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ARRÊT DU CONSEIL DE GUERRE
CONDAMNANT LE MARÉCHAL BAZAINE
DU CHEF DE CAPITULATION

Voir dans la rubrique "Le phénomène criminel":
Procès fait au maréchal Bazaine après la défaite de 1870

 

À huit heures cinquante-cinq minutes, le Conseil rentre en séance.

M. le président se couvre, et prononce le jugement suivant :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Ce jourd’hui, 10 décembre 1873, le 1er conseil de guerre permanent de la Ière division militaire délibérant à huis clos, le président a posé les questions suivantes :

1ère Question. Le maréchal Bazaine est-il coupable d’avoir, le 28 octobre 1870, comme commandant en chef de l’armée du Rhin, capitulé en rase campagne ?

2ème Question. Cette capitulation a-t-elle eu pour résultat de faire poser les armes aux troupes dont le maréchal Bazaine avait le commandement en chef ?

3ème Question. Le maréchal Bazaine a-t-il traité verbalement, ou par écrit, avec l’ennemi sans avoir fait préalablement tout ce que lui prescrivaient le devoir et l’honneur ?

4ème Question. Le maréchal Bazaine, mis en jugement après avis d’un conseil d’enquête, est-il coupable d’avoir, le 28 octobre 1870, capitulé avec l’ennemi, et rendu la place de Metz, dont il avait le commandement supérieur, sans avoir épuisé tous les moyens de défense dont il disposait, et sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l’honneur ?

Les voix recueillies séparément, en commençant par le juge le moins ancien en grade, le président ayant émis son opinion le dernier, le 1er conseil de guerre déclare :

Sur la 1ère question : OUI, à l’unanimité.

Sur la 2ème question : OUI, à l’unanimité.

Sur la 3ème question : OUI, à l’unanimité.

Sur la 4ème question : OUI, à l’unanimité.

Sur quoi, et attendu les conclusions prises par le Commissaire spécial du gouvernement dans ses réquisitions, le président a lu le texte de la loi, et a recueilli de nouveau les voix dans la forme indiquée ci-dessus pour l’application de la peine.

En conséquence, le Conseil, vu les dispositions des articles 210 et 209 du Code de justice militaire, ainsi conçus :

Article 210. - Tout général, tout commandant d’une troupe armée qui capitule en rase campagne est puni :

1° De la peine de mort, avec dégradation militaire, si la capitulation a eu pour résultat de faire poser les armes à sa troupe, ou si, avant de traiter verbalement ou par écrit, il n’a pas fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l’honneur;

2° De la destitution dans tous les autres cas.

Art. 209. - Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout gouverneur ou commandant qui, mis en jugement après avis d’un conseil d’enquête, est reconnu coupable d’avoir capitulé avec l’ennemi, et rendu la place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de défense dont il disposait, ,et sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l’honneur.

Condamne, à l’unanimité des voix, François-Achille BAZAINE, maréchal de France, à la peine de mort avec dégradation militaire.

Et vu l'article 138 du Code de justice militaire ainsi conçu :

« Si le condamné. est membre de l’ordre de la Légion d’honneur ou décoré de la médaille militaire, le jugement déclare, dans les cas prévus par les lois, qu’il cesse de faire partie de la Légion d’honneur ou d’être décoré de la médaille militaire. »

Le 1er conseil de guerre déclare que le maréchal Bazaine cesse de faire partie de la Légion d’honneur, et d’être décoré de la médaille militaire.

Condamne, en outre, le maréchal Bazaine aux frais de la procédure envers l’État, par application de l’article 139 du Code de justice militaire, ainsi conçu :

« Le jugement qui prononce une peine contre l’accusé le condamne aux frais envers l’État. »

Enjoint au Commissaire spécial du gouvernement de faire donner, immédiatement, en sa présence, lecture du présent jugement au condamné, devant la garde rassemblée sous les armes, et de l’avertir que la loi lui accorde vingt-quatre heures pour se pourvoir en révision.

Le Président. - La séance est levée.

Signe de fin