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CODE CRIMINEL DE L’EMPEREUR CHARLES V
( DIT « LA CAROLINE » )

( Quatrième partie )

 

ARTICLE 101.
De la punition corporelle qui n’emporte point la peine de mort, ou celle d’une prison perpétuelle.

On trouvera ci-après dans l’Article 196 la formule du jugement, par lequel on doit prononcer des punitions corporelles qui ne renferment pas la peine de mort ni celle d’une prison perpétuelle, et que le Juge rend d’office sur un délit public.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 101.

1. Deux différentes punitions corporelles ne peuvent point être prononcées dans le même jugement, quoique le prisonnier soit coupable des deux différents délits, dont chacun mérite une punition corporelle différente ; par exemple, un des deux délits, pour lesquels il est arrêté, méritera la fustigation, et l’autre l’amputation de la main, les Juges ne peuvent prononcer que l’une ou l’autre de ces deux punitions, savoir celle qui est attachée au plus grand délit, à moins que des circonstances particulières ne les déterminent à ordonner la moins rigoureuse de ces punitions.

2°. Cette règle est certaine lorsque toutes les deux de ces punitions sont véritablement corporelles, c’est-à-dire, qu’elles infligent au corps un châtiment réel, ce qui n’aurait pas lieu, par exemple pour l’exposition au Carcan, parce que cette punition n’étant pas proprement corporelle, elle peut être prononcée dans le jugement avec la fustigation ou l’amputation de la main, et il n’y a point d’incompatibilité.

3°. Toutes punitions corporelles proprement dites, telles que sont la fustigation par la main du Bourreau, l’amputation des doigts de la main ou des oreilles, l’empreinte infamante, et autres de cette nature, emportent avec elles le bannissement, ce qui doit être exprimé dans la Sentence de condamnation : sur quoi il faut remarquer que la Justice Militaire ne renfermant point une Juridiction Territoriale, le bannissement, qu’elle ordonne par ses jugements, se réduit à deux effets qui lui sont naturels ; le premier, que le banni ne se fasse plus voir à une certaine distance du lieu, où le Régiment est actuellement en quartier ; le second, qu’il soit non seulement exclu du service du corps, où il était, mais même de celui de sa Nation dans les États du Prince auquel elle est attachée par alliance.

4 °. Quoique la peine du Carcan et du bannissement soit compatible avec des punitions corporelles, ainsi qu’il vient d’être dit, on ne peut néanmoins y en ajouter d’autres, telle que serait la prison ou une peine pécuniaire, quand même le condamné aurait mérité l’une et l’autre par la différence des délits dont il est chargé : la raison est, que la punition corporelle qui est prononcée contre lui, absorbe par elle-même toutes les autres peines qu’il a pu encourir, et satisfait pleinement la Justice. De là il s’ensuit encore, qu’un homme qui aurait commis plusieurs délits peu considérables, dont l’un mériterait une peine pécuniaire, le second, la prison, et le troisième, le bannissement, ne pourrait point être condamné à subir ces trois châtiments, par la raison que la sévérité ayant ses bornes, l’une des trois punitions peut être portée à un tel degré, qu’elle sera suffisante pour opérer l’expiation des trois délits.

5’ Il doit être tenu à plus forte raison pour maxime certaine, que dans le concours de deux délits, dont l’un aura mérité la peine capitale, tel que pourrait être l’assassinat, et l’autre une punition corporelle tel que serait un vol de peu de conséquence, la condamnation ne peut point les comprendre toutes deux ; mais qu’elle doit s’en tenir à la plus forte, et ne faire mention que du délit considérable qui a mérité la peine capitale.

ARTICLE 102.
De l’exhortation à faire au Criminel après sa condamnation.

Après que le Criminel aura été condamné à la mort, on le fera confesser dans un autre endroit, et il y aura au moins un ou deux Prêtres, qui l’accompagneront au lieu du supplice, qui l’exhorteront à faire des actes d’amour de Dieu, de vraie foi et de confiance en Dieu, aux mérites du Sauveur, et de repentir de ses péchés, en lui présentant sans cesse le Crucifix à la main.

ARTICLE 103.
Du devoir des Confesseurs de ne point porter les Criminels à nier la vérité qu’ils ont avouée.

Les confesseurs qui assistent les Criminels ne doivent point leur conseiller de révoquer finalement la vérité qu’ils ont confessé devant la justice, tant sur leur propre fait que sur celui des autres, parce qu’il ne doit être permis à personne de mettre la fausseté en usage pour couvrir la malice des Criminels contre le bien public, et au préjudice des gens de bien en contribuant ainsi à fortifier le mal, ce qui a été observé déjà dans l’Article ci-devant 31.

ARTICLE 104.
Avant propos sur la manière dont les crimes doivent être punis.

Lorsque quelqu’un par nos Lois écrites aura mérité la mort pour un délit, on prononcera la manière dont l’exécution se doit faire suivant le louable usage des lieux, ou l’Ordonnance d’un Juge éclairé se réglera sur la nature du délit, et sur le scandale qu’il a causé ; mais dans les cas où nos Lois Impériales n’ordonnent et ne permettent point de condamner à la mort, et pour lesquels Notre présente Ordonnance ne prescrit pas non plus aucune sorte de peine capitale, les Lois dans quelques-uns de ces délits ne permettront que des punitions corporelles, en sorte que la vie soit conservée aux coupables.

De telles punitions seront prononcées suivant l’usage autorisé de chaque Pays ou selon la prudence du Juge, de même que dans ce qui vient d’être dit pour les jugements à mort : ainsi lorsque nos Lois Impériales prescrivent quelques punitions criminelles, qui eu égard au temps présent, ou par rapport au Pays, ne seront point praticables, qui en partie ne pourront pas être suivies à la lettre, et que de plus lesdites Lois ne marqueront pas la forme et la mesure de chaque punition en particulier, Nous en abandonnons la décision et le choix à l’usage et au discernement des Juges, qui par l’amour pour la justice et le bien public, prononceront les peines proportionnées à la nature du délit. On observera particulièrement que les Juges ne pourront condamner personne à mort, ou à d’autres peines criminelles dans les cas pour lesquels Notre Ordonnance Impériale ne statue aucune peine capitale, infamante ou corporelle ; et afin que les Juges et Assesseurs, faute d’être instruits de ces Lois, soient moins exposés à contrevenir aux dites Lois, et aux usages autorisés en décernant ces sortes de punitions, Nous traiterons ci-après de quelques peines Criminelles, du temps et de quelle manière elles doivent être prononcées selon les susdites Lois, conformément à l’usage, et suivant la prudence.

ARTICLE 105.
Des cas criminels qui ne sont point dénommés, et de leur punition.

On doit de plus faire attention que dans les cas criminels, pour lesquels les articles suivants ne statuent point de punition, ou sur lesquels ils ne s’expliquent et ne s’entendent pas suffisamment, les Juges, lorsqu’il s’agira de punir, seront tenus de demander conseil pour savoir de quelle manière ils régleront leur jugement sur ces cas peu intelligibles, en se conformant à l’esprit de nos Lois Impériales, et de Notre présente Ordonnance, n’étant pas possible d’y comprendre et spécifier tous les cas qui peuvent arriver, ni les punitions qui y sont attachées.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 102, 103, 104 ET 105.

La Loi veut parler dans cet Article des punitions arbitraires, et ce sont toutes celles qui ne vont point à la peine capitale, ou à la mort civile, comme le bannissement, le fouet, la prison, et autres de cette nature, qui ne seront point dénommées dans les cas criminels que renferme cette Ordonnance, et qu’il est de la prudence des Juges de statuer dans leurs jugements suivant l’exigence du cas. Les Jurisconsultes ne laissent pas de mettre une exception pour quelques délits, auxquels les Lois n’attachent communément qu’une peine arbitraire, tel est par exemple le crime de faux, et prétendent que le délit en ce genre peut être dans un tel degré, et accompagné d’une assez grande malice dans ses circonstances, pour mériter la peine de mort.

ARTICLE 106.
De la punition des blasphèmes.

Celui qui attribue à Dieu ce qui ne lui convient point, ou qui par ses paroles lui ôte des attributs qui lui sont propres, qui insulte la Toute-Puissance de Dieu ou sa Sainte Mère, sera arrêté d’office par les Juges, et puni en son corps ou en sa vie, suivant l’état et la qualité des personnes, et la nature de son blasphème. Cependant après qu’un tel blasphémateur sera arrêté, on donnera avis au Magistrat Supérieur, avec une instruction suffisante de toutes les circonstances du fait, qui prescrira aux Juges la manière de punir ce blasphème, conformément à nos Lois Impériales, et en particulier suivant le contenu des articles de notre Ordonnance de l’Empire.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 106.

1°. Les Lois distinguent deux sortes de Blasphèmes ; le premier est celui par lequel on attaque directement et immédiatement Dieu, en lui attribuant des choses contraires à sa Puissance et à sa Majesté, ou en lui ôtant des attributs qui sont propres et essentiels à sa Divinité, comme serait de dire que Dieu est injuste, qu’il n’est point Tout-Puissant ; ou en parlant avec mépris et insolence directement de Dieu, de la sacrée Humanité, ou des SS. Sacrements ; cette sorte de blasphème, suivant qu’il est énorme, et en égard aux circonstances et à la qualité de la personne, doit être puni de mort, ou d’une sévère punition corporelle, telle que serait de lui percer la langue.

2°. Ceux qui ont entendu proférer ces blasphèmes ou impiétés, sont obligés dans l’espace de huit jours au plus tard de dénoncer le blasphémateur à la Justice, sous peine de punition arbitraire, en quoi il faut remarquer que cette accusation ne peut avoir lieu que lorsqu’il y a eu plusieurs témoins qui ont entendu lesdits blasphèmes ; elle n’a pas lieu non plus des parents contre leurs enfants, ni des enfants contre leurs parents, ce qui n’empêche pas la Justice d’agir d’office contre ceux qui sont soupçonnés d’être des blasphémateurs pour l’exemple public ; et les Magistrats qui négligeraient ces sortes de recherches, ou qui aideraient à en supporter la connaissance, seraient eux-mêmes punissables.

3°. La seconde espèce de blasphème est celle, par laquelle on attaque Dieu indirectement et médiatement en jurant en vain, sans nécessité et par libertinage, par son nom, par sa puissance, par la mort et la passion de Notre-Seigneur, ou ses Sacrements : cette sorte de blasphème doit, suivant le cas et la qualité des personnes, être punie sévèrement par une prison au pain et à l’eau, par la fustigation, par l’amende, et même le bannissement.

Le blasphème, surtout de la première espèce, est sans doute un crime des plus énormes, et qui provoque le plus la colère de Dieu, non seulement contre le blasphémateur, mais aussi contre les Magistrats et Supérieurs qui le tolèrent, et qui ne se servent pas du glaive, que les Lois leurs ont mis en main pour venger la Majesté Divine, tandis qu’ils sont si attentifs à réprimer tout ce qui s’élève contre le respect que les peuples doivent à leurs Princes.

Aucune Nation ne s’est jamais relâchée sur la sévérité contre ce crime. Nous avons en particulier l’Ordonnance Militaire du Canton de Zurich, dont les six premiers articles expliquent en détail les punitions que doivent subir les blasphémateurs, et ceux qui dans leurs discours mêlent des paroles de mépris et d’impiété contre Dieu, contre le Service Divin, et le respect dû aux choses saintes : Cette Ordonnance veut que les coupables d’un pareil crime soient punis de mort sans aucune grâce ni rémission ; elle prescrit la même peine contre ceux qui pour la troisième fois sont arrêtés, pour avoir tenu des discours libertins sur des choses saintes, quoiqu’ils n’y aient point mêlé des blasphèmes ni d’impiété directe, et que pour la première fois et la seconde ils soient mis aux fers pendant quinze jours avec la perte de leur solde d’un demi-mois que l’on distribuera aux autres Soldats infirmes, et qui doit servir à la correction.

ARTICLE 107.
De la punition de ceux qui font un faux serment en Justice.

Celui qui fait un faux serment devant le Juge ou devant la Justice, ledit serment regardant un bien temporel, en sorte qu’il lui en revienne quelque utilité, sera tenu préalablement à tout, de dédommager celui à qui il a fait tort par son faux serment, au cas qu’il ait de quoi, ensuite sera déclaré déchu de tout honneur. Nous ne prétendons même rien changer en usage commun établi dans l’Empire au sujet de l’amputation des deux doigts avec lesquels ces sortes de faussaires auront fait un faux serment ; mais celui dont le faux serment tendra à faire subir à quelqu’un une peine criminelle, sera condamné à la même peine, de même que celui qui sciemment, de propos délibéré, et frauduleusement aura incité quelqu’un à faire un pareil faux serment.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 107.

La Loi se restreint ici à deux espèces de faux serments, qui outre l’infamie qui y est attachée, doivent être punis par l’amputation des deux doigts, savoir lorsque le faux serment est fait pour faire tort à quelqu’un dans ses biens, ou en vue de le faire condamner comme Criminel ; dans les autres cas les Jurisconsultes n’admettent qu’une punition arbitraire, et la défèrent à la prudence du Juge, comme sont les bannissements, une longue prison, ou bien une amende considérable.

ARTICLE 108.
De la punition de ceux qui violent leur serment.

Celui qui violera son serment en commettant des actions pour lesquelles, selon les Lois Impériales et la présente Ordonnance, il encourre d’ailleurs la peine capitale, ladite peine aura lieu contre lui ; mais s’il violait son serment de propos délibéré, et par des actions qui ne méritassent point la peine de mort, il sera puni comme un parjure par l’amputation de la main ou des doigts, ou autrement, ainsi qu’il vient d’être marqué dans le précédent Article ; et au cas qu’on le crût capable de commettre dans la suite d’autres forfaits, on agira contre lui conformément à ce qui sera prescrit ci-après dans l’Article 187.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 108.

Le contenu dans cet article regarde spécialement ceux qui ont été bannis par la Justice, et que l’on oblige sous leur serment de garder le bannissement. Celui qui y manque, est suivant le droit commun, condamné au double du temps, lorsque son bannissement a été au-dessous de dix ans ; mais lorsqu’il a été banni pour dix ans, et qu’il revient de lui-même au Pays avant l’expiration du terme, il est condamné à un bannissement perpétuel.

La rigueur des Lois est devenue plus grande contre ceux qui violent leur Ban, et dans lesquels on doit présumer quelque mauvais dessein en revenant dans le Pays dont ils ont été bannis : elles ordonnent pour la première fois l’amputation des doigts comme aux parjures ; pour la seconde fois la fustigation par la main du Bourreau ; et pour la troisième, la peine de mort, que plusieurs Jurisconsultes n’admettent néanmoins que pour la quatrième fois.

Quoique le bannissement proprement dit suppose une Juridiction territoriale, dont la Justice Militaire n’est point en possession, elle ne laisse pas de prononcer cette peine contre ceux qui lui sont subordonnés, mais toujours dans la mesure et les bornes qui lui sont naturelles ; par exemple, un soldat chassé avec ignominie par un jugement rendu, est censé être banni, non seulement du Corps dont il est chassé, mais même du service de sa Nation dans toute l’étendue des États du Prince, où elle est employée, parce que tous les Corps sont présumés être convenus entre eux de ne point admettre au nombre de leurs Militaires un Sujet noté d’infamie.

Ce qui vient d’être dit au sujet du serment violé, peut s’appliquer en général à tout Citoyen par rapport à son Magistrat. Il y a un autre serment qui regarde spécialement les gens de guerre, et qu’ils violent en manquant à la fidélité qu’ils ont jurée au Drapeau, et en s’abandonnant au crime de la désertion : Cette matière si importante mérite des observations détaillées, pour instruire à fond ceux qui par leurs jugements les plus ordinaires doivent prononcer la peine due à ce délit.

On ne peut douter que la désertion ne soit un crime capital, fondé sur le serment de fidélité, que le Soldat admis dans une Troupe, jure, ou est censé de jurer au Drapeau : ce serment a toujours été regardé comme un engagement sacré chez toutes les Nations ; et ceux qui l’ont violé n’ont pu éviter le châtiment plus ou moins qualifié suivant les circonstances des temps, et celles qui ont accompagné cette infidélité. Les États Souverains de l’Europe ont tous rendus une Loi uniforme sur ce sujet, qui prononce la peine de mort contre les déserteurs. Telle est l’Ordonnance Militaire de l’Empereur Maximilien II publiée en 1508 Article II de Ferdinand III, et celle de l’Empereur Léopold Article XLIV. Celle de François I, Roi de France, de 1534, renouvelée par ses Successeurs jusqu’à Louis XIV en 1666, et Louis XV inclusivement. Celle du Royaume de Suède publiée sous le règne du Grand Gustave, et renouvelée par les règlements de Charles XI en 1683, titre 9, et sous celle du Roi Christian de Danemark le IV Article XXIX, et sous Christian V, Article LIII. Celle de Saxe, dressée sous l’Électeur Jean George, Article XIV confirmée par le Règlement de 1673, Article XV. Celle de Brandebourg dressée sous l’Électeur Frédéric Guillaume, titre 7, confirmée par un Édit de 1665. Le Règlement Militaire de l’Électeur Palatin Charles Louis de 1665, Article XVII. Celui de Brunswick et de Lunebourg sous Ernest Auguste, Article LVIII renouvelée par les Lettres Patentes de George Guillaume en 1673, Article XIV, et par son Code Militaire publié la même année, titre 9. Celui de Hesse, publié en 1632 sous le Prince Guillaume, Article XVI. De Holstein, sous la régence de Christian Albert en 1674, titre 7. Celui de Hollande, publié en 1590, Article XVI. Celui du Canton de Zurich, Article XXX.

La Milice étant établie pour la conservation et la sûreté des États, tant au dehors qu’au-dedans, et cette sûreté ne pouvant se maintenir que par la fidélité permanente dans le service, il est aisé de comprendre non seulement le motif pressant, mais même l’obligation indispensable où se sont trouvés les Souverains d’ordonner la peine capitale contre le crime de la désertion ; mais ils en ont en même temps distingué les différents degrés, afin que les jugements fussent appuyés sur des principes certains et proportionnés à la qualité du délit.

La désertion peut donc être simple ou qualifiée : le Soldat tombe dans la première espèce, lorsque sans congé ni permission par écrit de l’Officier qui a le Commandement de la Troupe, il quitte le Drapeau par légèreté, dégoût, mécontentement, ou autres motifs qui ne sont jamais recevables en Justice : tout Soldat ainsi déserté, et qui sera attrapé à la distance de son quartier indiquée par l’Ordonnance, doit être mis au Conseil de Guerre, et être arquebusé.

La situation des quartiers qu’occupe le Régiment des Gardes Suisses, et l’éloignement qui se trouve des uns aux autres, ont porté les Chefs de ce Corps à fixer cette distance à quatre lieues du quartier où se trouve la Troupe du Soldat, et cela par une Ordonnance rendue dans l’Assemblée des Chefs et Capitaines dudit Régiment en 1700. Elle a été renouvelée en 1731 par une publication et un Ban général, ainsi elle fait force de Loi pour cette Troupe en particulier, eu égard aux quartiers qu’elle occupe.

Cette distance n’est pas la même : 1°. Lorsque la Troupe se trouve dans une même Garnison assemblée ; alors le Soldat attrapé à deux lieues du quartier doit être puni comme déserteur. 2°. Lorsqu’elle sera dans une Place frontière, la distance d’une demi-lieue suffit pour former la désertion. 3°. Dans un Camp assemblé dans l’intérieur du Royaume, il faut deux lieues de distance pour que le Soldat soit jugé comme déserteur. 4°. Dans un Camp formé sur la frontière, un quart de lieue de distance suffit pour que le Soldat arrêté en allant du côté des terres voisines, soit condamné comme déserteur. Cet éloignement devient encore plus resserré lorsque les terres des États voisins ne sont pas éloignées d’un quart de lieue du Camp, alors l’usage étant de mettre des poteaux ou des bornes, tout Soldat qui les passe tombe dans le cas de la désertion, et doit être jugé dans la rigueur des Ordonnances.

La sévérité contre ce crime est si grande, qu’elle s’étend également contre les complices, savoir contre ceux qui ont aidé ou favorisé la désertion, soit en fabriquant ou faisant fabriquer de faux congés, soit en donnant ou vendant les leurs à ceux qui désertent, soit en les conduisant dans un lieu ou ils peuvent déserter plus sûrement, soit en les déguisant ou cachant pour favoriser leur crime ou autrement de quelque manière que ce soit, avec connaissance de cause. Tous ces différents cas deviennent criminels au premier chef, et sujets à un jugement capital. Le déguisement du nom et du lieu de la naissance dans l’engagement que prend un homme au service, fait un délit contre le serment avec lequel il est censé se présenter ; la rigueur de l’Ordonnance dans ces cas prononce la peine des galères perpétuelles.

A l’égard du complot formé pour la désertion, quoique non exécutée, il y a ses degrés et ses circonstances qui peuvent être assez graves dans certains cas, pour faire rendre un jugement capital, surtout lorsqu’il est accompagné des dispositions prochaines à être mis en exécution, et que ce n’a pas été manqué de volonté, mais d’occasion favorable pour parvenir à l’effet : les auteurs du complot formé méritent sans difficulté la peine capitale, et les autres les galères pour dix ou même vingt ans, suivant la nature des circonstances.

Le Conseil de Guerre, qui ne doit avoir pour règle que la sévérité de la Loi, ne peut jamais avoir égard au nombre des déserteurs qui lui sont présentés à la fois ; son devoir est de prononcer la même peine contre tous dans les cas où il y a égalité dans le délit. Cette règle est conforme à l’Ordonnance qui veut que l’on juge à mort les déserteurs qui se trouveront à la fois au nombre de trois et au-dessus ; mais qu’après on les fasse tirer au billet trois à trois, pour être celui des trois sur qui le malheureux sort tombera, passé par les armes, et les deux autres condamnés aux Galères perpétuelles. Ce cas renferme une disposition d’adoucissement, qui n’est réservée qu’au Tribunal Supérieur, et qui ne saurait jamais être de la compétence du Conseil de Guerre. La même Loi excepte de cet adoucissement ceux qui auront déserté étant en faction ou de garde, et veut qu’en quelque nombre qu’ils soient présentés à la fois, on les juge tous à passer par les armes, et que le jugement soit exécuté, parce qu’une pareille désertion accompagnée d’une plus grande infidélité, n’est susceptible d’aucune indulgence : les Ordonnances Militaires mettent encore dans ce nombre ceux qu’on aura trouvés endormis dans les postes, dont la garde leur a été confiée.

Tout ce que nous venons de dire se rapporte à la désertion simple, et non qualifiée, qui mérite une peine de mort, qui ne soit point ignominieuse, telle qu’est celle de passer par les armes, ce qui est conforme à l’usage introduit dans les Troupes de toutes les Nations.

La seconde espèce de désertion que nous appelons qualifiée, est celle où le déserteur est en même temps transfuge ou voleur, et qui portant avec lui un caractère d’infamie, doit aussi être punie d’une manière proportionnée et ignominieuse ; la peine que l’on doit prononcer dans ces deux cas, est d’être pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Le déserteur devient en même temps transfuge : 1°. lorsque les armées de part et d’autre étant en campagne, le Soldat quitte son Camp, et est attrapé allant du côté de l’Ennemi, ou prenant un chemin qui pourrait l’y conduire : la même chose doit s’entendre d’une garnison frontière. 2°. Lorsque se trouvant dans une Place assiégée, il s’échappe et l’abandonne ; ce déserteur dans tous les cas est censé être transfuge, parce qu’il ne peut aller nulle part que vers l’Ennemi. 3°. Lorsque à la veille de combattre, ou dans l’action même il passe du côté de l’Ennemi ; dans le dernier de ces deux cas il est permis à quiconque de tuer le transfuge, et bien loin d’avoir quelque reproche à craindre, il mérite, suivant l’usage du service, une récompense pour avoir délivré la Troupe d’un infâme, dont la mémoire doit être ensuite flétrie par un jugement pour servir d’exemple aux autres. 4°. Lorsqu’une Troupe entière oublie l’honneur et le devoir au point de se jeter dans le parti de l’Ennemi, les Lois de la Guerre veulent qu’on la décime, après que le jugement de mort aura été prononcé sur tous indirectement. Le Conseil de Guerre ne saurait trop se souvenir que dans tous les cas criminels, et surtout dans celui de la désertion, les Juges subalternes sont Juges de rigueur.

La Sentence de ce Tribunal doit être formée suivant la même mesure contre celui qui se trouvera être déserteur et voleur en même temps, c’est-à-dire, qui en désertant aura emporté et pris à ses camarades, à son hôte ou autres, de l’argent, des hardes ou ustensiles ; un tel déserteur, quoique la valeur de son vol soit au-dessous de celle qui est requise dans les vols ordinaires pour mériter la corde, ne doit point être ménagé par la différence du supplice, qui ne regarde que la désertion simple et non qualifiée : ainsi une très petite somme en argent, des hardes d’un bas prix, telles que seraient une chemise, une veste, et autres de cette nature, que le déserteur aurait volé à quelqu’un de sa chambrée, suffirait pour regarder sa désertion accompagnée de vol, et pour ne lui pas faire éviter l’infamie du supplice, parce que, outre que par ce vol, quoique médiocre, il a fait un tort considérable par rapport au peu de faculté de la personne volée, il est présumé avoir eu la volonté de voler tout ce qui se serait trouvé sous sa main avec facilité de l’emporter.

Sans entreprendre ici de combattre la prévention de ceux qui pour ne point admettre de différence dans le supplice destiné à la désertion, ont prétendu que tout déserteur indifféremment devait passer pour voleur par le tort qu’il faisait à son Capitaine, soit par rapport à l’argent d’engagement, ou à la dette contractée depuis dans la Compagnie, nous nous contenterons de dire qu’indépendamment de l’usage introduit chez toutes les Nations au sujet de cette différence, il y a une maxime certaine tirée de l’esprit de la Loi, qui veut, qu’un homme, pour être reconnu voleur par la Justice, ait volé réellement par une action distincte, et accompagnée de telles circonstances qui puissent porter les Juges à prononcer la peine capitale : or qui ne voit combien il serait impossible de faire l’application de cette maxime au cas d’une désertion simple, et qui n’a point été précédée ni suivie d’aucun vol réel et distinct ? D’ailleurs il convient que la Troupe sente elle-même la distinction que l’on fait entre les châtiments, qui déshonorant le coupable, rejaillissent sur ses proches, et ceux qui étant purement Militaires dans les délits, qui regardent purement et précisément leur profession, n’entraînent aucune infamie après eux. On peut ajouter à cela qu’une exécution Militaire, telle qu’est celle de passer par les armes, fait un spectacle plus frappant pour la Troupe assemblée, et inspire par son appareil tout le respect que le Soldat doit avoir pour le Service, et toute l’horreur dont il peut être pénétré contre le crime de la désertion. Il n’y a donc point de doute que le Conseil de Guerre ne puisse, et même ne doive former ses jugements sur cette matière, suivant la nature et la différence des délits, lorsqu’il s’agit de condamner un déserteur.

Dans les informations que l’on prend contre un Soldat accusé de désertion, il y a quatre principaux Chefs à examiner. 1°. Les causes de sa désertion ; savoir, ce qui l’a porté à cette action ? S’il n’a pas reçu sa solde exactement ? S’il y a été contraint par la faim ou autres besoins indispensables à sa subsistance ? S’il a été forcé à prendre parti ? S’il n’a pas reçu l’argent promis par l’engagement, ou sa monture de Soldat. 2°. Le dessein formé pour déserter, savoir, si l’action a été faite avec la liberté d’esprit, telle qui est requise pour commettre une action criminelle ? S’il ne pas fait dans l’ivresse actuelle et assez forte pour lui avoir ôté tout l’usage de raison ? Si l’ivresse étant passée, il est revenu aussitôt sur ses pas ? Si l’action n’a point été faite par égarement d’esprit, et si la preuve en existe ? 3°. La personne de l’accusé, savoir, ce qu’il a fait ci-devant, dans quel service il a été, et combien de temps ? Quelles sont ses mœurs et sa conduite dans le Service ? 4°. La qualité du délit, s’il n’a point déjà déserté avant ? S’il a été seul, ou s’il a cherché à débaucher des autres ? Ce qu’il a emporté avec lui ? Quel chemin il a pris, et dans quel endroit il prétendait aller ? Et autres éclaircissements que les circonstances du fait pourront exiger.

ARTICLE 109.
De la punition du sortilège.

Celui qui aura dommagé à quelqu’un par sortilège, sera puni de mort, et la punition sera celle du feu ; mais celui qui se servira de sortilège sans avoir par là nui à personne, sera puni selon l’exigence et la nature du cas, en quoi les Juges seront tenus de consulter, comme il sera marqué ci- après.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 109.

Le sortilège dont la Loi parle, est un maléfice qui se fait par des superstitions et enchantements : la punition ordinaire contre les imposteurs qui se mêlent de ces sortes de pratiques, est le bannissement à perpétuité ; mais lorsqu’ils sont convaincus d’avoir fait par là quelque dommage, soit par la perte des bestiaux, soit par des maladies, ou d’avoir procuré la mort à quelque personne, la peine capitale, et même celle du feu, a lieu contre eux dans le cas où il y aurait du sacrilège ou profanation des choses saintes. Il n’y a point de Nation où il n’y ait des Ordonnances de sévérité contre ce crime.

ARTICLE 110.
De la punition des Écrits injurieux, et injures criminelles.

Celui qui par des Écrits injurieux ou Libelles diffamatoires répandus sans signature juridique, charge quelqu’un injustement de quelque crime ou forfait, pour lequel il pourrait être puni en son corps, en sa vie, ou en son honneur, lorsque la vérité du délit serait découverte, le diffamateur subira la même punition à laquelle il a cherché à exposer l’innocent par sa malice et ses Écrits calomnieux ; et quand bien même le fait attribué ainsi injurieusement, se trouverait véritable, le diffamateur ne laissera pas d’être puni en vertu des Lois, et suivant la prudence du Juge.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 110.

On comprend sous le nom des Libelles diffamatoires, tout écrit, chansons et pièces satiriques faits contre l’honneur et la réputation de quelqu’un, ce qui est réputé injure atroce : la Loi veut que ceux qui diffament ainsi les autres par la médisance, ou par des faits véritables, soient punis comme les calomniateurs, parce que ceux-là ne sont pas plus en droit de divulguer les vices, que ceux-ci de les supposer faussement par des Écrits publics, au lieu de s’adresser au Magistrat, auquel seul tout délit doit être dénoncé.

Rien ne peut servir à la justification du diffamateur public, et les Lois entendent que sans être jamais admis à prouver les faits qu’il a avancés dans son Libelle, il soit procédé contre lui par une punition arbitraire, tels que seront le bannissement, la fustigation ou autres même plus considérables, suivant l’exigence des cas.

ARTICLE 111.
De la punition des Faux-Monnayeurs, et de ceux qui, sans droit, fabriquent des Monnaies.

La Monnaie est reconnue pour fausse, premièrement lorsque quelqu’un y met l’effigie d’un autre frauduleusement. Secondement, lorsqu’il y ajoute un métal étranger. Troisièmement, lorsqu’il l’altère par la diminution de son poids naturel. Ceux qui tombent dans un de ces cas, sont tenus pour Faux-Monnayeurs, et doivent être punis en la manière suivante. Savoir, ceux qui fabriquent de la fausse Monnaie, qui la marquent ou qui l’échangent, se l’approprient, et ensuite la débitent ainsi sciemment, et avec malice, pour tromper les autres, seront condamnés suivant l’usage et l’Ordonnance des Lois à perdre la vie par la peine du feu ; ceux qui avec connaissance de cause auraient prêté leur Maison pour cet effet, la perdront avec cela. Mais celui qui avec danger en diminue le poids naturel, ou qui la fabrique sans en avoir le privilège, sera arrêté, et suivant l’exigence du cas, sur l’avis des Gens de Loi, sera puni en son corps ou en ses biens. Celui qui pour altérer la monnaie d’un autre, la refondra et la fera moindre, sera puni en son corps ou en ses biens, suivant les circonstances du fait, et si pareille chose arrivait du su et consentement d’une Juridiction, elle sera déchue de son privilège de battre Monnaie.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 111.

L’usage introduit dans les Juridictions a modéré la punition prononcée dans cette Loi, et n’admet plus que la peine capitale ordinaire contre les Faux-monnayeurs, quoique le délit par lui-même soit toujours censé être une espèce de crime de Lèse-Majesté. Il y a des cas qui peuvent tomber dans la troisième partie de cette Loi, et qui regardent l’altération du poids des Monnaies, où l’esprit de cette Ordonnance n’admet pas même la peine capitale, et paraît seulement indiquer une punition corporelle et arbitraire, telles que peuvent être la prison perpétuelle, les Galères, une marque de flétrissure avec bannissement ; le tout dépendant des circonstances plus ou moins aggravantes.

Les Jurisconsultes établissent différents degrés de punition contre ce crime, suivant la différence des dignités dans les Princes et États ou il est commis ; ils le mettent au nombre des crimes de Lèse-Majesté, lorsque la fausse effigie ou l’altération du métal regarde la Monnaie de l’Empereur, parce que lui seul dans l’Empire jouit du droit de Majesté directement et proprement dite, et dans ce cas ils veulent que la Loi soit observée dans toute sa rigueur : à l’égard des autres États qui jouissent de ce droit émané de la Majesté, et à titre de communication, ils admettent à la vérité la peine capitale ordinaire, mais non qualifiée.

Ils admettent encore une différence par rapport à la valeur des espèces, et ils n’osent conclure à la peine capitale pour la falsification de la petite Monnaie, à moins qu’il n’y en ait une quantité assez considérable pour avoir porté beaucoup de préjudice au Public. Comme ces différences n’auraient point lieu par rapport aux Sujets des Cantons Suisses, dont chacun jouit en particulier d’un droit de supériorité et de souveraineté égale, tout Faux-Monnayeur, quoique hors de sa Patrie, et au service d’une Puissance, ne peut éviter la peine capitale que leurs Tribunaux sont dans l’usage de prononcer.

ARTICLE 112.
De la punition de ceux qui font des fausses signatures, Lettres, Obligations, et des faux Registres.

Seront punis en leur corps et en leur vie ceux qui auront fabriqué des faux seings, des fausses Lettres, des faux Contrats, Obligations ou Registres, ayant égard en cela au plus ou au moins de malice qui aura été trouvée dans la fausseté, de même qu’au dommage qu’elle aura causé, le tout après avoir consulté la matière, ainsi qu’il sera dit à la fin de cette Ordonnance.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 112.

Le crime de faux est un délit public qui intéresse la fortune et la sûreté des hommes, et que la Loi veut par conséquent venger ; ce, crime a ses degrés ainsi que les autres, et demande aussi une peine proportionnée : toute fausseté qui aura occasionné la ruine totale d’un particulier, ou un grand dommage irréparable, et dont la malice est avérée, doit être punie de mort. La fausseté dans les écrits se commet lorsqu’en effaçant ou altérant un mot, une lettre ou une date, ou bien en y ajoutant ou substituant un autre, de même que par une fausse signature, on change la nature de l’écrit au préjudice de quelqu’un.

Ceci doit s’entendre également de ceux qui fabriquent de faux certificats de Congé ou des Passeports pour favoriser la désertion des Soldats qui trafiquent ou donnent les leurs, ne s’en étant pas servis eux-mêmes, ou après s’en être servis. Il est à remarquer qu’en matière de faux la Loi ne reçoit point le rapport des Experts et la comparaison des écritures, comme une preuve assez suffisante pour porter un jugement de peine capitale, on y doit toujours joindre les informations, parce que le rapport seul ne forme pas contre l’accusé une preuve de cette espèce, que la Loi demande : Indiciis ad probationem indubitatis et luce clarioribus.

ARTICLE 113.
De la punition de ceux qui se servent des fausses Mesures, Poids et Marchandises.

Celui qui par malice et avec danger falsifie les Mesures, Poids, Épiceries, ou autres Marchandises, et s’en sert, et les débite pour légitimes, sera regardé comme Criminel, et banni du Pays, après avoir été fustigé ou subi d’autres peines corporelles, suivant l’exigence des cas. Cette falsification pourrait avoir été pratiquée assez souvent et avec assez de malice pour que le coupable méritât la peine de mort sur l’avis des Gens de la Loi, ainsi qu’il sera marqué à la fin de cette Ordonnance.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 113.

La peine qui est prononcée contre ceux qui usent des fausses Mesures, faux Poids, ou qui débitent des Marchandises falsifiées, devient arbitraire dans l’esprit de cette Loi ; les circonstances de ces sortes des délits peuvent quelquefois porter les Juges à former un jugement capital lorsque ces tromperies ont été exercées longtemps, sans discontinuation, et dans des Marchandises dont le prix est intéressant ; ainsi on peut comprendre dans la juste sévérité de cette Loi les Cabaretiers par rapport à la falsification considérable de leur boisson ; les Boulangers par rapport au Poids ou à l’altération de la nature du pain, de même que les Bouchers pour le débit des viandes d’une qualité nuisible.

ARTICLE 114.
De la punition de ceux qui par fraude déplacent des bornes ou marques de terrier.

Celui qui par malice et avec danger déplace, détruit, ôte ou altère une borne, sera puni en son corps à proportion du danger qui en résulte, et selon la nature de la chose et de la personne, après en avoir consulté.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 114.

Quoique pour l’ordinaire il n’y ait qu’une action civile contre ceux qui sont reconnus coupables de cette fraude, et que les jugements ne tendent qu’à dédommager la partie lésée, il y a néanmoins des cas dans cette espèce où le Juge peut procéder criminellement, et prononcer même la peine capitale. Par exemple, si un homme de propos délibéré, et dans le dessein de nuire à toute une Province, avait déplacé des bornes, et que par ce déplacement le Pays eût souffert effectivement un dommage considérable. Telle serait encore la malice d’un autre, qui dans la vue de causer du malheur détruirait ou endommagerait une digue construite pour la sûreté du Public, et pour mettre un lieu à couvert de l’inondation. Ces délits étant d’une malice au premier degré et intéressant la conservation publique, on ne peut douter qu’ils ne doivent être punis dans la dernière rigueur.

ARTICLE 115.
De la punition des Procureurs, qui au préjudice de leurs Clients,
assistent sous mains et frauduleusement leurs parties adverses.

Un Procureur qui aura été convaincu d’avoir à dessein et au préjudice de son Client donné assistance à la Partie adverse, soit dans des causes civiles, soit criminelles, sera contraint avant toutes choses de réparer suivant l’étendue de ses facultés tout le dommage fait à sa Partie, et ensuite il sera exposé au Carcan, fustigé publiquement, et banni du Pays, ou même puni d’une autre manière, suivant la nature et circonstances du délit.

ARTICLE 116.
De la punition du crime commis contre la nature.

Le crime d’une personne commis avec une bête, d’un homme avec un homme, d’une femme avec une femme, sera puni de mort, et suivant l’usage ordinaire on prononcera la peine du feu.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 115 ET 116.

Cette Loi renferme sous la même peine les crimes de bestialité et de Sodomie, dont l’explication a toujours assez peiné les Jurisconsultes, pour l’éviter dans leurs écrits, tout Juge étant suffisamment instruit pour en connaître les circonstances essentielles lorsqu’il doit examiner des délits de cette nature. Ce que l’on doit remarquer particulièrement au sujet de cette procédure, est, que comme dans les autres crimes la confession seule du coupable ne suffit point pour porter jugement, si le Corps du délit n’a été constaté, c’est-à-dire, si l’on n’a des preuves visibles du fait arrivé, dont il est accusé ; de même, afin de pouvoir condamner pour fait de Sodomie, le Corps du délit doit être constaté quoique différemment ; savoir par la confession réciproque des deux coupables, parce que ce crime est de la même nature de ceux dont il ne reste aucun vestige ou preuve visible, telle qui se trouve par exemple dans l’assassinat, où la découverte du cadavre fait l’existence du Corps du délit.

Il est encore à observer que la peine ordinaire dictée par cette Loi n’a point lieu contre celui qui a seulement tenté de commettre le crime de Sodomie sans l’avoir consommé, et qu’il ne peut être condamné qu’à une peine extraordinaire. À l’égard du crime de bestialité, on établit le Corps du délit par les circonstances aggravantes, dans lesquelles le coupable a été surpris par son attitude, posture, et autres préparatifs ou dispositions prochaines pour commettre le crime.

ARTICLE 117.
De la punition du crime d’inceste.

Lorsque quelqu’un aura eu commerce criminel avec sa belle-fille, avec sa bru, ou avec sa belle-mère, dans ces fortes d’incestes, et autres d’un degré plus proche, on prononcera la peine ordonnée par nos Lois Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs, sur quoi on aura recours à l’avis des Jurisconsultes.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 117.

Les Lois Impériales auxquelles cet article nous renvoie, de même que celles de toutes les Nations bien gouvernées, ont toujours veillé à la punition du crime de l’inceste, comme opposé à l’ordre de la nature : pour cet effet elle l’ont distingué en deux espèces, afin d’y attacher un châtiment proportionné.

La première regarde l’inceste commis en ligne directe, lorsque le commerce criminel se trouve entre les enfants et leurs père et mère ou aïeuls, beau-père et belle-mère ; en ce cas les Lois ordonnent la peine capitale qui peut être diversement qualifiée suivant les différents usages des Pays : celle du feu a eu lieu dans quelques endroits, et dans presque toutes les Juridictions de l’Empire, on punit ce crime par le glaive.

La seconde espèce d’inceste se trouve entre des parents en ligne collatérale, tels que sont les frères et sœurs, les oncles et nièces, les tantes et neveux, et autre degré de parenté, pour lesquels il faut dispense pour mariage : cet inceste doit être puni plus ou moins rigoureusement, suivant que le degré de parenté est plus proche ou plus éloigné ; et comme l’usage est le plus grand interprète des Lois, celui des Pays sujets à l’Empire, admet dans ces occasions le bannissement et la fustigation.

Le même usage dans les jugements, a toujours mis une différence dans la sévérité de la punition contre les deux sexes, pour les deux espèces d’incestes, eu égard à la faiblesse et à la fragilité des femmes, quoique plusieurs Jurisconsultes concluent à la même peine pour l’un aussi bien que pour l’autre.

La rigueur de cette Loi souffre quelques exceptions que les sentiments les plus suivis autorisent : Premièrement à l’égard des personnes d’une condition et état relevé, sans laisser leur faute dans l’impunité, les jugements qu’ils subissent, vont au bannissement, et à les obliger de doter celles dont ils ont abusé, et de voir la moitié de leur bien confisquée. Secondement, à l’égard de ceux qui sont en bas âge, pourvu qu’il ne soit pas prouvé que la malice a devancé dans leurs actions le nombre des années, ce que l’on observe de même dans la punition des autres crimes. Troisièmement, dans le cas d’ignorance où peuvent avoir été les personnes sur la proximité des degrés de parenté, pourvu que cette ignorance qui est une affaire de fait, soit suffisamment établie.

Deux moyens peuvent rendre cette ignorance suffisante, suivant la prudence des Juges et l’exigence des cas ; le premier est de s’en rapporter à leur serment, lorsque la punition ne peut être que légère, telle que serait la prison ou une peine pécuniaire ; le second, est la voie de la question dans le cas où la peine doit être corporelle comme la fustigation, le bannissement et autres, ou capitale ; le tout selon la nature du délit et des personnes. Il est encore à observer, que dans la procédure contre l’inceste, de même que dans celle de l’article précédent, le Corps du délit devient constaté par la confession de[s] deux complices.

ARTICLE 118.
De la punition de ceux qui enlèvent des femmes mariées, ou des filles.

Lorsque quelqu’un enlèvera d’une manière déshonorante une femme mariée, ou une honnête fille contre le gré du mari ou du père, quoique la femme ou la fille y ait consenti, le mari ou le père seront en droit de former leur accusation criminelle ; et le délinquant sera puni conformément à nos Lois Impériales, et celles de nos Prédécesseurs, après en avoir consulté avec les Gens de Loi.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 118.

L’enlèvement d’une personne du sexe, que l’on nomme communément le crime de Rapt, suivant les Lois Impériales et l’usage de tous les Peuples, est puni de la peine de mort, lorsqu’il est accompagné des circonstances essentielles qui nous sont indiquées dans cet article. Il faut donc premièrement que cet enlèvement soit déshonorant et injurieux. Secondement, que la personne enlevée soit une femme ou une fille d’une vie honnête et non décriée pour ses débauches. Troisièmement, qu’elle ait été enlevée contre la volonté du mari ou du père, qui seuls peuvent avoir la qualité des Parties plaignantes, quand bien même la personne aurait consenti à son enlèvement. Le concours de ces trois conditions forme réellement le crime du Rapt, et soumet le ravisseur à la peine capitale, de même que celui qui sera convaincu de lui avoir prêté secours et assistance pour parvenir à l’enlèvement, l’esprit du Législateur étant de punir ce crime pour la vengeance publique.

De là il faut tirer quelques conséquences certaines pour fixer l’esprit des Juges dans l’examen des cas criminels, qui concernent cette matière.

1°. La disposition de cette Loi n’étant faite que pour venger l’honneur des femmes, et pour garantir en même temps la sûreté publique, elle ne s’étend point aux personnes prostituées, bien moins à celles qui seraient enlevées dans des lieux infâmes : l’Enlèvement de ces sortes de personnes ne peut point passer pour un Rapt dans l’idée de la Loi, parce qu’il n’y est parlé que de Raptoribus Virginum ; cependant quoiqu’une pareille action semble porter un châtiment avec elle, par la confusion dont elle couvre le ravisseur, il est toujours de l’intérêt public et de la bonne Police de lui infliger une peine arbitraire plus ou poins grande, à proportion des circonstances du fait.

2°. La vue du mariage entre deux personnes même d’une condition à peu près égale ne saurait affranchir le ravisseur de la rigueur de la Loi qui se propose principalement de venger la sûreté publique à laquelle le ravisseur, quelque motif qu’il ait pu avoir d’ailleurs, a donné atteinte, c’est ce que Justinien appelle, Hostili more in Republica matrimonia conjungere.

3°. Il faut des circonstances très aggravantes pour que la peine décernée contre le Rapt ait lieu également contre une femme qui aurait ravi ou enlevé un homme, parce que la Loi ne parle ici que des hommes ravisseurs, et que la rigueur dans le cours ordinaire ne doit point être étendue, la femme d’ailleurs n’étant pas présumée se porter à ces entreprises, et avoir les mêmes raisons qui font agir les hommes.

ARTICLE 119.
De la punition du viol.

Celui qui fera violence à une femme mariée, à une veuve, ou fille, et qui malgré elle en abusera, aura mérité la mort, et par la procédure qui lui sera faite sur la plainte de la personne violée, il sera de même qu’un ravisseur condamné à périr par le glaive ; et celui qui de propos délibéré et violemment aura tenté de forcer une femme ou une fille, et que par la résistance qu’elle aurait faite, ou par un autre secours elle en aurait été délivrée, il sera puni sur la plainte de la personne violentée, eu égard aux circonstances du fait, et à la condition des personnes, en quoi les Juges doivent demander conseil, ainsi que dans d’autres cas ci-devant rapportés.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 119.

Les Jurisconsultes mettent trois différences entre le Rapt et le Viol pour distinguer ces deux crimes. 1°. Le premier se commet ordinaire avec le dessein d’épouser la personne enlevée contre le gré des parents ; le Viol au contraire n’a d’autre objet que la passion présente et la brutalité. 2°. Le Rapt est toujours un crime puni par la Loi, lors même que la personne ravie a consenti à son enlèvement, au lieu que le Viol n’est réputé crime que parce qu’il y a eu de la violence de la part de l’homme, contre le gré, et par conséquent à l’injure de la personne violée. 3°. La Loi admet à la vérité la peine de mort contre l’un et l’autre de ces crimes, mais avec cette différence, que pour celui du Rapt elle prononce encore la confiscation des biens.

Dans le cas où le crime du Viol n’a point été consommé par la grande résistance de la personne ou d’autres empêchements survenus, la Loi en exemptant de la peine capitale en ordonne une arbitraire qui doit être plus considérable s’il est resté des traces de violence sur la personne attaquée ; par exemple, dans des cas où il s’est trouvé des coups d’épée ou d’autres armes offensives, on a rendu des Jugements qui ont condamné l’homme à perdre le poing et à être banni à perpétuité. Cette insulte devient encore circonstanciée par la différence des conditions, et par le lieu où elle est faite, tel que serait le grand chemin, dont la sûreté publique blessée exige une plus grande sévérité.

ARTICLE 120.
De la punition de l’Adultère.

Un homme marié ayant accusé criminellement un autre pour fait d’adultère commis avec sa femme, l’en aura convaincu, l’homme adultère de même que la femme seront punis selon Nos Ordonnances Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs. Il en sera de même lorsqu’une femme mariée formera sa plainte contre son mari ou contre la personne avec laquelle l’adultère aura été consommé.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 120.

Ceux qui ont travaillé à l’interprétation de cet article, distinguent trois espèces d’adultères, qui peuvent être sujets à la sévérité de la Loi.

La première espèce est lorsqu’un homme marié commet ce crime avec une femme mariée ; en ce cas la procédure criminellement instruite sur la plainte formée, tend à prononcer la peine capitale contre l’homme ; et à l’égard de la femme adultère, comme la Loi a toujours fait attention à la fragilité de son sexe, on la condamne à être enfermée, et on y ajoute la fustigation, lorsqu’elle est d’une condition abjecte.

La seconde espèce est lorsqu’un homme libre et non marié commet le crime avec une femme mariée, la Loi admet la même sévérité contre lui que dans le premier cas, parce que son injustice devient égale en substituant dans une famille étrangère des enfants qui font tort aux héritiers légitimes.

La troisième espèce est lorsqu’un homme marié commet le crime avec une personne libre ou une veuve, les Lois Civiles sont en cela différentes des principes du Droit Canon, et ne regardent point ce cas comme un véritable adultère, aussi elles n’y admettent point la peine capitale, mais une peine arbitraire telle qu’est la fustigation, ou un bannissement limité suivant la condition des personnes, et les degrés de scandale qui s’y trouve.

De ces distinctions établies, de même que du texte de la Loi, on doit tirer quelques conséquences certaines.

1°. La poursuite et la vengeance du crime d’adultère n’appartenant qu’au mari ou à la femme, le Juge ne peut point agir d’office, et sans être requis, à moins qu’il n’y ait des présomptions violentes que le mari est de concert avec sa femme, et autorise sa débauche, dans ce cas le Juge peut de son chef, comme Censeur de la Police obliger une femme de mauvaise vie, et son mari qui connive à son désordre, de sortir du Territoire à cause du scandale qu’ils y font.

2°. Le mari n’est pas recevable à poursuivre un Particulier pour adultère commis avec sa femme, lorsqu’il ne dirige pas en même temps sa poursuite contre elle, et qu’il la retient chez lui ; il en est de même lorsque pendant la poursuite formée, il s’est réconcilié avec elle, en ce cas il n’y a ni dommages et intérêts, ni réparations à demander.

3°. Le droit de poursuivre une femme pour crime d’adultère ne passe point en la personne des héritiers du mari, à moins qu’il n’eût commencé lui-même la poursuite de son vivant, ainsi leur demande n’est point reçue pour la priver de ses droits, si ce n’est dans le seul cas, lorsqu’ils peuvent prouver qu’elle a mené une mauvaise vie et scandaleuse pendant l’année de son deuil.

Quoiqu’en général les Tribunaux se soient beaucoup relâchés sur la rigueur de la Loi contre l’adultère, par la difficulté qui se présente dans l’instruction de cette procédure, et par différentes circonstances, qui portent à avoir des grandes circonspections, ils ont cependant conservé dans des cas particuliers toute l’idée de sévérité, que la Loi prescrit pour prononcer la peine de mort contre l’adultère commis par les valets, serviteurs ou facteurs, domestiques, ou métayers, avec leurs Maîtresses, contre lesquels le mari porte sa plainte au Criminel.

ARTICLE 121.
De la punition de la Bigamie.

Un homme marié qui contractera mariage avec une autre femme, ou une femme mariée, qui du vivant de son mari en fera la célébration avec un autre homme, commettra un crime aussi grand et même plus grand que l’adultère ; et quoique les Lois Impériales n’aient point statué la peine de mort contre ce délit, Nous voulons cependant que ceux qui en fraude, sciemment et volontairement l’auront occasionné et consommé, ne soient pas moins punis comme criminels que les adultères.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 121.

La Bigamie ou Polygamie doit être regardée comme un crime commis contre le bon ordre d’un état civil par la confusion et le trouble qu’il introduit dans les familles ; les Lois Romaines la défendaient et déclaraient infâmes ceux qui en étaient convaincus. Ce crime est devenu plus considérable depuis l’établissement du Christianisme, et ceux qui s’en rendent coupables, agissent en fraude et au mépris de la Religion.

Quoique dans l’usage commun des Juridictions on ne prononce pas la peine de mort contre ce délit, et qu’en France même on ne punisse l’homme qu’à l’amende honorable, au Carcan, et outre cela aux Galères à perpétuité, et la femme au bannissement, ou à la prison pour toute sa vie ; cependant on doit dire, que la Loi que l’Empereur prescrit ici, suppose des cas de Bigamie ou de Polygamie, pour lesquels le jugement peut être capital.

Ceux des Jurisconsultes qui ont cherché à adoucir le plus la rigueur de cette Loi, prétendent qu’elle regarde spécialement un homme marié qui épouserait une femme dont le mari serait actuellement vivant, et vice versa : la raison sur laquelle ils se fondent, est, que la Loi n’entrant pas dans le détail des autres cas au-dessous de cette espèce, on ne doit pas chercher à en étendre la sévérité suivant la maxime générale du Droit : C’est dans ce sens qu’ils entendent le parallèle qui est fait ici de la Bigamie avec l’Adultère, ce dernier crime n’étant aussi puni de la peine capitale, dans la plus grande rigueur, que lorsqu’il est double, c’est-à-dire, lorsqu’il est commis entre deux personnes mariées, ou que la femme adultère est mariée, à cause de l’injustice notable faite aux légitimes héritiers.

Cependant la plus grande partie des Auteurs concluent à la peine capitale indistinctement pour toutes les espèces de Bigamie, et ils paraissent fondés sur les dernières paroles de cette Loi, qui déclarent tout Bigame, criminel, et non moins punissable que l’adultère ; dont ils infèrent que le texte ne faisant point de distinction entre ces deux différents délits, il n’y en doit point avoir non plus dans les jugements à rendre. Ils ajoutent à cela que le cas de la double Bigamie étant un délit infiniment rare, il n’est point à présumer que la Loi, qui doit envisager ce qui arrive le plus souvent, ait voulu se restreindre à un objet aussi peu commun que celui de la double Bigamie.

Nous pouvons donc conclure dans l’esprit de rigueur qui est naturel à cette Loi, et qui doit faire la règle des Tribunaux en première instance, que tout crime de Bigamie ou Polygamie est sujet à la peine capitale, lorsqu’il est accompagné des conditions suivantes.

1°. Il faut que celui ou celle qui fait un second engagement du vivant de son conjoint, n’ait pas seulement fait la promesse ou les épousailles, mais qu’il ait réellement été marié par un acte de célébration en face d’Église, ou suivant l’usage autorisé par sa Religion, par là il se rend criminel de fraude, ainsi qu’il est marqué dans la Loi.

2°. Il faut que cet acte ait été suivi de la consommation de ce double mariage.

3°. Que l’ignorance du fait ne puisse point excuser son action : cette ignorance devient inexcusable, lorsque par exemple une femme croyant son mari tué dans une bataille, n’a point fait les perquisitions nécessaires pour en savoir la vérité, tel qu’est le certificat en bonne forme et par serment d’un des Officiers de sa Troupe.

Il en est de même du mari que sa femme croit avoir fait naufrage sur mer ; c’est de ceux qui en sont réchappés et qui l’ont vu périr, qu’il en faut tirer un certificat ; et au cas qu’il ne s’en fût sauvé personne, son embarquement constaté, joint au naufrage total du Vaisseau, forme la certitude de la femme pour n’avoir rien à craindre dans la suite. A l’égard de la longue absence du mari, quoiqu’on puisse dire en général qu’elle ne justifie jamais le double mariage de la femme, parce que ce lien est si sacré, qu’il ne peut être dissous que par la certitude du décès de l’un ou de l’autre ; néanmoins plusieurs Jurisconsultes ont admis l’espace de trente, et même de vingt années, pour disculper la femme du crime de Bigamie, si dans cet intervalle elle peut prouver avoir appris par le bruit public que son mari n’était plus en vie. Dans quelque cas que se trouve un double mariage contracté, il est nul, et les enfants qui en sont provenus ne peuvent être légitimes.

ARTICLE 122.
De la punition de ceux qui prostituent leurs Femmes ou leurs Enfants.

Celui qui sera convaincu d’avoir livré et prostitué sa femme ou enfant au libertinage, et à des actions déshonorantes pour en tirer du profit, de quelque nature qu’il puisse être, sera déclaré infâme, et puni en vertu des nos Lois.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 122.

Les Lois dont cet Article parle, prononcent la peine capitale contre les maris, les pères ou mères qui font un métier aussi infâme que celui de prostituer leurs femmes ou leurs enfants pour une somme d’argent, ou autre lucre, de quelque nature qu’il puisse être ; et cela d’autant plus que le crime de maquerellage étant en général sujet à cette peine, elle doit à plus forte raison avoir lieu contre des personnes aussi proches, et dont l’infamie devient plus grande et plus opposée aux sentiments de la nature.

Cette grande sévérité a néanmoins ses exceptions, sur lesquelles les Juges doivent être attentifs.

1°. Dans les cas où l’on ne peut pas prouver que ce trafic s’est fait à prix d’argent, ou autre valeur, la peine capitale ne saurait avoir lieu, mais bien une peine arbitraire et déshonorante ; la présomption seule qui y est toujours, quelque forte qu’elle puisse être, ne suffisant point pour porter le jugement à cette dernière rigueur ; dans le doute que forme cette présomption, on peut procéder à la question pour faire avouer la vérité, surtout si la fille prostituée ou les complices ont chargé le père ou la mère d’avoir reçu quelque chose pour le prix de leur crime.

2°. La peine capitale n’a point lieu lorsque les enfants se sont prostitués eux-mêmes, quoique les parents soient témoins de leur libertinage, et y consentent par leur indulgence, sans néanmoins les y exciter à la continuer : cette conduite, par le scandale qu’elle donne, mérite une peine arbitraire et proportionnée à la condition des personnes, et aux circonstances : la même chose se doit dire aussi des maris.

3°. Une femme mariée ne peut jamais tomber dans le cas d’aucune punition pour supporter le libertinage de son mari, en continuant de demeurer avec lui, quand même elle le saurait à n’en pouvoir douter, comme serait de l’avoir surpris en adultère.

ARTICLE 123.
De la punition de ceux qui aident à la prostitution des femmes mariées.

Comme il arrive souvent que des personnes du sexe par leur imprudence, et même des filles innocentes, qui d’ailleurs sont sans reproche, se laissent induire au libertinage, et à la perte de leur honneur, par les ruses de quelques hommes et femmes de mauvaise vie, Nous ordonnons que ceux ou celles qui emploieront un artifice aussi infâme, ou qui avec connaissance de cause et de danger loueront leur maison à cet usage honteux, et souffriront qu’il se pratique chez eux, soient punis du bannissement, l’exposition au Carcan, l’amputation des oreilles, la fustigation, ou autres punitions exemplaires, suivant l’exigence des cas, et sur l’avis des Gens de Loi.

ARTICLE 124.
De la punition des Traîtres.

Celui qui dans un mauvais dessein se rend coupable de trahison, sera condamné, suivant l’usage, à la peine de mort. Si c’est une femme, elle sera précipitée dans l’eau. Dans les cas où la trahison aura causé un grand préjudice et scandale, qui regardât un Pays, une Ville, son propre Seigneur, un des mariés, ou proche parent, on pourra augmenter la peine capitale en faisant traîner le coupable sur la claie, ou tenailler. La trahison pourrait même être de telle nature, que le Criminel après avoir eu la tête tranchée, méritera d’être écartelé : en quoi les Juges se règleront sur la qualité du délit ; et au cas de doute, ils consulteront les Gens de Loi.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 123 ET 124.

La trahison, dans le sens de cette Loi, peut être mise au nombre des crimes d’État, et même de lèse-Majesté, lorsque celui qui s’en rend coupable se propose un objet assez intéressant pour causer quelque malheur à un État entier, à une Armée, à une Ville, ou à la personne même du Prince dont il est Sujet, ou sous la domination duquel il se trouve.

Si la Loi est sévère contre tout Citoyen en général, qui commet le crime de trahison, elle [le] devient encore d’une manière plus spéciale contre ceux qui sont dévoués à l’État ou à un Souverain par la profession des armes. Cette matière est si délicate pour ces derniers, par les fréquentes occasions où ils doivent réitérer les preuves de leur fidélité, et par les conséquences fâcheuses qu’entraînent leurs fautes, qu’il leur est bien plus aisé de se rendre criminels, que dans toute autre condition.

Il est nécessaire que les Juges connaissent les cas suivants, où tout homme de Guerre devient criminel de trahison, et sur lesquels on doit prononcer un jugement capital.

1°. Celui qui fera quelque entreprise ou conspiration contre le service du Prince, à la solde duquel il est, contre la sûreté des Villes, Places et Pays de sa domination, contre les Commandants desdites Places, ou contre leurs Officiers, se rend coupable du crime de lèse-Majesté, et doit être condamné à la roue.

2°. Ceux-là deviennent sujets à la même condamnation, qui y auront consenti, ou qui en ayant eu connaissance n’en auront pas averti leurs Officiers Supérieurs.

3°. La correspondance avec l’Ennemi, soit que la Troupe se trouve dans une Garnison, dans une Place assiégée, dans un Camp, ou en marche, tient de même du crime de lèse-Majesté, quoique dans un degré inférieur, et le coupable est condamné à être pendu et étranglé, de quelque rang ou condition qu’il soit, à cause de l’infamie de son action. Cette correspondance peut être pratiquée, premièrement lorsqu’un Soldat ou autre Militaire s’abouche avec l’Ennemi sans un ordre exprès de son Officier Commandant. Secondement, lorsqu’il communique avec lui par lettres ou messages. Troisièmement, lorsqu’il fait quelque signal pour lui marquer ce qu’il souhaite lui faire savoir ; toutes ces différentes voies le rendent criminel de trahison, et il ne peut, sous quelque prétexte que ce puisse être, échapper le jugement capital.

4. Ceux-là sont compris sous la même peine, qui dans une Place assiégée, feront des Assemblées suspectes, pour en comploter la reddition, ou qui contre le gré du Gouverneur et de son Conseil, proposeront de capituler ou de se rendre à l’ennemi d’une autre manière. Ceux qui auront connaissance de ces Assemblées, sans le déclarer, deviennent coupables du même crime.

5°. Celui qui dans un Camp ou dans une Garnison connaîtra quelqu’un pour être un espion envoyé de l’Ennemi, et qui ne le découvrira point aussitôt à son Officier ou Supérieur, sera condamné comme traître, à la peine capitale.

6°. Celui qui dans un Combat, Assaut, ou autre rencontre avec l’Ennemi, aura tenu des discours à ses Camarades capables de les décourager, ou de leur faire prendre la fuite, sera condamné à la même peine.

7°. Il en sera de même, eu égard à des circonstances, contre celui qui débitera des fausses et dangereuses nouvelles dans un Camp ou dans une Ville assiégée, par où les Troupes pourraient être intimidées ou portées à la désertion ; j’ai dit : eu égard à des circonstances, savoir s’il y a eu plutôt de la légèreté, simplicité, ou indiscrétion, que de la malice et du dessein : si dans le temps on a été plus ou moins à portée d’en venir aux mains avec l’Ennemi : si en effet ses discours ont fait quelque effet dangereux et préjudiciable ; ces différentes circonstances rendent l’action plus ou moins criminelle.

8°. La peine de mort a lieu dans les jugements Militaires contre celui qui donnera ou fera connaître l’ordre à l’ennemi, ou à aucun autre, qu’à ceux à qui il doit être donné.

9°. Contre tout Soldat qui de jour ou de nuit après avoir été posé en sentinelle, quittera son poste sans avoir été relevé par le Sergent ou le Caporal, soit que la Troupe se trouve en Bataille, dans une Place, ou qu’elle soit campée, ou en marche ; de même que celui qui étant dans le Camp ou dans la Garnison, ne suivra pas son Drapeau dans une alarme, Champ de Bataille, ou autre expédition de guerre.

10°. La même peine encourt celui, qui étant en sentinelle ou en faction, sera trouvé endormi : Tous ces cas et autres particuliers, que les circonstances peuvent faire naître, sont des délits contre la fidélité que les Troupes ont juré d’observer dans le Service, et dont les conséquences sont assez grandes, pour que les Lois Militaires aient statué la peine capitale. On doit ajouter ici que le Général d’Armée peut faire publier des défenses momentanées, sous peine de la vie, qui doivent être observées par tous ceux qui lui sont soumis, de quelque Nation qu’ils soient.

ARTICLE 125.
De la punition des Incendiaires.

Ceux qui sont Incendiaires par malice, seront jugés et condamnés à perdre la vie par le feu.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 125.

Quoique cette Loi conclue indistinctement à la peine du feu contre tout Incendiaire par malice, c’est-à-dire, contre tous ceux qui de propos délibéré, et pour faire tort incendient la Maison avec la Grange d’autrui ; cependant la pratique constante de tous les Tribunaux admet une différence dans le genre de punition, tant par rapport aux personnes, qu’à la nature de l’objet du délit. Premièrement, si l’Incendie a été grand, et que la personne soit de qualité par sa naissance ou par son caractère, elle est condamnée à être décapitée. Si l’incendie a été petit, elle est bannie à perpétuité hors de l’État. Si c’est une personne d’une condition vile, et que l’Incendie ait été considérable, le jugement la condamne au feu : s’il a été petit, c’est aussi au bannissement perpétuel. Dans l’un et dans l’autre cas de jugement capital on prononce la confiscation, sur laquelle est préalablement prise la réparation du dommage. La même chose doit s’entendre pour les Incendies causés dans les Champs, Bois et Forêts.

L’on doit observer que la condition vile dont il vient d’être parlé, ne peut point s’entendre d’un Soldat, parce que la profession des armes, dans quelque sujétion et subordination qu’elle le mette, l’élève au-dessus de la condition des personnes abjectes, et le soustrait par conséquent au supplice qui leur est destiné pour le crime de l’Incendie. La condamnation qui paraît la plus naturelle contre un Soldat convaincu du crime d’Incendiaire, sera celle de passer par les armes, ce supplice par sa nature se trouve même le plus conforme à la Loi, prise dans sa rigueur.

ARTICLE 126.
De la punition des Voleurs de grand chemin.

Celui qui se trouvera convaincu de vol de grand-chemin, sera puni par le glaive, en vertu de nos Lois Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs, ou à telle punition de mort qui sera en usage dans chaque pays.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 126.

Plusieurs articles ci-après traitant des différentes espèces de vol, l’Empereur a placé celui-ci en particulier par la liaison naturelle qu’il a avec le meurtre ; tout voleur de grand-chemin par conséquent, qui sera convaincu d’avoir volé par force et par violence, en Campagne, ou dans la Ville, de nuit ou de jour, sera condamné à la peine capitale ; de quelque nature, et de quelque peu d’importance que soit le vol. La punition indiquée dans cette Loi a été augmentée depuis dans tous les États, pour inspirer plus de terreur à ceux qui s’abandonnent à ce crime, ils sont condamnés à être rompus vifs, et à expirer sur la roue, surtout s’ils ont tué ou blessé la personne volée ; c’est ce qui doit toujours être prononcé dans le Tribunal subalterne, qui est, comme nous l’avons déjà remarqué, juge de rigueur dans toutes ses décisions : c’est au Tribunal Supérieur à modérer le supplice selon les circonstances, et à ordonner par un Retentum, c’est-à-dire, par une secrète délibération, que le Criminel sera étranglé après quelques coups vifs, ou après que la Troupe aura défilé devant, pour laisser toute l’horreur du spectacle.

ARTICLE 127.
Punition des Séditieux et Rebelles.

Celui qui de propos délibéré et par malice, excitera avec danger ses séditions dans un Pays, Ville ou Domination contre le Magistrat, et qui en sera convaincu, subira quelquefois la peine du glaive, suivant la nature et les circonstances de son délit, ou la fustigation, avec le bannissement du lieu où il aura excité la sédition, en quoi les Juges doivent suffisamment consulter, afin qu’il ne soit fait tort à personne, et que l’on remédie à ces émotions dangereuses.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 127.

Les différents châtiments que la Loi prescrit ici contre les séditieux, nous marquent aussi les divers degrés qui peuvent se trouver dans ce crime par rapport à ses circonstances plus ou moins aggravantes.

La sédition, rébellion ou mutinerie se commet lorsque contre l’obéissance qui est due, ou contre le commandement de celui qui est revêtu de l’autorité, on s’oppose directement ou indirectement par paroles, par action, ou par écrit, ou que l’on engage d’autres à s’y opposer. Les Lois Militaires étendent leur sévérité plus loin sur cet article, que celles qui regardent les Citoyens en général, et l’obéissance de la subordination y est si grande, qu’il est enjoint à tout Soldat, sous peine de la vie :

1°. D’obéir aux Officiers des Régiments et Compagnies dont il est, en tout ce qui lui sera par eux ordonné pour le Service soit dans les Armées, en Route, dans les Quartiers et dans les Garnisons.

2°. C’est encore sous la même peine de vie que les Soldats doivent obéir en ce qui concerne le Service, à tous les autres Officiers des autres Compagnies ou Régiments qui seront dans leur Quartier, ou dans leur Garnison.

3°. De ces deux dispositions sans lesquelles la subordination ne saurait se maintenir, il s’ensuit une Loi généralement établie dans toutes les Nations, par laquelle il est dit, que tous Soldats qui mettront l’épée à la main contre des Officiers, soit de leur Régiment ou des autres Troupes de leur Quartier ou Garnison, dans quelque occasion que ce puisse être, qui les frapperont de quelque manière que ce soit, ou qui les menaceront, soit en portant la main à la garde de l’épée, ou en faisant quelque mouvement pour mettre leur fusil en joue, quand même ils auraient été frappés ou maltraités par lesdits Officiers, seront condamnés à avoir le poing coupé, et à être ensuite pendus et étranglés.

4°. La peine de mort se prononce également contre le Soldat qui aura frappé un Sergent, tant de son Régiment que des autres Troupes du Quartier ou de la Garnison, étant de garde ou de service actuel avec lui, et hors le cas du service actuel, celui qui frappera un Sergent, soit de son Régiment ou de la même Garnison, ou qui mettra contre lui l’épée à la main, sera condamné aux Galères perpétuelles.

5°. Celui qui frappera un Corporal, avec lequel il sera de garde, de détachement ou autre service actuel, soit que le Corporal se trouve être de son Régiment, ou d’une autre Troupe du Quartier ou de la Garnison, sera pareillement condamné aux Galères perpétuelles.

6°. Le Soldat qui mettra l’épée à la main dans un Camp, ou dans une Place de Guerre, étant agresseur, sera aussi condamné aux Galères perpétuelles : et dans le cas où deux Soldats mettraient l’épée à la main l’un contre l’autre volontairement, et sans que l’un des deux y ait été forcé pour la défense de sa vie, ils subiront tous deux la même condamnation des Galères perpétuelles.

7°. Lorsque des Soldats auront l’épée à la main pour se battre, et qu’un de leurs Officiers ou autre de la Garnison survenant, leur criera de se séparer, s’ils ne lui obéissent pas sur-le-champ, et qu’ils continuent à se battre, ils seront condamnés à passer par les armes.

8°. Celui qui insultera ou attaquera un Soldat étant en sentinelle, ordonnance ou faction, soit l’épée à la main, le fusil en joue, ou à coups de bâton ou de pierre, sera condamné à passer par les armes.

9°. Tous Soldats qui exciteront quelque sédition, révolte ou mutinerie, ou qui feront aucune assemblée illicite, pour quelque cause, et sous quelque prétexte que ce puisse être, seront condamnés à être pendus et étranglés : de même que ceux qui se trouveront en pareilles assemblées, ou qui auront appelé, excité ou exhorté quelqu’un à s’y trouver. Les Lois demandent qu’un Officier qui aurait été l’auteur d’une pareille sédition, soit puni plus exemplairement qu’un autre.

10°. Ceux qui auront dit quelques paroles tendant à sédition, mutinerie ou rébellion, ou qui les auront entendues sans en avertir sur-le-champ leurs Capitaines ou Officiers Supérieurs, seront condamnés à une peine corporelle. Ce cas dans des circonstances peut devenir assez criminel pour donner lieu à la condamnation de mort : telle serait l’occasion où l’on se trouverait au point d’aller à l’Ennemi, ou de soutenir un assaut, et autres de cette nature.

11°. Celui qui étant engagé dans quelque querelle, combat, ou autre occasion, appellera ceux de sa nation, de son Régiment, ou de sa Compagnie à son secours, ou formera quelque attroupement, sera condamné à passer par les armes.

12°. Tout Soldat qui étant dans le Camp ou dans la Garnison refusera de suivre son drapeau dans une alarme, champ de bataille, ou autre affaire, sera condamné à passer par les armes. Il y a des cas où la même peine peut avoir lieu contre ceux qui ne secoureront et ne défendront point leur drapeau soit de jour ou soit de nuit, et qui ne s’y rendront pas au premier avis sans le quitter, jusqu’à ce qu’il soit mis en sûreté, surtout dans le cas d’une mutinerie.

13°. Il se présente des occasions où les Lois de la Guerre autorisent un Officier préposé de faire subir sur-le-champ aux Soldats rebelles et mutins la peine que mérite leur crime, lorsqu’il y aurait du péril à le différer, ou que le scandale demandât à être réparé subitement.

14°. Dans l’instruction d’un procès contre un criminel de rébellion ou de mutinerie, il faut particulièrement travailler à en découvrir les auteurs pour les punir plus rigoureusement.

15°. L’attentat que ferait un Soldat à la personne du Commissaire de Guerre, soit en le frappant soit en se mettant en posture de le frapper, de même que contre l’Officier préposé à la justice du Régiment, forme un délit capital, et toutes les Lois ordonnent que le coupable soit condamné à être pendu et étranglé.

16°. C’est encore une rébellion sujette à la peine capitale, lorsque des Soldats s’attroupent au nombre de cinq et au-dessus, armés de fusils, pistolets, baïonnettes, épées, gros bâtons, ou autres armes offensives, pour porter, soit de jour, soit de nuit, des Marchandises de contrebande, et les faire entrer en fraude des droits du Roi, ou lorsqu’ils font violence aux Commis préposés, en les frappant, soit aux barrières, ou dans l’exercice de leur fonction.

La peine est aux Galères pour cinq ans, lorsqu’il n’y a point eu d’attroupement jusqu’au nombre de cinq, et qu’il n’y a point eu de violence exercée. C’est ce qui a été arrêté par une Ordonnance publiée à la tête du Régiment des Gardes Suisses le 7 Février 1725 pour se conformer à la rigueur des Déclarations et Ordonnances du Roi à ce sujet. Cette attention est d’autant plus essentielle pour les Troupes de cette Nation, qu’elles promettent par serment en entrant au service, de ne rien entreprendre qui puisse faire tort aux intérêts de Sa Majesté, et de détourner de tout leur pouvoir tout ce qui lui pourrait être préjudiciable. Il est à présumer que les autres Corps Militaires de la Nation, dont les motifs sont et doivent être les mêmes, ne concourreront pas avec moins de zèle, à faire punir ces désordres, qui indépendamment du crime qui y est attaché, ne peuvent tourner qu’à la perte des Soldats.

ARTICLE 128.
De la punition des dangereux Vagabonds.

Comme il arrive souvent que des libertins dont on a lieu de craindre des entreprises contre toute équité, quittent leur domicile pour se joindre à des gens où ils trouvent une retraite et un asile à leur libertinage dangereux, que les habitants sont par là exposés à des torts considérables, en ce que ces vagabonds par leurs menaces et la terreur qu’ils inspirent ne se contentent pas souvent de vexer le Pays au mépris des Lois ; c’est pourquoi les déclarant criminels de violence publique, Nous voulons que ceux qui seront pris pour s’être retirés dans des lieux ainsi suspects, et qui dans leur retraite dangereuse, auront inquiété les gens par des menaces, ou effrayé contre l’équité des Lois, soient condamnés à la peine de mort, quand même leurs menaces n’auraient point été mises en exécution.

Il en sera de même contre ceux qui auront tenté d’exécuter leur dessein par quelque action. Mais celui qui se retirera dans des lieux quoique suspects par la crainte d’une Puissance, et non pas par le motif d’agir contre l’équité, ne pourra point être sujet à ladite peine, et dans les cas de doute, on cherchera à s’éclaircir par le conseil des Gens de Loi, comme il sera dit ci-après.

ARTICLE 129.
De la punition de ceux qui emploient des menaces dangereuses.

Quiconque menacera quelqu’un par un mauvais dessein contre tout droit et équité, sera jugé à perdre la vie par le glaive. Cependant si pour porter ses menaces il était autorisé de Nous ou de nos Successeurs, les Empereurs ou Rois des Romains, ou bien si la personne menacée se trouvait être son ennemi, celui de ses parents ou de son Souverain, ou de ceux qui leur appartiennent, ou si d’ailleurs il avait des bonnes et valables raisons pour faire de pareilles menaces, dans ces cas il sera admis à les déduire, et ne pourra point être puni criminellement : lorsqu’il y aura lieu de douter dans lesdits cas, on s’adressera aux Gens de Loi pour prendre conseil, comme il sera dit à la fin.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 128 ET 129.

Le délit dont il est parlé dans cette Loi, intéresse le bon ordre et la tranquillité publique ; il peut devenir assez considérable par ses circonstances, pour être sujet à la peine capitale qui y est prononcée. Cette peine a lieu dans les Justices criminelles, lorsqu’un particulier ne se contente pas de menacer simplement par paroles une personne dont il est ennemi, mais qu’il le fait par écrit, ou le lui manifeste par quelque autre marque visible, en lui annonçant les voies de fait dont il est résolu de se servir, comme serait par exemple de lui envoyer un défi ou cartel, de menacer tout un lieu ou communauté d’un malheur prochain, et sur ces menaces de se joindre avec des gens suspects pour mettre les menaces en exécution ; ces circonstances font qu’un citoyen devient perturbateur du repos public, et le rendent digne de la peine capitale, de même que le crime dont il est parlé dans l’article précédent. Il diffère de celui-ci en ce qu’il est commis dans la vue de vexer et de rançonner les Habitants par la force des menaces et des voies de fait, et que celui dont il est traité ici se propose de les troubler et inquiéter par le motif de la vengeance et du ressentiment, sans qu’il y entre d’autre intérêt.

Lorsque les menaces auront été simplement par paroles sans aucun commencement des voies de fait, et sans dispositions prochaines de les exécuter, et que l’objet néanmoins intéresse le repos public, les Interprètes de la Loi veulent que le Particulier soit arrêté et détenu en prison jusqu’à ce qu’il donne une caution suffisante, au moyen de laquelle il puisse être contenu dans les bornes de son devoir, et au défaut de pouvoir donner caution, qu’il soit condamné à être banni du Pays.

Suite de la "Caroline"