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CODE CRIMINEL DE L’EMPEREUR CHARLES V
( DIT « LA CAROLINE » )

( Deuxième partie )

 

ARTICLE 23.
De quelle manière l’Indice suffisant d’un délit doit être prouvé.

Tout indice suffisant, pour être suffisant, et pour donner lieu à la question, doit être prouvé par deux bons témoins, comme il est marqué ci-après dans quelques-uns des articles, où il est traité de la suffisance des preuves. Mais lorsque le fait même du délit sera prouvé par la déposition d’un seul bon témoin, ce témoignage comme une demi-preuve fera un indice suffisant, ainsi qu’il sera marqué ci-après dans l’article 30.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 23.

Tous ceux qui sont préposés pour connaître des procédures Criminelles, ne sauraient apporter trop d’attention à l’intelligence de cet article, de même que du trentième dont il est fait mention, puisqu’il renferme en général toutes les conditions requises pour former des véritables indices et tels que la Loi les demande, sur le témoignage de ceux dont la déposition est reçue en Justice.

1°. Nous y voyons clairement la distinction qu’il faut faire entre les témoins qui déposent sur le fait même du crime ou du délit, et entre ceux qui ne déposent pas sur le fait même, mais qui rapportent seulement un indice ou un signe du délit commis. Celui qui dépose du fait même, et qui dit avoir vu l’accusé commettre le crime, par exemple, qu’il a vu de quelle manière Jean a blessé Pierre, ou qu’il a entendu comment Jean a blasphémé ; un tel témoin quoique seul, parce qu’il dépose sur le fait même du délit, fait déjà une demi-preuve, et cette demi-preuve faisant un indice suffisant du délit commis, autorise le Juge de faire mettre Jean accusé à la question. Bien entendu que ce seul témoin soit bon, c’est-à-dire, d’une bonne renommée et irréprochable : car lorsqu’il n’aura pas les qualités requises pour faire foi en Justice, son témoignage aura besoin d’être suppléé par d’autres indices pour opérer la question.

2°. La chose devient bien différente lorsque le témoignage ne tombe point directement et immédiatement sur l’action même et sur le fait du délit, mais qu’il ne rapporte qu’un indice ou signe qui soit éloigné ou prochain, par exemple, le témoin déposera avoir vu l’épée de Jean ensanglantée, ou avoir entendu Jean menacer Pierre, cet indice n’est point censé être prouvé par la déposition d’un seul témoin quelque irréprochable qu’il soit ; mais il faut pour la preuve de cet indice, la déposition de deux témoins habiles et irréprochables, pour pouvoir procéder à la question contre l’accusé.

3°. En ceci il est particulièrement à observer, que chaque indice en particulier et séparément, doit être prouvé par deux témoins habiles et irréprochables, qui déposent d’un même délit ; en sorte que si par exemple un témoin disait qu’il a vu Jean avec l’épée nue et ensanglantée dans le lieu, où le meurtre a été commis ; un autre, qu’il a entendu que Jean a menacé Pierre ; et un troisième, qu’il a entendu que Jean s’est vanté d’avoir commis cette action ; il se trouverait là trois témoins, mais en même temps trois indices différents, et tous ces trois témoignages ensemble ne pourraient pas faire un indice suffisant pour la question, parce qu’il n’y en a aucun en particulier qui soit suffisamment prouvé, n’y ayant qu’un témoin séparément pour chacun de ces trois indices.

4°. La confession non juridique d’un délit, ou faite hors la présence du Juge, ne fait point une preuve suffisante pour la condamnation à la peine, mais elle fait un indice suffisant pour la question seulement. Cette maxime est conforme à toute la Jurisprudence, puisqu’il est constant, que même dans les affaires civiles, une confession ou aveu non juridique ne suffit point pour opérer la condamnation, si elle n’est faite contradictoirement et en présence de la partie adverse, et qu’elle n’en soit acceptée.

A plus forte raison, cette confession non juridiquement faite n’est point suffisante en matière Criminelle pour opérer un jugement de condamnation, parce que le Juge comme personne publique étant la seule partie capable de poursuivre la vengeance publique, il est aussi seul en état de recevoir la confession de l’accusé, pour qu’elle soit suffisante à opérer sa condamnation. D’où il faut conclure, que la confession faite non juridiquement d’un délit ne faisant point une demi-preuve, mais seulement un indice, elle doit être prouvée de même que les autres indices par la déposition de deux témoins habiles et irréprochables, pour donner lieu à la question ; en quoi néanmoins les Juges doivent user d’une grande circonspection, pouvant arriver qu’au sujet, par exemple, d’une bagarre où il y aura eu mort d’homme, il se trouvera quelqu’un d’assez insensé pour se vanter mal à propos et par une fausse gloire d’avoir porté le coup ; c’est dans ces occasions que les Juges doivent peser mûrement les circonstances et la qualité de la personne, avant que de procéder à la question sur un pareil aveu ou confession non juridique, qui sera même déposée par plus d’un témoin irréprochable, ainsi qu’il est indiqué spécialement dans l’article 32.

5°. Un témoin est censé être bon et suffisant lorsqu’il a un bon renom, et qu’il n’y a point de reproche légitime à faire contre lui ; d’où il s’ensuit, que ceux qui sont notés de quelque infamie de droit ou de fait, ne doivent point être reçus à porter témoignage, et que leur déposition ne fait point de preuve, c’est-à-dire, qu’ils soient reconnus dans le public pour avoir commis quelque crime avéré, quoiqu’ils n’en aient point encore été repris ni punis en Justice : ce reproche à plus forte raison, a lieu contre celui qui aura été repris ou condamné pour un délit même caché et particulier, parce que toute condamnation pour crime laisse une note d’infamie, qui fonde un reproche légitime en fait de témoignage en Justice. Celui-là n’est point encore un témoin irréprochable, qui sera tenu pour infâme dans le public, soit par sa profession, tels que sont les charlatans et gens de théâtre, soit par sa mauvaise et scandaleuse conduite, tels que sont ceux qui tiennent des lieux de prostitution et de débauche, et autres pareils.

6°. L’âge non autorisé par les Lois, fait un autre reproche contre un témoin, et le rend inhabile à déposer en Justice ; la Loi rejette absolument de tout témoignage juridique celui, qui n’aura pas atteint l’âge de quatorze ans, si c’est un garçon, et de douze, si c’est une fille ; parce que la légèreté et l’inclination naturelle à mentir y est si grande jusque là, qu’il est dangereux de s’en rapporter à leur témoignage.

Cette fixation d’âge a lieu pour toute déposition juridique en général ; mais comme elle devient d’une plus grande conséquence dans les affaires Criminelles, les Jurisconsultes exigent l’âge de vingt ans pour pouvoir y être reçu en qualité de témoin contre l’accusé, à moins que le Juge sur des circonstances particulières, ne soit déterminé à prendre d’office la déposition d’un témoin au-dessous de cet âge, surtout dans les délits, qui par leur nature sont difficiles à prouver, comme les crimes commis nuitamment, ou dans des lieux inhabités. Il n’en est pas de même, lorsqu’il s’agit de la défense et de la décharge de l’accusé, la Loi dans ce cas là, permet d’admettre des témoins au-dessous de l’âge prescrit, ce qui doit néanmoins se faire suivant toute la prudence des Juges.

7°. Un témoin est encore inhabile à déposer, qui est absolument inconnu, c’est-à-dire, celui que l’accusé ne connaît en aucune manière, à moins que l’accusateur ne fasse voir, ou qu’il ne soit reconnu d’ailleurs, qu’il est suffisant et d’un bon renom, en sorte que l’accusé ne puisse pas se servir de ce reproche contre lui.

8°. Les témoins subornés par menaces ou par présents sont à rejeter, quand même ils auraient reçu quelque chose pour déposer fur la vérité du fait ; la seule promesse que l’on fait à un témoin de le récompenser pour rendre témoignage à la vérité, lui donne l’exclusion en Justice, parce que dans l’un et dans l’autre cas il devient suspect de fausseté. Il en est de même de ceux qui ont eu quelque procès ou inimitié avec l’accusé ; ceux qui se sont présentés d’eux-mêmes pour porter témoignage ; ceux qui sont eux-mêmes soupçonnés du crime dont il s’agit ; ceux dont la déposition a été suggérée par d’autres. Tous ces témoins portent le reproche avec eux, et ne doivent point être reçus à déposer.

9°. La raison de la parenté et de la consanguinité donne l’exclusion aux témoins ; ainsi les parents ne peuvent point déposer contre leurs enfants, et réciproquement les enfants contre leurs parents, quand même l’accusé accepterait le témoignage ; un père ne saurait être témoin au sujet d’un délit qui regarde deux de ses enfants, quoiqu’il soit à présumer, que son affection étant égale pour tous les deux, il soit dans la disposition de n’être pas plus favorable à l’un qu’à l’autre, parce que la raison générale qui se tire des liens que la nature a formés entre le père et les enfants, établit à son égard une défense égale de contribuer à violer les droits de la nature.

Cette défense de rendre témoignage tant du père que des enfants a même lieu dans les délits qui regardent le public, quoiqu’il soit de l’intérêt d’un État que ces sortes de délits soient découverts et punis, parce que la même raison subsiste par rapport au droit naturel, qui ne doit jamais être blessé. En quoi il n’y a point de différence à faire, soit que les enfants se trouvent sous la puissance du père, ou qu’ils ne s’y trouvent point, parce que les mêmes droits naturels y règnent, et y doivent régner dans l’un et dans l’autre cas.

10°. D’autres degrés de parenté ou de consanguinité excluent de même les témoignages en Justice en matière Criminelle, tels que sont les beaux-pères et les gendres, les frères et les beaux-frères, les cousins germains, les aïeuls et les oncles, et ceux qui respectivement leur répondent au même degré ; toutes ces personnes mutuellement ne peuvent point être obligées, dès qu’il s’agit de punition corporelle ou capitale, de servir de témoins en justice, les uns contre les autres.

11°. Quoique les femmes soient reçues à déposer en Justice, cependant elles ne sont point tout à fait sans reproche : ainsi le témoignage de deux femmes n’est pas suffisant pour faire une conviction pleine et entière, sur laquelle l’accusé puisse être condamné, lors même qu’elles déposent du fait ; c’est par la même raison que ce témoignage n’est pas suffisant non plus pour la question, lorsqu’il regarde quelque circonstance ou indice, parce que, disent les Jurisconsultes, le témoignage des femmes est sujet à la légèreté et à la variation.

12°. Il est du devoir des Juges d’examiner la condition et la qualité des témoins, et de ne pas admettre ceux, qui de droit ne doivent point être admis, quand même l’accusé ne les récuserait pas : sur quoi cependant les Jurisconsultes établissent les restrictions suivantes.

Ils veulent premièrement, que les témoins d’ailleurs inhabiles, soient reçus à déposer par rapport à la question, lorsque le délit de sa nature est tel, qu’il ne puisse point être prouvé par d’autres témoins plus habiles ; ce qui peut avoir lieu, principalement dans les crimes qui sont commis dans l’obscurité de la nuit, dans des lieux infâmes, écartés, dans des bois et déserts, et dans telle circonstance, qu’humainement parlant, il ne soit pas possible d’avoir le témoignage de quelque autre personne.

Secondement, quoique les témoins inhabiles ne fassent point preuve entière, ils font pourtant une suspicion, laquelle étant fortifiée par d’autres conjectures ou indices, peut donner lieu à la question. Le soupçon que produit la déposition des témoins inhabiles au défaut des autres, oblige les Juges de faire des nouvelles recherches, et de tenir en sûreté en attendant, la personne ainsi soupçonnée, parce que cette suspicion suffit pour continuer la détention.

13°. Pour que les témoins suffisants fassent preuve en Justice, il faut qu’ils déposent de ce qu’ils ont vu et connu par eux-mêmes, et qu’ils en rendent raison ; ainsi lorsqu’ils déposent avoir appris la chose par un tiers, leur déposition ne suffit point et n’est d’aucune considération. Il en est de même du témoin, qui dirait avoir entendu la nuit Jean blasphémer, ou l’avoir entendu dire des injures à Pierre, et ensuite le blesser à mort, et qu’il ajoute avoir reconnu Jean à sa voix ; ce témoignage ne suffit point pour la question, à moins que la voix de Jean ne soit assez connue à ce témoin, pour qu’il ne puisse pas aisément s’y méprendre, parce que l’on peut imiter et contrefaire la voix d’un autre pour n’être pas découvert ou pour perdre quelqu’un.

14°. Il y a deux cas, dans lesquels un témoin peut lui-même être mis à la question pour le fait de son témoignage.

a°. Lorsque ce témoin refuse de déposer, quoiqu’il soit certain, qu’il a connaissance du crime : par exemple, s’il dépose avoir été présent à l’action, et dit cependant qu’il n’a rien vu, ou s’il nie d’y avoir été présent, et qu’il soit convaincu du contraire.

b°. Si ce témoin varie et se contredit dans sa déposition sur le fait ou sur les circonstances essentielles, sans pouvoir rendre raison de cette variation. On doit cependant dans ces deux cas, avoir égard à l’état et à la qualité des témoins ; ceux qui sont d’une condition hors de celle du commun, ne sont point sujets à ces règles, excepté dans les crimes d’État ou de lèse-Majesté, où il n’y a aucune distinction à admettre. La question dans l’un et dans l’autre cas, ne doit être pratiquée contre ces témoins, que lorsque la vérité ne peut point être tirée d’ailleurs, et au reste elle doit toujours être modérée.

15°. Ce qui vient d’être dit de la plupart des témoins inhabiles n’a point lieu, lorsqu’il s’agit de la défense et de la décharge de l’accusé ; la faveur de la Loi lui accorde le témoignage des témoins, qui d’ailleurs ne seraient pas recevables, pourvu toutefois, qu’il ne s’en présente pas d’autres habiles témoins, qui déposent à la charge de l’accusé ; au défaut de ces derniers, les Juges peuvent admettre pour sa défense, ses parents les plus proches, et tout autre témoin, qui ne serait pas d’ailleurs recevable.

16°. Les Juridictions différentes ne peuvent se refuser les témoins qui leur sont respectivement nécessaires, pour l’instruction des procès Criminels. Comme cette mutuelle assistance est de droit naturel, elle ne peut jamais préjudicier à aucune Juridiction quelque privilégiée qu’elle puisse être : celle des Militaires Suisses, qui sont au service des Puissances étrangères, ne peut envisager que ce même droit naturel, dans les occasions où quelque Juridiction particulière aura besoin du témoignage juridique de quelqu’un de sa Nation pour déposer au sujet d’un délit, dans quelque grade qu’il soit.

Le cas s’étant présenté au mois d’Avril 1732 dans le Régiment du Brigadier Baron de Besenval, alors en garnison à Landau, où le Magistrat de la Ville ayant besoin de la déposition de deux Officiers dudit Régiment, dans la recherche d’un vol commis, qui était connu d’eux, et ceux-ci se trouvant dans le doute, si en se présentant à une autre Juridiction que la leur, ils ne donneraient pas quelque atteinte aux privilèges de leur Nation ; l’on voulut bien me consulter sur cette question, je tâchai d’y satisfaire par l’exposé suivant, auquel on se conforma, et qui pourra servir d’instruction en pareil cas.

Le secours mutuel, que se prêtent les Juridictions indépendantes les unes des autres, pour administrer la Justice, est du droit, naturel, du droit public, et de celui des gens, surtout lorsqu’il s’agit de constater et de faire la recherche d’un délit, à la vengeance duquel le public est intéressé.

Les deux Officiers ne peuvent donc se dispenser de comparaître devant le Juge de Landau, pour y faire leur déposition, parce qu’il n’y a que ce Juge, qui soit en droit d’entendre les témoins contre un criminel, qui est de sa Juridiction et de sa compétence.

Ils y paraîtront sans compromettre le privilège de la Juridiction Suisse, après que l’on aura observé la formalité suivante.

Il faut que le Juge de la Ville adresse une réquisition par écrit au Commandant du Régiment, comme au Chef et Supérieur de la Justice en l’absence du Colonel, pour qu’il ordonne aux deux Officiers de comparaître devant ledit Juge et déposer sur le délit en question. Le Commandant mettra au bas de cette réquisition son Ordonnance, par laquelle il sera enjoint aux deux Officiers dénommés, de déposer devant lui sur le fait et les circonstances du délit qui peuvent être à leur connaissance. C’est ce qui forme le Pareatis, ou l’assignation, qui émane de l’autorité de la Justice de leur propre Nation.

Les Juges Français nous prêtent le même secours dans les occasions, où nous avons besoin de la déposition des témoins, qui sont soumis à leur Juridiction : il les font assigner sur la Réquisition du Grand Juge, et leur ordonnent de comparaître devant lui pour déposer, sans que pour cela la Nation acquière aucun droit de Juridiction sur ces témoins, et sans que les Juges Français craignent de leur côté de compromettre la leur ; parce que l’acte de Réquisition, qui a précédé, ratifie tout et maintient par lui-même l’indépendance réciproque d’une Juridiction à l’autre.

Il n’y a qu’un cas, où les Suisses Militaires puissent compromettre le privilège de leur Juridiction, en se présentant devant d’autres Juges que les leurs ; c’est lorsqu’ils s’y présentent en qualité de défendeurs, parce que cette qualité emporte avec elle la sujétion de celui qui est obligé de se défendre, et dénote en même temps l’autorité supérieure dans le Juge, devant lequel il se défend : dans tous les autres cas, comme dans ceux où ils sont demandeurs ou témoins requis, ils ne doivent pas craindre de blesser leur privilège, en se présentant devant une Justice qui n’est point la leur, et ils n’y courent aucun risque avec la précaution et la formalité préalable.

ARTICLE 24.
De l’application que l’on doit faire des indices suivants, aux autres cas de délits, qui ne sont point spécifiés ici.

Les articles suivants, qui traitent de soupçons et indices d’un délit, doivent servir de comparaison et de règle pour les cas qui n’y sont pas spécifiés, n’étant pas possible de faire le détail de tous les cas et de toutes les circonstances susceptibles de suspicion.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 24.

La règle que les Juges doivent suivre en comparant les indices, qui sont expliqués dans les articles suivants avec ceux qui se présenteront dans les cas particuliers, sera certaine, autant que les particularités et les circonstances se ressembleront ; mais dès qu’elles seront différentes de celles qui seront rapportées ci-après, elles changeront aussi la nature de la chose par la moindre défectuosité qui s’y trouvera, et alors un tel indice pourra ne point suffire pour la question : en quoi les Juges doivent apporter une prudence et une attention singulière.

ARTICLE 25.
Des soupçons et indices communs et généraux, qui peuvent se trouver dans tous les délits, et dont un seul ne suffit pas pour la question.

Nous parlerons d’abord des particularités qui forment la suspicion, en marquant en même temps, dans quels cas elles peuvent faire un indice suffisant. On verra ensuite que lorsqu’on ne pourra point avoir les indices qui sont prescrits pour la question, et dont il sera fait mention dans plusieurs articles suivants, on sera obligé de recourir aux circonstances ci-après marquées, qui fondent la suspicion, et à d’autres que l’on ne peut pas toutes détailler.

Premièrement, il faut examiner si la personne soupçonnée est tellement décriée et en si mauvaise réputation, que l’on puisse la croire capable d’avoir commis le crime en question, ou si cette personne a déjà commis ci-devant une action pareille, si elle a tenté de la commettre, ou si elle en a été reprise. Il faut néanmoins que cette mauvaise réputation ne vienne point de gens, qui lui soient ennemis, ou qui soient eux-mêmes en mauvais prédicament, mais des personnes impartiales et dignes de foi.

Secondement, si la personne soupçonnée a été trouvée ou rencontrée dans des lieux suspects au sujet du délit.

Troisièmement, au cas que l’on ait vu l’auteur du crime dans l’action même, ou qu’on l’ait aperçu sur le chemin, soit en y allant, soit en revenant, et qu’on ne l’ait pas distingué ; l’on observera, si la personne soupçonnée, a la même figure, habit, armes, cheval ou autre chose, que l’on a remarqué à celui qui a commis l’action.

Quatrièmement, si la personne suspecte demeure ou a commercé avec des gens, qui commettent de pareilles actions.

Cinquièmement, en examinant le tort fait ou la blessure, voir si la personne soupçonnée peut avoir été portée à cette action par rancune, inimitié, par des menaces, qui ont précédé, ou par l’espérance et attente de quelque intérêt.

Sixièmement, lorsque le blessé ou le plaignant charge et accuse lui-même une telle personne d’avoir commis le délit, soit qu’il en rapporte quelques raisons, ou qu’il l’affirme par son serment.

Septièmement, lorsqu’une personne prend la fuite à l’occasion d’un délit commis.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 25.

I°. Cet article divisé en plusieurs parties renferme les suspicions, que les Jurisconsultes appellent indices généraux ou communs, parce qu’ils peuvent se rencontrer dans tous les cas Criminels qui arrivent. De toutes ces parties, il y en a principalement trois qui pouvant faire naître de la difficulté dans l’esprit des Juges, demandent une explication particulière ; savoir, celle qui regarde la mauvaise réputation de la personne soupçonnée du crime, ou accusée de l’avoir commis.

Sur quoi il faut observer avec ceux qui ont examiné cette Loi dans tout son détail, que dix conditions sont requises pour établir la mauvaise réputation de la personne suspecte :

1°. Que l’accusateur qui veut tirer de là un moyen contre l’accusé, indique le temps, où cette mauvaise réputation a commencé, et fasse voir qu’elle était telle avant son procès intenté.

2°. Que cette réputation soit au point de donner du scandale.

3°. Que le témoin rapporte l’avoir appris de plusieurs et de la plus grande partie du peuple.

4°. Que ce témoin puisse nommer quelqu’un en particulier, de qui il a appris ce mauvais renom, quoiqu’il ne soit pas interrogé à ce sujet, afin que l’on sache si ce bruit vient de personnes dignes de foi.

5°. Que les personnes indiqués par le témoin comme auteurs de cette mauvaise réputation, ne soient pas elles-mêmes décriées, à moins que ce mauvais renom n’ait pris son origine dans des lieux de prostitution, ou parmi des jeux défendus, auquel cas ces gens décriés peuvent être auteurs légitimes de la mauvaise réputation de l’accusé ; si d’ailleurs il n’est pas de mœurs irréprochables, et qu’il hante familièrement ces sortes de personnes.

6°. Que le témoin se servant de cette preuve indique la cause de cette mauvaise réputation, quoiqu’il ne soit pas interrogé à ce sujet.

7°. Que le témoin lui-même soit d’un très bon renom et en bonne réputation.

8°. Que cette réputation ne vienne pas de la part de ceux, qui y peuvent prendre quelque intérêt.

9°. Que ce mauvais renom soit fondé sur des faits dans le même genre de délit.

10°. Que cette réputation ne soit point légère ni vague, mais solidement appuyée et invariable.

Ces conditions établissent ce que l’on appelle le mauvais renom d’une personne qui la rend suspecte ; mais cette suspicion, quoique ainsi fondée, si elle est seule, ne fait pas un indice suffisant pour la question, et il faut pour y donner lieu, qu’il y ait encore quelques autres indices qui s’y joignent, surtout si la personne soupçonnée à cause de sa mauvaise réputation a vécu depuis l’espace de trois ans sans reproche, et a été d’une bonne conduite : par exemple, Jean est un libertin, et décrié pour avoir volé ci-devant, cela ne forme point un indice prochain contre lui pour le vol qui vient d’être fait, et ne suffit point pour le mettre à la question, parce que ce vol peut avoir été fait par un autre : mais si avec cela il se trouve, que Jean prenne la fuite à l’occasion de ce dernier vol, ou qu’il ait été vu dans le lieu, où ce dernier vol a été fait, alors la suspicion causée par sa mauvaise réputation étant fortifiée, forme un indice suffisant pour admettre la question.

Ces distinctions en matière Criminelle sont si essentielles, et en même temps si délicates, que les Juges ne sauraient avoir trop de soin à se renfermer dans la précision de la Loi : il est venu à ma connaissance des procédures précipitées, où l’on s’est porté aux derniers excès sur des simples accusations ou soupçons qui ne pouvaient jamais faire un indice suffisant pour la question, et je n’ai pu les envisager qu’avec horreur ; des pareils Juges ou Commissaires méritent répréhension, et deviennent responsables de tous les événements.

II°. Une autre partie remarquable dans cet article est celle qui regarde l’accusation ou charge de la personne même, qui a été blessée, ou à qui il a été fait tort : pour que cette accusation fasse un indice suffisant contre l’accusé, et qu’il autorise les Juges de le mettre à la question, il faut que le blessé ou l’accusateur allègue en même temps quelques raisons, pour lesquelles il charge un tel en particulier d’avoir commis le délit, comme de l’avoir vu et reconnu ; cette allégation des raisons de la part du blessé ou du plaignant, est nécessaire en Justice, parce qu’il faut que l’on connaisse que l’accusateur a été dans son bon sens, faute de quoi ses charges ne pourraient produire aucun effet contre l’accusé.

Il est encore nécessaire que le blessé ou le plaignant persiste dans son allégation et dans ses charges, et qu’il affirme son dire par un véritable serment, ou bien qu’il meure de ses blessures après avoir persisté dans ses charges. L’une de ces deux conditions venant à manquer de la part du blessé ou du plaignant, ses charges ne font point d’indice suffisant pour la question. Mais quand même cette accusation serait accompagnée de ces conditions, étant seule et non fortifiée par quelque autre preuve, elle ne pourrait point encore former un indice suffisant pour la question ; la raison en est, parce qu’un tel accusateur, quoiqu’au lit de la mort, n’est pourtant qu’un seul témoin et dans sa propre cause, et par conséquent il n’est pas sans reproche, non omni exceptione major, et tel que la Loi le demande, pour que son témoignage seul suffise pour la question ; en quoi néanmoins la prudence du Juge doit suppléer particulièrement, pour connaître par les circonstances de la chose comment et jusqu’à quel degré il doit ajouter foi à l’accusation que fait une personne mourante, les preuves qui y peuvent concourir devenant arbitraires pour être autorisé de procéder à la question dans ce cas.

Il n’en est pas de même de ce que le mourant avance pour la décharge d’une personne soupçonnée de l’avoir assassiné, en disant que ce n’est point cette personne mais une autre qui l’a blessé : sa déclaration fournit un indice considérable en faveur de l’innocence de celui que l’on soupçonne, elle énerve et affaiblit de telle sorte les indices contraires, que celui qui a été soupçonné ne pourra jamais être mis à la question, par la raison qu’un seul témoin étant recevable pour prouver l’innocence d’un prisonnier ou d’un homme suspect, à plus forte raison la décharge du blessé même doit-elle être admise pour opérer la preuve de l’innocence.

III°. On doit dire la même chose de la fuite de celui qui est soupçonné : les Juges doivent procéder à cet égard avec beaucoup de circonspection, et ne pas toujours prendre pour un remord de conscience, ou pour un aveu tacite du crime, ce qui peut avoir été causé par l’appréhension de la prison ou d’une accusation injuste, par la crainte d’un ennemi puissant, des faux témoins, et de la peine qu’il aurait à se défendre, s’il était arrêté ; tous ces motifs pouvant engager un homme soupçonné de s’éloigner, la raison seule de sa fuite ne suffit point pour le mettre à la question, s’il était pris, et il faudrait pour cet effet qu’il s’y joignît d’autres indices, qui fortifiassent celui qu’il a donné par sa fuite.

De tout ce qui vient d’être dit, il faut conclure, que de tous ces indices communs et généraux rapportés dans cet article, il n’y en a aucun qui étant seul, suffise pour la question, mais qu’il est nécessaire qu’il s’y trouve plus d’un de ces indices ensemble, pour que les Juges soient autorisés à employer ce moyen dans la recherche de la vérité.

ARTICLE 26.
De l’indice qui résulte d’un procès considérable entre deux personnes.

Celui qui sera en procès avec un autre, dans lequel il s’agira de la plus grande partie de sa substance, de ses biens et de sa fortune, sera censé être un grand ennemi de sa partie adverse ; c’est pourquoi, lorsque celui-ci aura été assassiné en secret, l’autre deviendra suspect d’avoir commis cet assassinat ; et au cas que sa conduite fut telle d’ailleurs que l’on le pût soupçonner de cette action, on pourra l’arrêter et l’appliquer à la question, s’il n’a point de raisons légitimes pour s’en disculper.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 26.

L’indice qui se forme contre celui qui est actuellement dans un procès considérable avec la personne assassinée secrètement, est du même genre que ceux dont il a été parlé dans l’article précédent, parce que le texte ajoute expressément que cette raison d’inimitié, quelque grande qu’elle soit de la part de la personne soupçonnée d’avoir commis cet assassinat secret, ne suffit point seule, mais qu’il faut encore que cette personne soit d’ailleurs d’une conduite suspecte pour être mise à la question pour ce sujet.

ARTICLE 27.
De quelle manière les sujets de suspicion ci-dessus marqués forment un indice suffisant pour la question.

De huit parties ou points ci-dessus rapportés qui traitent des indices pour la question, il n’y en a pas un qui étant seul puisse former un indice suffisant, sur lequel on doive procéder à la question ; mais lorsque quelques-uns de ces indices se trouveront ensemble contre une personne, ce sera alors aux Juges, qui sont préposés pour instruire cette procédure, à examiner si lesdites parties, ou autres semblables indices joints ensemble, peuvent former un indice aussi fort du délit soupçonné, que le sont ceux des articles suivants, dont un seul fait un indice suffisant pour procéder à la question.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 27.

Cet article rejette la maxime de ceux qui prétendent que la question ne peut être donnée que sur des indices prochains ; nous voyons ici évidemment que la Loi admet aussi les indices éloignés, lorsqu’il s’en trouve plusieurs ensemble : les Jurisconsultes les appellent encore indices vraisemblables ou probables ; il est réservé à la prudence des Juges de peser le poids de ces indices, et de voir si plusieurs joints ensemble ne valent pas un indice prochain, indubitable, clair et concluant, et dont un seul bien prouvé par deux témoins suffit pour la question ; ils doivent dans le doute avoir recours aux personnes versées dans les Lois pour ne rien précipiter ; mais ils doivent avoir aussi pour maxime certaine, que si l’assemblage de plusieurs indices éloignés ne suffisait pas pour procéder à la question, il s’ensuivrait de là, que dans la plupart des procédures Criminelles le coupable ne pourrait jamais y être appliqué, que lorsqu’il se trouverait des témoins, qui fussent en état de déposer de lui avoir vu commettre le délit.

ARTICLE 28.
Du concours de plusieurs indices contre la personne soupçonnée.

Il y a de plus à observer que lorsque plusieurs des indices dont nous venons de parler, se présentent contre une personne soupçonnée d’un délit, on doit toujours examiner deux objets avec une égale attention : il faut d’un côté peser la force desdits indices, et de l’autre les présomptions qui sont en faveur du prisonnier pour établir son innocence ; si alors on trouve que le poids des indices qui sont contre lui l’emporte sur ceux, qui parlent en sa faveur, on sera en droit d’employer la question ; si au contraire les indices qui lui sont favorables, se trouvent plus forts et d’un plus grand poids que les suspicions qui le chargent, la question n’aura point lieu, et dans les cas qui seront douteux, ceux qui sont préposés pour instruire la procédure, auront soin de consulter les gens de Loi, ainsi qu’il leur est indiqué à la fin de notre Ordonnance.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 28.

La manière de peser les indices qui se trouvent pour et contre l’accusé ou le prisonnier, est d’examiner les raisons ou leur force, sur lesquelles sont fondés ces indices : les Juges doivent donner au prisonnier toute la liberté d’alléguer les raisons qu’il peut avoir, les faire exactement mettre par écrit, pour les balancer ensuite avec les sujets de suspicion, et conclure sans précipitation et sans un zèle outré sur la différence du poids qui se trouve entre les charges et les décharges. Les Jurisconsultes conviennent que les Juges ne doivent point balancer de se tourner du côté de la douceur en n’admettant point la question, lorsqu’il y a égalité de poids dans les indices pour et contre, et c’est ce que l’on doit appeler un doute raisonnablement fondé.

ARTICLE 29.
Des indices généraux et communs dont un seul suffit pour la question.

Si l’on trouve quelque chose dans un délit commis, que l’on puisse croire avoir été perdu, oublié ou laissé par celui qui a fait le crime, et lui avoir appartenu, la personne qui se trouvera avoir possédé ladite chose immédiatement avant qu’elle a été perdue, sera mise à la question, à moins qu’elle ne puisse prouver par bonnes raisons le contraire, et se purger dudit indice, auquel cas sa justification doit être entendue avant que de procéder à la question.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 29.

Celui qui aura le dernier eu en sa possession une chose ainsi trouvée dans le lieu où le délit est commis, sera assez fortement soupçonné d’être auteur du crime, s’il n’est point en état de justifier le contraire, et on ne doit point hésiter de le mettre à la question. Il ne pourra détruire cet indice qu’en prouvant qu’il a donné, vendu ou troqué ladite chose trouvée à un autre, ou qu’il ne l’a plus eu en sa possession dans le temps que le délit a été commis ; faute de cette preuve, l’indice demeure dans sa force, et autorise les Juges de lui faire subir la question.

ARTICLE 30.
De la demi-preuve qui suffit pour la question.

Une demi-preuve se forme sur la déposition d’un seul témoin digne de foi et irréprochable, qui dépose du fait même et du fond du délit, comme il est dit ci-après au sujet des bons témoins et des preuves, et cette demi-preuve fait aussi un indice et suspicion suffisante du crime. Mais lorsque le témoignage tombera sur quelques circonstances, signe, indice ou suspicion du délit, alors il faudra au moins deux témoins bons et irréprochables pour le prouver.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 30.

On ne peut trop se rappeler ici la différence que la Loi établit entre la déposition qui est faite sur l’action même, et le fond du délit, et entre celle qui ne se fait que sur quelque circonstance ou indice de l’action ; pour la première déposition il ne faut qu’un témoin digne de foi, et non récusable ; et pour la seconde, il en faut au moins deux de la même qualité pour pouvoir procéder à la question, comme il a été expliqué plus en détail dans les observations sur l’article 23.

ARTICLE 31.
De l’indice suffisant tiré de la charge et accusation du Criminel.

Lorsqu’un criminel convaincu, qui a eu des complices de son crime, déclare celui qui lui a aidé à le commettre, cette déclaration fait aussi un indice suffisant contre l’accusé, en y observant toutefois les circonstances et conditions suivantes.

1°. Il faut que le nom de la personne qu’il déclare ne lui ait point été proposé durant la question, et qu’il n’ait point été interrogé ni questionné sur une telle personne nommément, mais qu’on lui ait seulement demandé en général qui lui a aidé à commettre son crime, et que de lui-même il ait déclaré et nommé ladite personne.

2°. On doit soigneusement demander au Criminel et en détail, où, quand et comment l’accusé lui a aidé à faire l’action, et quelle liaison il a eu avec lui ; et en ce cas le déclarant doit être interrogé sur toutes les circonstances nécessaires qui pourront servir à la découverte de la vérité, suivant la situation et la nature de la chose, lesquelles ne sauraient être toutes marquées ici ; mais qu’un Juge zélé et intelligent pourra se représenter lui-même.

3°. Il faut examiner si le criminel n’a point de haine, inimitié ou aversion particulière contre celui qu’il accuse ; car lorsque cette haine, inimitié ou aversion sera connue ou avérée, on n’ajoutera pas foi à sa déclaration faite contre l’accusé, à moins que son dire ne fut appuyé sur des raisons et des indications assez croyables, et qu’on les eût trouvé telles pour former un indice suffisant.

4°. Que la personne accusée par le Criminel soit d’une conduite assez suspecte pour qu’on la puisse croire capable d’avoir commis ce crime.

5°. Il faut que le Criminel persiste dans son dire : sur quoi cependant il se glisse un abus de la part de quelques Confesseurs, qui dans la confession insinuent aux Criminels de révoquer finalement ce qu’ils ont déclaré avec vérité : on doit prévenir là-dessus les Confesseurs autant qu’il se peut, parce qu’il n’est permis à personne de seconder les Criminels au préjudice du bien public pour leur faire cacher une malice qui peut faire tort aux personnes innocentes ; au cas cependant que le Criminel révoquât finalement la déclaration qu’il aurait faite auparavant avec les circonstances pertinentes, et que l’on remarquât qu’il voulut travailler en faveur de ses complices, ou que peut-être son Confesseur le lui eût insinué, comme il vient d’être dit : alors on doit examiner les circonstances qu’il a déclarées avec celles que l’on aura trouvées d’ailleurs, et conclure de là, si sa révocation forme un indice suffisant du délit ou non : en quoi l’on doit particulièrement faire attention sur le bon ou mauvais renom et conduite de celui dont l’accusation a été révoquée, et sur les liaisons qu’il peut avoir eue avec le Criminel.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 31.

1°. Ces cinq points qui regardent les charges et accusations d’un Criminel contre un de ses complices, doivent être observés à la lettre pour qu’elles puissent former un indice suffisant à la question de l’accusé ; ils sont tellement nécessaires, que s’il en manque un seul, la question ne peut point avoir lieu contre celui que le Criminel convaincu a chargé d’être complice.

2°. Dans le cas où naturellement un crime peut avoir été commis sans qu’il y ait eu besoin d’aide ou complice pour le commettre, le Juge ne doit pas demander au Criminel s’il a eu des complices ; mais lorsque la qualité et les circonstances du délit donnent lieu de croire, que le Criminel n’a pas été seul à commettre le crime, alors le Juge doit lui demander en général, si quelqu’un lui a aidé à faire l’action, et qui : mais il doit bien se garder de lui demander nommément, par exemple, si ce n’est pas Jean qui lui a aidé, à moins qu’il n’y eut pas d’ailleurs d’assez forts indices contre Jean, pour le dénoter comme complice du crime. Si sans avoir des pareils indices le Juge avait néanmoins interrogé le Criminel nommément et en particulier, si Jean ne lui a point aidé, et que sur cet interrogatoire le Criminel eût accusé Jean, cette accusation ne serait d’aucune considération, et les procédures faites en conséquence contre Jean seraient nulles.

3°. Après que le Juge a interrogé le Criminel en général sur ses complices, ou qu’il lui a fait raconter le fait avec toutes ses circonstances, ainsi qu’il s’est passé, si le Criminel charge un tel en particulier d’être son complice, alors cette déclaration devient régulière, parce qu’elle est faite sans que le Juge l’ait suggérée au Criminel, et sans qu’il lui en ait donné aucune indication ; elle fait par conséquent un indice suffisant contre la personne déclarée.

4°. Il faut observer que le Criminel ne doit point être interrogé par serment sur le fait de ses complices, non plus que sur son propre fait, parce que dans cette déclaration il ne peut point être regardé simplement comme témoin, mais comme complice lui-même, et compagnon du crime, et en cette qualité étant déjà infâme par l’aveu personnel de son crime, il ne doit point être admis au serment. La raison que donnent les Jurisconsultes de l’exclusion du serment à l’égard du Criminel, qui charge un de ses complices, est principalement fondée sur le danger qu’il y aurait de le rendre parjure, étant à présumer qu’un homme capable d’avoir commis un crime, le sera aussi d’accuser à faux, ou du moins d’aggraver son accusation dans des circonstances essentielles pour diminuer sa faute, sans craindre de faire un faux serment ; le même danger du parjure exclut en général le serment à l’égard de tout accusé en matière Criminelle, suivant l’usage des Lois Impériales.

ARTICLE 32.
De l’indice suffisant pour la question tiré de la confession extrajudiciaire.

Si quelqu’un, ainsi qu’il est dit au sujet de la preuve entière, était suffisamment convaincu d’avoir dit de lui-même et sans y être forcé, pour se vanter, ou autrement, qu’il a commis le crime dénoncé ou soupçonné, ou d’avoir menacé de commettre le crime avant qu’il a été commis, et que la chose ait suivi en peu de temps ses menaces, que la personne fût d’ailleurs telle qu’on la pût soupçonner de ce crime, son dire fera un indice suffisant du délit, et sera pour cet effet mis à la question.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 32.

Cet article regarde ce qu’une personne déclare d’elle-même, et hors de la justice sur un délit arrivé ; cette déclaration se fait en deux manières ; savoir, en se vantant de l’avoir commis, ou menaçant de le commettre, et qui forme deux parties et deux objets différents, dont un seul suffit pour donner lieu à la question, lorsqu’il est revêtu des circonstances requises.

1°. Lorsque Jean par exemple se vante ou dit autrement qu’il a fait le crime dont il s’agit, il faut premièrement que son dire soit prouvé par deux témoins irréprochables. En second lieu, que Jean soit d’un prédicament et d’un renom à pouvoir être soupçonné de ce crime. En troisième lieu, il ne suffit pas qu’il se soit vanté en termes généraux d’avoir par exemple tué ou volé, mais il faut qu’il ait dit en particulier avoir tué un tel, ou avoir volé une telle chose, en tel endroit et en tel temps, et que son dire ait rapport à l’affaire dont il s’agit. Enfin il faut qu’il soit juridiquement prouvé, que lorsqu’il s’est ainsi vanté, il a parlé sérieusement et non par manière de plaisanterie, à moins que ces conditions ne se trouvent dans la déclaration qu’il a faite hors de la présence du Juge, elle ne peut point donner lieu à la question.

2°. La seconde partie de cet article concerne les menaces qu’une personne a faites de commettre l’action : ces menaces doivent de même être accompagnées de quatre conditions pour faire un indice suffisant pour la question.

Premièrement il faut qu’elles soient constatées par la déposition de deux témoins irréprochables.

En second lieu, il faut que celui qui a menacé, soit d’une réputation à pouvoir être jugé capable d’exécuter ce dont il a menacé quelqu’un.

En troisième lieu, il faut que l’effet ait suivi de près la menace, parce qu’un long intervalle fait présumer que la réflexion étant venue au secours, il n’a pas cherché à exécuter la menace, et que le délit a pu être commis par un autre.

C’est à la prudence du Juge à décider sur la nature et les circonstances du fait, et sur la qualité de la personne, quel espace du temps, il faudra dans les cas particuliers, pour que l’action soit censée avoir suivi de près la menace. Enfin il faut que les menaces soient spécifiques et non pas générales, c’est-à-dire, il faut que celui qui a menacé ait dit par exemple : je casserai bras et jambes à un tel, je mettrai le feu à sa maison, et que pareille chose ait été exécutée ; en ce cas, la menace fait un indice légitime ; car s’il avait dit seulement en général : «  je me vengerai, il me le payera », ou autres paroles semblables, ses menaces deviendraient trop générales, et ne seraient aucunement un indice suffisant pour la question.

Les Jurisconsultes observent que les menaces sont souvent un indice très équivoque, puisqu’une même personne pouvant avoir plusieurs ennemis cachés, le mal dont elle aura été menacée par l’un, peut avoir été exécuté par un autre. Ils rapportent à ce sujet des faits de méprise qui ont été ensuite vérifiés par l’innocence des personnes accusées d’avoir fait ces sortes de menaces, ce qui prouve que les Juges ne sauraient procéder dans cette matière avec trop de circonspection, en pesant les circonstances particulières qui ont quelque rapport à ces menaces.

ARTICLE 33.
Des indices particuliers dont un seul suffit pour dénoter le délit et pour procéder à la question.
Indice suffisant au sujet d’un assassinat secrètement commis.

Lorsqu’une personne soupçonnée ou accusée d’un assassinat a été vue avec des habits ou armes ensanglantés d’une manière suspecte dans le temps, où l’assassinat a été commis, ou si cette personne a pris, vendu, donné, ou qu’elle ait encore sur elle quelque chose appartenant à celui qui a été assassiné, ce sera un indice suffisant pour la question, à moins qu’elle ne puisse faire tomber cette suspicion par des raisons et preuves bien fondées, sur quoi elle doit être entendu avant toute procédure faite.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 33.

Les Jurisconsultes établissent des exceptions sur cet article par rapport aux indices particuliers d’un assassinat ; ils veulent que lorsque l’épée d’un homme que l’on aura vu dans le lieu et à l’heure suspecte du délit ne sera point ensanglantée, cet indice ne suffise pas pour la question, à moins qu’il n’y ait encore d’autres sujets de suspicion contre lui.

Ce n’est point encore selon eux, un indice suffisant pour la question d’avoir enterré un mort, qui a été tué en cachette, à moins qu’il n’y ait d’autres preuves qui fortifient la suspicion, parce que cette action d’elle-même peut être interprétée en bien et en mal ; en bien, en ce qu’il est en général louable de donner la sépulture ; en mal, en ce que celui qui enterre ainsi secrètement se rend suspect d’avoir assassiné la personne, qu’il enterre, pour cacher son crime. L’emprisonnement a lieu à la vérité dans ces cas ; mais il faut qu’il survienne d’autres indices pour que cette action qui peut être regardée différemment donne lieu à la question.

On doit s’élever contre l’abus de quelques Juges au sujet d’un indice des assassins suspects ; c’est de les présenter au cadavre des personnes assassinées, pour voir si à leur présence, ou à leur attouchement, le cadavre saignera par la plaie, par les yeux, les oreilles, ou par quelque autre partie du corps ; ces accidents peuvent être les effets du hasard. Cette pratique est regardée dans l’esprit des Lois comme dangereuse, tenant de la superstition, et l’Empereur n’ayant eu garde de la prescrire pour la recherche de la vérité d’un crime, elle doit être rejetée, et ne saurait jamais être permise.

ARTICLE 34.
De l’indice suffisant au sujet d’un assassinat qui arrive dans une batterie publique, où personne ne veut avoir commis le délit.

Pour les assassinats qui arrivent dans les émeutes ou batteries publiques, et dont personne ne veut être coupable ; si la personne soupçonnée s’est trouvée dans la batterie, qu’on lui ait vu prendre son couteau, pointer ou tailler sur celui qui a été tué, ou lui porter d’autres coups dangereux, ce sera un indice suffisant du délit commis pour la mettre à la question ; cet indice deviendra encore plus fort lorsqu’on aura vu son arme ensanglantée : mais si ces circonstances ou autres semblables ne s’y rencontrent point, la question n’aura pas lieu contre cette personne, quoiqu’elle se soit trouvée par hasard dans la querelle.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 34.

On doit conclure de cet article que dans une batterie ou querelle publique il se peut trouver telles circonstances qu’il serait dangereux de mettre à la question quelqu’un de ceux qui s’y sont trouvés pour savoir celui qui a tué : lorsque de part et d’autre il y a eu plusieurs combattants, surtout, l’affaire étant arrivée dans l’obscurité de la nuit, les Juges doivent avoir beaucoup de circonspection, afin de ne pas prendre l’innocent pour le coupable. Dans ces occasions, pour procéder avec plus de sûreté, il faut examiner si le mort et ceux de son parti n’ont pas été les agresseurs ou auteurs de la querelle, auquel cas le délit ne pouvant mériter qu’une peine arbitraire, celui qui l’aurait commis ne pourrait point être mis à la question.

Mais lorsqu’il devient douteux, lequel des deux partis a été l’auteur de la querelle, ou qu’elle soit provenue d’une inimitié précédente, en sorte que l’on puisse présumer que de part et d’autre on a cherché à se battre, on doit tâcher de découvrir l’assassin par l’arme ensanglantée, ou en faisant examiner par des Experts, si l’arme de l’un ne convient pas plus à la blessure que celle de l’autre, la découverte que l’on fera par cette comparaison pouvant faire un indice suffisant pour la question. La raison en est, comme nous avons déjà dit, que sans ces précautions il pourrait arriver dans les malheurs, où il y a eu de la confusion, on ferait subir la question à l’innocent, au lieu du coupable, et que la force des tourments lui ferait avouer une chose qu’il n’est point en état de savoir lui même.

ARTICLE 35.
De l’indice suffisant contre une mère soupçonnée d’avoir accouché en secret, et d’avoir tué son enfant.

Lorsqu’on soupçonnera une fille d’avoir accouché en secret d’un enfant, et de l’avoir tué, on doit particulièrement s’informer si on l’a vue dans une grossesse extraordinaire ; de plus, si cette grossesse a ensuite diminué, et si là dessus elle est devenue pâle et faible : lorsque ces circonstances ou autres pareilles se trouveront, et que la personne soit telle qu’on la puisse soupçonner, on doit pour parvenir à une plus grande connaissance la faire visiter en particulier par des femmes expérimentées ; si la suspicion se trouvait de même par cette visite, et qu’elle ne voulût point ensuite avouer son crime, on doit la mettre à la question.

ARTICLE 36.

Mais lorsque l’enfant aura été tué depuis si peu de temps, que la mère n’a point encore perdu son lait, si en lui tirant de son lait on trouve qu’il soit bien conditionné, la suspicion deviendra assez forte contre elle pour employer la question.

Cependant comme il peut arriver, suivant le témoignage de quelques Médecins, que des causes, d’elles-mêmes naturelles, procurent du lait à quelques personnes, quoiqu’elles n’aient point été enceintes, lorsqu’en pareil cas elles pourront se justifier, on ne s’en tiendra point à cette preuve, mais on fera des nouvelles recherches là-dessus par le moyen des Sages-Femmes, ou autrement.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 35 ET 36.

La principale preuve qui forme un indice suffisant pour la question au sujet du délit, dont il est parlé dans cet article, se tire du rapport que font les Sages-Femmes nommées par la Justice ; elles doivent être au moins au nombre de deux, et quelques Jurisconsultes en exigent trois pour faire un rapport juridique, en sorte que dans les lieux où il ne s’en trouve qu’une, les Juges soient tenus d’en faire venir d’ailleurs pour rendre leur procédure régulière. Elles doivent faire leur rapport par serment sur ce qui leur a paru croyable, tout Expert n’étant point obligé de porter le témoignage sur la certitude de l’existence, mais seulement sur ce qui lui parait, suivant les lumières de son art.

ARTICLE 37.
De l’indice suffisant pour l’empoisonnement.

Si la personne soupçonnée est convaincue d’avoir acheté du poison, ou d’en avoir eu entre ses mains d’une autre manière, et que cette personne ait eu quelque différend avec celui qui a été empoisonné, ou bien qu’elle ait eu lieu d’attendre de sa mort quelque profit ou avantage, ou que d’ailleurs elle soit d’une assez mauvaise conduite pour être capable de commettre ce crime, alors il y aura un indice suffisant, à moins que cette personne ne fît voir par des raisons plausibles qu’elle s’est servie, ou qu’elle ait voulu se servir dudit poison pour quelque usage innocent.

Il en est de même de celui qui nie en Justice d’avoir acheté du poison, et qui est ensuite convaincu de l’avoir acheté, il peut être mis à la question pour savoir de lui quel usage il en a fait ou voulu en faire.

Tout Magistrat dans chaque lieu doit faire prêter serment aux Apothicaires et autres qui vendent du poison, ou qui en font commerce, de n’en vendre ni délivrer à personne sans l’en avertir, et sans en avoir la permission.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 37.

Deux raisons portent principalement les Juges à ordonner la question contre une personne soupçonnée d’empoisonnement ; la première regarde la situation dans laquelle elle a été avec celui qui est empoisonné, soit par rapport à la grande inimitié, ou à l’espérance de lui succéder dans quelque bien ou honneur ; la seconde raison se tire de la défense que fournit la personne soupçonnée pour sa justification, parce qu’elle est obligée de faire voir l’usage, auquel elle a employé ou voulu employer le poison acheté.

ARTICLE 38.
De la suspicion contre un voleur, qui fait un indice suffisant pour la question.

Celui qui sera trouvé saisi d’une partie des effets qui ont été volés, ou qui les aura vendus, donnés, ou en aura disposé en quelque autre manière suspecte, et qui ne voudra point déclarer, de qui il les a achetés, demeurera chargé d’un indice suffisant du vol, en ce qu’il ne fait point voir qu’il a ignoré que ces effets fussent volés, ni qu’il les ait acquis dans la bonne foi.

ARTICLE 39.

De même des gens qui voyagent à pied fréquentant par habitude les Cabarets, et y faisant de la dépense, et qui ne pourront pas faire voir que leur service, commerce ou revenus qu’ils ont, soient suffisants pour faire une pareille dépense, des pareils gens sont suspects et capables de plusieurs mauvaises actions, et surtout des vols des grands chemins, comme nous l’avons observé spécialement dans notre Ordonnance au sujet de la paix publique de l’Empire, où il est dit que l’on ne doit point souffrir ces sortes des gens, mais que l’on doit les arrêter, les examiner sévèrement, et les punir avec rigueur.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 38 ET 39.

II y a quelques exceptions à faire sur les choses volées dont on trouve saisi une personne, pour que cet indice soit suffisant pour la question.

1°. Il faut que la chose volée se trouve sur la personne même, et il ne suffit pas qu’elle soit trouvée dans sa maison, puisque d’autres gens comme domestiques, ou quelque ennemi, pour la perdre, ou le voleur même, par la connaissance qu’il a de sa maison, peut l’y avoir sauvé ou caché.

2°. Cet indice n’est point encore suffisant, lorsque la personne soupçonnée est d’ailleurs d’une bonne réputation, et censée incapable de commettre une telle action.

3°. Lorsqu’on prouve en général que cette chose a été vendue au marché, ou dans une boutique connue et autorisée.

Dans un temps, où il s’est fait un vol considérable, la dépense extraordinaire d’une personne, et plus forte que ne la porte son revenu et sa condition, fait un indice du vol commis, et donne lieu à la question, de même qu’une fortune subite d’un homme, qui auparavant n’avait rien ; en quoi cependant les Jurisconsultes veulent que l’on fasse attention à la conduite d’une personne, pour savoir si elle la peut rendre assez suspecte du vol, pouvant arriver que d’honnêtes gens deviennent subitement riches par des cas fortuits qu’ils ont intérêt de ne point divulguer, et dont on n’est point toujours en droit de leur demander compte.

ARTICLE 40.
De l’indice suffisant contre ceux qui sont soupçonnés d’avoir aidé les voleurs.

C’est aussi un indice pour la question contre celui, qui sciemment et d’une manière dangereuse, s’approprie une partie du bien volé, ou du butin ; celui qui de même le sachant, fournit de la subsistance aux voleurs, qui les retire chez lui, les cache et les auberge, ou qui recèle en tout ou en partie le bien injuste, l’échange en cachette, le vend ou le dissipe ; ou qui d’une autre manière, telle qu’elle soit, assiste les voleurs par son conseil, ou le secours, ou bien qui aura avec eux des liaisons suspectes au sujet de leurs vols.

La question aura de même lieu contre celui qui cachera des prisonniers, lorsque après s’être évadés, ils déclareront où ils ont été cachés. De plus, celui qui sera soupçonné, et que l’on croit assez capable d’être complice du vol, lequel insistera fortement à se déclarer pour le parti des coupables, fera des accords et des engagements à l’insu des Juges du prisonnier, en recevra des gages, et se portera caution sur cela ; toutes ces circonstances comprises dans ces deux parties, soit qu’elles se trouvent ensemble ou séparément, forment des indices qui dénotent suffisamment l’aide donnée aux coupables, et autorisent la question.

OBSERVATION SUR L’ARTICLE 40.

De toutes ces parties, qui forment un indice suffisant pour la question contre ceux qui aident ou qui assistent les voleurs, il faut mettre une exception à l’égard des proches parents ou alliés, la retraite qu’ils donneraient à un voleur, ne serait pas un indice suffisant pour les soupçonner comme complices du vol, et les mettre pour cet effet à la question, parce qu’il est à présumer qu ils n’ont agi que par les motifs de l’affection naturelle, et pour épargner la honte à leur Famille, à moins qu’il n’y eût d’autres indices qui les rendissent eux-mêmes suspects.

ARTICLE 41.
De l’indice suffisant contre les incendiaires secrets.

C’est un indice suffisant pour la question contre un homme soupçonné ou accusé d’un incendie secret, lorsque il sera d’ailleurs d’une conduite suspecte, et que l’on pourra découvrir que peu de temps avant l’incendie, il a eu entre ses mains en cachette, ou d’une manière suspecte, des ouvrages de feu d’artifice extraordinaires et dangereux, dont on se sert pour les incendies secrets, à moins qu’il ne fût en état de prouver par des bonnes raisons, qu’il s’en est servi ou voulu s’en servir à des usages innocents.

ARTICLE 42.
De l’indice suffisant contre les Traîtres.

C’est un indice suffisant pour la question contre celui que l’on soupçonne qui aura été vu se tenir d’une manière cachée, extraordinaire et suspecte auprès de ceux qu’il est soupçonné d’avoir trahi, en faisant cependant voir par sa contenance, qu’il est sur ses gardes contre eux, et qu’il soit d’ailleurs tel qu’on puisse le croire capable de cette action.

ARTICLE 43.
De l’indice suffisant au sujet d’un vol commis.

Celui-là sera suffisamment suspect du crime, sur lequel se trouvera la chose volée, qui l’aura eue, vendue ou donnée en tout ou en partie, et qui ne voudra pas déclarer celui qui la lui a vendue, parce qu’il ne fait pas voir qu’il a acquis ce bien sans reproche, et dans la bonne foi.

Dans les vols qui ont été faits avec effraction, c’est encore un indice pour la question contre la personne soupçonnée, qui se sera trouvée dans le lieu où le vol a été fait, et avec ces sortes d’outils ou instruments, qui ont servi à faire le vol, et que cette personne soit telle, qu’on l’en puisse croire capable.

Dans un temps où il s’est fait un vol considérable, si celui que l’on en soupçonne paraît riche par la dépense qu’il fait après ce vol, au-delà de ce que son bien le peut porter, et qu’il ne puisse pas faire voir par des bonnes raisons, d’où lui est venue cette fortune suspecte, il y aura lieu de procéder contre lui par la question, si toutefois il est tel qu’on le puisse croire capable d’avoir fait le vol.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 41, 42 ET 43.

Sur ces trois derniers articles, qui par leur détail paraissent suffisamment guider les Juges pour trouver des indices suffisants à la question, il est particulièrement à remarquer, que dans tous ces cas, il faut suivant l’esprit de la Loi, que la personne soupçonnée ou accusée, contre laquelle se trouvent des pareils indices, soit telle par sa conduite ou par la présomption, que l’on a de ses mœurs, qu’on la puisse croire capable du crime dont il s’agit, par le danger qu’il y aurait de procéder indifféremment à la question sur ces sortes d’indices, et même sur les plus prochains, n’étant pas impossible par exemple, qu’un voleur jette par une fenêtre ou autrement, dans la maison d’un honnête homme, les instruments ou outils, dont il s’est servi pour faire le vol avec effraction.

ARTICLE 44.
De l’indice suffisant au sujet du Sortilège.

Ce sera un indice suffisant pour la question contre celui qui s’offre d’apprendre la sorcellerie aux autres, ou qui menacera d’ensorceler quelqu’un, et que pareille chose arrive à celui qui aura été menacé ; de même celui qui aura une liaison particulière avec des sorciers ou sorcières, ou qui fera usage des choses pareilles suspectes de sortilège, soit par sa contenance, par ses paroles ou conduite, et que d’ailleurs il agisse en cela avec connaissance.

ARTICLE 45.
De la procédure concernant la Question.

Lorsque le soupçon d’un délit accusé sera trouvé, ainsi qu’il vient d’être dit, et que la preuve en aura été reconnue, on fixera le jour pour procéder à la question sur la demande qu’en fera l’accusateur.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 44 ET 45.

1° C’est une maxime certaine, qu’un homme accusé d’un crime, où il se trouve un indice suffisant pour la question, ne peut point y être appliqué, que préalablement il n’ait été confronté à l’accusateur ou au témoin, qui ont déposé contre lui : les Juges qui n’observeraient point cette règle pècheraient contre la Loi en ce qu’ils ôteraient à l’accusé le moyen pour se défendre, soit en récusant par des raisons légitimes les témoins, soit en rapportant de lui-même des preuves, qui pourraient détruire leur accusation.

1°. Cette règle est également nécessaire dans les procédures Criminelles que les Juges instruisent d’office, et non sur les poursuites d’un accusateur, parce que dans l’un et dans l’autre cas le droit naturel accorde au prisonnier la voie de défense : il est tellement nécessaire d’écouter le prisonnier dans ses défenses avant la question, que les Juges doivent d’office l’en faire ressouvenir, si de lui-même il ne s’y portait pas, soit par la frayeur dont il serait saisi, par le trouble ou par la grossièreté de son esprit. La raison qu’en donnent les Jurisconsultes, est, parce que la question causant un dommage difficile à réparer, les Juges n’y doivent procéder qu’après avoir pris toutes les précautions pour ne point y exposer injustement le prisonnier.

2°. La question ne doit jamais être employée que dans des délits graves, qui par leur nature méritent une peine capitale, ou du moins une punition corporelle, considérable ; par la raison que le moyen dont on se sert pour parvenir à une fin, ne doit jamais aller au-delà de la fin même, que l’on se propose, et que par conséquent il serait insensé, et en même temps cruel, de renfermer dans la procédure plus de rigueur qu’il n’y en peut avoir dans le jugement qui doit suivre cette procédure. Cependant l’opinion commune veut que dans les délits moins graves, et qui n’emportent point ni peine capitale, ni punition corporelle, les Juges puissent menacer le prisonnier de le faire mettre à la question, sans que pour cela ils effectuent leur menace.

3°. On distingue cinq degrés dans la question pour la rendre complète. Le premier est de menacer avec sévérité le prisonnier de la question hors du lieu où elle se doit donner. Le second, est de le faire conduire dans la chambre de la question. Le troisième, est de le faire dépouiller de ses habits pour l’attacher. Le quatrième, est de le faire appliquer réellement aux tourments. Le cinquième, est de redoubler la force de ces tourments selon les différentes espèces de question que l’on met en usage. Dans les crimes qui méritent peine capitale, il est hors de doute, que l’on peut consommer tous les degrés que renferme la question, mais dans les autres la prudence des Juges ne doit point les porter à passer au-delà du troisième degré pour découvrir la vérité d’un délit, qui ne saurait être puni plus sévèrement que ne ferait la question même. Les Juges qui excèderaient en cela, seraient non seulement tenus à réparer tout le dommage qu’ils auraient causé, mais mériteraient eux-mêmes d’être punis.

4°. Ceux qui n’ont point accomplis l’âge de quatorze ans, ne doivent point être mis à la question, mais on doit tâcher d’en tirer la vérité en les faisant fouetter avec des verges, parce que les Lois défendent de les condamner au-dessous de cet âge à la peine capitale, en quoi cependant il leur est recommandé de ne point excéder, et d’user de modération. Quoique la question ne soit pas permise avant le nombre de ces années, on peut néanmoins, suivant le sentiment de plusieurs, en faire les menaces, et arriver inclusivement jusqu’au troisième degré ci-dessus marqué, surtout, lorsqu’il importe extrêmement de savoir la vérité du crime.

5°. A l’égard des personnes fort avancées en âge, les Lois n’en fixent aucun positivement, auquel elles doivent être exemptes de la question ; elles abandonnent le tout à la prudence des Juges, qui doivent plutôt considérer la force du tempérament, que le nombre des années ; dans ceux contre lesquels il y a un indice suffisant pour la question, puisque souvent un homme de soixante-dix ans sera plus robuste qu’un autre qui n’en aura que soixante, auquel cas la question doit toutefois être donnée avec modération, pour éviter le danger d’y voir périr des personnes d’un âge aussi avancé.

6°. Les Lois défendent de mettre à la question les sourds et muets de naissance, parce qu’il n’est pas possible d’en tirer une connaissance assez distincte pour faire une certitude, telle qu’il la faut en justice, et que d’ailleurs ces sortes de personnes sont présumées ordinairement être en même temps insensées. Il n’en est pas de même lorsque ces défauts leur sont arrivés par accident, surtout lorsqu’elles savent écrire ; alors on doit les interroger par écrit, et avoir par la même voie leurs réponses, sur lesquelles la procédure doit être instruite ; ces sortes de personnes étant capables de tester par le bénéfice des Lois, elles deviennent aussi sujettes à la sévérité de ces mêmes Lois en matière Criminelle, où le public a intérêt de connaître leurs actions pernicieuses.

7°. Il est également défendu de mettre à la question ceux qui sont malades, aussi longtemps que dure leur maladie ; ceux qui ont des blessures, ou des infirmités dangereuses, en observant néanmoins que la question peut avoir lieu contre ces derniers, lorsqu’elle ne sera pas capable d’augmenter leur blessure au point d’intéresser leur santé, les Lois voulant que celui qui sera questionné demeure sain et sauf, soit qu’il se trouve dans la suite innocent, ou qu’il soit condamné au dernier supplice, torquendus salvus maneat, vel innocientiae, vel supplicio. Ce que nous disons ici de la question se doit de même entendre de la menace que l’on pourrait faire de la donner à ces sortes de personnes, à cause des impressions dangereuses et nuisibles à leur santé, qu’elles en prendraient et qui les mettraient ensuite hors d’état de longtemps de la subir réellement.

8°. Il faut encore comprendre parmi les personnes exemptes de la question les femmes ou filles grosses, soit que la grossesse soit dans son commencement, ou qu’elle soit déjà avancée, parce que dans l’un et dans l’autre cas le danger devient égal pour le fruit qu’elles portent, et que d’ailleurs ces personnes dans cet état sont sujettes à des faiblesses et des infirmités qui ne permettent point de risquer leur santé ; la même raison a lieu pour celles qui ont accouché : elles ne peuvent être exposées à cette sévérité des Lois qu’après les quarante jours, quelques robustes qu’elles soient d’ailleurs ; parce que les Juges, non-seulement doivent envisager l’état où elles paraissent être, mais celui auquel elles peuvent être sujettes, aussi bien que la conservation de l’enfant, qui par sa nourriture y peut trouver un préjudice considérable.

Il en est de même des menaces de la question : elles ne doivent point être faites aux personnes qui se trouvent dans cet état, par les révolutions qu’elles pourraient faire, et le danger qui s’ensuivrait ; mais on doit les garder et soigner avec attention, jusqu’à ce que leur situation permette aux Juges de procéder à cette rigueur avec sûreté. Lorsqu’on aura sujet de douter de leur état de grossesse, on nommera des Sages-femmes, ou autres Experts-jurés ; et, sur leur rapport, les Juges ne seront point responsables des suites qui pourront arriver, pourvu qu’ils usent de la modération requise par rapport aux circonstances et à la qualité des personnes.

ARTICLE 46.
De la demande, que l’on doit faire avant toutes choses au Prisonnier, s’il veut confesser volontairement son crime.

Lorsqu’on voudra procéder à la question contre un prisonnier, que ce soit d’office, ou sur la demande de l’accusateur, le Juge, en présence de deux Assesseurs et du Greffier, l’interrogera exactement suivant la situation de la personne et de la chose, et sur ce qui pourra servir davantage pour parvenir à la connaissance du délit ou de l’indice ; il le menacera aussi d’employer la question pour lui faire avouer le crime dont il est chargé, et tout ce qu’il peut savoir à ce sujet. L’on écrira ce que le prisonnier alors aura avoué ou nié.

ARTICLE 47.
De la défense à laquelle le prisonnier doit être admis avant la Question.

Lorsque dans le cas dont il vient d’être parlé, l’accusé nie le crime, sur lequel il aura été interrogé, on doit alors lui demander s’il est en état de prouver qu’il est innocent du crime dont il est chargé, et il faut surtout lui demander s’il peut prouver et faire voir, si dans le temps que le crime a été commis, il s’est trouvé avec des personnes, ou dans des endroits par où l’on puisse juger, qu’il l’a pas pu commettre ledit crime, duquel on le soupçonne.

Cette demande est d’autant plus nécessaire, qu’il se trouve plusieurs personnes, qui par simplicité ou frayeur, ne sont point capables de former et de conduire leur défense et justification, quoiqu’elles soient innocentes ; et au cas que le prisonnier indiquât sa justification par les preuves susdites, ou par d’autres raisons pertinentes, le Juge sera tenu de faire la recherche desdites preuves le plus exactement qu’il sera possible aux frais de l’accusé ou de sa parenté, ou d’entendre sur ce les témoins que ledit accusé ou sa parenté offriront de produire, ainsi qu’il sera marqué dans l’article 62 en traitant des preuves.

On ne pourra point, sans bonnes et légitime raison, refuser, tant au prisonnier qu’à ses parents, de produire ces témoins. S’il arrivait que l’accusé ou sa parenté ne fussent pas en état à cause de leur pauvreté, de supporter lesdits frais, la Juridiction du lieu y suppléera, et le Juge ne laissera pas de continuer sa procédure, afin que le crime ne reste pas pour cela impuni, ou que l’innocent ne soit point opprimé par une précipitation injuste.

Si par la recherche dont il vient d’être parlé, il ne se trouve rien pour la justification de l’accusé, il sera ensuite de ladite recherche, et sur la suspicion suffisante, appliqué à la question en présence du Juge, et au moins de deux Assesseurs et du Greffier, et tout ce qui se trouvera par son dire ou sa confession de même que par l’enquête faite, sera exactement mis par écrit, dont copie sera communiquée à l’accusateur sur sa demande, en ce qui le regarde sans qu’on le puisse celer ou différer.

OBSERVATION SUR LES ARTICLES 46 ET 47.

1°. La défense que les lois accordent au prisonnier est de droit naturel, et elle ne doit être refusée pour aucun délit, quelque atroce qu’il soit, avant que de l’appliquer à la question. Dans les Justices réglées il est d’usage de permettre au prisonnier un Avocat pour lui servir de conseil, et lui aider à produire ses défenses ; cela s’observe en quelque manière dans nos Conseils de guerre, où l’on fait mettre un Avocat à côté du Criminel, mais dont le secours devient assez inutile, parce qu’alors toute la procédure est consommée, soit par la conviction, ou confession du crime : c’est avant la question, lorsqu’elle peut avoir lieu, que le prisonnier, souvent simple et presque toujours troublé à la vue de ses Juges, aurait besoin d’un homme éclairé, pour voir si les charges sont bien et dûment prouvées, ou pour récuser les témoins, contre lesquels il y aurait des reproches à faire.

2°. Comme cet usage ne saurait être pratiqué dans les Justices militaires, les Commissaires y doivent y suppléer d’eux-mêmes et d’office, quand ils sont préposés à l’instruction du procès ; il est de leur devoir avant que de mettre un prisonnier à la question, de lui faire lire le nom, et la déposition de chaque témoin, et de lui demander s’il n’a point de reproche à faire contre eux, ou s’il n’a rien à alléguer pour sa justification, principalement s’il ne peut pas faire voir que lorsque le crime dont on le charge a été commis, il était ailleurs, ou avec d’autres personnes ; car si une pareille défense de sa part était prouvée, non seulement la question n’aurait point lieu, mais la déposition même des témoins deviendrait nulle.

3°. On doit accorder au prisonnier le recours à sa défense, lors même qu’il a été pris en flagrant délit, parce que cette circonstance fait un indice, par lequel son crime devient à la vérité notoire, mais il n’est point encore prouvé au point que l’on puisse refuser toute justification ; elle autorise les Juges à procéder à la question pour faire avouer le crime, mais elle n’ôte point en même temps le droit au prisonnier de se défendre préalablement : en quoi cependant il faut observer, que lorsque la défense que le prisonnier voudra produire, paraîtra téméraire et mal fondée, surtout venant de la part d’un homme d’ailleurs décrié, et capable d’embarrasser les Juges par sa malice, ils ne la lui doivent point accorder, mais ils doivent passer outre dans leur procédure.

4°. La communication des charges, et de la déposition des témoins ne doit pas être connue en général au prisonnier, mais il faut lui marquer ce que chaque témoin en particulier et sans confusion aura déposé contre lui, afin qu’il soit en état de diriger là-dessus sa défense. Par exemple, Jean aura déposé avoir vu le prisonnier donner un coup d’épée à Pierre, il aura dit en même temps qu’il était à une distance assez considérable de l’action, ou qu’alors il était nuit ; si ces deux circonstances n’étaient point communiquées au prisonnier, il se trouverait hors d’état d’établir sa défense et sa justification, et faute de pouvoir répliquer à ces circonstances, il se verrait exposé à subir la question, n’y ayant point de crime, quelque notoire qu’il soit, qui ne puisse être accompagné de quelques circonstances secrètes et particulières, lesquelles servent du moins à diminuer la rigueur, si elles ne justifient pas entièrement : c’est au reste une maxime constante, que l’on ne doit communiquer au prisonnier les charges contre lui, qu’après qu’il aura subi lui même son interrogatoire.

ARTICLE 48.
De quelle manière celui qui aura confessé son délit à la question,
doit être interrogé hors ladite question.
Premièrement, au sujet de l’Assassinat.

Lorsque le questionné aura avoué par les tourments le délit dont il s’agit, comme il vient d’être dit, et que sa confession aura été écrite, les Juges doivent l’interroger exactement, et en différentes manières, qui servent à la connaissance parfaite de la vérité, ainsi qu’il est marqué en partie ci-après : par exemple, s’il confesse un meurtre, on doit lui demander le motif qui l’a porté à cette action, le jour, l’heure et le lieu où il l’a commise ; si quelqu’un lui a aidé à le faire, et qui ; en quel endroit il a enterré ou jeté le cadavre ; des quelles armes il s’est servi, de quelle manière il a frappé ou blessé le mort, ou comment il a tué ; quels effets en argent ou autres, le mort avait sur lui, et ce qu’il lui a pris, dans quel endroit il a caché ces effets, à qui il les a vendus, donnés ou détournés ? La plupart de ces demandes doivent aussi être faites aux voleurs.

ARTICLE 49.
De l’interrogatoire à faire à celui qui confesse une trahison.

On doit demander au prisonnier qui confesse une trahison, qui l’a employé à cela, et ce qu’il a reçu pour faire cette action, dans quel lieu, comment, et en quel temps cela est arrivé, et quel motif l’y a engagé ?

Suite de la "Caroline"