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LA SANCTION
DE LA RESPONSABILITÉ DES COMPLICES :
LES SYSTÈMES RATIONNELLEMENT POSSIBLES
par G. LEVASSEUR

« Cours de droit pénal général complémentaire »
( Les cours de droit, Paris 1960 )

Les actes accomplis par le complice sont accessoires
à ceux accomplis par l’auteur principal.
Par suite ils sont, à certains égards autonomes,
à d’autres indissolublement liés aux actes de l’auteur principal.

Cette dualité peut être envisagée de différentes manières,
entre lesquelles le législateur va choisir la plus adaptée à la
politique criminelle qu’il entend mettre en œuvre sur tel ou tel point :
choix entre la simple imputation, ou création d’un délit accessoire.

I -  LES SYSTÈMES RATIONNELLEMENT POSSIBLES

Nous allons examiner les différents systèmes qu’il est possible d’organiser, pour sanctionner la responsabilité des complices.

§ 1 -  Le système français
ou système d’emprunt absolu de criminalité

Dans ce système l’acte du complice est censé avoir la même criminalité que l’acte de l’auteur principal ; il "emprunte" la criminalité de l’acte de l’auteur principal et, dans le système français, il l’emprunte totalement En conséquence la criminalité de leurs actes respectifs étant réputée la même, le complice est exposé aux mêmes peines que l’auteur principal, sauf à apprécier si sa culpabilité personnelle doit amener à se rapprocher davantage du minimum ou du maximum desdites peines.

C’est ce qui a permis à M. Carbonnier de dire que le système français était, somme toute, un système d’emprunt de pénalités. C’est bien là, effectivement, la conséquence du système français, mais il reste à expliquer pourquoi le Code a établi cet emprunt de pénalités, et c’est là que la vieille idée d’emprunt de criminalité réapparaît, étant précisé que cette idée ne doit plus s’exprimer, comme on le fait encore trop souvent, en disant que le complice emprunte la criminalité de l’auteur principal ; en effet il n’y a pas d’emprunt de criminalité de personne à personne (idée primitive et archaïque, comme le souligne justement M. Carbonnier), mais seulement emprunt de criminalité d’acte à acte.

Le système français dit d’emprunt absolu de criminalité présente de nombreux inconvénients : il aboutit, parfois, à une impunité scandaleuse, et parfois aussi à une sévérité excessive.

1° - À une impunité scandaleuse : nous avons déjà eu l’occasion de signaler que, lorsque l’auteur principal n’exécute pas finalement l’infraction envisagée, les complices échappent totalement à toute répression, alors qu’ils sont cependant incontestablement des individus fort dangereux et que rien ne justifie leur impunité.

De même lorsqu’il y a eu tentative, et que cette tentative n’est pas punissable, soit que la loi n’ait pas incriminé la tentative de ce délit, soit qu’il y ait eu un désistement volontaire de l’auteur principal, les complices, qui n’ont pourtant aucune raison personnelle de mériter ce traitement de faveur, échappent là encore à toute pénalité.

De même, la prescription dont bénéficie l’auteur principal bénéficie également aux complices ; et c’est précisément pour permettre de poursuivre le receleur, alors que la prescription était acquise à l’auteur du vol, que la loi de 1915 a fait du recel un délit distinct et continu.

2° - Mais si le système conduit ainsi, souvent, à une impunité scandaleuse, il aboutit, dans d’autres cas, à une sévérité excessive parce que le châtiment auquel le complice se trouve exposé est souvent disproportionné au caractère purement accessoire des agissements qu’on peut lui reprocher et qui ont facilité l’infraction sans peut-être, d’ailleurs, déterminer cette infraction.

Certes, rien n’oblige le juge à se rapprocher du maximum auquel le complice est exposé ; il peut s’en tenir au minimum et même, en accordant au complice les circonstances atténuantes, il peut descendre au-dessous de ce minimum. Mais si les pénalités dont le complice est menacé nous apparaissent particulièrement choquantes, c’est surtout parce que la façon dont la jurisprudence applique le système français expose le complice à des peines qui sont souvent absolument imprévues pour lui et qui tiennent au fait que les actes de l’auteur principal ont été accomplis dans des conditions qui n’étaient nullement voulues par le complice et qui peut-être même, n’avaient été nullement prévues par le complice. C’est là où il y a, dans la sévérité de ces peines, quelque chose de choquant.

Malgré ces inconvénients, c’est cependant le système français - dépouillé à vrai dire de ses outrances jurisprudentielles - qui a été proposé par la Commission pour l’Unification du Droit pénal, dans sa session de Varsovie, en 1927.

§ 2 -  Le système de l’emprunt relatif de criminalité

Un autre système, appliqué dans de nombreux pays étrangers – car le système de l’emprunt absolu est à peu près propre à la France - est celui dit de l’emprunt relatif de criminalité : la sanction infligée au complice s’inspire également de la sanction encourue par l’auteur principal, parce que l’acte du complice a un rapport avec l’acte de l’auteur principal, mais on considère ici que l’acte du complice n’est que secondaire, accessoire par rapport à celui de l’auteur et, de ce fait, on estime, contrairement au système français, que la criminalité de l’acte du complice est moindre. Par suite, la sanction dont le complice sera menacé sera moins élevée, et la solution que donne en général cette législation (belge, luxembourgeoise, suisse, etc.), c’est de ne frapper le complice que d’une peine inférieure d’un degré à celle qui frappe l’auteur principal, notamment lorsqu’il s’agit de peines criminelles.

Ce système a des inconvénients assez graves, lui aussi ; il pose en principe que le complice n’a eu qu’un rôle accessoire et secondaire. Or, certains actes constitutifs de complicité d’après la conception française (c’est-à-dire des actes qui n’ont fait que faciliter l’infraction sans la réaliser) ont pu, en réalité, jouer un rôle déterminant, l’auteur n’ayant eu, de son côté, qu’un rôle accessoire dans la conception et l’organisation de l’infraction.

Ces législations étrangères le sentent d’ailleurs fort bien puisqu’elles sont amenées, dans les cas précisément où le complice paraît avoir joué un rôle déterminant, à le considérer comme un auteur. C’est en effet dans ces législations que l’on trouve incriminé, comme auteur de l’infraction, celui qui ne l’a pas réalisée de ses propres mains, mais qui est à l’origine de l’infraction, notamment le provocateur, celui qui a donné des ordres, etc. L’auteur intellectuel, ou auteur moral, de 1’infraction est mis sur le même pied, par ces législations étrangères, que l’auteur matériel et véritable. L’instigateur, que nous considérons comme un complice, est considéré par ces législations étrangères, du fait que son rôle a été déterminant, comme un auteur principal.

§ 3 -  Le système de la coaction
et de la participation criminelle

Troisième système, celui de la coaction  : quels que soient les agissements que les différents participants aient accomplis, ils ont tous agi ; leur participation est englobée dans un ensemble auquel ils sont tous indissolublement attachés ; tous, par conséquent, doivent être exposés à la même peine, et même à une peine renforcée du fait de leur pluralité.

C’est un système auquel le droit français a fait une certaine place avec l’institution de la circonstance aggravante de réunion, mais celle-ci n’est pas générale et concerne seulement certaines infractions.

§ 4 -  Le système de la complicité délit distinct

Quatrième système, le système de la complicité délit distinct  : puisque les éléments de l’incrimination du complice ne sont finalement pas les mêmes que ceux de l’incrimination de l’auteur principal, qu’il y a un élément matériel et un élément moral qui lui sont incontestablement propres et que, dans l’élément légal, il y a une partie propre au complice, il n’y a pas lieu d’assimiler les infractions du complice à celles l’auteur principal, et ce n’est pas souhaitable.

Le système français de la complicité aboutit, en effet, comme on l’a dit, à faire supporter de façon particulièrement brutale à quelqu’un la responsabilité des agissements d’autrui, alors qu’en toute justice chacun ne devrait supporter que la responsabilité de ses propres agissements. Il serait donc préférable de faire des actes du complice une infraction distincte.

1° - Le législateur français s’est d’ailleurs orienté dans ce sens avec la loi du 22 mai 1915, lorsqu’il a cessé de considérer le recel comme un cas de complicité et qu’il en a fait une infraction distincte de celle qui. a procuré les objets. De même, certaines complicités par provocation ont été considérées comme des délits distincts et exposent leur auteur à une répression, alors même que la provocation n’a pas eu d’effet, que personne n’a commis l’infraction suggérée.

On peut également signaler, comme manifestation de la même tendance, la création de ce que nous avons appelé ailleurs des "ouvrages avancés", c’est-à-dire des incriminations qui visent à arrêter le délinquant sur le chemin de l’infraction qu’il a l’intention de commettre, à faire intervenir la répression avant même qu’il ne soit passé à des actes que le législateur considère comme particulièrement anti-sociaux.

C’est là, en effet un travail de prévention que peut réaliser le législateur en établissant l’incrimination à partir des premières manifestations de la volonté criminelle de l’agent. Il est certain, par exemple, que si l’on veut éviter des empoisonnements, le mieux est de ne pas attendre que l’empoisonnement soit réalisé ou même tenté, mais de réglementer la vente des substances qui peuvent permettre d’arriver à un empoisonnement, de ne permettre par exemple de se procurer du poison qu’après avoir donné au vendeur son identité, ce qui enlèvera à celui qui pense commettre cet empoisonnent l’espoir, s’il réalise son projet, de pouvoir échapper à la répression. Celui qui fournira le poison sans respecter cette réglementation tombera sous le coup de la loi, même si, finalement, il n’y a même pas tentative d’empoisonnement.

Ainsi, nous le voyons par plusieurs manifestations de notre droit, le législateur s’est rendu compte des avantages que présentait le système du délit distinct pour parer à certains des inconvénients les plus graves du système français.

2° - Ce système de la complicité - délit distinct a été beaucoup préconisé par la doctrine depuis le début du XXe siècle, mais il présente lui aussi certains inconvénients.

Ce système risque de faire oublier le lien qui existe entre les actes respectifs des différents participants. Certes, chacun ne doit porter que la responsabilité de ses propres actes, mais, dans cette appréciation de la responsabilité respective, il faut tenir compte du lien qui existe avec les agissements d’autrui ; ce lien est une réalité matérielle et une réalité criminologique. Il faut donc qu’il emporte certaines conséquences juridiques dans l’organisation de la répression, et il faut tenir compte de ce lien dans l’appréciation que l’on va porter sur la responsabilité personnelle du complice. En effet, du fait qu’il a agi en liaison avec quelqu’un d’autre, on dira, si l’on se place à un point de vue objectif, que son acte est véritablement plus criminel que s’il l’avait commis seul, et si l’on se place à un point de vue subjectif, on dira qu’il est plus coupable que s’il avait agi seul : sa faute est plus grave.

Il est indispensable de tenir compte de ce lien ; le législateur l’a bien senti et il a montré qu’il était parfaitement possible d’en tenir compte lorsqu’il a créé le recel délit distinct ; dans les articles 460 et suivants du Code pénal [ancien], il a prévu que la peine de ce délit distinct restera dans une certaine relation avec la peine frappant l’auteur de l’infraction principale. Il y a une certaine influence de la gravité de l’acte de l’auteur principal sur la peine du complice ; c’est juste, à la condition cependant que le recéleur ait connu – et dans la mesure où le recéleur a connu - les circonstances dans lesquelles les objets avaient été acquis.

Tels sont les quatre systèmes fondamentaux qu’on a l’habitude d’examiner lorsque l’on pose, "de lege ferenda", le problème de la sanction à apporter à la complicité.

Sur ce sujet, des idées extrêmement neuves ont été apportées par M. Carbonnier, et c’est à l’exposé des observations qu’il a développées que nous en arrivons maintenant ; ce qui va compléter l’exposé des quatre systèmes précédents (Cf. son article, Semaine juridique, 1952.1 1034).

§ 5 -  Les observations de M. Carbonnier

M. Carbonnier commence par faire remarquer que le Code pénal n’a jamais dit qu’ il organisait un emprunt de criminalité et, effectivement, on ne trouve cette expression nulle part dans le Code ; ce sont là des idées simplement traditionnelles.

On constate, dit M. Carbonnier, que ce qu’il établit, c’est en réalité un emprunt de pénalités ; telle est bien, en effet, la conséquence à laquelle aboutit le système français. L’emprunt de la criminalité de l’auteur par le complice, c’est - nous dit M. Carbonnier avec juste raison - une idée métaphysique, de métaphysique primitive, ou bien alors, persistant à l’époque moderne, cela peut s’expliquer, dit-il, par un vestige de la théorie de l’équivalence des conditions dans la causalité de l’infraction. Effectivement, l’acte du complice ayant joué un rôle, ayant existé sur le chemin qui mène à l’infraction, fait partie de tous ces faits, de tous ces éléments qui ont concouru à la réalisation de l’infraction. Si on pose, en principe, comme on le fait dans la théorie en question, que toutes les conditions qui ont mené à un résultat doivent être considérées comme équivalentes, alors il est logique de punir le complice comme l’auteur principal.

A vrai dire, le raisonnement de M. Carbonnier sur ces deux points paraît se heurter à certaines objections.

Sur le premier point, on peut objecter rem l’idée d’emprunt de la criminalité de l’auteur principal par le complice, serait certes une survivance choquante d’une conception métaphysique archaïque dont il y a des exemples dans les civilisations primitives, mais qu’il ne faut pas tout de même prêter aux auteurs du Code pénal, ni cette naïveté, ni cette inconscience ; les auteurs du Code pénal ont, en réalité, procédé à une assimilation de la criminalité des agissements et non pas à une assimilation des criminels.

Sur le second point, nous ne sommes pas sûr s’agisse là d’un vestige de la théorie de .l’équivalence des conditions, car, dans notre système français, il est possible que l’acte du complice n’ait eu aucune influence sur l’infraction, que l’auteur principal ne se soit pas servi des indications qu’il avait reçues ; il n’est pas nécessaire que ces indications aient été utilisées par l’auteur principal pour que le complice soit punissable. Par conséquent, dans des cas où, d’après la théorie de l’équivalence des conditions, on pourrait écarter cet acte du complice, le système de répression de la complicité le fait entrer en ligne de compte et expose le complice à la répression.

Mais, nous fait remarquer M Carbonnier – et sur ce point nous sommes entièrement d’accord avec lui – le système du Code pénal est simplement un moyen de fixer la peine encourue par le complice, de la fixer par référence.

Il arrive assez fréquemment que le législateur, lorsqu’il adopte une incrimination nouvelle au lieu d’en fixer directement la pénalité, l’établisse par référence à un autre texte. C’est un procédé extrêmement critiquable d’ailleurs. Ici, c’est ce qu’a fait le législateur, sous une forme un peu différente : il a considéré le complice en lui-même, il a considéré ses agissements en eux-mêmes, mais il a fixé la peine de ces agissements par référence à quelque chose d’autre, à un autre texte : celui qui punit l’auteur principal. C’est ce que M. Carbonnier appelle "une référence typologique". Nous sommes entièrement d’accord avec lui sur ce point : on peut analyser le système français comme un système de pénalités par référence pour les agissement du complice.

Seulement M. Carbonnier n’explique pas, à notre avis, la raison pour laquelle on a choisi cette référence plutôt qu’une autre, et c’est là que l’idée de criminalité d’emprunt paraît irréductible : elle seule permet d’expliquer la référence que le législateur utilise. Pourquoi fixe-t-il la pénalité par référence à celle encourue par l’auteur principal ? C’est parce qu’il considère que les actes du complice sont aussi criminels que ceux de l’auteur principal. L’idée d’emprunt de criminalité, à condition d’être sainement entendue conserve donc, à notre avis, un sens et une utilité que M. Carbonnier ne paraît plus lui reconnaître.

Pour M. Carbonnier, la complicité doit, dans ces conditions, constituer un délit distinct, comme le préconise la doctrine moderne, mais ce délit doit être un délit conditionné, c’est-à-dire un délit « pour lequel le déclenchement de la répression est subordonné à la constatation préalable de la criminalité d’un autre acte ». Ici, M. Carbonnier en vient donc à cette idée de criminalité de l’acte, à laquelle, à notre sens, il faut se tenir.

Nous sommes entièrement d’accord avec cette proposition ; nous avons parlé de l’élément légal de l’incrimination du complice, nous avons dit qu’il incluait l’incrimination d’un autre acte que celui de l’auteur principal. Donc l’incrimination du complice a ses éléments propres avec, en plus, l’élément légal de l’acte de l’acte de l’auteur principal.

Retenons, là encore, la formule de M. Carbonnier : « Le délit d’autrui s’incorpore à la définition du délit de complicité, comme le contrat violé entre dans la formule de l’abus de confiance ».

Mais M. Carbonnier tire de cette comparaison des conséquences originales et importantes. En effet, dans l’infraction de l’abus de confiance, il importe peu, d’après la jurisprudence, que le contrat dont il s’agit soit nul d’après les règles du droit civil.

Il en est d’ailleurs de même en matière d’émission de chèque sans provision, la jurisprudence applique les peines de l’émission de chèque sans provision même si, d’après les règles du droit commercial, on ne peut pas véritablement qualifier "chèque" l’écrit dont il s’agit, car une condition de fond ou de forme fait défaut ; il suffit que l’écrit en question ait été émis et reçu comme un chèque par les deux parties.

Exploitant alors les rapprochements dont nous venons de parler, M. Carbonnier se demande s’il est besoin que l’action délictueuse externe de l’auteur principal réunisse elle-même tous les éléments constitutifs d’un délit légalement punissable ? Contrairement à l’opinion reçue jusqu’à présent, il répond très nettement par la négative et présente à ce propos un raisonnement extrêmement habile : «  En exigeant que l’action soit qualifiée crime ou délit, l’article 60 ne veut pas dire qu’elle doit remplir toutes les conditions requises pour être positivement punissable, préoccupation étrangère à la théorie de la qualification, il se borne à demander qu’elle réalise en elle la description légale d’une infraction ... ».

M. Carbonnier a raison sur ce point. La considération de l’existence éventuelle d’une cause de non-imputabilité, par exemple, est complètement étrangère à la théorie de la qualification. La qualification ne va s’occuper que des éléments matériels et de l’élément légal de l’infraction, et assez peu des éléments psychologiques ; elle n’a pas à tenir compte des causes subjectives d’impunité. L’article 60 se borne à demander que l’action réalise en elle la description légale d’une infraction, dit M. Carbonnier, et il tire les conséquences de ce qu’il vient d’exposer : du moment que les agissements de l’auteur principal réalisent cette description légale de l’infraction qui ne doit s’en tenir qu’aux éléments matériel et légal, on doit pouvoir poursuivre le complice du fils qui a commis un vol au détriment de son père, car cela apparaît comme un acte qui ressemble suffisamment, extérieurement, à un vol., De même, en cas de prescription ou en cas d’amnistie, M. Carbonnier étend même cette solution au cas où les agissements de l’auteur principal constituent seulement des actes préparatoires. « Disons plus, au risque d’étonner : le délit de complicité peut être constitué alors même que l’action principale, tout en ayant matériellement et moralement figure déjà reconnaissable de délit ne serait pas juridiquement assez caractérisée, serait juridiquement trop lointaine pour être saisie par le droit pénal... ». Cette ébauche présenterait déjà un caractère suffisamment net pour que la référence typologique puisse jouer et pour que les agissements du complice puissent être réprimés. On voit l’utilité que présenterait l’application d’une telle théorie dans certaines espèces, telles que l’affaire Lacour.

Il en serait ainsi non seulement dans le cas où l’action de l’auteur principal s’est bornée à l’accomplissement d’actes préparatoires, mais également dans d’autres hypothèses où l’action publique est paralysée à son égard malgré le caractère antisocial évident de son acte, par exemple en cas de délit commis à 1’étranger, et même, selon M. Carbonnier, en cas de suicide. « Que des faits de provocation, d’aide ou d’assistance viennent servir cet élément délictueux, et l’ensemble formera un délit de complicité punissable ».

Telles sont les observations de M. Carbonnier ; elles seraient susceptibles certainement d’aiguiller la jurisprudence dans des voies utiles. Lui-même conclut ce bref article en indiquant qu’il ambitionne seulement « d’indiquer quelques directions possibles à un mouvement souhaitable ». Nous croyons, en effet, que ces idées gagneraient à être méditées et à être mises en pratique ; mais cela, il ne faut pas se le dissimuler, heurterait de façon particulièrement brutale les habitudes séculaires de notre jurisprudence en la matière, comme noues allons pouvoir le constater maintenant.

II -  L’APPLICATION JURISPRUDENTIELLE DU SYSTÈME FRANÇAIS

On peut la résumer en trois propositions :

1°-  Le complice encourt les mêmes peines maxima que l’auteur principal.

2°-  Il subit l’incidence de certaines causes d’aggravation, d’atténuation ou d’exemption existant à l’endroit de l’auteur principal.

3°-  Enfin, le complice garde sa culpabilité propre.

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Signe de fin