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UNE PROCÉDURE CRIMINELLE EN 1786

(résumé du dossier effectué par M. le professeur Levasseur)

Le 13 novembre 1786, Louis, Michel, Roch, sculpteur demeurant près de la porte St Denis, vint porter plainte devant le commissaire Dellaporte, déclarant à ce dernier qu’on s’était introduit chez lui la veille à l’aide de fausses clefs et qu’on lui avait volé un certain nombre d’effets : cravates, mouchoirs, bas de soie entre autres.

Il ne faisait aucun doute pour le sieur Roch que le coupable était un dénommé Cornu, rubanier, déjà interné à Bicêtre, et qui demeurait dans la même maison que lui.

Cette plainte fut reçue par le commissaire Dellaporte le 13 novembre 1788 à 9 heures.

Le même jour, à midi, Cornu, arrêté sur ordre du commissaire, était interrogé une première fois sur son identité et sur les faits qui lui étaient reprochés ; Cornu nia fermement le vol qu’on lui imputait. Il avoua toutefois avoir subi procès à 12 et 13 ans, étant accusé de quelques larcins ; en outre son internement à Bicêtre avait eu lieu sur ordre de sa famille, mais ne résultait pas d’une condamnation.

Corn fut ensuite fouillé ; on trouva sur lui un mouchoir à d’autres initiales que les siennes. Pour s’expliquer, le suspect déclara avoir trouvé ce mouchoir dans la Cour des Miracles.

Le lendemain, le commissaire Dellaporte perquisitionnait dans la chambre de Cornu et y trouvait une quantité importante de mouchoirs, d’effets, de crochets de fer et de rossignols. Les effets et fausses clefs furent saisis et déposés au greffe criminel pour servir de pièces à conviction.

Le 17 novembre, il était donné acte de la plainte au procureur du Roi ; ce dernier avait ainsi la possibilité de requérir dans ses conclusions l’arrestation de Cornu, qui fut écroué à la prison du Châtelet. Le procureur du Roi demandait, en outre, que Cornu « fût visité par les médecins et chirurgiens du Châtelet » et que deux experts serruriers fussent nommés « pour examiner les clefs, les crochets et rossignols saisis chez le suspect ».

Toujours le 17 novembre, le lieutenant de la Chambre criminelle prenait acte de la plainte du commissaire et rendait une ordonnance de permis d’informer ; il autorisait en outre la visite des médecins et chirurgiens du Châtelet demandée par le procureur du Roi et nommait deux serruriers en qualité d’experts.

Le 18 novembre , le commissaire Dellaporte procédait à un nouvel interrogatoire du prévenu ; le procès-verbal de cet interrogatoire nous apprend que Corn fut de nouveau interrogé sur son identité, sur les faits qu’on lui reprochait, en particulier la raison d’être du matériel saisi chez lui destiné ordinairement aux vols qualifiés « avec effraction » ou « avec fausse clef ».

Le même jour, le lieutenant de la Chambre criminelle prenait une ordonnance permettant la continuation de l’information.

Le 19 novembre, les médecins et chirurgiens du Châtelet constataient dans leur rapport que Cornu ne portait aucune flétrissure sur le corps indiquant une précédente condamnation.

Le 27 novembre, à la requête du procureur du Roi, et en exécution de l’ordonnance du lieutenant de la Chambre criminelle, le commissaire Dellaporte était nommé pour procéder à l’information de cette affaire.

Cette procédure commençait (dans le dossier étudié) par une déposition de la victime mentionnant avoir surpris le dénommé Cornu « dans différentes chambres de la maison, où il n’avait pas à aller ».

Le commissaire interrogeait ensuite de premier commis de l’inspecteur Santerre, qui avait assisté à la perquisition.

Le même jour, le procureur du Roi sollicitait du lieutenant criminel un nouvel interrogatoire du prévenu, après lequel il concluait à la continuation de l’information et au récolement des témoins. Sur ses conclusions, le lieutenant criminel rendit une ordonnance en ces termes : « Soit fait ainsi qu’il est requis ».

Le récolement des témoins et leur confrontation avec l’accusé eut lieu le 17 décembre : tous prêtèrent serment et affirmèrent avoir dit la vérité ; aucun d’entre eux ne rétracta ses précédentes déclarations.

Le 18 décembre, ce furent les deux experts maîtres-serruriers commis pour examiner les crochets saisis chez Cornu qui furent interrogés : à leur avis ces objets étaient destinés à ouvrir les portes sans effraction en permettant de soulever les loquets.

Au bas de l’information, le procureur du Roi demandait que cette pièce de procédure contenant l’interrogatoire des deux experts fût jointe au procès.

Le même jour, sur réquisitoire, le procureur du Roi concluait à la culpabilité de Cornu dans les vols d’effets commis chez le sieur Roch, tout en basant son argumentation sur le caractère suspect des crochets saisis chez Cornu « propres à se procurer l’ouverture des serrures sans effraction », puis il sollicitait de la Chambre criminelle que Cornu fût condamné à être « conduit à la chaîne pour y être attaché et servir le Roi comme forçat pendant l’espace de trois ans, préalablement flétri par l’exécuteur de la haute justice au devant de la porte du Grand Châtelet, d’un fer chaud en forme de lettres G.A.L. sur l’épaule droite ».

Le 25 décembre 1786, la Chambre criminelle du Châtelet de Paris rendait une sentence par laquelle elle reconnaissait que « le nommé Antoine Cornu était convaincu d’avoir été trouvé saisi d’effets volés ainsi que de clefs et crochets suspects dont il avait rendu compte, suspect également d’avoir commis un vol dans la chambre d’un de ses voisins » ; mais comme il était simplement suspecté, le Châtelet condamna Cornu à une peine de bannissement de 9 ans de la ville, prévôté et vicomté de Paris et en outre à une amende de trois livres envers le Roi.

Le jugement était lu le jour même à Cornu, qui déclarait « acquiescer la présente sentence ». Quant au procureur du Roi, il ne jugea pas utile de faire appel a minima de la décision rendue par les juges de la Chambre criminelle.

Signe de fin