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LE PHÉNOMÈNE CRIMINEL

 

PLAN DE LA RUBRIQUE

Puce ronde verte  Les agissements criminels  Puce ronde verte

Puce ronde rouge  Crimes et procès célèbres Puce ronde rouge

Puce ronde verte  Petits cas pratiques  Puce ronde verte

Le plus grand roi justicier Français, en exorde aux textes connus aujourd’hui sous le nom d’ « Établissements de Saint-Louis » (1270), déplore d’être contraint d’avoir à définir des crimes et délits puis à édicter des peines. Mais -observe-t-il- le penchant au mal et à la fourberie est si commun dans l’espèce humaine qu’il y a toujours des hommes pour faire tort à d’autres. Même la crainte de la damnation éternelle, encourue lors du jugement dernier, ne suffit pas à réfréner certains ! Or -dit-il en substance- nous voulons que le peuple qui nous a été confié puisse vivre dans la sûreté et dans la paix, et que les uns se gardent de nuire aux autres. « Pour châtier et contenir les malfaiteurs, par la voie du droit et la rigueur de la justice, invoquant l’aide de Dieu, qui est le juge le plus droit qu’on l’on puisse trouver, nous avons ordonné ce qui suit ».

Chilpéric Ier étranglant sa femme Galswinthe

Chilpéric Ier étranglant sa femme, Galswinthe.
(source : Bibliothèque nationale)

Il est vrai que le droit criminel apparaît comme une discipline qui ne s’est développée au fil des âges qu’en raison de la violence et de la ruse qui sévissent trop souvent dans les rapports humains. Si Caïn n’avait pas tué Abel, il n’y aurait pas eu lieu de créer le mot meurtre, de dire que le meurtre est un crime, et de fulminer que le meurtre sera puni d’une peine criminelle. C’est la délinquance qui, par réaction, suscite le droit pénal ; c’est également l’imperfection des juges, hommes parmi les hommes, qui oblige le législateur à préciser les formes dans lesquelles les meurtres seront jugés.

Lors du mythique Âge d’or -nous dit Ovide- les hommes vivaient dans l’amour du vrai, du bien et du beau ; alors nulle impureté, nulle incivilité, nul crime n’était à déplorer. C’est la déchéance de l’homme qui a fait le lit des péché et du vices, de la violence et de la ruse ; c’est elle qui a contraint les dirigeants à édicter des codes répressifs.

Ce qui pouvait être observé, au Moyen-âge, l’était aussi au siècle des Lumières. Dans son célèbre discours sur « L’administration de la justice criminelle » (rapporté dans ce site), Servant commençait par se demander d’où vient la fatale nécessité qui oblige à punir des hommes ? D’où vient qu’ils ne sauraient se passer de lois criminelles ? Il semble pourtant qu’avec de bonnes lois civiles, les lois criminelles seraient inutiles. Car, enfin, dit-il- qu’est-ce qu’une bonne loi civile ? C’est la loi qui, paraissant agir de concert avec la nature, ne propose à chaque citoyen que ce qui convient à son bien-être, et ne lui défend que ce qui peut lui nuire. Comment se peut-il qu’un citoyen viole de telles lois ? Le cœur humain -poursuit-il- explique aisément cette difficulté. De bonnes lois nous procurent le bonheur dans l’état social ; mais, elles restreignent le bonheur que l’on pourrait goûter dans l’état de nature. Elles n’ordonnent rien qui ne soit convenable à notre bien-être ; mais elles prohibent une part de ce qui sied à nos plaisirs ; ce qu’elles ajoutent à la tranquillité de la vie, elles l’ôtent aux passions. De surcroît, de bonnes lois nous révoltent au premier abord par leurs prohibitions, et il faut être guidé par un esprit assez attaché à la raison pour découvrir tout ce qu’elles apportent, en échange de ce qu’elles suppriment.

L’homme d’ailleurs -continue l’orateur- ne voit, ne connaît que lui-même ; il est dominé par l’intérêt ; il nourrit en secret l’idée de laisser les lois aux autres, pour assurer sa sûreté personnelle ; et de s’en affranchir lui-même, pour son avantage propre. Le lien du respect des lois, qu’il voudrait resserrer étroitement autour d’eux, il le dénoue secrètement de lui seul.

Voilà -conclut-il- les maux qu’il faut prévenir ; voilà l’objet et le but des lois criminelles. Tout l’art de ces lois consiste à si bien régler le poids des peines, qu’excédant toujours celui des passions, il fasse pencher infailliblement le citoyen du côté du devoir.

De nos jours encore, le Traité de droit criminel le plus respecté, s’ouvre par une étude du phénomène criminel. Il observe que, depuis les premiers temps de l’Histoire, la criminalité n’a jamais cessé de se manifester dans toutes les civilisations et dans tous les lieux de la terre. Il constate que, tout au long des millénaires, les législateurs n’ont lutté contre elle que par des moyens empiriques. Il déplore l’insuffisance des études ayant pour objet le  crime et des criminels.

Comme le soulignent le légiste, le magistrat, puis les deux universitaires que nous venons de suivre, c’est le phénomène criminel qui engendre le droit criminel. Le meurtre, le viol, la diffamation, le vol, la corruption de fonctionnaires constituent autant d’agressions contre la société, et celle-ci y répond par les moyens dont elle dispose. De même que la maladie a engendré la médecine, de même la délinquance engendre le droit criminel.

Pour que la riposte des pouvoirs publics ne relève pas de la froide vengeance, qu’elle ne réponde pas à une violence stupide par une violence aveugle, il convient d’étudier sereinement le phénomène criminel, et l’élaboration du droit criminel, à la lumière des lois qui régissent l’espèce humaine. Tel est l’objet du droit naturel et de la science criminelle, que nous examinons dans la rubrique suivante.

Signe de fin