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RECOURS EN GRÂCE
FORMÉ APRÈS LE JUGEMENT
CONDAMNANT À LA PEINE DE MORT
LE MARÉCHAL BAZAINE

 

Immédiatement après le prononcé du jugement, MM. le président et les membres du Conseil de guerre ont adressé à M. le ministre de la guerre un recours en grâce dont voici la teneur :

Monsieur le ministre,

Le conseil de guerre vient de rendre son jugement contre M. le maréchal Bazaine.

Jurés, nous avons résolu les questions qui nous étaient posées, en n’écoutant que la voix de notre conscience. Nous n’avons pas à revenir sur le long débat qui nous a éclairés. A Dieu seul nous devons compte des motifs de notre décision.

Juges, nous avons dû appliquer une loi inflexible et qui n’admet pas qu’aucune circonstance puisse atténuer un crime contre le devoir militaire.

Mais, ces circonstances que la loi nous défendait d’invoquer, en rendant notre verdict, nous avons le droit de vous les indiquer.

Nous vous rappellerons que le maréchal Bazaine a pris et exercé le commandement de l’armée du Rhin, au milieu de difficultés inouïes, qu’il n’est responsable ni du désastreux début de la campagne, ni du choix des lignes d’opérations.

Nous vous rappellerons qu’au feu, il s’est toujours retrouvé lui-même; qu’à Borny, à Gravelotte, à Noisseville, nul ne l’a surpassé en vaillance, et que le 16 août il a, par la fermeté de son attitude, maintenu le centre de sa ligne de bataille.

Considérez l’état des services de l’engagé volontaire de 1831 ; comptez les campagnes, les blessures, les actions d’éclat qui lui ont mérité le bâton de maréchal de France.

Songez à la longue détention qu’il vient de subir ; songez à ce supplice de deux mois, pendant lesquels il a entendu, chaque jour, discuter son honneur devant-lui, et vous vous unirez à nous pour prier le président de la République de ne pas laisser exécuter la sentence que nous venons de prononcer.

Recevez, monsieur le ministre, l’assurance de notre respect.

Le Président : H. D’ORLÉANS.

Les juges :

Général DE LA MOTTEROUGE.

Général baron DE CHABAUD LA TOUR.

Général J. TRIPlER.

Général PRINCETEAU.

Général RESSAYRE.

Général DE MALROY.

*

Deux jours après l’envoi de cette lettre, le Journal officiel publiait la note suivante :

« Aux termes des articles 141 et 143 du Code de justice militaire, M. le maréchal Bazaine ayant laissé passer le délai de vingt-quatre heures sans se pourvoir en révision, la condamnation qui l’a frappé est devenue irrévocable.

« Sur la proposition de M. le ministre de la guerre, M. le président de la République a commué la peine de mort prononcée contre le maréchal Bazaine en vingt années de détention, à partir de ce jour, avec dispense des formalités de la dégradation militaire, mais sous réserve de tous ses effets. »

Signe de fin