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PROCÈS-VERBAL DES DÉBATS
DE LA SÉANCE DU
TRIBUNAL CRIMINEL RÉVOLUTIONNAIRE

Extrait du procès criminel de Marie-Anne Charlotte Corday d'Armont

Nous avons actualisé l’orthographe de ces documents
pour en faciliter la lecture et d’éventuelles traductions,
mais nous avons laissé subsister les fautes et inexactitudes
résultant de la hâte dans laquelle la procédure a été conduite.

Extrait du :
Procès criminel de Marie-Anne Charlotte Corday d'Armont

 

Tribunal établi à Paris par la loi du 10 Mars 1793
et en vertu des pouvoirs à lui délégués par
la loi du 5 Avril de la même année

Du 17 juillet 1793, l’an de la république française (sic),

L’AUDITOIRE OUVERTE (sic) AU PUBLIC,

LE TRIBUNAL composé des citoyens :

Jacques-Bernard-Marie Montané, président ; Etienne Foucault, Antoine Roussillon et Jean Ardouin, juges ;

et de Antoine-Quentin Fouquier-Tinville, accusateur public ;

et de RobertVolff, commis greffier.

Marie-Anne-Charlotte Corday, âgée de vingt-cinq ans, née de..…, demeurant ordinairement à Caen, et à Paris lors de son arrestation à Paris, rue des Vieux-Augustins, hôtel de la Providence, accusée, introduite à la barre, libre et sans fers, et placée de manière qu’elle était visiblement aperçue de tous.

Les témoins produits par l’accusateur public étant entrés ainsi que les citoyens :

Chauveau et Grenier, défenseurs, etc conseils de l’accusée.

Sont entrés les citoyens Jourdeuil, Fallot, Ganney, Le Roy, Brochet, Chrétien, Godin, Thoumin, Brichet, Sion, Fualdès et Duplain, jurés de Jugement.

Le Président, en présence de tout l’auditoire, composé comme dessus a fait prêter aux dits jurés, à chacun individuellement, le serment suivant :

« Citoyen, vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY, accusée ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre délibération ; de n’écouter ni la haine, ni la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous décider d’après les charges et moyens de défenses et suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre. »

Les dits Jurés se sont placés sur leurs siéges dans l’intérieur de l’auditoire, en face de l’accusée.

Le Président, ayant dit à l’accusé qu’il (sic) pouvait s’asseoir, lui a demandé ses nom, âge, profession et demeure.

A quoi il a répondu se nommer comme ci-dessus.

Le Président a averti l’accusé d’être attentif à ce qu’il allait entendre, et il a ordonné au greffier de lire l’acte d’accusation. Le greffier a fait ladite lecture à haute et intelligible voix ; le président a dit à l’accusé : Voilà de quoi vous êtes accusé, vous allez entendre les charges qui vont être produites contre vous.

Les témoins présentés par l’Accusateur Public, et assignés à sa requête par acte de huissier du tribunal, en date du jour d’hier, s’étant retirés, le président les a fait appeler l’un après l’autre pour faire leur déposition, et dans l’ordre suivant, et avant de faire leur déposition, il leur a fait prêter le serment suivant, à chacun individuellement :

« Vous jurez et promettez de parler sans haine et sans crainte, et de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité. »

Ensuite, il a demandé aux témoins qui ont été présentés, leurs noms, demeures, professions, s’ils sont parents, amis, alliés, serviteurs ou domestiques d’aucune des parties ; si c’est de l’accusé présent devant lui, qu’il leur a fait examiner, qu’ils entendent parler, et s’ils le connaissaient avant le fait qui a donné lieu à l’accusation.

A quoi les dits témoins ont répondu comme dit est ci-dessous.

1 - Est comparu comme premier témoin de l’Accusateur Public la citoyenne Simone EVRARD, âgée de vingt-sept ans, demeurant à Paris, rue des Cordeliers, numéro trente.
Laquelle a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être sa parente, son alliée, servante, ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

2 - Michel AUBERT, courrier de Marseille, âgé de quarante ans, demeurant à Paris, rue de la Sonnerie, maison du citoyen Bail ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être son parent, son allié, serviteur, ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

3 - Laurent BAS, âgé de vingt-neuf ans, commissionnaire, demeurant à Paris, rue de la Sonnerie ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que depuis le jour de l’assassinat de Marat, et déclare n’être son parent, son allié, serviteur, ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

4 - Jeannette MARECHAL, âgée de trente-deux ans, cuisinière chez la citoyenne Évrard, chez laquelle elle demeure, rue des Cordeliers, numéro trente ;
Laquelle a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être sa parente, son alliée, servante ou domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

5 – Marie-Barbe OBLIN, femme de Dominique Pain, âgée de trente-deux ans, portière, demeurant à Paris, rue des Cordeliers, numéro trente ;
Laquelle a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être sa parente, alliée, servante ou domestique, amie, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

6 - Catherine ÉVRARD, âgée de vingt et un ans, demeurant à Paris, rue des Cordeliers, numéro trente, chez sa sœur ;
Laquelle a déclarée ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être sa parente, alliée, amie, servante, ni domestique , pas plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

7 - Joseph HÉNOQUE, âgé de vingt-sept ans, cocher de l’Administration de Police, et garçon de bureau, demeurant à Paris, rue aux Fers, numéro deux ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que depuis vendredi dernier, n’être son parent, allié, ami, serviteur, ni domestique, pas plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

8 – Marie-Louise GROSLIER, âgée de vingt-six ans, tenant l’Hôtel de la Providence, rue des Vieux-Augustins, où elle demeure ;
Laquelle déclare qu’elle connaît l’accusée depuis il y a eu mardi dernier huit jours, qu’elle est arrivée chez elle, qu’elle n’est point sa parente, alliée, amie, servante ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

9 - Louis BRUNOT, âgé de trente ans, tailleur et portier dudit Hôtel de la Providence, rue des Vieux-Augustins ;
Lequel déclare ne connaître l’accusée que du même jour, il y a mardi huit jours, où elle est arrivée audit hôtel ; qu’il n’est pas parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

10 – Pierre-François FEUILLARD, âgé de trente-cinq ans, garçon d’hôtel, rue des Vieux-Augustins, hôtel de la Providence ;
Lequel a déclaré aussi ne connaître l’accusée que depuis il y a eu mardi dernier huit jours, où elle est arrivée à l’hôtel, n’être son parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

11 – Jeanne-Marie RAVIER, femme Daubenton, marchande de vins, âgé de cinquante-sept ans, demeurant à Paris, rue des Mathurins, n° 54 ;
Laquelle déclare ne connaître l’accusée, n’être sa parente, alliée, amie, servante ni domestique, non plus que de l ‘Accusateur public, après quoi elle a fait sa déclaration.

12 - Martin CUISINIER, âgé de quarante-neuf ans, limonadier, demeurant à Paris, place du pont Saint-Michel, au coin de la rue Saint-André-des-Arts ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée, n’être son parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi a fait sa déclaration.

13 – Antoine-Clère-Michon LAFONDÉE, âgé de vingt-neuf ans, chirurgien, demeurant à Paris, rue des Cordeliers, numéro trente ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, et qu’il n’est son parent, allié, ami, serviteur ni domestique , non plus que de l’accusateur public, après quoi il a fait sa déclaration.

14 – Adrienne-Catherine LE BOURGEOIS, âgée de cinquante ans, demeurant à Paris, rue Basse-des-Ursins ;
Laquelle a déclaré ne connaître l’accusée que depuis jeudi dernier, qu’elle n’est parente, alliée, amie, servante ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

15 – Marie-Louise DUMAS, femme Fricot, âgée de vingt-cinq ans et demi, ouvrière en linge, demeurant à Paris, rue des Boucheries-Saint-Honoré ;
Laquelle a déclarée ne connaître l’accusée, n’être sa parente, alliée, amie, servante ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi elle a fait sa déclaration.

16 - Joseph BERGER, âgé de quarante-neuf ans, limonadier, demeurant à Paris, rue Saint-André-des-Arts, numéro cent deux ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être son parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

17 - Nicolas-Étienne MERGER, âgé de vingt-sept ans, sculpteur, demeurant à Paris, rue Saint-André-des-Arts, n° 12 ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que du jour de l’assassinat de Marat, n’être son parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

18 - Claude FAUCHET, âgé de quarante-huit ans, Évêque du Calvados, demeurant à Paris, rue de Chabannais, et à présent détenu à l’Abbaye Saint-Germain-des-Prez;
Lequel a déclaré ne pas connaître l’accusée, n’être son parent, allié, ami, serviteur ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public , après quoi il a fait sa déclaration.

19 – Claude-Romain LOZE DE PERRET, âgé de quarante-six ans, cultivateur et Député à la Convention, demeurant à Paris, rue Saint-Thomas-du-Louvre, numéro quarante et un ;
Lequel a déclaré ne connaître l’accusée que depuis jeudi dernier, n’être son parent, allié, ami, serviteur, ni domestique, non plus que de l’Accusateur Public, après quoi il a fait sa déclaration.

Le Président, à la fin de chaque déposition des témoins susdits, a demandé à l’accusé s’il avait à y répondre.

L’Accusateur Public, les Juges et Jurés, l’accusée et son conseil, ont fait telles observations et interpellations qu’ils ont jugés convenables.

Tous lesdits témoins, tant à charge qu’à décharge, présentés par l’Accusateur Public et par l’accusé, ayant été entendu et fini leurs dépositions

A été représenté un couteau de table avec sa gaine, dont la lame a environ cinq pouces, le manche de bois brun avec virole d’argent, à la dite Corday, qu’elle a reconnu pour être celui dont elle s’est servi pour commettre l’assassinat dudit Marat ; plus lui a été représenté un commencement de lettre, contenant six pages, et le commencement d’une septième, par elle écrite et paraphée au désir de son interrogatoire d’hier, qu’elle a reconnue pour être la même que celle qu’elle avait remise audit Accusateur Public aussi le jour d’hier . Ensuite la dite Corday a remis à l’Accusateur Public la suite de la dite lettre d’elle signée, contenant trois pages paraphées du greffier et d’elle signée à chaque page pour paraphe, adressée « au citoyen Barbaroux, député à la Convention nationale, réfugié à Rouen, rue des Carmes, Hôtel de l’Intendance » ; plus une lettre d’une page adressée à son père, datée du 16 du présent mois, les quels commencement de lettres, et la suite, sont restées à l’accusateur public pour servir au procès des complices de la dite Corday, et le couteau est resté au greffe.

L’accusateur public a été entendu, et après lui ledit Chauveau, conseil de l’ accusée.

Le président ayant fait un résumé de l’affaire, et l’ayant réduite à ses points les plus simples, et fait remarquer aux jurés tous les faits en preuves propres à fixer son attention, tant pour que contre l’accusé.

Il a rédigé, sur l’avis du Tribunal, la série des questions de fait, sur lesquelles les jurés ont eu à prononcer, et les a remises aux Jurés, arrangées dans l’ordre qu’ils doivent en délibérer, ainsi que l’acte d’accusation et autres pièces et procès-verbaux, excepté les déclarations écrites des témoins. Ce fait, les dits Jurés se sont retirés dans leur chambre, et le président a fait retirer l’accusée.

Le tribunal, composé comme dessus, est resté à l’audience pendant la délibération du Jury.

Les Jurés ayant fait avertir le Président qu’ils étaient prêts à donner leur déclaration, ils sont entrés, et chacun ayant repris sa place, le Président a appelé chacun des Jurés ci-dessus nommés l’un après l’autre par son nom, et sur les questions qui leur avait été faite et remises dans l’ordre qui est énoncé au jugement.

La déclaration du dit Juré étant faite, l’accusée a été introduite, et le Président lui a donné connaissance de la déclaration du Jury, après quoi il lui a dit :

Vous allez entendre les conclusions de l’Accusateur Public.

Ce fait, ledit Accusateur Public ayant été entendu dans ses conclusions, le Président a demandé à l’Accusée si elle n’avait rien à dire sur l’application de la Loi.

Après qu’elle a répondu que non,

Le Tribunal a opiné à haute voix, à commencer par le plus jeune des Juges jusqu’au Président, et le Président, ayant recueilli les opinions, a prononcé à ladite accusée, à haute et intelligible voix, son jugement de condamnation ; le greffier a écrit le jugement et y a inséré le texte de la Loi, lu par le Président.

Et a le Président signé le présent procès-verbal avec le greffier.

Signé : MONTANE, WOLFF, commis greffier.

Signe de fin