DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre H
(Troisième partie)
HÉBERGEMENT
Cf. Dignité de la personne humaine*, Domicile*, Logement insalubre*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 50 p.50
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »
- n° 408 4°, p.249-250 (sur les conditions d'hébergement
indignes)
- n° 512, p.336 / n° 513, p.337 / n° 515, p.338 et p.341 / n°
519, p.344 (sur le droit d'ébergement)
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Société », n° I-I-123 2°, p.97
Inspirés par la notion de Dignité de la personne humaine*, les rédacteurs du Code pénal ont incriminé le fait d’abuser de la faiblesse d’une personne pour la loger dans des conditions déplorables (art. 225-14). Ce délit entre dans la catégorie des infractions continues.
Le Gunehec (Juris-classeur pénal, art. 225-13) : En
adoptant cette disposition, le législateur a principalement voulu réprimer les « marchands de sommeil » et d’autres personnes exploitant des
travailleurs immigrés en situation irrégulière.
Cass.crim. 11 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II
Chr.crim. 90) : Pour déclarer constitué le délit de soumission d'une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d'hébergement
incompatibles avec la dignité humaine, les juges d'appel constatent que le logement occupé par les époux K… contrevient aux dispositions du règlement
sanitaire départemental relatives, notamment, à la surface minimale des pièces, à la hauteur sous plafond, à l'écoulement des eaux pluviales, à
l'épaisseur et à l'isolation des murs, ainsi qu'aux normes afférentes aux installations électriques; ils retiennent que ce local, dont la superficie
totale n'excédait pas 20 m² était occupé par trois personnes, dont un enfant et une femme enceinte.
Cass.crim. 11 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 Chr.
crim. 90) : Le délit prévu par l’art. 225-14 C.pén. est une infraction continue, qui se poursuit tant que dure l’hébergement illicite; il
n’importe que l’hébergement incriminé trouve sa cause dans un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de ce texte.
Cass.crim. 29 mars 2011 (n° 09-88575 -
Gaz.Pal. 28 juillet 2011 p.18) sommaire : Des charges suffisantes d'avoir commis le délit de l'art. 225-13 C.pén. existent contre la mère de famille
qui accueille à son domicile une nièce pour s'occuper de ses enfants et qui l'emploie, sans rémunération, aux tâches ménagères alors que cette parente,
mineure de treize ans, sans titre de séjour, est présumée vulnérable.
Cass.crim.
22 juin 2016, pourvoi n° 14-80041 : En relevant, pour
déclarer M. Brahim X... et la société ABL auteur et complice du
délit de soumission de plusieurs personnes vulnérables à des
conditions d'hébergement indignes, que trois travailleurs
marocains en situation irrégulière étaient logés dans un espace
exigu, confiné et bas de plafond, n'offrant ni confort ni
intimité, et présentant une absence de ventilation ainsi qu'un
défaut de protection des câbles électriques, et, dès lors que
l'article 225-14 C.pén. ne subordonne pas la caractérisation de
l'indignité desdites conditions d'hébergement à la preuve de la
violation d'une norme d'hygiène ou de sécurité imposée par une
disposition légale ou réglementaire spéciale, la cour d'appel a
justifié sa décision de condamnation.
HÉRÉDITÉ
Cf. Biologie criminelle*, Criminel-né*.
L’hérédité consiste dans le transfert d’une génération à une autre, d’abord des caractères généraux communs aux êtres humains, ensuite des caractères propres à certains groupes ou à certains individus (en particularité de son coefficient d'intelligence). Si elle peut influer sur le comportement d’une personne, elle ne semble toutefois pas suffire à expliquer (et encore moins à justifier) que cette dernière sombre dans la délinquance. L’environnement familial, le milieu social, le type d’éducation, le niveau d’instruction sont autant d’autres facteurs qui entrent aussi en jeu.
Stelzenberger (Précis de morale chrétienne) :
L’hérédité est la somme des dispositions corporelles et psychiques transmises biologiquement. Ces dispositions déterminent les qualités de l’homme
(manière d’être) et lui donnent des tendances déterminées et des aptitudes spéciales pour l’agir. Un point de vue matérialiste extrémiste affirme que,
par ces dispositions, l’homme va au-devant d’un destin forcé auquel il ne peut échapper. Mais, dans l’agir moral, l’hérédité ne présente aucune
nécessité, mais plutôt une inclination (dispositio). Une déficience héréditaire signifie un manque, non une contrainte inévitable. On ne constate pas de
dispositions héréditaires pour des délits déterminés. L’hérédité n’est pas un sort fatal. Des aptitudes moins bonnes ne passent pas à l’activité lorsque
le milieu est favorable.
Ferri (Sociologie criminelle) : Tout homme a une
personnalité physique et psychique (tempérament et caractère) qui est foncièrement déterminée par l’hérédité physio-psychique et qui se développe ensuite
et se modifie dans le milieu.
Gassin (Criminologie) : S’il est vrai qu’il n’y a plus
aujourd’hui de criminologues qui considèrent que la délinquance est un phénomène inné, certains pensent toutefois que divers facteurs ont pour
conséquence de rendre le terrain plus fragile et d’abaisser ainsi le seuil délinquantiel de manière directe ou de rendre le sujet plus sensible aux
influences criminogènes du milieu. De là l’importance du concept de terrain en criminologie. Cette notion de terrain résume les conditions bio-psychiques
de l’activité du délinquant. Elle recouvre notamment les caractères héréditaires et innés de l’individu, ainsi que les modifications subies tout au long
de l’existence par l’organisme sous des influences physiques ou psychiques.
Proal (Le crime et la peine) : De ce que la maladie est
souvent transmise par les parents aux enfants, faut-il conclure aussi a la transmission des vices et des crimes ? Est-il vrai qu’il y a une
catégorie d’hommes prédestinés au meurtre, au vol par une fatalité physiologique inexorable résultant de l’hérédité, à côté d'une autre catégorie
d’hommes voués au bien par l’heureux hasard de la naissance ?
HÉRÉSIE
Cf. Blasphème*, Religion*, Sacrilège*.
Dans son sens premier, l'hérésie consiste à soutenir une opinion
contraire à celle de la religion de laquelle on se réclame. Si
elle est soutenue en dépit d'une mise en garde, elle devient un
péché (d'autant plus grave qu'il peut être à l'origine de
troubles graves, voire d'une guerre de religion).
Dans un sens large, l'hérésie est constituée par le fait de
soutenir une doctrine, ou tout simplement une opinion, qui va à
l'encontre de celle qui est très généralement admise : la
théorie de la génération spontanée constitue une hérésie
scientifique. Sur le plan politique on parle plutôt de
déviationnisme.
Littré.
Opinion fausse, en matière de foi, condamnée dans les formes
prescrites par l'Église.
Héribert
Jone (Théologie morale catholique) :
L'hérésie est une erreur de l'intelligence par suite de
laquelle un baptisé nie ou met en doute de manière opiniâtre une
vérité révélée par Dieu et proposée à notre foi par l'Église .
Bluntschli
(Droit public général) : Dans l'empire de Byzance et pendant
tout le moyen âge l'hérésie était punie comme un crime.
Établissements
de Saint-Louis : Si quelqu'un est soupçonné d'hérésie, la
justice laïque le doit prendre et livrer à l'Évêque, et s'il en
est convaincu, il sera condamné au feu.
Condamnation
de Galilée en 1633 : Disons, prononçons et déclarons que
toi, Galilée, t'es rendu très suspect d'hérésie, ayant soutenu
la fausse doctrine du mouvement de la terre et du repos du
soleil... En conséquence tu as encouru toutes les censures et
peines des sacrés canons, desquelles néanmoins, pourvu que dès
maintenant, avec un cœur
sincère et une foi non feinte, tu abjures, maudisse et déteste
devant nous les susdites erreurs et hérésies. [Un arrêtiste,
à la lecture de cette décision, a le sentiment que les juges ont
condamné plus le crime d'Hérésie en soi, que la théorie de
Galilée : il ne fallait pas ouvrir la voie à une remise en cause
désordonnée des enseignements de l'Église].
HÉRITIER
Cf. Action civile*, Responsabilité individuelle*.
- L’héritier d’une personne poursuivie devant la juridiction répressive n’endosse évidemment pas les sanctions pénales encourues par elle. Mais il demeure sujet à la confiscation des choses ayant servi à commettre l’infraction, ou en constituant le fruit. En outre il succède à son auteur comme défendeur à l’Action civile*, laquelle subsiste dans le cas où la juridiction répressive a déjà rendu une décision au fond.
Cass.crim. 9 décembre 1991 (Bull.crim. n° 465
p.1182) : La confiscation visant l’instrument du délit ou la chose produite par le délit, sanction non personnelle à caractère réel, survit à
l’action publique. Il en est ainsi de la confiscation des sommes résultant de paris clandestins.
Cass.crim.15 juin 1977 (Bull.crim. n° 221
p.555) : Si, aux termes de l’art. 6 C.pr.pén., l’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, il n’en est pas
de même de l’action civile en réparation du dommage. Dans le cas où celle-ci a été poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action
publique, elle survit à cette dernière lorsqu’une décision est intervenue devant la juridiction pénale avant le décès du prévenu ; il en est ainsi
en cas de survenance du décès au cours de l’instance d’appel.
- L’héritier d’une partie civile peut pour sa part, lorsqu’il y a déjà eu décision sur le fond, reprendre ouvertement l’Action civile* de la Victime* (son auteur) et solliciter toutes les réparations auxquelles elle aurait pu prétendre, soit au titre du préjudice matériel, soit au titre du préjudice moral.
Digeste de Justinien 47, X, 28. Ulpien : L'action d'injures
ne figure pas dans notre patrimoine avant l’engagement du litige en cause.
Cass.crim. 26 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I
Chr.crim. 48) : Il résulte des art. 2 et 3 C.pr.pén. que les juges ne peuvent réparer le préjudice causé à une partie civile décédée en cours de
procédure que si l’instance a été reprise par ses ayants droit. En l’espèce, après avoir constaté en cause d’appel le décès de F... et de P..., qui
s’étaient constitués parties civiles en première instance et avaient obtenu l’allocation de 26.620 F et 9.660 F à titre de dommages-intérêts mis à la
charge du prévenu, la Cour d’appel, confirmant le jugement entrepris, a maintenu lesdites dispositions. Mais en se déterminant de la sorte alors qu’il ne
résultait d’aucunes conclusions qu’à la suite de leurs décès l’instance engagée par lesdites parties civiles eût été reprise par leurs héritiers, la Cour
d’appel a méconnu les textes susvisés; d’où il suit que la cassation est encourue.
Cass.crim. 27 avril 2004 (Bull.crim. n° 96
p.373) : Si la victime d’une infraction dispose d’un droit à réparation du dommage subi qui, étant né dans son patrimoine, se transmet, à son
décès, à ses héritiers, ceux-ci ne peuvent exercer ce droit que devant la juridiction civile lorsque l’action publique n’a été mise en mouvement ni par
la victime elle-même ni par le ministère public.
HÉROÏSME (Héros)
Cf. Devoirs*, Dévouement (acte de)*, Égoïsme*, Impossibilité*, Lâcheté*, Non assistance à personne en péril*.
Voir : Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° I-103, p.145
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-409,
p.203
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 303, p.125 (note 4)
- Notion. L’héroïsme, selon Littré, consiste en une grandeur d’âme peu commune, qui pousse un homme à pratiquer pleinement une vertu en dépit de graves risques encourus.
Exemple (Le
Télégramme du 25 mars 2018) : La mort en héros de
l'officier de gendarmerie Arnaud Beltrame, tué par un
djihadiste, a suscité samedi une vive émotion en France... Le
tueur, qui était armé d'un pistolet, a été abattu par les forces
de l'ordre après une prise d'otages dans un Super U de Trèbes,
commune proche de Carcassonne. Peu après cette prise d'otage qui
avait déjà fait deux morts, Arnaud Beltrame, un
lieutenant-colonel de 45 ans, s'était livré à la place d'une
femme que l'assaillant avait prise comme
« bouclier ». Grièvement
blessé par Lakdim, il a succombé à ses blessures.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) :
L'héroïsme suscite une admiration sans réserve. Le héros, en effet, risque ce à quoi nous tenons le plus, comme le bien être, la santé, la vie,
par fidélité à des valeurs suprêmes … Il porte à son excellence la vertu de force.
Tarde (La philosophie pénale) : L’héroïsme d'un
homme (au sens où Carlyle entend ce mot) n’est le plus souvent qu’une qualité subjective, je dis socialement subjective.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La vie de
chaque homme exige un héroïsme proportionné dans sa lutte avec les circonstances et les événements malheureux de la vie ; il doit chercher à remplir
ses devoirs autant qu’il est en son pouvoir, ne fût-ce que pour se fortifier dans son pouvoir moral.
- Science criminelle. L'héroïsme relève de la seule conscience individuelle. Le législateur ne saurait exiger de tout être humain qu'il fasse preuve d'héroïsme lorsqu'il se trouve confronté à une situation d'une gravité exceptionnelle.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : L’héroïsme,
dépassant la sphère de la justice, ne peut jamais être prescrit comme un devoir.
Vitu
(Traité de droit pénal spécial) : Refus de porter secours
à personne en péril … Comme on l’a souvent noté, le
législateur n’impose pas l’héroïsme, mais il condamne
l’indifférence : seul justifiera l’abstention un risque certain,
sérieux et imminent.
Levasseur
(Cours de droit pénal spécial 1967-1968) : Le risque qui
justifie l'auteur de l'abstention, c'est le risque qui ferait
reculer un homme honnête et pondéré placé dans les mêmes
circonstances.
HIÉRARCHIE DES RÈGLES DE DROIT - Voir : Normes*.
HISTOIRE - Voir : Droit (histoire du)*.
Fustel
de Coulanges (La Cité antique) : L’histoire
n'étudie pas seulement les faits matériels et les institutions ;
son véritable objet d'étude est l'âme humaine ; elle doit
aspirer à connaître ce que cette âme a cru, a pensé, a senti aux
différents âges de la vie du genre humain.