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EN EGYPTE PHARAONIQUE :
UNE ÉQUIPE DE PILLEURS DE TOMBES

Courts extraits de Erman et Ranke, « La civilisation égyptienne »

La façon dont l’État égyptien de la XXe dynastie exerçait son pouvoir de police, recherchait les crimes et conduisait l’nstruction contre les suspects, nous est décrite d’une manière extrêmement suggestive dans les dossiers du grand procès intervenu sous Ramsès IX (vers 1100 av. J-C.) contre la bande de voleurs qui sévissait dans la nécropole thébaine…

Des dirigeants, mis au courant d’un vol avec effraction commis dans la grande et vénérable Nécropole, dépêchèrent une commission d’enquête aux fins de constater les faits sur les lieux mêmes... Les inspecteurs parcoururent les vallées désertiques de la Nécropole et examinèrent minutieusement tout tombeau dont l’apparence semblait suspecte. L’enquête aboutit officiellement au résultat le plus rassurant, ainsi qu’il appert du procès-verbal énonçant que la plupart des tombes furent trouvées intactes, les voleurs n’ayant pas réussi à y pénétrer

Cependant, à la pyramide du roi Sekhemré Sched-taoue, fils de Ré Sebekemsaf : on a trouvé que les voleurs l’avaient ouverte avec effraction au moyen d’un travail de tailleur de pierres, à la base de la pyramide, en partant du portique d’entrée du tombeau de Nebamoun, directeur des greniers sous le roi Thoutmosis III. On trouva que le lieu de sépulture du roi son maître avait été pillé, et de même le lieu de sépulture de la reine Khasnoub, sa royale épouse ; les voleurs avaient porté la main sur eux… À la vérité, l’état des tombes était pire…

La commission envoyée sur place adressa immédiatement son rapport... Le prince de la nécropole remit au prince chef de la police les noms des voleurs présumés, que l’on fit arrêter sur l’heure. La procédure dirigée contre eux ne donna pas lieu à de grandes difficultés. Ils étaient huit voleurs ayant perpétré l’effraction du tombeau du roi Sébekemsaf ; presque tous serviteurs du temple d’Amon. Il y avait aussi parmi eux des tailleurs de pierres, et c’était évidemment ceux-ci qui avaient creusé le passage souterrain vers l’intérieur du tombeau. On procéda à leur interrogatoire, après qu’on leur eut donné la bastonnade et qu’on les eut frappés sur les pieds et les mains. Sous l’action de ce cruel traitement, ils avouèrent avoir pénétré dans la pyramide et y avoir trouvé le roi et la reine.

Alors (déclarèrent-ils), nous avons ouvert leurs cercueils et les bandelettes dans lesquelles ils étaient couchés. Nous avons trouvé la vénérable momie de ce roi… ayant au cou un long rang d’amulettes et de joyaux en or, et la tête couverte. La vénérable momie de ce roi était entièrement recouverte d’or et ses cercueils étaient revêtus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’or et d’argent et incrustés de toutes sortes de pierres précieuses magnifiques. Nous avons arraché l’or que nous trouvions sur la vénérable momie de ce dieu, ainsi que les amulettes et joyaux qui pendaient à son cou et les bandelette dans lesquelles il reposait. Nous avons trouvé la reine parée de la même façon et nous avons arraché également tout ce que nous avons découvert sur elle. Nous avons brûlé leurs bandelettes et nous avons volé aussi leur mobilier que nous avions trouvé auprès d’eux, composé de vases d’or, d’argent et de bronze. Nous avons ensuite partagé entre nous, et nous avons divisé en huit parts cet or que nous avions trouvé auprès de ces deux dieux, sur leurs momies, les amulettes, les joyaux et les bandelettes.

Grâce à ces aveux complets, les grands princes avaient obtenu tout ce qu’ils pouvaient obtenir en pareil cas, car il appartenait ensuite au roi lui-même de déterminer la peine à appliquer ; ils lui adressèrent donc les procès-verbaux de l’instruction. En attendant, les voleurs furent livrés au grand prêtre d’Amon pour être détenus dans la prison du temple d’Amon Rê roi des dieux, avec leurs complices…

Le lendemain, le vizir se transporta lui-même sur les lieux, et profita de l’occasion que lui offrait sa visite dans la nécropole pour essayer de découvrir les traces d’un autre crime... En effet, un sujet mal famé, à charge duquel le prédécesseur du vizir en fonction avait informé, trois ans auparavant, avait déposé qu’il avait pénétré dans la tombe d’Ese, l’épouse de Ramsès II et qu’il y avait volé certains objets. C’était l’ouvrier en métaux Pikhare, un homme appartenant à la lie du peuple… Cette déclaration avait éveillé le soupçon que la partie de la Nécropole où se trouvaient les sépultures des proches parents des rois (on l’appelait le lieu des beautés) avait également reçu la visite des voleurs ; et les grands princes avaient décidé de poursuivre cette affaire. Ils firent donc traîner vers la nécropole cet ouvrier en métaux, les yeux bandés…

Lorsqu’il fut arrivé, on lui rendit l’usage de ses yeux et les princes lui dirent : « Marche devant nous vers la tombe où tu as volé quelque chose, d’après tes dires ». Précédant les princes l’ouvrier en métaux se dirigea vers l’une des tombes des enfants du roi Ramsés II, dans laquelle on n’avait jamais inhumé personne et qui était ouverte, et vers l’habitation de l’ouvrier de la Nécropole Amenemone ; et il dit « Vois ce sont les deux endroits où j’ai été ». Alors les princes informèrent contre lui au moyen d’une information complète (c’est-à-dire de la bastonnade) et on trouva qu’il ne connaissait aucun endroit autre que les deux endroits désignés par lui

Nos dossiers ne rapportent pas la suite donnée par Pharaon à cette fâcheuse affaire… [mais on sait que c’était ordinairement le supplice du pal].

NB : L’association de malfaiteurs constituée pour le pillage des tombes des Pharaons était composée, non seulement de serviteur des temples (pour indiquer les lieux de sépulture), de tailleurs de pierres (pour creuser un passage) et de spécialistes en métaux (pour fondre le butin), mais également de bateliers (pour traverser le Nil).

On peut, à la lumière de cet exemple, constater combien la criminalité reste semblable à elle-même au fil des millénaires, et que rien de fondamentalement nouveau n’est donné à juger aux tribunaux répressifs.

Signe de fin