DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre R
(Quatorzième et dernière partie)
RIBLEUR (OU RIBBLEUR)
Cf. Malfaiteur*.
Au Moyen-âge, celui que nous nommons malfaiteur était spouvent désigné par le mot « ribleur ». Ce terme n’est plus employé de nos jours.
Godefroy (Lexique de l’ancien français). Ribler : courir la nuit, courailler, se livrer à la débauche, battre le pavé, voler, piller.
Littré (Dictionnaire) : Terme populaire et vieilli. « Celui qui court la nuit comme les filous. Ce gentil dieu, qu’on appelle Mercure, Dieu des rhéteurs, des ribleurs et des fripons, vient vous offrir des présents » (Chaulieu).
Michel de l’Hospital (Traité sur la réformation de la justice) : Un ribleur (voleur) le dévalisera,… La justice ne se remuera pas s’il n’y a partie civile.
Ordonnance de Charles VII sur le brigandage, à propos des écoliers turbulents qui se prévalaient du privilège de juridiction ecclésiastique : Pour ce qui en est de l’Université, sous couvert d’études, des infractions sont commises par des mauvais garçons qui se disent être écoliers et ne sont que ribleurs, ne faisant que battre et ribler ; pour y pourvoir est défendu à tous écoliers de porter épée ni bâton, de jour comme de nuit, si autrement ils sont trouvés, ils seront punis comme laïcs.
RIDICULISER
Cf. Diffamation*, Discréditer*, Injure*, Outrage*.
- Notion. Ridiculiser quelqu’un, c’est l’exposer au rire, à la raillerie, à la moquerie en le présentant faussement sous des traits ou dans une situation qui suscite une hilarité méprisante. Ce faisant, on commet une faute au regard de la charité.
Maine (Études sur l’ancien droit) : Voltaire ne se lassait jamais de ridiculiser la loi salique qu’il avait toujours regardée, disait-il, comme dictée par un ange à Pharamond, le premier roi franc.
- Science criminelle. Ce fait constitue d'ordinaire un simple Délit civil*. Mais, dans les cas graves, il peut caractériser un délit pénal d’outrage, d'injure ou de diffamation.
Code criminel du Canada. Art. 298 : Un libelle diffamatoire consiste en une matière publiée sans justification ni excuse légitime et de nature à nuire à la réputation de quelqu'un en l'exposant à la haine, au mépris ou au ridicule, ou destinée à outrager la personne contre qui elle est publiée.
Cour de cassation du Luxembourg 4 février 1950 (Pasicrisie 15, 23) : Si la dénonciation d’un délit imaginaire peut constituer le délit d’outrage prévu à l’article 276 du Code pénal, il n’en est ainsi que si elle a été faite dans l’intention de se jouer des magistrats ou des agents de l'autorité publique, de les ridiculiser en les engageant dans des recherches stériles.
- Droit positif français. Si ce terme ne figure pas dans le Code pénal, il apparaît dans la jurisprudence, notamment pour caractériser une injure ou une diffamation.
Versailles (1re Ch.) 31 janvier 1991 (Gaz.Pal. 1992 II 534) : La dénaturation, à partir d’un photo montage, des traits d’un personnage public, est licite dès lors qu’elle n’a pas pour but de ridiculiser ou de déconsidérer l’intéressé.
Paris 20 février 1986 (D., 1986, IR p. 447) : Les termes d'un article de journal comportant une description d'une personne déguisée et maquillée en personnage ridicule et graveleux constituent une imputation portant atteinte à l'honneur et à la réputation de celle-ci et donc une diffamation.
- Encore faut-il observer qu’il n’y a ordinairement pas faute à placer une personne dans une situation où elle se ridiculisera d’elle-même en faisant étalage de sa vanité, de son snobisme et de son incompétence. Ainsi lorsque R. Dorgelès, avec quelques amis, exposa au Salon des indépendants une toile signée Boronali et intitulée « Coucher de soleil sur l’Adriatique », les experts qui l’avaient encensée n'osèrent pas se plaindre lorsqu’un huissier révéla qu’il s’agissait de l’œuvre d’un âne (Aliboron), à la queue duquel les farceurs avaient attaché un pinceau.
L’artiste : un singe (Ouest-France 16 mai 1991). Des propriétaires de galeries et des experts en peinture s’y sont trompés. Ils ont attribué à différents peintres célèbres les toiles que le singe « Gypsy » avait barbouillées de couleurs. Ce chimpanzé appartient à un couple suisse ; ses tableaux ont été proposés à des galeries par une chroniqueuse d’art dans un journal londonien.
RIOTTE - Mot vieilli désignant les disputes, Querelle*
ou
Rixes*.
Le mot anglais « riot » désigne un fait plus grave : une émeute.
RISQUE - Voir : Animaux dangereux*, Choses dangereuses*, Personnes dangereuses*, Mise en danger d’autrui*, Non-assistance à personne en péril*, Omission (de porter secours à personne en péril)*, Précaution (principe de)*.
RITE - Le rite se distingue du Culte* en ce qu'il ne présente pas vraiment un caractère religieux ou politique ; il relève plutôt des mœurs, de la tradition. Il se situe sur un plan populaire et non sur le plan pénal. Tel est le cas des usages, dérogatoires au cours habituel des jours, qui marquent le 1er janvier.
RIXE
Cf. Batterie*, Coauteur*, Coups et blessures*, Échauffourée*, Homicide*, Intégrité physique*, Passage à tabac*, Querelle*, Solidarité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-237, p.136 / n° I-318, p.171
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-248, p.541
- Notion. La rixe apparaît comme une empoignade non préméditée, opposant plusieurs personnes, qui, par simple enchaînement des circonstances, dégénère en actes de violence causant blessures ou mort d’homme. Lorsqu’elle ne concerne que deux ou trois personnes, on parle plutôt de querelle.
Littré (Dictionnaire) : Rixe - Querelle accompagnée d'injures, de menaces et quelquefois de coups.
Une rixe à Pompéi en l’an 59, selon Tacite. Un incident futile provoqua un affreux massacre entre les colons de Nocera et ceux de Pompéi ; ce fut pendant un combat de gladiateurs donné par Livineius Regulus. Comme il arrive d’ordinaire dans les petites villes, on échangea d’abord des quolibets sans retenue, puis des pierres et on finit par en venir aux armes. La plèbe de Pompéi eut le dessus: c’était là que se donnait le spectacle. Beaucoup de Nucériens furent transportés chez eux le corps mutilé; nombreux aussi étaient ceux qui pleuraient la mort d’un fils ou d’un père. Le prince remit le jugement de cette affaire au Sénat, qui la renvoya aux consuls. Mais, sur nouvelle instance, le Sénat défendit pour dix ans à la ville de Pompéi ces sortes de réunions et prononça la dissolution des collèges qu’on avait établis contrairement aux lois : Livineius et les autres auteurs de la sédition furent punis d’exil.
- Règle morale. La rixe encourt, comme toute violence illégitime, la condamnation des moralistes.
Confucius (Les quatre livres de philosophie) : Dans le temps de la jeunesse, lorsque le sang et les esprits vitaux ne sont pas encore bien fixés, ce que l'on doit éviter ce sont ... les rixes et les querelles.
Gousset (Théologie morale) : L'Apôtre, mettant sur le même rang les empoisonnements, les homicides, les inimitiés et les rixes ... dit que ceux qui font ces choses n'obtiendront point le royaume des cieux.
Rothe Tancrède (Traité de droit naturel théorique) : Si un clerc prend les armes et meurt ... dans une rixe, le saint-sacrifice ne pourra être offert à son intention et on ne priera point pour lui. Il sera abandonné à la colère du Souverain-Juge.
- Science criminelle. En raison de l’infinie variété de situations que la rixe peut engendrer, le législateur hésite souvent à l’incriminer de manière spéciale et préfère s’en remettre à la sagesse des juges, sur la base des textes réprimant les coups et blessures (il en est ainsi en droit français).
Digeste de Justinien (48,8, 17). Paul : Si dans une rixe un homme a été frappé et en est mort, il faut dans ce rassemblement examiner les coups portés par chacun en particulier.
Loi Salique. T. XLV, art. 1 : Si, de quatre ou cinq hommes réunis dans festin, l’un d’eux vient à être tué, ceux qui étaient avec lui, doivent faire connaître le coupable, et le convaincre de son crime ; à défaut de quoi, ils doivent tous contribuer à acquitter le montant de la composition, due à l’occasion du meurtre. Cette règle doit s’observer toutes les fois que les convives n’excèdent pas le nombre de sept.
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Dans les rixes et affaires légères, le Juge ne doit point informer, s'il n'y a une Partie qui le requiert.
Code annamite de Gia Long (1812), art. 271. Commentaire officiel (extrait du Code chinois) : S’il n’y a pas eu primitivement un complot, mais si, à cause de quelque affaire, il y a eu désaccord et discussion, puis dispute et querelle, et que les personnes mêlées dans la rixe se soient blessées mutuellement et réciproquement, on vérifie le plus ou le moins de gravité des blessures des unes et des autres pour déterminer les peines. Celle qui n’a frappé que pour riposter et qui, de plus, avait raison dans son opinion, jouit d’une diminution de peine de deux degrés.
Code pénal allemand de 1870. Art. 227 § 1 : Lorsque, au cours d'une rixe... une personne aura été tuée ou grièvement blessée, chacun des individus ayant participé à la rixe... sera, du seul fait de cette participation, puni d'un emprisonnement de trois ans maximum.
Code pénal suisse (état en 2995), art. 133 : Participation à une rixe - Celui qui aura pris part à une rixe ayant entraîné la mort d’une personne ou une lésion corporelle sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende.
Code pénal de Côte d'Ivoire (état en 2003), Contravention de 3e classe, art. 3 : Sera puni d'une amende de 10.000 à 360.000 francs inclusivement et d'un emprisonnement de dix jours au moins et de deux mois au plus ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura... 12° : participé à des rixes ou exercé des voies de fait ou des violences légères, soit à titre d'auteur principal, soit à titre de complice; .
En général, les participants à une rixe peuvent être considérés comme des coauteurs ; mais on rencontre des cas de complicité de rixe.
Cass.crim. 19 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 157-158) : Pour déclarer, à bon droit, le prévenu coupable de complicité du délit de violences volontaires, la juridiction du second degré relève qu'il a facilité la consommation du délit en s'opposant aux surveillants qui tentaient de mettre un terme à une rixe entre deux codétenus.
- Droit positif français. Selon les circonstances, le tribunal procède, tantôt à une appréciation globale, tantôt à une analyse détaillée des faits. Dans le premier cas, il se place sur le plan de la responsabilité collective ; dans le second cas, sur le plan du droit commun des responsabilités individuelles.
Cass.crim. 16 octobre 1979 (D. 1980 IR p.522 note M. Puech) : En cas de rixe en plusieurs phases, les juges du fond peuvent admettre qu’après s’être trouvés dans un premier temps en état de légitime défense les demandeurs, s’étant, dans un second temps, « rués » sans nécessité sur leurs adversaires, ont alors commis le délit de violences volontaires retenu à leur charge, la décision se trouvant ainsi justifiée sur l’action publique sous la réserve, relativement à la seule action civile, d’un éventuel partage de responsabilité et de la nécessité de ne réparer que les blessures résultant des violences non justifiées par la légitime défense.
Cass.crim. 19 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr. crim. 157) : Pour déclarer à bon droit un prévenu coupable de complicité du délit de violences volontaires commis au cours d’une rixe entre deux codétenus, la juridiction du second degré relève qu’il a facilité la consommation du délit en s’opposant aux surveillants qui tentaient de mettre un terme à cette rixe.
ROBERIE
Cf. Burglarie*, Maraudage*, Vol aggravé*.
Le verbe "rober", en droit coutumier ancien, signifiait s'emparer du bien d'autrui avec violence ; d'où le crime de "roberie", qui se distinguait du vol simple par l'usage de la force. Avec le temps ce verbe a changé à la fois de forme, pour devenir "dérober", et de sens, pour désigner un vol furtif (Voir : Maraudage*).
Dictionnaire Larousse de l'ancien français (M.A.) : Roberie, n. f., fin XIe siècle, Pillage, vol.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : Pour le droit normand du XIIIe siècle, la qualification pénale de roberie exige la réunion de deux éléments constitutifs : d'une part un vol et d'autre part des violences.
Du Boys (Histoire du droit criminel) définit la roberie : brigandage de grand chemin.
Bongert (Histoire du droit pénal) : Le vol de grands chemins, qualifié d' "escharpelerie" ou de "roberie", est considéré par certaines coutumes comme un crime spécifique.
Le droit britannique a conservé ce terme sous la forme "robbery", qui vise un vol qualifié.
Smith et Hogan (Criminal law) : Selon le "Theft act" de 1968 : Une personne est coupable de "robbery" si elle soustrait un bien, et si,immédiatement auparavant ou dans le même temps, dans le but de perpétrer cette soustraction, elle use de la force envers autrui ou lui fait redouter d'être victime de violences... Ainsi défini le "robbery" est essentiellement une forme aggravée du vol.
ROI - Voir : Chef de l'État *.
RÔLE
Cf. Durée de la procédure*, Tribunal*.
- Notion générale. Le rôle est un registre, tenu au greffe d’une juridiction, où sont notées, par ordre chronologique, les affaires soumises à un tribunal ou à l’une de ses chambres. En matière civile, les affaires sont normalement examinées dans cet ordre.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : On nomme rôle la liste des causes qui doivent être plaidées.
Sériaux (Droit canonique) : L’ordre d’examen des causes. Le principe est simple : la première cause présentée au juge doit être examinée en premier… Canon 1458 : Les causes doivent être traitées dans l’ordre où elles ont été présentées et inscrites au rôle.
Code de procédure pénale suisse (Vaud). Art. 367 : Si la cause présente des difficultés particulières ou si le rôle du tribunal l'exige, le tribunal peut exceptionnellement décider de renvoyer la délibération de cinq jours au plus.
Code d'instruction criminelle du Luxembourg. Art. 183 (observation) : Lorsqu'une affaire correctionnelle a été continuée à une audience subséquente, qu'au jour fixé pour cette audience elle n'a pas été appelée et que depuis elle a disparu du rôle du tribunal, cette irrégularité n'est pas de nature à dessaisir le tribunal correctionnel qui reste toujours investi de l'obligation de juger.
- Rôle de la cour d’assises. Le rôle de la cour d’assises, pour chaque session, est arrêté par son président après concertation avec le ministère public. Il s’agit d’une mesure d’ordre intérieur qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Angevin (La pratique de la cour d'assises) : On appelle rôle de la session d'assises la liste des affaires qui seront appelées pour y être débattues et jugées avec indication de la date à laquelle chacune d'elles le sera. C'est en quelque sorte le programme de la session.
Code de procédure pénale, art. 238 (L. 5-3-2007) : Sur proposition du ministère public, le rôle de chaque session est arrêté par le président de la cour d'assisses, ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d'appel.
ROSSIGNOL
Cf. Clef*, Crocheteur*, Effraction*, Violation de domicile*, Vol qualifié*.
En droit criminel on nomme rossignol une sorte de crochet métallique que l’on introduit dans une serrure classique afin de l’ouvrir, quand on n’a pas la clef adéquate à sa disposition. Au sens large, il s’agit d’une fausse clef.
Littré (Dictionnaire) : Terme de serrurerie. Crochet dont on se sert pour ouvrir toutes sortes de serrures. « Les voleurs ont ouvert son secrétaire à l’aide d’un rossignol ».
Dubois (La jurisprudence criminelle du Châtelet de Paris de janvier à avril 1772) : Jousse juge que les voleurs qui se servent de fausses-clefs, de crochets, de rossignols ou autres instruments... encourent la peine de mort.
Code pénal belge. Art. 487 - Sont qualifiés fausses clefs : Tous crochets, rossignols, passe-partout, clefs imitées, contrefaites ou altérées.
Vidocq (Les voleurs) : Les cambrioleurs travaillent rarement seuls ; pendant que l'un des associés fait jouer le rossignol, un autre va se poster à l'étage supérieur, et un troisième à l'étage au-dessous.
ROULAGE. - Le roulage concerne la réglementation de l’usage des routes ; elle vise à les préserver d’une dégradation anormale. Certaines dispositions ont été intégrées au Code de la route* ; d’autres relèvent des incriminations de grande voirie.
ROULEMENT
Cf. Magistrat judiciaire*, Tribunal*.
La règle du roulement consiste à faire siéger les magistrats, tantôt dans les chambres civiles, tantôt dans les chambres correctionnelles afin de leur faire connaître tous les aspects de la vie sociale. On voit encore trop de juges civils, habitués à travailler abstraitement sur dossier, incapables de distinguer le séduisant escroc de sa timide victime. Rapprocher : Tournelle*.
Perrot (Institutions judiciaires) : La règle du roulement répond à un triple souci : parfaire la formation des magistrats, éviter la routine, et surtout éviter qu’un magistrat, par son ascendant et sa personnalité, ne prenne trop d’autorité sur ses autres collègues, ce qui aurait pour effet de fausser le principe de la collégialité.
ROYAUTÉ - Voir : Monarchie *.
RUFFIAN (RUFIAN)
Cf. Délinquant*, Malfaiteur*, Proxénète*, Souteneur*.
Du mot italien « ruffiano », désignant un souteneur, un maquereau, mais aussi un flagorneur, un flatteur. En français ce terme désigne plutôt un homme débauché prêt à commettre les actes illicites qui lui permettront de poursuivre son immoral mode de vie.
Greimas et Keane (Dictionnaire du moyen-français). Ruffian (ruffien, rufian) : Débauché, homme marié vivant avec des filles de joie ; libertin.
Code pénal du Pérou. Art. 180 : Rufianismo - Celui qui exploite le profit déshonnête gagné par une personne qui s’adonne à la prostitution sera puni de trois à huit ans de prison.
Dante (Divine comédie). C’est parmi les fraudeurs que le poète range les hypocrites, les falsificateurs, les ruffians et les concussionnaires.
RUSE
Cf. Dissimulation*, Escroquerie*, Faux*, Fraude*, Menace*, Manœuvre frauduleuse*, Mensonge*, Sincérité*, Tromperie*, Violence*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 114, p.78
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-317, p.81
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 17, p.16 / n° I-251, p.151 / n° II-108, p.264 et s. / n° II-212, p.314 / n° III-108, p.438 / n° III-118, p.458
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 110, p.51 / n° 211, p.93 / n° 413, p.256
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 28, p.28 / n° I-I-229, p.135
Pour une illustration de l’emploi de la ruse, voir : Le vol par hypnotisme
- Notion. La ruse est un artifice, un mensonge subtil, utilisé par une personne afin d'en tromper une autre et de parvenir ainsi à ses fins, contre la volonté de sa victime.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique, II-II, Q.55 Art.5) : Il appartient à la ruse d'adopter des voies, non pas vraies mais simulées et apparentes en vue d'atteindre une fin, qu'elle soit bonne ou mauvaise.[le droit criminel ne s'attache évidemment qu'à la tromperie vicieuse].
Histoire (Encyclopédie Microsoft Encarta) : La ville de Troie ne put être conquise que grâce à la ruse d’Ulysse : un groupe de guerriers grecs parvint à s’introduire dans la ville, dissimulé à l’intérieur d’un gigantesque cheval de bois que Troyens laissèrent pénétrer dans leur ville croyant qu’il s’agissait d’un présent marquant la fin des hostilités.
- Règle morale. Puisqu'elle s'oppose à la vérité et qu'elle s'apparente au mensonge, la ruse est a priori condamnée par la règle morale. On peut dire que la ruse est une forme d’intelligence qui méconnaît la morale.
Règle de St Benoît (Chap. 4 - Quels sont les instruments pour bien agir ?). N°24 : Ne pas méditer la ruse.
Caro (Problèmes de morale) : Qu'est-ce que le vol ? L'appropriation par la force ou la ruse du bien que l'on convoite.
Ahrens (Cours de droit naturel) : On ne peut pas faire avancer une cause juste par des moyens immoraux, par le mensonge, la ruse, l’astuce ou la violence.
Gousset (Théologie morale) : Les vices opposés à la prudence sont... 4° La ruse, la fourberie, la fraude, qui empruntent quelquefois les dehors de la prudence. La vraie prudence les condamne et les rejette, ne regardant comme possible, en morale, que ce qu'on peut exécuter par des moyens légitimes.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Un moine trouve un objet laissé par la terre ; pour tromper le propriétaire, il le recouvre avec des saleté ou des feuilles avec l'intention de la voler plus tard. Si le propriétaire, après l'avoir recherché, abandonne temporairement ses recherches et qu'alors le moine s'en empare, l'objet est volé à l'instant où il est enlevé du lieu où il se trouve.
Franck (La morale pour tous) : Le premier devoir de l'État envers le citoyen, c'est de le protéger dans sa personne et dans ses biens, dans sa vie et dans sa propriété... contre les violences et les ruses.
Ferri (Sociologie criminelle). On devrait interdire l’entrée aux tribunaux … aux jeunes gens et aux récidivistes qui vont y apprendre la manière de commettre les crimes avec plus de ruse et de précautions.
- Science criminelle. Assez fréquemment et très légitimement, le droit criminel assimile la ruse à la violence pour les englober toutes deux dans une même réprobation. Non sans raison, certains auteurs estiment d'ailleurs que le législateur et les juges ne répriment pas toujours la ruse avec assez de constance et de sévérité.
Corre (Les criminels) : Le véritable criminel est un ennemi caché, qui met au service de ses appétits la ruse ou la violence et les dirige contre tout ce qui appelle ses convoitises.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Toutes les manières de dérober, tous les artifices du vol, doivent être constatés, recherchés et punis par la législation et ses tribunaux. Malheureusement de tout temps la cupidité a été plus ingénieuse dans les ruses que la pénalité dans ses poursuites.
Digeste de Justinien, 47, VII, 2, 8. Ulpien : Celui qui fait violence emploie le dol. Il ne s'ensuit pas cependant que celui qui emploie le dol, par cela même exerce une violence. Ainsi le dol contient en soi la violence ; et ce qui est exécuté sans violence, mais avec une adresse trompeuse, y est également contenu.
Code pénal du Luxembourg. Art. 121bis. : Sera puni de la réclusion de cinq à dix ans, quiconque... usant de violence, ruse ou menace, ou de tout autre moyen, aura entraîné ou essayé d'entraîner une personne à l'étranger pour mettre sa vie, sa liberté ou son intégrité corporelle en danger.
Code pénal suisse. Art. 183 - 1. Celui qui … en usant de violence, de ruse ou de menace, aura enlevé une personne, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus.
- Droit positif français. Le législateur (p.ex. art. 122-6 1°, 311-4 6° ou 412-4 C.pén.) et les juges voient eux aussi dans la ruse une forme de violence, tout aussi dangereuse pour la société que cette dernière.
Paris 17 mars 1986 (Gaz.Pal. 1986 II 429) : L’Assistance publique de Paris est recevable en sa constitution de partie civile du chef de violation de domicile, dans les poursuites exercées à l’encontre de trois prévenus qui se sont introduits par ruse dans la chambre d’hôpital d’une malade.
La ruse caractérise également l'une des manœuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie.
Cass.crim. 9 mars 1983 (Gaz.Pal. 1983 II 602) : Constitue les manœuvres frauduleuses prévues par l'art. 405 C.pén. l'usage de ruses ou de machinations destinées à commander la confiance de la victime et à faire naître l'espérance du succès d'une opération commerciale.