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APERÇU DE L'HISTOIRE
DE L'ANCIEN DROIT PÉNAL FRANÇAIS

 

L’histoire du droit pénal français, au sens strict, s’étend sur plus de treize siècles.  

Elle couvre d’abord le Moyen-âge, qui commence après la victoire des Champs catalauniques, remportée en 451 sur les Huns par Aetius (dernière guerre victorieuse menée sous la direction d’un général romain), et qui s’achève en 1453 avec la fin de la guerre de Cent ans et la prise de Constantinople par les Turcs. Elle comprend en outre le droit de l’Âge classique, qui s’étend jusqu’à la Révolution de 1789.

Particulièrement longue et riche en péripéties, cette ère de notre histoire apparaît en pratique fort délicate à étudier.

Piliers de justice du château de Kerjean

Piliers de justice du château de Kerjean
Photographie J-P Doucet

Les principales difficultés viennent du fait qu’il faut tenir compte des régions et des époques, des avancées et des reculs, mais aussi des personnes en cause. Le cas de la « Charte d’Andelys » (1), par laquelle Richard Cœur-de-Lion échangeait avec l’archevêque de Rouen la région de Louviers contre celle des Andelys afin d’y construire le Château Gaillard, est à cet égard révélateur : l’Archevêque de Rouen n’obtint expressément le droit de Haute justice à Louviers que le jour où son successeur dut avoir recours à lui pour recevoir la consécration de l’Église.

De surcroît, les régions les plus anciennement romanisées furent moins touchées que d’autres : on a longtemps distingué entre les pays de droit écrit (langue d’oc) et les pays de droit coutumier (langue d’oïl). Dans un ouvrage récent (Introduction historique au droit), le professeur Carbasse souligne à juste titre : « l’extrême complexité de l’histoire juridique de l’ancienne Europe ».

Enfin il ne faut pas voir dans les invasions germaniques, qui marquèrent la fin de l’Empire romain, une succession d’irruptions violentes et dévastatrices, mais plutôt une installation parfois sollicitée (contingents germaniques appelés à renforcer l’armée romaine) parfois acceptée bon gré mal gré (faute de pouvoir être efficacement combattue).

Suivant une règle fondamentale de l’instruction judiciaire, si l’on veut examiner des faits indivisibles en limitant le risque de les déformer, il convient de les étudier dans leur ensemble et de les replacer dans leur contexte de temps et de lieu. C’est pourquoi nous commencerons par évoquer la situation en Gaule à la veille de ces grandes invasions, puis les conséquences de celles-ci.

A) LA SITUATION À VEILLE DES INVASIONS

Le Droit romain, devenu le droit commun de la Gaule à la suite de sa conquête par Jules César, est remarquable du fait que la science juridique a toujours été considérée à Rome comme la plus importante des sciences humaines. Aussi y a-t-elle été approfondie plus qu’en aucun autre pays au monde dans l’histoire (Chine impériale mise à part) ; et ce, aussi bien du point de vue du fond, que du point de vue des règles de procédure.

a) Les règles de fond

À l’époque classique, qui va de l’époque de Cicéron jusqu’au IIe siècle, on relève peu de lois qui aient été votées par les assemblées populaires, mais on note en revanche une grande activité des « jurisconsultes » (2) (Papinien (3), Paul, Ulpien, Modestin, Gaïus) attachés la création d’un Droit rationnel, le Jus. Prenant le relais de la philosophie grecque, en particulier des stoïciens, et l’améliorant par une technique juridique très fine, ces juristes s’appuient sur une distinction fondamentale opposant le droit naturel, fondé en raison sur la morale (4), au droit positif, édicté par le personnel politique. Son importance a été récemment rappelée par l’écrivain Soljenitsyne : « Une société qui ne possède qu’une balance juridique [le droit étatique] n’est pas digne de l’homme ».

Le Bas Empire, qui s’étend du IIIe siècle à la fin de l’Empire, est marqué par une crise du système juridique, qui se traduit notamment par la prolifération d’édits impériaux. Les Lois (leges) l’emportent alors sur le Droit (jus). Dans les derniers temps de l’Empire romain, les Empereurs d’Occident tentèrent de mettre un peu d’ordre avec la mise en chantier de compilations telles que le Code théodosien (5) ; mais ce fut en vain. L’Empire d’Orient fut mieux loti grâce à la rédaction et à la publication du « Digeste » (en grec « Pandectes ») de Justinien, qui transmit à la postérité l’essentiel de l’enseignement des grands Jurisconsultes (6).

b) Les règles de procédure

À l’époque classique, la procédure s’appuie sur des « actions » (action d’injure p.ex.), qui doivent être intentées dans des formes précises ; la méconnaissance de ces formes entraîne la perte du procès. C’est le règne des avocats, qui multiplient les moyens dilatoires tout au long de l’instruction, et qui, le jour du jugement, jouent sur les sentiments plus que sur la raison des juges comme du public (7).

Au Bas Empire les magistrats, qui représentent l’Empereur, sont spécialement chargés d’assurer la paix publique ; ils bénéficient à cette fin de pouvoirs accrus  (8). La procédure accusatoire, où le tribunal est un simple arbitre, est concurrencée par la procédure inquisitoire, où un magistrat participe activement à la recherche de la vérité (9).

B) LES CONSÉQUENCES DES INVASIONS

Les invasions germaniques entraînent, d’une part la disparition du pouvoir central, d’autre part le partage partiel des terres détenues par les grands propriétaires gallo-romains, au profit des chefs des peuples germaniques. Il en résulte une dissolution des pouvoirs régaliens (10) (droit d’entretenir une armée, droit de lever des impôts, droit de battre monnaie, droit de rendre la justice, droit de grâce…) ; pouvoirs qui se rattachent désormais à la propriété des terres  (11).

L’administration de la justice se trouve atteinte à un double point de vue :

- D’abord entrent en concurrence plusieurs législations : celle des gallo-romains (souvent simplement désignés comme « les  romains »), d’une part, celles de chacun des  peuples entrés en Gaule, d’autre part.

- Par ailleurs chaque haut personnage qui régit une terre possède ses propres tribunaux ; cela est vrai qu’il s’agisse, soit d’un seigneur temporel, soit d’un prélat ecclésiastique.

Il conviendra dès lors de se tourner, d’abord vers les lois de fond, ensuite vers les diverses juridictions et leur fonctionnement.

I -  LES LOIS

Les événements se déroulent en deux temps : d’abord la mise en place de lois concurrentes ; ensuite un long cheminement vers la réalisation d’un Droit commun.

A – LA PROLIFÉRATION DES LOIS

Chaque peuple s’installe en Gaule avec ses traditions, ses mœurs, ses coutumes, qui viennent concurrencer la loi locale. L’anecdote du Vase de Soissons, rapportée par Grégoire de Tours, illustre la différence : quoique Roi, Clovis ne peut obtenir que le vase sacré volé dans une église, et réclamé par l’évêque Rémy, soit placé hors du butin afin de lui être restitué ; mais en sa qualité de chef de guerre, il peut exécuter sommairement un guerrier dont les armes sont mal entretenues.

Encore ces différences ont-elles été quelque peu tempérées par le fait que les chefs germaniques ont eu la sagesse politique de se convertir officiellement au christianisme avec leurs peuples. Clovis et Saint-Rémy ont ainsi pu collaborer à la pacification des esprits ; les missi dominici de Charlemagne étaient généralement soit un duc et un évêque, soit un comte et un abbé. Ainsi le conflit des lois temporelles n’a pas été aggravé par un conflit de lois spirituelles (si l’on excepte l’Arianisme adopté par les premiers arrivés, Wisigoths et Burgondes, hérésie qui compliqua un temps l’échiquier politique).

a) Les lois applicables

1°- La loi applicable aux Gallo-romains. Au Bas-empire la législation romaine est sans doute trop abondante, mais elle est surtout trop savante pour les nouveaux arrivants. C’est pourquoi les chefs germains qui se sont taillé un royaume dans l’ancien empire romain d’occident, Wisigoths (sud-ouest de la France), Burgondes (région Saône-Rhône), Francs saliens (centre) et Francs ripuaires (nord), ne vont en retenir qu’une partie très simplifiée, qui exclut notamment les commentaires des Jurisconsultes (le Jus – le Droit au sens noble) (12). Pour eux – et ce n’est d’ailleurs pas stupide – le meilleur Code est le plus court et le plus simple .

C’est pourquoi le Code théodosien de 438, dû aux Empereurs Théodose II et Valentinien III, fut élagué, voire dénaturé, par des textes tels que le « Bréviaire d’Alaric » chez les Wisigoths (506) (13). Chez les Burgondes, c’est le recueil connu sous le nom de « Papiani Responsum » ou « Papien », rédigé sous Sigismond (vers 510), qui fut applicable aux gallo-romains ; tandis que les Burgondes eux-mêmes étaient soumis à leur propre loi.

2°- La loi applicable aux peuples germaniques. Pour suivre l’exemple romain, les chefs germaniques couchent par écrit les règles de leurs peuples. Les préambules de ces textes manifestent d’ailleurs leur volonté de perpétuer l’Empire romain, qu’ils continuent de considérer comme le modèle à suivre (le Saint Empire Romain Germanique a été fondé par Otton le grand en 962).

Parmi ces textes on peut citer : pour les Burgondes, la Loi Gombette (501) (14) ; pour les Francs saliens, la Loi salique (511 puis 798) (15) ; pour les Francs ripuaires, la Loi ripuaire (dont la dernière rédaction est due au Roi Dagobert).

À l’exception de la législation bourguignonne  (16), ces lois créent une inégalité entre la nouvelle population et l’ancienne ; inégalité qui peut se traduire en chiffres du fait que la loi franque a pour point de départ une sanction pécuniaire, dite « composition ». Un Franc salien y est estimé au double d’un Romain ; par exemple si un Romain dévalise un Franc, l’amende est de 2.500 deniers ; mais si un Franc dévalise un Romain, l’amende n’est que de 1.200 deniers (17).

b) Le régime

Chaque groupe de personnes vit selon sa propre loi. Au début d’un procès, le juge doit donc demander à chacune des parties : « Sous quelle loi vis-tu ? »  (18). On peut ainsi lire dans la Loi salique : « Si quelqu’un, vivant sous la loi salique, trouve entre les mains d’un autre … une chose lui appartenant, il devra commencer par faire remettre l’objet volé en mains tierces ».

Si les deux parties appartiennent au même groupe, le juge leur applique leur loi commune ; à supposer qu’il la connaisse, ce qui n’est pas toujours le cas.

Si au contraire les plaideurs appartiennent à des groupes différents, il y a conflit de lois. Cette situation engendre des difficultés juridiques fort délicates à résoudre, et qui nous emmèneraient trop loin : Loi de l’agresseur, ou loi de la victime ? Mais il existe une solution neutre : appliquer la loi du lieu où le contrat a été conclu, la loi du lieu où le délit a été  commis.

Au départ, un juge wisigoth, burgonde ou franc privilégiait bien sûr sa propre loi ; mais progressivement, dans chaque région, une jurisprudence commune s’est forgée. Au principe de la personnalité des lois a succédé le principe de la territorialité des lois ; c’est ce qui a permis la rédaction des différentes coutumes.

On peut observer que les juristes de la Chine impériale ont eu à résoudre les mêmes problèmes entre chinois et commerçants étrangers : coréens au nord, arabes au sud. Ils ont souvent retenu les mêmes solutions (19).

B -  LE LENT RETOUR à L’UNITÉ

Aussi étrange que cela puisse paraître, quoique au fil des siècles l’autorité du pouvoir royal se soit affirmée avec plus de vigueur et couvre un territoire de plus en plus vaste, son rôle dans l’unification des règles de fond demeure limité. En effet, le mode de vie est considéré comme relevant du domaine propre à chaque peuple ; d’où la persistance de coutumes régionales jusqu’à la fin de l’Ancien régime.

Avec sympathie, Poullain du Parc relève en 1767 que « les différentes coutumes ont pour fondement le génie propre de chaque nation ». Il répond ainsi à l’observation de Pascal « Plaisante justice qu’une rivière ou une montagne borne ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».

L’unification du droit ne se conçoit que par le dépassement du droit positif et le recours au droit naturel, dans la mesure où celui-ci peut être dégagé et mis en œuvre en l’état de la civilisation.

Curieusement, le rôle de l’État demeure limité même en matière pénale (dans son monumental Traité de droit édité à la fin de l’Ancien régime, Pothier n’étudie pas les différents crimes et délits). Mis à part les règlements de police, visant notamment la sécurité publique ou l’organisation du commerce et de l’industrie, seuls quelques crimes majeurs, tels le duel ou l’empoisonnement, donnent lieu à une ordonnance royale (20).

a) La rédaction des coutumes

L’unification du droit a commencé par la rédaction des différentes Coutumes (21) ; en effet, du moment où une coutume est écrite, elle a tendance à se figer et elle ne peut plus guère évoluer que sous l’effet de normes supérieures. Cette rédaction s’est généralement faite en deux temps : une ébauche vers le XIIIe siècle, puis une rédaction définitive, dans un cadre officiel, aux XVe et XVIe siècles (22). Parmi les Coutumes les plus connues on peut citer celles de Paris, d’Orléans, de Normandie et de Bretagne.

Arrêtons-nous à la Coutume de Bretagne (23). Elle a donné lieu à une première rédaction vers l’an 1330 (on parle à son sujet de la « Très ancienne coutume »), qui a été commentée par de grands auteurs ; notamment par Bertrand d’Argentré, né à Vitré, et par Charles Dumoulin, né à Paris (fort savant, mais vaniteux au point de signer ses consultations en ces termes : « Moi qui ne le cède en rien à personne, et à qui personne ne peut rien apprendre »).

La dernière rédaction eut lieu entre 1539 et 1580. Par bienséance et respect des formes, les États de Bretagne demandèrent au Roi « de leur accorder la permission de nommer des commissaires à cette fin » ; ce qui leur fut bien sûr octroyé par Lettres patentes. Cette nouvelle mouture de la Coutume reprit les usages anciens (24) et introduisit ceux qui s’étaient formés depuis, mais elle n’en fit pas une Loi au sens propre ; elle eut seulement pour objet de la rendre officielle, et d’éviter ainsi aux parties d’avoir à en rapporter la preuve (qui se faisait jadis en produisant un acte de notoriété (25)). Ses auteurs ont bien sûr tenu compte des observations faites sur le texte précédent, mais aussi des différents éléments que nous allons rencontrer maintenant.

b) La renaissance du droit naturel

On peut retenir trois grands facteurs d’évolution, qui ont permis de dépasser le simple droit local du moment, et de progresser vers le droit naturel.

1° L’influence du Christianisme a bien sûr été déterminante, puisque l’enseignement en général, et l’enseignement du droit en particulier, était assuré dans les collèges religieux (26).

Pour prendre un exemple : c’est la notion de péché qui servit de modèle lors de l’élaboration de la notion de délit pénal (27). Encore de nos jours, respectant la vieille terminologie, les pénalistes anglais distinguent dans l’infraction pénale entre l’actus reus et la mens rea, c’est-à-dire entre l’élément matériel (l’acte dommageable) et l’élément moral (l’intention, la volonté ou la négligence).

C’est également la notion chrétienne de péché qui conduisit à la théorie pénale de la responsabilité subjective, et de là au principe de la responsabilité individuelle. Par suite on put exclure du domaine du droit criminel les événements résultant d’un cas de force majeure (28), et les actes commis par des personnes atteintes de démence (29).

2° L’influence du Digeste de Justinien. Ce monument de la science juridique romaine fut miraculeusement retrouvé au XIIe siècle, dans une version fidèle remontant à plusieurs siècles, par des soldats de Pise qui venaient de détruire une maison d’Amalfi. Avec lui on redécouvrit des techniques juridiques depuis longtemps oubliées (30). De nombreux auteurs, dits glossateurs, le commentèrent et fournirent ainsi de nouveaux outils juridiques aux tribunaux de l’Ancien droit (31).

Ainsi la rédaction de la Coutume de Bretagne est marquée par l’influence du Droit romain : pour la mettre en forme ses rédacteurs sont partis de la notion d’équité, puis se sont efforcés de développer les conséquences rationnelles qui en découlent. Du point de vue pénal, son article 625 témoigne de cette filiation : « Celui qui donne de l’argent, et celui qui le prend pour mal faire, doivent être punis en une même manière ».

3° L’influence de la Doctrine. Sur un plan général on doit avant tout souligner l’effort accompli par St Thomas d’Aquin pour concilier, la philosophie grecque d’une part, et l’enseignement du Christ d’autre part (la raison et la foi). Dans sa monumentale « Somme théologique » il est parvenu à faire la synthèse de ces deux sources de la civilisation occidentale, justement définie par S.S. Benoît XVI comme helléno-chrétienne.

À sa suite, de grands auteurs du XVIIe siècle, tels Grotius, Pufendorf, Cumberland, ont fait revivre l’idée qu’il existe un droit naturel, lié à la structure sociale et individuelle de l’Être humain. Ils ont sagement soutenu que tout législateur devrait s’en inspirer (32).

En ce qui concerne les juristes, un nom domine les autres : Domat, auteur d’un ouvrage intitulé « Les lois civiles dans leur ordre naturel » (33) (par « lois civiles » il faut entendre lois extérieures aux lois de l’Église). Il a été salué par Boileau comme celui qui avait restauré la raison dans le droit. Quoique janséniste, il reçut une pension de Louis XIV pour l’aider à poursuivre son œuvre.

Parmi les pénalistes, on peut citer Muyart de Vouglans qui, en 1783, publia un ouvrage au titre explicite « Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel » (34). Il n’hésite pas à emprunter aux différentes coutumes, au Digeste, ou aux grands auteurs. Cette œuvre était dédiée au Roi Louis XVI, qui souhaitait mettre en chantier la réforme du droit criminel.

Ces différents facteurs ont fortement contribué à l’unification du droit, non seulement en France, mais dans toute l’Europe continentale. À cette époque un Tribunal français n’hésitait pas à s’appuyer, pour rendre son jugement, sur la Constitution criminelle de Charles Quint, ou sur un texte adapté au cas d’espèce émanant de l’une de ces grandes cités italiennes où le Digeste de Justinien avait été particulièrement étudié.

II -  La procédure

À la suite des grandes invasions et de la désagrégation du pouvoir central, le droit de rendre justice perd son caractère régalien. Il se rattache à la propriété des Terres ;  il échoit au Seigneur du lieu.

Il faudra des siècles pour que la royauté parvienne à redresser la situation, avec l’appui constant du peuple (35). La population dans son ensemble considérait en effet que la justice du Roi était la meilleure de son temps, même si elle était loin d’être parfaite (dans un but politique quelques adversaires de la royauté ont exagéré certains fiascos, à vrai dire peu différents de ceux que nous connaissons de nos jours). Si les lois de fond n’ont pu être unifiées, les lois de procédure en revanche ont pu l’être progressivement, quoique de manière imparfaite.

A -  LA PROLIFÉRATION DES JURIDICTIONS

Si les juridictions sont nombreuses, prévôts royaux et juges seigneuriaux, baillis et sénéchaux (36), elles n’ont pas toutes les mêmes pouvoirs ; encore ces pouvoirs varient-ils selon les régions et selon les époques. Aussi ne nous aventurerons nous pas dans cet inextricable maquis.

Ce qu’il convient de souligner c’est que l’on distinguait traditionnellement entre la Basse justice, relatives aux affaires courantes de voisinage ou de simple police ; la Moyenne justice, dont les limites étaient très variables mais permettaient d’ordinaire de prononcer de lourdes amendes et de fructueuses confiscations ; et enfin la Haute justice qui autorisait les peines corporelles : galères ou mort (on parlait en Normandie du « Plaid de l’Épée », plus généralement du « Droit de Glaive ») (37). Les cas graves donnaient lieu à appel devant le Parlement, quand ils n’étaient pas évoqués par le Roi.

La marque extérieure d’un Droit de justice consistait en l’élévation de un, deux ou trois « Piliers de justice » selon le niveau de compétence octroyé à son bénéficiaire (38) ; Piliers éventuellement complétés par des « Croix de justice »  (39) élevées aux lieux d’exécution des peines. Le château de Kerjean, dans le Finistère, a conservé ses trois piliers, signes de Haute justice.

a) Les juridictions locales

Les juridictions locales peuvent relever, soit de seigneurs laïcs, ducs ou comtes, soit d’autorités ecclésiastiques, évêques ou abbés. Quant à ceux-ci, il faut distinguer entre la juridiction interne à l’Église (droit disciplinaire, avec privilège de juridiction) et la juridiction temporelle exercée dans leurs fiefs. L’art. 41 de la Coutume de Normandie précise que tous les ecclésiastiques qui possèdent des Fiefs nobles par aumône (donation), ont l’exercice de la Justice ; mais le commentaire précise que les Officiers doivent être des laïcs et doivent juger suivant les Lois civiles et du Prince. On a même relevé des cas de fiefs concédés à des roturiers, avec droit de Basse et Moyenne justice.

À titre d’exemple, on peut évoquer l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés. En tant que détentrice de fiefs nobles, elle avait sa propre juridiction, ses propres officiers et sa propre prison. L’Abbé était un seigneur justicier ; il détenait toute juridiction temporelle et spirituelle sur le quartier du faubourg Saint-Germain ; il possédait jusqu’au droit de Haute-justice, sous réserve d’appel. On a ainsi conservé la trace du procès fait à trois « sorcières » par le Bailly de l’Abbaye (40).

Il faut également tenir compte du fait que le Moyen-âge est marqué par une stricte hiérarchie sociale, dans une société où chacun a sa place, où chacun a droit au respect dû à sa compétence. On ne saurait faire le compte du nombre de procès concernant les préséances et dignités à tous les niveaux : « Qui de lui ou de moi doit tenir le haut du pavé ? ». Dans cet esprit, pour honorer l’un de ses vassaux, un seigneur peut lui accorder le droit de rendre justice. Tel fut le cas pour l’Abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, qui eut comme Abbé le philosophe Abélard. La Duchesse Anne entendit l’honorer en lui accordant le droit de Haute justice. À cette occasion, s’ajoutant aux deux existant déjà, fut érigé un troisième Pilier de justice manifestant ce droit (41). Après le rattachement de la Bretagne à la France, cet honneur fut confirmé par des Lettres patentes, dont l’une émanant de Henri IV est datée de 1604.

b) Leurs inconvénients

Les justices seigneuriales suivirent très longtemps la procédure accusatoire en pratique chez les peuples germaniques. C’est la raison pour laquelle la pratique des ordalies se maintint dans certaines jusqu’au XVe siècle. L’une des plus curieuses est peut-être l’ordalie par l’eau (en relation avec le « Dieu Rhin ») : pour certains, celui qui surnageait était innocent puisque le Fleuve le maintenait en vie ; mais, pour d’autres, celui coulait était innocent puisque le Fleuve le prenait dans son sein, et il fallait se hâter de le repêcher. La justice du Roi, au contraire, renonça très tôt tant aux ordalies qu’au duel judiciaire.

Le seigneur tenait parfois lui-même les audiences dans une salle spéciale de son château (qui existe encore au château du Plessis-Josso, sis dans le Morbihan, où l’on peut admirer une « Crédence de justice »), mais il devait le plus souvent déléguer ses pouvoirs, ne serait-ce qu’en raison de ses absences. On sait que Du Guesclin n’a passé que fort peu de temps dans son comté de Longueville.

Or ces officiers de justice manquaient d’indépendance vis-à-vis de leur seigneur. Si Gilles de Rais put perpétrer si longtemps ses méfaits dans son château de Tiffauges, c’est qu’il jouissait d’une impunité de fait sur ses terres. Il fallut la rencontre inopinée à Nantes du duc de Bretagne et de l’évêque de Nantes, qui ne l’aimaient guère, pour qu’il fût enfin poursuivi, jugé et condamné.

Ces officiers locaux manquaient aussi souvent de compétence, ne serait-ce que par défaut de formation et de spécialisation. L’examen du début de certaines procédures criminelle fait apparaître des erreurs de méthode qui s’expliquent par l’inexpérience (cas de l’affaire Callas).

Ils manquaient aussi parfois de zèle en matière pénale. Poullain du Parc observe que ces procédures n’étaient guère lucratives pour les juges lorsqu’il n’y avait pas de partie civile ; aussi avaient-ils tendance à s’en désintéresser (c’est pourquoi nombre d’ordonnances royales donnent expressément priorité aux procédures pénales sur les procédures civiles).

Mais le plus grave des inconvénients résultait, à nos yeux, des conflits de compétence s’ajoutant aux conflits territoriaux.

B -  LE LENT RETOUR à L’UNITÉ

Si l’Ancien droit n’a pas eu de Code pénal, il a fait l’objet de nombreuses Ordonnances visant à améliorer la procédure, notamment la procédure criminelle (42). Il a même eu un Code de procédure pénale avec l’Ordonnance criminelle de 1670, rédigée sous l’impulsion d’un oncle de Colbert, Henri Pussort ; on lui a souvent reproché d’avoir retenu une instruction d’inspiration inquisitoire, et d’avoir trop sacrifié les droits de la défense à des considérations d’efficacité. Mais peut-être l’époque l’exigeait-elle.

De manière générale on observera que, surtout depuis Philippe le Bel, la Royauté s’est constamment appuyé sur ses légistes (ce sont eux qui ont fait dire à la Loi salique que la Couronne de France se transmet de mâle en mâle par ordre de primogéniture).

Ce sont eux aussi qui, dans les conflits de lois existant entre les ordonnances royales et les bulles pontificales, ont donné l’avantage au Roi. La voie de recours dite « appel comme d’abus » permettait à celui qui avait été condamné selon une loi ecclésiastique de se pourvoir devant le Parlement local en soutenant qu’il y avait eu empiètement sur son domaine de juridiction.

a) Les juridictions relevant directement de la Justice du Roi

Nombreuses sont les villes qui demandaient à relever de la Justice du Roi, car celle-ci n’était pas aussi médiocre que Racine a pu le dire dans « Les plaideurs ». À partir de Louis le Gros, chaque fois qu’ils le peuvent, les Rois leur donnent satisfaction et leur accordent le statut de « ville-franche », indépendante du seigneur local et directement placée sous la protection du Roi.

Dans le nord de la France, partie du Royaume la plus menacée puisque ne comportant pas de frontière naturelle, cette indépendance se marque de deux manières différentes. Les grandes villes édifient un Beffroi (celui de Béthune, par exemple, a été expressément autorisé par le Roi), les petites dressent en leur centre une Croix de justice (on peut en voir de nombreux témoignages sur Internet (43)).

Par ailleurs, le pouvoir royal procède de manière systématique à la création de tribunaux parallèles à ceux qui existent déjà, et il leur fait observer des règles d’instruction tournées vers une recherche active de la vérité : la procédure accusatoire ancestrale se trouve peu à peu supplantée par une procédure à caractère inquisitoire dominant. Ces nouveaux tribunaux siègent très souvent avec les mêmes juges que les tribunaux anciens, mais, comme ils suivent une procédure plus sûre et plus prompte, ils parviennent à les supplanter sans à-coups, avec l’assentiment populaire (44). La royauté a toujours aimé procéder avec une sage lenteur visant à une adhésion générale, plutôt que de recourir à des bouleversements brutaux aux conséquences imprévisibles.

b) Le principe centralisateur « toute justice émane du Roi ».

Le pas décisif fut accompli par les légistes lorsqu’ils parvinrent à imposer le principe selon lequel en France « Toute justice émane du Roi » (45). Ce principe engendra un fort mouvement centralisateur.

Selon la formule de Poullain du Parc en 1767 : « Le droit de juger réside toujours éminemment dans le Roi ; et la communication qui en a été faite aux Seigneurs n’est qu’une émanation de sa Puissance souveraine ». Cette délégation de pouvoir (on parle parfois de « justice concédée » (46)) a vu son domaine se limiter au fil du temps.

D’abord, elle ne couvre pas les « Cas royaux » tels que l’assassinat, l’incendie, le port d’arme, la rébellion, le rapt, et surtout le duel ou l’empoisonnement. En ces matières le juge local peut et même doit procéder à l’information préparatoire en cas d’urgence, mais il doit renvoyer l’affaire aux Tribunaux royaux pour jugement. Lors des travaux préparatoires à l’ordonnance de 1670, le Premier Président Lamoignon a fait observer que l’on ne pouvait donner une liste exhaustive de ces cas sans empiéter sur l’autorité du Roi : la voie était ainsi largement ouverte à une extension de compétence des Juges royaux et des Parlements provinciaux.

De plus, la notion de Justice déléguée a pour corollaire celle de Justice retenue. Le Roi peut toujours évoquer un cas particulier, le juger lui-même ou le faire instruire par une juridiction spéciale (il en fut ainsi dans l’Affaire des poisons). Il peut même prendre quelque temps en main la justice dans toute une province ; là où la justice était mal rendue, les justiciables n’hésitaient pas à envoyer une délégation au Roi pour solliciter son intervention en tant que suzerain de qui émanait toute justice.

Les « Grands jours d’Auvergne » de 1665, qui durèrent trois mois, sont restés célèbres dans l’histoire. La simple arrivée de magistrats du Parlement de Paris, spécialement mandatés par le Roi, suffit déjà à inciter quelques nobliaux particulièrement corrompus à fuir la province en toute hâte. L’ensemble des affaires en suspens (dont 283 crimes et délits !) fut traité avec rapidité et rigueur, à la plus grande satisfaction de la population (47).

À la veille de la Révolution

l’unité de la justice était prête à se réaliser

Répondant à un vœu général, Louis XVI entreprit de réformer la procédure pénale. Une ordonnance du 24 août 1780 adoucit la procédure inquisitoire et abolit la torture comme procédé de recherche des preuves. Mais le Roi hésita à toucher aux libertés provinciales, et à abolir les coutumes que ses prédécesseurs s’étaient formellement engagés à respecter.

Sous cette réserve, par une lente mais constante évolution l’unification du droit français était en bonne voie de réalisation lorsque la Révolution survint (48). Elle la fit aboutir, en allant peut-être même un peu trop loin lorsqu’elle rejeta la doctrine du droit naturel et conféra toute puissance au droit positif ; pendant des décennies les Facultés de droit se bornèrent à organiser un « Cours de Code pénal » purement descriptif qui freina la recherche doctrinale.

Afin de participer à la reconstruction de l’Europe, il serait sans doute opportun d’inscrire enfin dans les programmes universitaires un cours de science criminelle consacré aux techniques juridiques propres à la matière.


NOTES :

 (1) Veyrat, « La haute justice des archevêques de Rouen » (Thèse Caen 1947) : Cette Charte modifiait profondément le statut des territoires échangés, en même temps qu’elle posait les bases de leur organisation judiciaire … Cependant, cette Charte parlant de « Libres coutumes » mais non pas de Justice, le prélat éprouva des difficultés à justifier la possession du privilège juridictionnel, qu’il revendiquait dans ses nouvelles terres, auprès de Richard … Richard Cœur-de-Lion étant décédé à Châlus, l’Archevêque profita de ce qu’il avait sacré le nouveau Roi d’Angleterre dans sa cathédrale pour faire régler le litige. Ce dernier, en tant que nouveau duc de Normandie, confirmait à l’Archevêque et à ses successeurs, à perpétuité, le diplôme précédent ; mais, détail considérable, leur accordait cette fois le « Plaid de l’Épée ».

 (2) Giffard, « Précis de droit romain » : Les jurisconsultes ont eu à Rome une très haute situation sociale, morale et juridique. Ils ont eu, pendant les quatre siècles de l’époque classique, un rôle dans la formation du Droit, qui est tout à fait spécial à la civilisation romaine … Mêlés à la vie des affaires et à la vie publique, ils ont eu une activité à la fois scientifique et pratique. L’activité pratique consiste notamment à répondre à une demande de consultation. Les jurisconsultes romains donnaient des avis sur le fond du droit, à propos d’un procès déterminé. Ils avaient aussi une activité scientifique : D’abord  ils donnent un enseignement … en répondant à ceux qui les consultaient ; c’est un enseignement pratique qui rappelle notre enseignement clinique dans les facultés de médecine. D’autre part ils publient des ouvrages de droit.

 (3) Laferrière, « Histoire du droit français » : Papinien, que St Jérôme comparait à St Paul.

Warée, « Curiosités judiciaires » : Caracalla, ayant tué son frère Céta entre les bras de Julie sa mère, voulut engager Papinien à faire l'apologie de son crime ; mais ce jurisconsulte répondit à l'empereur qu'il était plus aisé de commettre un fratricide que de l'excuser. Les ouvrages de Papinien pourront être un jour oubliés ; mais cette réponse doit faire parvenir son auteur à l'immortalité.

 (4) Laferrière, « Histoire du droit français » : La théorie de la science juridique se perfectionna principalement entre les mains de cinq des plus éminents jurisconsultes : Papinien, Paul, Gaïus, Ulpien et Modestin. Les écrits de ces hommes illustres acquirent une autorité prépondérante devant les tribunaux ; la constitution de Valentinien III, qui, plus tard, leur donna force de loi, et, en cas de partage, assura la suprématie à Papinien, ne fit évidemment que déclarer et sanctionner un fait préexistant.

 (5) Giffard, « Précis de droit romain » :Le Code théodosien est l’aboutissement d’un projet très large de codification qui avait voulu faire une compilation complète du droit, en y comprenant les leges et le jus. Cette œuvre énorme, les collaborateurs de Théodose durent y renoncer. Théodose se contenta, par une constitution de 426 (dite Loi des citations) de préciser l’autorité juridique des jurisconsultes anciens, et en 438 était publié le Code théodosien, recueil des constitutions impériales rendues depuis Constantin. Ce Code a une importance spéciale pour l’histoire du droit français ; car il a été la source principale du Droit romain en Gaule jusqu’à la Renaissance du droit de Justinien au XIIe et au VIIIe siècles.

 (6) Savigny, « Histoire du droit romain au Moyen-âge » : Au commencement du Ve siècle, dans la pratique, les écrits des grands jurisconsultes et les constitutions étaient les seules sources dont on fît réellement usage.

 (7) Faustin Hélie, « Traité de l’instruction criminelle » : Au jour fixé pour le jugement par les comices centuries, l’accusateur et l’accusé prenaient successivement la parole, les témoins étaient entendus, et le peuple n’avait ensuite d’autre pouvoir que d’accueillir ou de rejeter l’accusation. Il arrivait quelquefois que les parties parlaient encore après que le peuple avait commencé de procéder au vote, et leurs paroles en modifiaient le résultat.

 (8) Faustin Hélie, « Traité de l’instruction criminelle » : Les jurisconsultes n’essayaient pas de lutter contre ces empiètements du gouvernement impérial : aucun mot de leurs écrits ne vient protester contre cette usurpation arbitraire de la justice ; ils l’acceptaient en silence, soit comme une nécessité des temps, soit comme une conséquence de la souveraineté. Ils se bornaient à en tempérer les effets, à les concilier, s’il était possible, avec les principes d’équité qu’ils puisaient dans leurs études philosophiques.

 (9) Mommsen, « Le droit pénal romain » : Dans la procédure pénale devant les délégués impériaux, on a non seulement pu faire abstraction de la forme de l’accusation, mais on s’en est même régulièrement abstenu ; car l’observation de cette forme renferme en elle-même une certaine limitation de pouvoirs qui n’est pas pleinement conciliable avec la souveraineté du monarque.

 (10) Loiseleur, « Les crimes et les peines dans l’antiquité » : Des hauts seigneurs, à partir du XIe siècle, exercèrent les droits régaliens, c'est-à-dire le pouvoir de faire la guerre, de battre monnaie, de rendre la justice et de faire grâce.

 (11) Guizot, « Histoire de la civilisation en France » : Par le chute de l’Empire et l’invasion, tout l’ordre social devait changer ; les relations des hommes étaient différentes, un autre régime de propriété commençait ; les institutions romaines ne pouvaient subsister.

 (12) Savigny, « Histoire du droit romain au Moyen-âge » : Les sources, même ainsi réduites, étaient encore trop savantes pour le temps. La Constitution de Valentinien III surtout n’avait pas assez facilité l’étude des écrits des jurisconsultes. Le besoin d’une nouvelle réforme était généralement ressenti, et bientôt après la chute de l’empire d’Occident on vit, en moins de trente années, quatre essais indépendants les uns des autres, tentés dans quatre États différents : L’édit de Théodoric, roi des Ostrogoths (500) ; Le Breviarium d’Alaric II, roi des Wisigoths (506) ; Le Papien, chez les Bourguignons (commencement du 6e siècle) ; Les Compilations de Justinien, destinées surtout à l’empire d’Orient (528-534) … Les trois premiers de ces recueils ont abrégé, autant qu’on pouvait le désirer, une masse immense de matériaux. Mais on a peine à concevoir tant de pauvreté comparée à tant de richesse. Chacun de ces recueils renferme en un seul volume de peu d’étendue le droit romain tout entier, jurisconsultes et constitutions.

 (13) Bréviaire d’Alaric (Breviarium). Préface (trad. Guizot) : Avec l’aide de Dieu, occupé des intérêts de notre peuple, nous avons corrigé, après mûre délibération, ce qui semblait inique dans le Code théodosien et autres livres, de telle sorte que, par le travail des prêtres et autres nobles hommes, toute obscurité des lois romaines et du droit antique soit dissipée, et qu’une plus grande clarté s’y répande, afin que rien ne demeure ambigu, et ne soit pour les plaideurs un sujet de longues controverses.

 (14) Loi des bourguignons (trad. Peyré, Lyon 1855). Préambule : Par amour de la justice, de cette vertu par laquelle nous apaisons le Seigneur, et qui est la source de toute puissance sur la terre, nous avons d’abord, dans un conseil tenu avec nos comtes et les principaux de la nation, fait défense aux juges d’accepter aucun présent, ou de céder à aucune séduction qui puisse compromettre leur intégrité et leur équité.

 (15) Loi salique (trad. Peyré, Paris 1828). Prologue : Les Francs et les chefs de la nation, voulant maintenir la concorde au milieu d’eux, convinrent de tarir dans leurs sources les rixes qui pouvaient s’élever entre eux ; et comme ils l’emportaient par la force des armes sur les nations voisines, ils voulurent exceller également par l’autorité de leurs lois, et établir une législation, dans laquelle l’intensité des peines fût en harmonie avec la grandeur des crimes.

 (16) Loi gombette. T. X, art. 1 : Que le Bourguignon et le Romain soient tenus pour être de la même condition.

 (17) Loi salique (trad. Peyré, Paris 1828). Pour un autre exemple : T. XXXIV, art. 3 et 4 : Si un Romain a enchaîné un Franc, sans cause légitime, il sera condamné à payer 1.200 deniers … Si un Franc a enchaîné un Romain, sans cause légitime, il sera condamné à payer 600 deniers.

 (18) Loi salique (trad. Peyré, Paris 1828). T. LX, art. 3: Si les [juges] sont convaincus d’avoir jugé suivant une autre loi que celle des parties, chacun sera condamné à payer 600 deniers.

 (19) Mélanges juridiques de l’Université Aurore. Page 203 : Le texte le plus ancien se rencontre dans le Code des Tang … Les délits commis entre gens hors civilisation chinoise seront jugés d’après leurs coutumes. Les délits commis entre barbares de races différentes seront jugés d’après la loi (chinoise).

 (20) Olivier-Martin, « Histoire du droit français) : L’idée générale est simple : le domaine normal des lois du roi est le droit public, comme le domaine normal de la coutume est le droit privé … La plupart des lois se réfèrent au droit public. À l’exercice de la justice, tout d’abord, question capitale, car pour obtenir une justice bien réglée, il faut exciter le zèle des juges et lutter contre l’avidité des gens de justice, qui pervertissent les meilleures lois. Puis viennent les lois relatives à la police du royaume, police économique et administration générale

 (21) Brodeau, « Coutume de Paris » (éd. Paris 1669) : Les coutumes de France ne sont point de simples statuts, ou usages locaux, mais le droit civil commun de la Province, qui s’y est soumise volontairement, par une espèce de contrat ou d’accord … Contrat qui est fait et rédigé par écrit, du consentement des trois États dûment convoqués et assemblés de l’autorité du Roi, par les commissaires députés de sa part ; et ensuite de ce, publié et enregistré en la Cour de Parlement du ressort de laquelle est la Province.

 (22) Coutume de Normandie, (éd. 1771, commentaire Pesnelle). Sur l’art. 54 : Par l’ancienne coutume, l’usage du Haro n’était que pour les causes criminelles, comme pour feu, pour larcin et pour homicide … Mais depuis on en a étendu la pratique pour retenir et conserver la possession, tant des immeubles que des meubles.

 (23) Sauvegeau, dans son édition de la Coutume de Bretagne (Nantes 1710) observe que « La Bretagne s’est toujours gouvernée selon ses Coutumes et ses Lois ».

 (24) Coutume de Bretagne, art. 634 : Les faux-monnayeurs seront bouillis, puis pendus. [Trace de l’ancienne loi du talion : on met le malfaiteur dans un chaudron, comme il a mis le métal dans un creuset]

 (25) Olivier Martin, « Histoire du droit français » : Si la notoriété n’était pas alléguée, le juge devait ordonner une enquête spéciale, l’enquête par turbe. La turbe est un groupe d’au moins dix praticiens ou techniciens, solennellement interrogés sur la coutume alléguée. Elle doit répondre à l’unanimité. Les enquêtes par turbe diminuaient le pouvoir discrétionnaire du juge ; mais elle compliquait les procès et pouvaient engendrer des abus.

 (26) Olivier Martin, « Histoire du droit français » : Le droit canonique a joué un rôle essentiel, à côté du droit romain, dans la culture juridique du moyen âge : les juristes vraiment instruits obtiennent des grades en l’un et l’autre droit, in utroque jure.

 (27) Le Foyer, « Le droit pénal normand au XIIIe siècle » : L’Église contribua beaucoup à l’évolution du droit pénal. En effet, dans ses pénitentiels ; qui exercèrent une influence considérable, elle insiste sur les éléments mentaux du péché. On prend cette influence sur le vif lorsqu’au beau milieu des Lois d’Henri I on rencontre la maxime « reum non facit, nisi mens rea », non loin du vieux proverbe « Qui inscienter pecat, scienter emendat ».

 (28) Coutume de Bretagne, art. 639 : Amende ne doit pas être levée dans les cas qui sont d’aventure ou de fortune ; si auparavant il n’y a eu dol, malice ou coulpe notable. [Application du principe de la responsabilité morale]

 (29) Tiraqueau, « De poenis temperandis » (1559, trad. Laingui 1986) : On doit épargner la punition à celui qui, poussé par la folie, a commis un crime.

 (30) Olivier-Martin, « Histoire du droit français » : Des échanges continuels d’étudiants et de maîtres s’effectuèrent à cette époque entre l’Italie et la France. Ces échanges n’avaient que des avantages tant que le droit romain fut étudié du seul point de vue scientifique.

 (31) Carbasse, « Introduction historique au droit » : C’est à la fin du XIe siècle, en Italie du nord, que le droit de Justinien sort brusquement de la clandestinité … Le premier qui l’a enseigné s’appelle Irnerius ; c’est au départ un grammairien, il se trouve être aussi juge à Bologne ; d’où son intérêt pour le droit. C’est le début d’un enseignement juridique qui allait faire de Bologne, pour longtemps, la capitale européenne du droit.

 (32) De Curban, « La science du gouvernement » : Un philosophe (Cicéron), au milieu des ténèbres du paganisme, connaissait la beauté de la loi naturelle ; il a dit que le droit civil n'est que l'ombre du véritable droit, et a souhaité que nous suivions au moins cette ombre, toute ombre qu'elle est, puisqu'elle est l'idée de la vérité.

 (33) Domat, « Les lois civiles dans leur ordre naturel », Préface : Le dessein qu’on s’est proposé dans ce livre est de mettre les Lois Civiles dans leur ordre ; de distinguer les matières du droit, et les assembler selon le rang qu’elles ont dans le corps qu’elles composent naturellement.

 (34) Muyart de Vouglans « Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel ». Préliminaire : Nous ne considérons point notre Droit civil comme un droit particulier à notre Nation, que comme un Droit positif qui a été établi pour mieux assurer l’observation du droit naturel.

 (35) Olivier-Martin, « Précis d’histoire du droit français » : Le roi est considéré et se considère comme le père commun de ses sujets et agit familièrement avec eux … N’importe qui peut aborder le roi pour lui remettre un placet … Le palais et les jardins du roi sont largement ouverts à tout venant, à la surprise des étrangers habitués chez eux à une stricte étiquette … Quand le roi est malade, des délégations sont introduites dans sa chambre. Pour bien comprendre la monarchie d’ancien régime, il faut placer ses règles constitutives dans cette atmosphère  de vénération et de familiarité.

 (36) Muyart de Vouglans, « Les lois criminelles de France » : On entend par Juges ordinaires en général, tous ceux qui connaissent de toutes sortes de matières, et entre toutes sortes de personnes, dont la connaissance ne leur est point interdite expressément par quelque loi particulière … En matière criminelle, nous en connaissons quatre sortes : les Juges seigneuriaux, les Prévôts royaux, les Baillis et Sénéchaux, et les Parlements.

 (37) De Ferrière, « Dictionnaire de droit » ( édition Toulouse 1779) :

De la Basse-Justice. Le Bas-Justicier est un Seigneur qui a droit de Basse Justice, que l’on appelle Justice foncière ou censuelle, à cause du cens et des charges et redevances annuelles qui lui sont dues. Le juge préposé à ce service connaît des droits dus au Seigneur … Il connaît encore de toutes matière personnelles entre les Sujets du Seigneur, jusqu’à la somme de soixante sols parisis. Enfin, il connaît de la police, du dégât des bêtes, d’injures légères, et autres délits, dont l’amende ne pourrait être que de dix sols parisis et au dessous … Il peut prendre en sa terre tous les délinquants, et pour cet effet avoir Maire, Sergent et prison, à la charge toutefois de faire incontinent après la capture, mener le prisonnier au Haut Justicier, après l’information, sans pouvoir décréter.

De la Moyenne-Justice. Le Moyen-Justicier est un seigneur qui a le droit de Moyenne Justice, à cause de la foi, de l’hommage et droits qui lui sont dus par ses vassaux … Il connaît en première instance de toutes actions civiles … En matière criminelle, il peut connaître des délits ou crimes légers, dont la peine ne puisse être tout au plus qu’une condamnation de soixante sols d’amende envers Justice. Si le crime commis en la Terre du Moyen Justicier méritait une plus grave peine, le Procureur fiscal (ou Procureur d’office) doit dénoncer le coupable au Haut Justicier, pour qu’il ait à en connaître. Pour l’exercice de la Moyenne Justice, il doit avoir Siège, Juge, Procureur d’office, Greffier, Sergents, Prison au rez-de-chaussée, sûre et bien fermée. Peut ledit Moyen Justicier prendre, ou faire prendre, tout délinquant qu’il trouve en sa Terre, les emprisonner, informer, tenir le prisonnier l’espace de vingt-quatre heures. À l’instant des vingt-quatre heures passées, si le crime mérite plus grave punition que soixante sols parisis envers Justice, il est tenu de faire conduire le prisonnier au Haut Justicier, et y faire porter le procès, pour y être pourvu. Ainsi la connaissance des crimes dont la peine donne atteinte à l’honneur n’appartient point au Seigneur qui n’a que Moyenne et Basse Justice, mais seulement au Juge du Seigneur qui a la Haute Justice.

De la Haute-Justice. Le Haut-Justicier est un Seigneur qui a Haute Justice, moyenne et basse, c’est-à-dire, droit de connaître de toutes causes réelles, personnelles et mixtes entre ses Sujets, et qui a droit et puissance de glaive sur eux… C’est pourquoi les Seigneurs Hauts Justiciers ont droit d’avoir fourches patibulaires, piloris, échelles et poteau à mettre carcan … Pour l’exécution de sa Justice, le Seigneur Haut Justicier doit avoir des Juges, et des Officiers par lesquels il l’exerce. Il doit aussi avoir des Geôliers et des prisons sûres et raisonnables, suivant les Ordonnances ; car le droit de Justice renferme essentiellement le devoir de la faire rendre… Les Juges des Seigneurs Hauts Justiciers ne peuvent toutefois connaître des Cas royaux, tels que sont le crime de lèse-Majesté, fausse monnaie, assemblées illicites, vols et assassinats sur les grands chemins, et autres qui sont marqués dans l’Ordonnance de 1670 … Les Juges des Seigneurs Hauts Justiciers peuvent, dans les cas qui sont de leur compétence, condamner les coupables au fouet, au carcan, à faire amende honorable, à être marqués d’un fer rouge, au bannissement de la juridiction, et même à la mort. Mais ces condamnations ne peuvent se mettre à exécution, qu’elles n’aient été confirmées par les Juges supérieurs

 (38) Du Boys, « Histoire du droit criminel » : En matière judiciaire, la possession valait titre, et cette possession, qui donnait en même temps un rang déterminé dans la hiérarchie féodale, résultait d'une preuve visible : le nombre des piliers ou fourches patibulaires.

 (39) Croix de justice. On peut en voir une, dans ce site, illustrant le passage de la Coutume de Bretagne publié parmi les textes anciens.

 (40) Procès-verbal du crime détestable des trois sorcières, du 14 août 1619. Extrait : Témoin de faits de violation de sépulture commis par trois femmes, le fossoyeur sort et court après ; mais toutes les trois s’enfuient promptement, qui çà qui là, chacune désirant se sauver ; ce qui fut cause que, lui étant seul, sans assistance, n’en put arrêter qu’une … Il donna avis de tout ceci à la Justice de St Germain-des-Prés, qui vint enlever cette femme et la constituer prisonnière dans les prisons de l’Abbaye.

Celle-ci étant prisonnière, comme ayant assisté les deux autres, une sienne fille, fort attristée de la prison de sa mère, voyant la peine qu’elle avait, cherche et recherche les deux autres complices jusqu’à ce qu’elle les trouve au faubourg St Victor faisant leurs paquets comme prêtes à partir … Elle les suit audit faubourg St Victor, au long duquel ayant rencontré un Officier de la justice dudit lieu, le supplie au nom de Dieu de se saisir de leurs personnes, comme sorcières, et à cause que sa mère était détenue prisonnière dans les prisons de l’Abbaye de St Germain-des-Prés.

À sa requête, les voilà emprisonnées dans les prisons de St Victor. Où étant, le Bailly de St Germain-des-Prez fait instance pour qu’elles soient amenées dans les prisons dudit St Germain-des-Prez, comme ayant commis le délit sur la terre seigneuriale de ladite Abbaye. On les livre ; elles sont emprisonnées audit lieu avec la première.

Procès-verbal de leur action rédigé, interrogatoires, déposition et confrontation de témoins effectués, par sentence dudit sieur Bailly de St Germain ont été condamnées au fouet, et la principale accusée (Martin), devineresse et actrice de tout de malheur, à être de plus marquée de la fleur de lys et bannie.

Appel de ce à la Cour, laquelle, infirmant la sentence dudit sieur Bailly de St Germain , a condamné ladite Martin à être fustigée et battue de verges, sans autre punition que celle du ban, les deux autres complices assistant à l’exécution de l’arrêt.

… Ladite Martin a été fouettée devant le Cimetière de St Sulpice, au pilori de l’Abbaye de St Germain, à la porte de St Germain et au bout du pont St Michel ; auquel lieu elle confessa avoir bien mérité de qu’elle endurait

 (41) Abbé Lucco, « Histoire de St Gildas-de-Rhuys » : En considération de Pierre de Brignac, abbé de Saint-Gildas, la duchesse Anne permit, en avril 1503, à l’abbaye d’élever un troisième pilier sur les fiefs de sa juridiction… C’est le Pilier de haute justice que la duchesse Anne accorde ici l’Abbaye de Saint-Gildas. Inutile de dire que ce ne fut jamais pour elle qu’un symbole honorifique.

 (42) Ordonnance de Montils-les-Tours d’avril 1453. Préambule : Considérant que les royaumes, sans bon ordre de justice, ne peuvent avoir ni durée ni fermeté aucune … Voulant pourvoir à nos sujets de bonne justice, avons eu sur ce point grande et mûre délibération avec plusieurs seigneurs de notre sang et lignage, plusieurs prélats … barons et seigneurs, gens de notre Grand-conseil, présidents et autres gens de notre Cour de parlement, et autres juges et prud’hommes de notre royaume … avons fait les établissements sur le fait de justice qui s’ensuivent.

 (43) Site officiel d’Avioth. Il y a une trentaine d’années se dressait encore sur la place une croix de pierre que nous pouvons considérer comme ayant été élevée en souvenir de l’affranchissement de la communauté.

 (44) Olivier- Martin , « Histoire du droit français » : L’ancien régime n’a pas redouté la complexité des juridictions ; il a compté sur une « émulation nécessaire » entre juridictions également compétentes pour obtenir un résultat aussi bon que possible. Les parties ont ainsi une grande latitude pour faire trancher leurs différends, et c’est finalement la faveur du public qui a déterminé le succès de telle ou telle juridiction.

 (45) Ortolan, « Éléments de droit pénal » : C’est à la fin de l’époque seigneuriale, par allusion à cette lutte du pouvoir royal contre la féodalité, et pour exprimer la victoire de la juridiction royale sur toutes les autres juridictions, que se formule cet aphorisme monarchique : « Toute justice émane du Roi.

Ortolan cite le « Grand coustumier de France » : À généralement parler, il n’y a qu’une Justice, qui relève de Dieu, dont le Roy a le gouvernement en ce Royaume.

 (46) Villers, « Cours d’histoire du droit public » : Pour la plupart des juristes, lorsque le Roi avait concédé la justice, il n’avait pas en même temps concédé son droit de supériorité ou de souveraineté. Il en résultait que seules les justices royales étaient souveraines… De cela, on tirait les trois conséquences suivantes : 1° On pouvait toujours faire appel de la justice seigneuriale à la justice royale ; 2° La justice royale pouvait, en cas de négligence des juges seigneuriaux, agir par prévention ; 3° Certains cas, les cas royaux, étaient réservés aux juges royaux, alors même que le défendeur ou l’accusé aurait été justiciable d’un seigneur justicier. Ces trois avantages de la justice royale sont nettement établis dès avant le XVIe siècle

 (47) Proal, « La criminalité politique » : Les Grands Jours qui furent tenus en Auvergne en 1665 prononcèrent un grand nombre de condamnations pour concussion. Dans l’empressement où était la cour, écrit Fléchier, elle examinait les crimes et n’avait presque loisir de songer à la qualité des personnes ; ce qui fit que M. de la Tour fut d'abord condamné à être pendu ; mais lorsqu'on eut appris qu’il était de la première qualité, on lui rendit l'honneur qu’il méritait, et on le condamna à avoir noblement la tête coupée.

 (48) Petot, « Cours d’histoire du droit privé » : L’œuvre d’unification du droit avait été préparée de longue main, à la fois par la législation royale, par la doctrine des jurisconsultes, par la jurisprudence, et aussi par la pratique. Il ne s’agissait pas encore de réaliser l’unification par voie d’autorité. Les projets de cette sorte, formés peut-être dès la seconde moitié du XVe siècle étaient prématurés. Ils n’ont pas été suivis d’effet. Pour les rendre possibles, il a fallu la grande secousse de la Révolution. L’élaboration d’un droit commun était d’ailleurs une œuvre difficile, car elle impliquait que l’on renonçât à des susceptibilités et à des routines traditionnelles, et aussi que l’on s’élevât à l’idée d’un droit national.

Signe de fin