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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  R
(Dixième partie)

RES (RES COMMUNES, RES NULLIUS, RES DERELICTA, RES PROPRIA)

Cf. Cel*, Chose trouvée*, Recel de chose*, Trésor*, Vol*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° IV-107, p.552 et s.

« Res » mot latin signifiant : chose. Cette présente classification des choses relève du droit civil. Elle revêt cependant un intérêt en droit criminel, pour la mise en œuvre de l’incrimination de Vol*.

- La res communes est une chose qui n'appartient à personne en particulier, mais dont tous peuvent user. Il en est ainsi de l'air, de l'eau courante, voir de la chaleur du sous-sol. Elle ne peut faire l'objet d'un vol qu'après transformation (cas de la mise en bouteille d'une eau de source).

Signe Histoire Digeste de Justinien, 47, X, 13,7. Ulpien : La mer est commune à tout le monde, ainsi que l'air.

Signe Philosophie Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) :   Les jurisconsultes romains nommaient les choses qui n'appartiennent à personne et qui sont communes à tous "res communes". Tels sont l'air, les eaux courantes, la mer.

Signe Philosophie Spencer (Justice) : Le Droit romain appelait res communes les choses dont la propriété n'est à personne, mais dont l'usage est à tous. Ainsi la lumière, l'air, l'eau courante, etc., sont tellement adaptés à l'usage commun de l'humanité, que nul ne peut en acquérir la propriété, ni priver autrui de leur usage.

- La res nullius est une chose qui n’appartient encore à personne, mais qu'il est possible de s’approprier (par exemple des lapins de garenne, sous réserve de la législation sur la chasse). À partir du moment où elle a un propriétaire elle devient res propria, et peut faire l’objet d’un vol.

Signe Histoire Digeste de Justinien, 47, II, 26 pr.,  Paul : Les abeilles sauvages sont au nombre des choses que l'on peut saisir par occupation sur terre, dans la mer et dans les airs ; même sur le fonds d'autrui.

Signe Philosophie Gousset (Théologie morale) : Au commencement, les biens de la terre étaient communs ; ils étaient comme des choses qui ne sont à personne, res nullius.

Signe Doctrine Carbonnier (Droit civil) : Le gibier et le poisson n’ont jamais eu de propriétaires jusqu’à leur capture. Ce sont des res nullius qui seront acquises par l’occupation.

Signe Doctrine Bluntschli (Droit public général) : Sauf les res nullius, nul ne peut s'emparer d'une chose sans empiéter sur les droits d'un égal.

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : Si la chose considérée est une res nullius ou une res derelicta, le caractère de l’objet sur lequel porte l’appropriation exclut toute idée de délit.

Signe Jurisprudence Cass.crim 23 octobre 1980 (Bull.crim. n° 271 p.694) : Le rivage de la mer, loin de constituer une res nullius, fait partie du domaine de l'État qui en est propriétaire. [Commet dès lors un vol celui qui en extrait du sable sans autorisation]

Signe Jurisprudence Versailles 27 septembre 1983 (Gaz.Pal. 1984 I 223) : D’une façon générale, le gibier est tenu pour res nullius.

Signe Jurisprudence TGI Le Mans 28 juin 1994 (Gaz.Pal. 1995 I 72) : Le fait de rendre volontairement la liberté à des canards d’élevage leur fait nécessairement perdre la qualité d’animaux domestiques ou de res propria.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 1er février 2013) : Un britannique promenait sa chienne sur une plage lorsqu'elle a buté sur "une grosse pierre" grise et jaune à texture cireuse. "Quand j'ai senti une odeur musquée, j'ai été un peu dégoûté", avoue Ken Wilman. Mais l'animal semble être tombé sur le l'ambre gris, ou "or flottant". Une substance dont le parfum devient très agréable après plusieurs mois, et qui est très prisé en parfumerie. Un acheteur français lui a proposé 50.000 € .

- La res derelicta est une chose qui a eu un propriétaire, mais que ce dernier a rejetée. Tout un chacun peut alors la faire sienne ; ainsi, celui qui récupère un vieux téléviseur posé sur une poubelle dans la rue en devient légitime propriétaire.

Signe Philosophie Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Res derelicta. Il n'y a aucun délit de la part d'un moine qui prend un objet jeté, tel que des chiffons d'une pile des ordures. Res nullius. Il n'y a aucun délit de la part d'un moine qui prend un objet… non-revendiqué, d'une région sauvage.

Signe Doctrine Carbonnier (Droit civil) : Les res derelictae sont des objets mobiliers que leur propriétaire a volontairement abandonnés… si bien que, lorsque la prise de possession de produit, elle ne rencontre pas une propriété préexistante.

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : On appelle res derelicta l'objet qui, autrefois propriété privée, a été abandonné par le propriétaire, volontairement et dans l'intention de le laisser définitivement à la disposition du premier occupant.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 décembre 2015, pourvoi n°14-84906 : Une employée ne peut être poursuivie du chef de vol pour avoir soustrait des produits alimentaires périmés qui avaient été mis à la poubelle du magasin dans l'attente de leur destruction ; en effet, il était constant que les objets soustraits, devenus impropres à la commercialisation, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l'attente de leur destruction, de sorte que l'entreprise avait clairement manifesté son intention de les abandonner .

Une chose perdue ou égarée n'est pas une res derelicta ; c'est pourquoi celui qui s'en empare commet un Vol*. Il en va de même pour un objet délaissé temporairement en raison de circonstances pressantes.

Signe Philosophie Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) :   Celui qui a trouvé une chose perdue est obligé de la conserver et d'en prendre soin pour la rendre à son maître ; et s'il ne sait à qui elle appartient, il doit s'en informer par les voies qui peuvent dépendre de lui.

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : D’après les principes du droit romain, celui qui prend possession d’une chose perdue, pour se l’approprier, commet le délit de vol.

Signe Droit comparé Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 399/400 : Est puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende ... quiconque ... s'approprie une chose perdue. [le législateur tient compte ici de la tentation à laquelle a cédé le voleur pour atténuer la peine, qui est normalement de cinq à dix ans]

Signe Jurisprudence Trib.corr. Montélimar 30 janvier 1945 (Gaz.Pal. 1945 I 198) : Le vol comporte nécessairement la soustraction de la chose d’autrui ; à cet égard il convient de distinguer la chose abandonnée de la chose simplement perdue ; car seule la chose abandonnée peut être considérée comme une res derelicta appartenant par droit d’occupation à celui qui met la main sur elle.

Signe Jurisprudence Cass.crim 12 mai 2015, pourvoi n° 14-83310 : Lors d'un contrôle aéroportuaire  X... a été trouvé en possession d'une somme d'argent de 130.760 € ; il a expliqué l'avoir découverte, quelques jours auparavant, dans un sac dont s'était débarrassé sous ses yeux un individu, en vue d'échapper aux poursuites d'un tiers... ;
Pour  déclarer
à bon droit la prévention de vol établie, l'arrêt critiqué énonce que, si les investigations n'ont pas permis de démentir la version du prévenu quant aux circonstances dans lesquelles il aurait découvert la somme d'argent, ni de déterminer l'origine des fonds, le bien ne pouvait néanmoins être regardé comme ayant été volontairement abandonné, dès lors que, eu égard à sa grande valeur et aux circonstances dans lesquelles son détenteur s'en était dessaisi, il est manifeste que ce dernier avait l'intention de venir le rechercher après avoir échappé à son poursuivant.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 24 août 2012) : Un jeune Sénégalais s'est endormi dans le RER qui devait l'amener à son hôtel parisien. Se réveillant une station trop tard, il est sorti précipitement du train, oubliant un bagage contenant près de 27.000 € en liquide... Avertie par la RATP la police lui a remis la valise, allégée de quelques billets car, n'ayant pas déclaré la somme à la douane, le Sénégalais a écopé d'une amende.

- La res propria est une chose qui appartient à un sujet de droit. Dès lors, celui qui la soustrait frauduleusement commet un Vol*.

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Seules les choses sur lesquelles une personne exerce une puissance actuelle peuvent être objets de vol.

- La res sacra, enfin, peut être un bien affecté à un culte ; en sorte que lui faire injure constitue un Sacrilège*. Mais on peut aussi considérer que la Personne humaine* entre dans la catégorie du sacré, ce qui la situe au dessus de toutes les lois concernant les choses*.

Signe Philosophie Baudin (Cours de philosophie morale) : Qu'il soit pauvre ou riche, fort ou faible, enfant ou adulte, etc., nous avons toujours à traiter autrui comme une personne morale inviolable : « res sacra homo ».

RÉSIDENCE   -  Voir : Domicile*.

RÉSIPISCENCE   -  Voir : Peine (but de la peine)*.

Signe Doctrine Léo Moulin (La vie quotidienne des religieux au Moyen-âge) : Qui dit faute, dit châtiment, repentir, résipiscence (c'est-à-dire, étymologiquement, « retour à la raison » et pardon).

Signe Doctrine Loiseleur (Les crimes et les délits dans l'antiquité) : Suivant l'esprit des Capitulaires de Charlemagne, on réserve à la Cour du Roi lui-même la connaissance des crimes commis par des hommes de haute naissance, sanctionnés par la prison ou l'exil jusqu'à ce qu'ils viennent à résipiscence.

RÉSISTANCE À L’OPPRESSION

Cf. Arrestation (par une autorité publique)*, Conscience (cas de)*, Coup d’État*, Despotisme*, Dictature*, Légitime défense*, Liberté*, Peuple*, Rébellion*, Sédition*, Tyrannicide*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 7, p.10

- Notion. On parle de résistance à l'oppression pour signifier que les citoyens ont le droit, sinon le devoir, de refuser d'accomplir des actes immoraux ou illégitimes prescrits par des pouvoirs pouvoirs publics totalitaires. Selon les circonstances, leur opposition peut se manifester par l'usage de la force (rébellion ou sédition) ou par une résistance passive (objection de conscience). 

Signe Doctrine Colliard (Libertés publiques) : La résistance à l’oppression apparaît comme la suprême défense des gouvernés, elle n’analyse en un recours à la force par laquelle les gouvernés tentent de se défendre. La résistance à l'oppression apparaît ainsi comme la suprême défense des gouvernés... On doit noter qu’il existe des attitudes de résistance qui ne comportent pas le recours à la force ; c’est le cas de la résistance dite passive telle qu’elle a pu être mise en pratique aux Indes par le mahatma Ghandi. [L'expérience enseigne toutefois qu'une telle résistance ne saurait produire effet que face à une nation étrangère]

Signe Doctrine Spitz (Dictionnaire de philosophie politique - v° Droit de résistance) : En son principe, l'idée de résistance fait appel à des notions fort simples : tout pouvoir politique est institué par une communauté en vue de son propre bien ; là où ceux qui sont chargés du gouvernement trahissent cette mission et utilisent le pouvoir qui leur est confié pour opprimer le peuple, celui-ci tient de la nature du droit se s'opposer à ses gouvernants, de tenir leurs actes pour nuls, de leur résister (au besoin par la force), de les déposer et de les juger pour leurs méfaits.

- Règle morale. Il s’est trouvé des auteurs pour soutenir qu'il serait légitime de s'opposer à une mesure prise par l'État en méconnaissance des principes fondamentaux du droit naturel ; ainsi certains jésuites sont allés jusqu’à défendre la doctrine du Tyrannicide*. Mais la majorité des philosophes paraissent s'entendre pour soumettre le droit de résistance à l'oppression à des conditions très strictes.

Signe Philosophie Calvin (Institutions de la religion chrétienne) : En l’obéissance que nous avons enseignée être due aux supérieurs, il doit y avoir toujours une exception : c’est que telle obéissance ne nous détourne point de l’obéissance de celui sous la volonté duquel il est raisonnable que tous les désirs des rois se contiennent… Il faut plutôt obéir à Dieu qu’aux hommes.

Signe Philosophie Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : Des gouvernants qui gouvernent contre le bien public ne peuvent être légitimes, quelles que soient les approbations populaire ou la popularité dont ils se prévalent... La première de toute les conditions pour qu'un gouvernement soit légitime est qu'il serve à la fin pour laquelle le pouvoir existe, la poursuite du bien commun.

Signe Philosophie Vittrant (Théologie morale) : Le droit de renverser par la force un gouvernement est nuisible au Bien commun*.
Si un gouvernement, par l'ensemble de ses agissements, devenait nuisible au Bien commun
*, c'est le désir de sauvegarder, autant que possible, la paix et de rétablir au plus vite la concorde, qui devrait inspirer le choix des moyens à employer pour venir au secours de la cité. Dès lors, même si une réaction vigoureuse était jugée nécessaire, on devrait d'abord s'efforcer d'avoir recours aux moyens légaux. On ne serait en droit de prendre l'initiative de la force et de la violence que si les conditions suivantes se trouvaient réalisés simultanément...

Signe Philosophie Fordyce (Éléments de philosophie morale) : Comme le peuple est la source du pouvoir et de l'autorité, que c'est proprement en lui que réside la Majesté de l'État, et que c'est de lui que les lois émanent et que les Magistrats ont reçu leur commission ; s'il trouve que ces magistrats abusent de la confiance qu'il leur a témoignée, que son autorité a été prostituée pour établir la tyrannie ou la seconder, que des accidents imprévus ont rendu les lois nuisibles, ou qu'elles sont devenues telles par l'infidélité et par la corruption de ceux qui devaient veiller à leur maintien ; dans tous ces cas, le Peuple a droit (et son droit est son devoir), de reprendre une puissance qu'il n'avait que prêtée ; de demander compte de l'usage qui en a été fait, et de punir ceux qui en ont abusé ; de résister aux usurpateurs, et d'extirper la tyrannie.

- Science criminelle. L'Ancien droit posait en principe qu’obéissance était due à l’autorité publique : la Rébellion* constituait donc ordinairement un crime de lèse-majesté. Mais dès cette époque il s’est trouvé des auteurs pour soutenir qu'il serait légitime de s'opposer à une mesure prise par l'État en méconnaissance des principes fondamentaux du droit naturel.
Cette doctrine a été reprise sous la Révolution : l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 a compris dans les droits de l’homme la résistance à l’oppression. Louis XVI a été guillotiné après avoir été qualifié, jour après jour, de tyran ; ce qu'il n'était manifestement pas. On voit par cet exemple que la doctrine de la résistance à l'oppression doit être mise en œuvre avec circonspection.

Signe Dictionnaire Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Droit de résistance par E. Desmons : Le droit de résistance révèle l'antinomie entre deux niveaux de droit et revient à opposer sa propre interprétation du droit à celle, supposée dévoyée, de l'autorité... Le positivisme, en ne reconnaissant d'interprète authentique du droit que le juge, a rendu soit illégitime, soit impraticable toute traduction juridique de résistance.

Signe Législation Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 24 juin 1793 :
Article 33. La résistance à l’oppression est la conséquence des autres Droits de l’homme.
Article 34. Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Signe Philosophie Neufbourg (La loi naturelle) : Il est possible... qu'un Caligula sur le trône déchire, à force de tyrannie et d'oppression, les engagements qu'il contracte en y montant, et foule aux pieds sans pudeur les devoirs essentiels qu'il avait assumés sur sa tête. Dans ce cas évidemment ses sujets ne sont plus tenus de lui rester fidèles. Ils sont déliés, on n'en saurait douter, de l'obligation de. lui obéir.

Signe Philosophie Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : La discussion naît, lorsqu'il y a résistance active illégale, c'est-à-dire emploi de moyens de pression qui sortent de la légalité, ce que les auteurs anciens appelaient  la résistance active à main armée. De nos jours le recours aux armes est un moyen extrême auquel on n'arrive que rarement, mais des cas de présentent d'action révolutionnaire par des moyens illégaux pacifiques, tels que grèves de services publics, sabotage, refus de payer l'impôt... On ne peut entrer dans la voie de la révolte qu'à des conditions très strictes sur lesquelles l'accord est unanime. Ces conditions se ramènent à trois : nécessité, utilité et proportion...

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : La première constitution du 3 septembre 1791, s'était bornée à déclarer comme droits naturels et imprescriptibles, « La liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression la protection de la Société ».

Signe Doctrine Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal belge, T.I) : Le droit de résistance à l'oppression a été, à la vérité, proclamé comme un droit imprescriptible de l'homme... par le Congrès national. Mais ce principe  du droit "mystérieux" des Révolutions, suivant l'expression de Locke, est tellement flou qu'il est impossible de lui donner un corps et une formule précis; Il s'agit là au surplus d'une théorie politique et non juridique... En un mot, le droit à l'oppression ne se pose pas en termes de droit positif.

Signe Doctrine Taine (Les origines de la France contemporaine) L'Ancien régime - L'esprit et la doctrine : Dès lors que le gouvernement sort de son humble rôle, il usurpe, et les constitutions vont proclamer qu'en ce cas l'insurrection est non seulement le plus saint des droits, mais encore le premier des devoirs.- Là dessus la pratique accompagne la théorie, et le dogme de la souveraineté du peuple, interprété par la foule, va produire une parfaite anarchie où, interprété par les chefs, il produira le despotisme parfait.
Car la théorie a deux faces, et, tandis que d'un côté elle conduit à démolition perpétuelle du gouvernement, elle abouti de l'autre à la dictature illimitée de l'État
.

- Droit positif français.  La pratique républicaine a considérablement affaibli ce droit proclamé par la Déclaration des droits de l'homme de 1789. S'auto-proclamant un système politique parfait, le régime républicain français ne conçoit pas que l’on puisse légitimement résister à ses représentants.
Les actuelles dérives totalitaires (notamment le refus de reconnaître l'objection de conscience aux maires refusant de célébrer un mariage méconnaissant le droit naturel, ou encore l'adoption par une loi d'un texte rejeté par un referendum populaire régulier) donnent un regain de faveur à la doctrine libérale du droit de l'homme à résister à l'oppression de l'État.

Signe Législation Conseil constitutionnel 23 juillet 1999 (D. 2000 somm. p. 265) : L’art. 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme et que ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

Signe Doctrine Montreuil (Juris-classeur pénal, art. 433-6 à 433-10) : Il convient de reconnaître qu’il serait très périlleux pour l’ordre public d’admettre la licéité de la résistance dès que l’acte est entaché d’une irrégularité quelconque. Il ne serait pas convenable que les citoyens puissent s’ériger en juges de la légalité des actes des agents d’autorité et s’insurger contre leur exécution dès lors qu’ils estimeraient -à tort ou à raison- que l’action considérée est peu ou prou illégale.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 janvier 1821 (S. 1821 122) : L’art. 209 C.pén. incriminant la rébellion ne subordonne pas son application au plus ou moins de régularité dans les ordres émanés de l’autorité pour faire agir la force publique ; l’illégalité de ces ordres pourrait seulement donner lieu à la prise à partie des fonctionnaires qui les auraient donnés ; mais cette illégalité ne peut, en aucun cas, autoriser un particulier à s’y opposer avec violence et voie de fait.

Signe Exemple concret Secher (Le génocide franco-français) : La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen avait une portée que les constituants n'avaient pas soupçonnés : telle la résistance à l'oppression. Le texte est clair : « Tout régime restreignant les droits de l'homme est abusif, il faut lui résister ». La révolte vendéenne était donc à la fois légale et légitime.

RESOCIALISATION  -  Voir : Amendement*.

RÉSOLUTION CRIMINELLE

Cf. Acte humain*, Attentat*, Cheminement criminel*, Commencement d’exécution*, Conspiration*, Complot*, Délibération*, For interne*, Iter criminis*, Pensée*, Préméditation*, Tentative*, Velléité*. Rapprochez : Prudence*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-135 3°, p.194

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-332 et s., p.96 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-332, p.184

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 9, p.13 / n° I-I-208, p.108 / n° II-113, p.317  n° II-II-236, p.525

Signe Renvoi article Voir : Tableau général des incriminations pénales pouvant protéger un intérêt juridique donné (1e colonne, 1° ligne)

Signe Renvoi rubrique Voir : Code Annamite de Gia Long, La préméditation collective ou individuelle en matière de meurtre

- Notion. La résolution criminelle est la décision prise par un individu, après délibération en son for intérieur, de commettre l’infraction à laquelle il songe depuis quelque temps. Elle précède l’accomplissement des actes préparatoires, et plus encore le commencement d’exécution.

Signe Philosophie Guizot (Histoire de la civilisation en France) : Concentrez votre pensée sur le moment où l’homme prend une résolution, où il dit : « Je veux, je ferai » et demandez-vous, demandez-lui, s’il ne pourrait pas vouloir ou faire autrement. À coup sûr vous répondrez, il vous répondra « oui ». Ici se révèle le fait de la liberté : il réside tout entier dans la résolution que prend l’homme à la suite de la délibération ; c’est la résolution qui est l’acte propre de l’homme.

Signe Doctrine Dupin Aîné (Règles de droit et de morale) : Après les mécontentements viennent les clameurs, les séditions, et enfin la résolution des peuples de renverser les gouvernements.

- Règle morale. La décision de commettre un crime constitue indéniablement une faute morale. Elle se situe néanmoins quelque peu en retrait du passage à l'acte, du commencement d'exécution, car elle n'a pas encore été matériellement confrontée à la réalité et peut en définitive apparaître comme une simple velléité.

Signe Philosophie Morale de Zoroastre (trad. Anquetil de Perron) : Après avoir établi dans la société les lois de la justice distributive, il convient de prévenir ou d'arrêter ce qui pourrait la troubler. En conséquence, la simple résolution de frapper mérite punition.

Signe Philosophie R. Simon (Éthique de la responsabilité) : La délibération analysait, examinait, comparait, évaluait. Il s’agit maintenant de choisir parmi les solutions envisageables… et de se décider à mettre ce choix à exécution. La décision est cette autodétermination.
C’est ici, à ce point de la démarche éthique, que l’agent fait l’expérience qu’en dernier ressort, et quels que soient les conditionnements qui s’exercent sur lui, il lui appartient, et à personne d’autre que lui, de clore ce débat intérieur, et de vouloir ou de ne pas vouloir. La responsabilité du sujet éthique apparaît ici avec clarté.

Signe Philosophie Pufendorf (Le droit de la nature, éd. 1734) : Le simple dessein de commettre un crime ne peut pas être regardé sur le même pied que l'exécution pleine et entière. Car, quand on envisage encore de loin, par la simple pensée, l'idée n'en paraît pas si affreuse que lorsqu'il se montre de près, au moment qu'on est sur le point de l'exécuter ; et par conséquent il faut ici une plus forte résolution, pour surmonter l'horreur du crime et la résistance des lumières de la raison.

- Science criminelle. La résolution criminelle ne peut, en principe, être sanctionnée par le pouvoir temporel tant qu’elle demeure enfouie dans le For interne* ; la doctrine la plus solide est parfaitement établie en ce sens.

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : La résolution, c’est, avec la conception du délit, la volonté bien arrêtée de le commettre (voluntas sceleris). Tant que cette conception et cette résolution restent enfermés dans la conscience, il ne saurait être question de punir, puisque la volonté criminelle est encore inconnue du pouvoir social. En effet, la loi sociale ne règle que les rapports des hommes entre eux, et ces rapports ne peuvent être troublés que par des actes.

Signe Doctrine Villey (Précis de droit criminel) : La résolution criminelle peut bien constituer un danger, mais elle ne constitue pas un trouble social tant qu'elle se renferme en elle-même.

Signe Doctrine Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal belge) : La résolution criminelle, tant qu'elle reste dans le for intérieur, n'est pas du domaine du droit pénal. Lorsqu'elle s'extériorise de manière que son existence puisse être constatée avec certitude, le législateur pénal peut légitimement intervenir. Généralement cependant, il s'abstient de le faire à ce stade du processus criminel, parce qu'il considère que la résolution à l'état de projet n'est pas un trouble social suffisant et qu'il espère que cette attitude encouragera l'abandon du projet. Mais il en va autrement en matière de crime contre la sûreté de l'État.

Signe Droit comparé Kenny (Esquisse du droit criminel anglais) : Dans la trahison comme dans tous les autres délits, la mens rea ne constitue pas la culpabilité sans actus reus.

Signe Droit comparé Code pénal de Saint-Marin (de 1865). Art. 192 : Il y a conspiration dès que la résolution d’agir est concertée ou arrêtée entre trois ou plus de trois personnes. Voir : Actus reus et mens rea*.

- Mais la résolution criminelle peut être incriminée par le législateur, et sanctionnée par les juges, dès qu’elle s’extériorise par un acte matériel et devient ainsi susceptible de preuve. C’est sur cette base que le législateur réprime de Complot*; voir : Offre de commettre une infraction*.

Signe Droit comparé Code annamite de Gia Long. Art. 40 : L'expression complot indique deux personne ou plus (lorsque les traces et les indices de la préméditation sont parfaitement clairs et évidents, bien qu'il n'y ait qu'un coupable, on applique les mêmes règles que sil y avait deux personnes).

Signe Droit comparé Code pénal de Saint-Marin (de 1865). Art. 192 : Il y a conspiration dès que la résolution d’agir est concertée ou arrêtée entre trois ou plus de trois personnes.

Signe Droit comparé Code pénal du Texas, § 15.02 : Entente criminelle. Une personne commet une entente criminelle si, avec l’intention de perpétrer un crime, elle s’entend avec une ou plusieurs autres personnes pour que l’une ou plus d’entre elles entreprenne une action susceptible de constituer un délit.

Signe Histoire Michelet (Histoire de France) donne un exemple de résolution criminelle ostensible, résultant du vote d’une assemblée : En octobre 1792, une Section de Paris décida que, si pour le décret discuté la Convention exigeait le scrutin secret, elle marcherait en armes sur la Convention.

- La résolution criminelle va également être réprimée dans l’hypothèse où elle est suivie d’un Acte préparatoire*, si celui-ci permet aux juges de l’appréhender de manière très concrète.

Signe Droit comparé Code pénal du Luxembourg. Art. 112. Quiconque aura formé seul la résolution de commettre un attentat contre la vie ou contre la personne du (Roi) Grand-Duc, de l’héritier présomptif de la Couronne, des membres de la famille royale énumérés en l’article 103, ou du Régent, sera puni de la réclusion de cinq à dix ans, lorsqu’il aura commis un acte pour en préparer l’exécution.

Signe Droit comparé Code pénal du Japon. Art. 78 (préparation ou complot) : Une personne qui fait des préparatifs ou complote en vue d'une insurrection sera punie d'un emprisonnement... de 1 à 10 ans.

- À plus forte raison, la résolution criminelle sera incriminée en tant que Délit formel* (sur le plan législatif), ou au titre de la Tentative* (sur le plan judiciaire), pour peu qu’elle se manifeste par un acte extérieur tel que le Commencement d’exécution*.

Signe Doctrine Trousse (Novelles de droit pénal belge) : La première condition de la tentative suppose la résolution de commettre un crime ou un délit déterminé… La résolution criminelle en elle-même n’est pas toutefois punissable. Elle ne prend place dans le contexte de tentative que lorsqu’elle est extériorisée par un élément matériel.

- De surcroît, lorsque l’infraction a été finalement commise, la preuve d’une résolution criminelle préalable caractérise la Préméditation*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 décembre 1980 (Bull.crim. n° 331 p.854) : Le mot « préméditation » exprime par lui-même qu’un dessein a été formé avant l’action.

RESPECT

Cf. Cadavre*, Chef de l’État*, Diffamation*, Injure*, Mépris*, Offense*, Outrage*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 2, p.5 / n° 31, p.27 / n°36, p.30 / n° 43, p.39 et s. / n° II-2, p.243 / n° II-210, p.308 / n° II-216, p.319 / n° II-301, p.351 / n° II-303, p.353 / n° III-101, p.423 / n° III-234, p.523

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 9, p.17 / n° 14, p.28 / n° 15 / p.29 / n° 121, p.69-70 / n° 201, p.77 / n° 204, p.82 / n° 205, p.83 / n° 326, p.177 / n° 327 1°, p.180 et s. / n° 334, p.200 / n° 336, p.204 / n° 339, p.219 et s. / n° 344, p.226

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-10, p.62-63 / n° I-I-122, p.96 / n° I-II-2, p.140 / n° I-II-3, p.141, p.142, p.144 / n° I-II-132, p.191 / n° II-102, p.304 / n° II-121, p.325 / n° II-I-108, p.343 / n° II-I-207 et s., p.437 et s.

- Notion. On entend par la notion de respect une marque de considération à l’égard d’une personne, d’une fonction, d’une institution ou d’une idée ; elle emporte égards et déférence envers les personnes, révérence envers les institution, observance de la loi.

Signe Philosophie Bruguès (Dictionnaire de morale) : Respecter vient du latin « re-spectare ». Le respect désigne donc la distance que prend volontairement le sujet afin de préserver la liberté, l’intégrité, la singularité de l’autre.

Signe Philosophie Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : Le respect est un mélange de déférence et d’affection que nous inspire l’homme de bien. Un tel homme nous attire, parce que le bien est l’idéal auquel aspire notre raison... Chaque fois qu'on subordonne quelqu'un à son intérêts ou à son plaisir, on lui manque de respect.

- Règle morale. Manifester du respect envers une personne, c'est lui reconnaître ostensiblement la dignité qui s'attache à sa qualité d'être humain. Il s'agit là d'un devoir moral.

Signe Philosophie Vergely (Dico de la philosophie) : Le respect relève du souverain bien, selon Kant, car il permet à l’humanité tout entière d’exister … C’est l’humanité dans l’homme que l’on respecte, et non tel ou tel homme pour ses qualités.

Signe Philosophie Kant (Éléments de métaphysique du droit) : Il faut toujours respecter la dignité de l'homme, même dans le criminel... Il faut encore avoir égard au respect de l'humanité dans la personne du malfaiteur.

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : Le progrès moral et social tend de plus en plus à faire consacrer le respect de la personne humaine.

- Science criminelle. Alors que la Grèce antique faisait reposer la Cité sur le respect et la justice, et que la pensée classique soulignait le respect dû à la loi morale et à la loi positive, la pensée contemporaine insiste plutôt sur l’idée de respect de la dignité humaine.

Signe Doctrine Taine (Les origines de la France contemporaine) : Dans notre société européenne, la consigne générale est le respect de chacun pour soi et pour les autres, y compris les femmes et les enfants. Cette consigne, nouvelle dans l'histoire a un avantage singulier : chaque individu, étant respecté, peut se développer selon sa nature propre, partant inventer en tout sens, produire en tout genre, être utile à soi-même et aux autres de toutes façons, ce qui rend la société capable d'un développement indéfini.

Signe Législation Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les Membres du Conseil de l’Europe réaffirment leur profond attachement à… un commun respect des Droits de l’homme dont ils se réclament.

Signe Droit comparé Code criminel de Moldavie. Art. 150 : Sera puni de 3 à 7 ans d’emprisonnement celui qui aura incité une personne au suicide …par des outrages systématiques à la dignité de la victime.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale d’Espagne. Art. 684 : Le président aura tous les pouvoirs nécessaires pour maintenir ou rétablir l’ordre pendant les séances et pour imposer le respect dû au tribunal et aux autres autorités publiques.

- Droit positif français. La loi et la jurisprudence sanctionnent les manquements au respect (voir p.ex. l’art. 323 C.pr.pén.). Il en est notamment ainsi avec l’incrimination d’Outrage* à magistrat dans l’exercice de ses fonctions.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 juin 1980 (Bull.crim. n° 207 p.540) : Il appartient au président de la juridiction de jugement de veiller au respect de la loi et des droits de la défense.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 octobre 2000 (Bull.crim. n° 318 p.943) : L’élément intentionnel des délits de violation de sépultures et d’atteintes à l’intégrité des cadavres consiste en l’accomplissement volontaire d’un acte portant directement atteinte au respect dû aux morts.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 18 avril 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2484) : Est outrageant l’écrit qui porte atteinte à la dignité et au respect dus à la fonction de président d’une Université.

Signe Jurisprudence Aix-en-Provence 23 juin 1997 (JCP 1998 JCP 1954) : Toute parole, toute expression, dont la violence ou le caractère blessant traduit un mépris certain, un manque de respect envers l’autorité, est nécessairement outrageante.

RESPECT DE LA PAROLE DONNÉE  -  Voir : Foi contractuelle*.

Suite de la lettre R