la médecine légale de superviser l'opération destinée à rendre aveugle le condamné » , a précisé le procureur. Plusieurs attaques
à l'acide ont été recensées ces dernières années.
TAPAGE
Cf. Bruit*, Charivari*, Cri*, Nuit*, Tranquillité publique*, Troubles de voisinage*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la personne humaine » (4e éd.) n° II-212,
p.314
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »
- n° II-II-247,
p.538 (sur le tapage nocturne)
- n° II-II-248, p.540 (sur le tapage diurne)
- Notion. Le tapage consiste à faire, ou à laisser faire, en connaissance de cause et sans nécessité, un vacarme susceptible de troubler la tranquillité du voisinage.
Pugnière (Juris-classeur pénal, art. R.623-2) : Le tapage peut
être considéré comme une série de bruits tumultueux qu'on pourrait aussi dénommer brouhaha ou vacarme par exemple.
Cass.belge
2e Ch.. 3 janvier 1966 (Pas. 1966 I 575) : La loi ne
vise pas uniquement les bruits ou tapages nocturnes dont la
nature et l'origine peuvent créer un sentiment d'insécurité,
mais bien tout bruit ou tapage nocturne pouvant troubler la
tranquillité des habitants.
Vidocq (Mémoires) : Mon caractère turbulent ne
m'ayant pas permis de rester étranger à une querelle qui s'éleva dans l'auberge, je fus arrêté comme tapageur, et conduit au "violon".
- Science criminelle. L’intérêt protégé par cette incrimination n’est pas seulement la sphère d’intimité de chacun, mais encore la santé physique et psychique de tous depuis que le bruit est devenu l'un des fléaux des grandes villes.
Liard (Morale et enseignement civique dans les écoles
primaires) : On ne doit pas troubler le repos public par des chants, par des cris, par du tapage.
Rigaux et Trousse (Les codes de police belge) : Cette
disposition a pour but d’assurer la tranquillité des habitants. Dans la vie fiévreuse et agitée de notre époque, semblable but s’avère de plus en plus
impérieux. Le bruit est en effet nuisible à l’organisme humain. Les progrès de la science ont permis de constater que les méfaits du bruit pouvaient être
considérables ; ils provoquent notamment des tensions malsaines du système nerveux… Spencer disait qu’on pouvait mesurer les capacités
intellectuelles d’un homme au degré de son intolérance aux bruits inutiles.
Exemple (Ouest-France
6 septembre 2015) : Un couple de cinquantenaires anglais a
été condamné à 7.000 € d'amende à cause du vacarme de ses deux
chiens, des Jack Russel qui passaient la journée à hurler: plus
de 43 aboiements enregistrés à la minute.
Puisque l'intérêt public est en cause, le législateur doit édicter une infraction formelle visant le fait même du tapage, indépendamment des effets qu'il a pu produire (tapage de nature à )..
Code pénal de Tunisie. Art. 316 : Sont punis de
quinze jours de prison... les auteurs ou complices de bruit ou de tapage de nature à troubler la tranquillité des habitants.
Le législateur peut incriminer le tapage, qu'il soit diurne ou nocturne,
Code criminel du Canada. Art. 175 -Troubler la paix,
etc. - Est coupable d'une infraction... quiconque... n'étant pas dans une maison d'habitation, fait du tapage dans un endroit public ou près d'un tel
endroit : (i) soit en se battant, en criant, vociférant, jurant, chantant ou employant un langage insultant ou obscène, (ii) soit en étant ivre, (iii)
soit en gênant ou molestant d'autres personnes.
Code pénal d'Haïti. Art. 398 - Seront punis d'une
amende de troisième classe : 8° Les auteurs ou complices de bruits ou tapages troublant, pendant le jour ou durant la nuit, la tranquillité des
habitants.
ou seulement lorsqu'il est nocturne (ce qui constitue rationnellement une circonstance aggravante).
Code pénal du Luxembourg. Art. 561 : Seront punis
d'une amende de 25 euros à 250 euros : 1° Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité
des habitants.
Cass.
belge 23 octobre 1973 (Pas. 1974 I 197) : Si l'exploitant
d'un établissement qui cause des bruits nocturnes,
nécessairement liés à cette exploitation, omet de prendre les
mesures adéquates pour empêcher que ces bruits n'excèdent des
limites raisonnables, il contrevient à l'art. 561-1° C.pén.
En toute hypothèse, le prévenu ne saurait se voir reprocher qu'un fait personnel. Mais le législateur peut incriminer aussi bien l'acte de l'auteur principal que les actes de complicité accomplis délibérément (ce qui est le cas en droit français).
Cour
EDH 20 juillet 1957 (Annuaire I 239) : A bien été condamné
pour un fait personnel, celui d'avoir omis, en tant que membre
du comité de l'association en cause, et bien qu'il eût
conscience du caractère bruyant de réunions qu'il avait déjà
organisées et dirigées, de prendre des mesures propres à
empêcher le tapage de se produire.
Cass.crim.
17 février 1988 (Gaz.Pal. 1988 I sommaire 186) : Dès
lors que selon l'art. R 34-8° C. pén., doivent être considérés
comme coupables de bruits, tapages ou attroupements injurieux ou
nocturnes troublant la tranquillité des habitants, non seulement
ceux qui prennent une part active aux bruits ou tapages
nocturnes ou injurieux, mais encore tous ceux qui, par leur
présence ou leur fait, ont favorisé ou facilité la commission de
cette contravention, le débitant de boissons qui laisse se
perpétrer dans son établissement la contravention de bruits ou
tapages nocturnes doit être considéré comme complice de cette
infraction .
- Droit positif. Le tapage nocturne est incriminé en France par l'art. R.623-2 C.pén. (ancien art. R.34-8°). Pour le tapage diurne, voir les renvois ci-dessus.
Blanche (Études pratiques sur le Code pénal) : Le bruit ou
tapage nocturne est celui qui est fait après le coucher et avant le lever du soleil… Il provient d’un fait personnel et volontaire.
Cass.crim. 17 mai 1983 (Gaz.Pal. 1983 II somm.
395) : La preuve que la tranquillité d’une seule personne a été troublée suffit pour constituer la contravention de tapage nocturne.
Cass.crim. 24 février 1999 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.
crim. 73) : Pour condamner à bon droit le prévenu du chef de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d'autrui, le Tribunal de
police énonce, qu’à deux reprises, l’intéressé a volontairement disposé une mini-chaîne sur le mur séparant sa propriété de celle de son voisin, de
manière à importuner ce dernier par la diffusion de musique avec un niveau sonore très élevé.
Cass.crim. 17 janvier 1990 (Bull.crim. n°30
p.74) : Même en l’absence de toute volonté de nuire et même si des bruits peuvent résulter de l’exercice d’une profession, la contravention de
tapage nocturne prévue par l’art. R 34-8° C.pén. est caractérisée dès lors que le prévenu a eu conscience du trouble causé au voisinage par
l’installation dont il était responsable et n’a pris aucune mesure pour y remédier.
TASER - Voir : Armes*.
TAUROMACHIE - Voir : Tradition locale*.