Page d'accueil > Table des rubriques > Dictionnaires de droit criminel > Lettre E : table d'accès > Lettre E (Dix-huitième et dernière partie)

DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  E
(Dix-huitième et dernière partie)

EXPRÈS (Faire)

Cf. Élément moral*, Faute*, Intention*, Responsabilité*, Volonté*.

La formule enfantine « Je ne l’ai pas fait exprès » apparaît comme la première manifestation de l’idée de responsabilité subjective. Le mineur qui l’emploie souhaite dire par là qu’il a peut-être accompli son acte consciemment, mais qu’il n’a pas eu l’intention de provoquer ses effets déplorables. Il reconnaît sa responsabilité objective, qui mérite une réprimande et une réparation, mais rejette une responsabilité subjective, qui légitimerait une peine.
Un adulte qui prononce cette phrase entend plutôt dire qu’il a agi par maladresse, inattention, distraction ; il cherche à se cantonner dans le domaine des infractions d’imprudence ; il entend s’excuser, obtenir le pardon de celui qu’il a blessé.
Pour autant que l’expression soit utilisée par les pénalistes, elle signifie que l’acte reproché a été accompli à dessein, dans le but précis qu’il a atteint.

Signe Philosophie R.Simon (Éthique de la responsabilité) : L’expression « faire intentionnellement » marque le côté volontaire de l’acte ; elle peut se traduire, en certains cas, par l’expression, à peu près équivalente, de « faire exprès », « faire à dessein », et non par inadvertance, sans réfléchir. La responsabilité est ici manifeste.

Signe Philosophie Ferri (Sociologie criminelle) : Celui qui, par gaucherie, sans intention offensive, heurte un autre homme, rencontre de la part de celui-ci une réaction plus ou moins énergique ; s’il déclare ne l’avoir pas fait exprès, la réaction sera atténuée, mais non annulée.

Signe Exemple concret J.Moinaux (Les tribunaux comiques) : Il voyait bien que je ne l'avais pas fait exprès, puisque c'était dans la précipitation...

EXPRESSION (liberté d’)

Cf. Autocensure*, Censure*, Diffamation*, Injure*, Liberté*, Outrage*, Presse*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-220, p.501

- Principe de la liberté d'expression. Au départ, la liberté d’opinion. Dans un État respectueux de la dignité de la personne humaine, chaque individu doit être libre de nourrir les opinions religieuses, philosophiques, politiques ou artistiques qui lui permettent le mieux de développer sa personnalité. Il doit même avoir la possibilité de faire part de sa pensée par l’écrit ou par la parole, dans le respect toutefois de l'ordre public et de la personne d'autrui.

Signe Législation Déclaration des droits de l’homme de 1789. Art. XI : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Signe Législation Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (18 décembre 2000).
Art. 11. Liberté d’expression et d’information.
1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.
2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

Signe Jurisprudence Cour EDH. 7 juin 2012, n° 38433/09 (Gaz.Pal. 21 juin 2012 p.30) : La Cour rappelle qu'il n'y a pas de démocratie sans pluralisme. Elle observe qu'il ne suffit pas de prévoir la possibilité théorique pour des opérateurs potentiels d'accéder au marché de l'audiovisuel. Encore faut-il leur permettre un accès effectif à ce marché, de façon à assurer dans le contenu des programmes considérés dans leur ensemble une diversité qui reflète autant que possible la variété des courants d'opinion qui traversent la société. Si au contraire un groupe économique ou politique puissant était autorisé à dominer le marché des médias audiovisuels, qui ont le pouvoir de faire passer des messages ayant un effet immédiat, pareille position dominante serait de nature à porter atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de communiquer.

Signe Jurisprudence Cour EDH. 17 décembre 2013, n° 27510/08, à propos de la négation du génocide arménien qui relève de l'Histoire plus que du droit : La Cour note que États qui ont reconnu le génocide arménien – pour la grande majorité d’entre eux par le biais de leurs parlements – n’ont par ailleurs pas jugé nécessaire d’adopter des lois prévoyant une répression pénale, conscients que l’un des buts principaux de la liberté d’expression est de protéger les points de vue minoritaires, susceptibles d’animer le débat sur des questions d’intérêt général qui ne sont pas entièrement établies.

Signe Philosophie Milton (Areopagitica). Cet ouvrage de 1644 était sous-titré : Pour la liberté d’imprimer, sans autorisation ni censure.

Signe Doctrine Colliard (Libertés publiques) : La liberté d’opinion est une liberté essentielle … elle est une liberté primaire, première, d’où dérivent d’autres libertés … La liberté d’opinion s’épanouira avec la liberté de culte ; ainsi la liberté de culte apparaît comme une liberté seconde, commandée par la liberté d’opinion qui est antérieure.

Signe Jurisprudence Cass.1e civ. 10 avril 2013,  n° 12-10177 : La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi.

La liberté d'expression ne concerne que l'exposé d'une pensée, d'une idée, d'une opinion, d'une croyance, d'une conviction, donc d'une opération de l'esprit.

Signe Jurisprudence Cass.(1e civ.) 28 mars 2008 (Gaz.Pal. 15 avril 2008) : Les propos adressés ad hominem et manifestant exclusivement une animosité personnelle, sans traduire une idée, une opinion ou une information susceptible d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général, ne relèvent pas de la protection du droit à la liberté d'expression prévue par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. De tels propos tenus par un avocat sont constitutifs d'un manquement à la délicatesse, et entrent comme tels dans les prévisions des textes régissant spécialement la discipline de la profession.

La liberté d’expression est garantie par l’art. 431-1 C.pén., qui incrimine les entraves risquant de lui être apportées.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 30 mai 2007 (Bull.crim. n° 140 p.622) : Justifie sa décision la cour d'appel qui, saisie de poursuites pour provocation à la discrimination raciale en raison de la diffusion, à l'initiative de deux conseillers régionaux, d'un tract intitulé « Pas de cathédrale à la Mecque, pas de mosquée à Strasbourg » protestant contre le vote, par le conseil régional d'Alsace, d'une subvention destinée à la construction d'une mosquée à Strasbourg, a infirmé le jugement de condamnation et prononcé une relaxe, dès lors que les propos dénoncés n'excédaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression au sens de l'art. 10 de la Conv. EDH.

Signe Jurisprudence Paris 12 mars 2008 (Gaz.Pal. 18 mars 2008), sur l'affaire dite des "caricatures de Mahomet" : Les caricatures poursuivies comme toutes celles qui figurent dans ce numéro de l'hebdomadaire ont, par leur publication, participé au débat d'intérêt général sur la liberté d'expression mise à mal par la polémique, les intimidations et certaines réactions suscitées par leur diffusion dans un journal danois.
En définitive, les caricatures litigieuses, qui visent clairement une fraction et non l'ensemble de la communauté musulmane, ne constituent pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse et ne dépassent pas la limite admissible de la liberté d'expression - dont les restrictions prévues par la loi sont d'interprétation stricte -, garantie par le droit conventionnel et le droit interne.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 juin 1999 (Gaz.Pal 1999 I Chr.crim. 146) : À l’occasion d’une conférence publique organisée à l’université de Strasbourg, le 23 octobre 1996, par Philippe de Villiers, député européen, un groupe d’étudiants s’est livré à des voies de fait et des violences qui ont dégénéré en une échauffourée. A la suite de ces incidents, B... a été à bon droit déclaré coupable, pour entrave concertée à la liberté d’expression et de réunion à l’aide de menaces, violences et voies de fait, délit prévu et réprimé par l’art. 431-1 C.pén.

- Police de la liberté d'expression. Mais il ne faut pas perdre de vue que, par l’écrit ou la parole, une personne peut porter atteinte à l’intégrité morale d’une personne ou à la paix publique. Même une société libérale se voit dès lors dans l’obligation de poser des limites à la liberté d’expression.
En droit français les principales limites à cette liberté ont été édictées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. C’est dans ses dispositions que sont notamment incriminées les Injures* et Diffamations*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 décembre 2002 (Bull.crim. n° 217 p.803), relatif au délit de diffamation publique envers une administration publique : Si l’exercice de la liberté d’expression est garanti par l’art. 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, il peut, en vertu du second paragraphe de ce texte, être soumis à des restrictions et des sanctions dans des cas déterminés par la loi du 29 juillet 1881 ; tel est l’objet de l’art. 30 de ladite loi qui édicte une sanction nécessaire dans une société démocratique à la défense de l’ordre et à la réputation des administrations publiques et, en l’espèce, de la police nationale.

De manière plus générale, la jurisprudence se reconnaît compétente pour sanctionner les abus que certains pourraient commettre dans l’exercice de la liberté d’expression.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 26 juillet 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Panor.adm. 65) : La liberté d’expression reconnue aux étudiants par l’art. 50 de la loi du 26 janvier 1984 ne saurait permettre à ceux-ci d’accomplir des actes qui perturberaient le déroulement des activités d’enseignement et de recherche, ou troubleraient le fonctionnement normal du service public.

Signe Exemple concret Exemple de limitation à la liberté d’expression (Télétexte du 25 février 2005) : J.-M. Le Pen a été condamné pour incitation à la haine raciale pour avoir dit : « Le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions, mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont ».

EXPRESSIS VERBIS

Cf. Interprétation (de la loi)*.

L’expression latine « expressis verbis » signifie : dans les termes mêmes (de la loi). Elle est employée, dans le cadre du principe de la légalité criminelle, pour montrer que l’on s’en tient scrupuleusement aux termes utilisés par le législateur.

Signe Droit comparé Monaco, Projet de Code de procédure pénale. L’édification du régime juridique de l’enquête préliminaire. Cette phase judiciaire et policière est consacrée expressis verbis, et apparaît comme le complément nécessaire - et jusqu’alors ignoré par le Code de procédure pénale - de l’enquête de flagrance et de l’information judiciaire, avec lesquelles elle s’articule désormais de manière précise, efficiente et opérationnelle.

Signe Jurisprudence Trib.corr. Paris 23 octobre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 118). Note : On observera que, pour le législateur révolutionnaire, l’adverbe « volontairement » signifie : « qui n’a pas été fait involontairement », ainsi qu’il ressort, expressis verbis, des articles 19 et 20 de la même section.

EXPULSION DES DÉLINQUANTS ÉTRANGERS

Cf. Étrangers*, Interdiction de droits - interdiction du territoire national*, Ordre public*, Peine*, Réfugiés*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-206, p.209 / n° III-230, p.442

L’art. L.521-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers dispose que, sous réserve des dispositions des art. L.521-2, L.521-3 et L.521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public.

Signe Jurisprudence Conseil constitutionnel 9 janvier 1980 (Gaz.Pal. 1980 II 532) : Aucune disposition de la Constitution, non plus qu’aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi confère à l’autorité administrative le pouvoir de prendre contre un étranger un arrêté d’expulsion fondé sur des faits de nature à justifier une condamnation péna1e, alors même qu’aucune condamnation définitive n’aurait été prononcée par l’autorité judiciaire.

Signe Jurisprudence Cour EDH 30 novembre 1999 (D. 2000 SC 189 observations Renucci) : Il est de la prérogative des États contractants d’assurer l’ordre public. Dans ce contexte, ils ont le droit de contrôler, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant par eux des traités, l’entrée et le séjour des non-nationaux. À ce titre, ils ont la faculté d’expulser les délinquants parmi ceux-ci. Toutefois leurs décisions en la matière, dans la mesure où elles porteraient atteinte à un droit protégé par l’art.8 § 1, doivent se révéler nécessaires dans une société démocratique, c’est-à-dire justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 135) : Aucune disposition de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ne s’oppose à ce qu’une juridiction répressive puisse prononcer l’interdiction du territoire français à l’encontre d’un réfugié condamné pour un crime ou pour un délit.

Signe Jurisprudence Cass. 1e civ. 4 mai 2012, n° 10-28652 (Gaz.Pal. 14 juin 2012 p.23/24) : L'arrêté de reconduite à la frontière a été pris sur le fondement de l'ord. du 26 avril 2000 à la suite d'un contrôle d'identité, opéré par les services de gendarmerie sur les réquisitions écrites du procureur de la République, prises sur le fondement de l'art. 78-2 al.2 C.pr.pén., dont il ressort que l'étranger est un majeur en situation irrégulière, et l'exécution forcée de cet arrêté peut être assuré d'office par l'administration, de sorte que ni la décision administrative, qui se rattache aux pouvoirs de l'administration en matière de police des étrangers, ni la mesure d'exécution, autorisée par la loi, ne sauraient constituer une voie de fait .

Signe Jurisprudence Cons. d'État 3 février 1995 (JCP 1995 IV 1031) : Eu égard au nombre et à la gravité des infractions commises par l'intéressé, et notamment aux faits de vol avec port d’armes pour lesquels il a été condamné par la Cour d’assises à cinq ans de prison, son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 20 octobre 2011). Mercredi la gendarmerie est intervenue pour un vol à l'étalage de l'Intermarché de Questembert. Un homme de 31 ans et une femme de 22 ans avaient dérobé pour 250 € de produits de maquillage et de beauté... Les gendarmes ont découvert que la jeune femme, originaire de Mongolie, est en situation irrégulière. Une procédure de reconduite à la frontière est en cours. En vue de son expulsion, elle a été placée au centre de rétention administratif de Saint-Jacques-de-la-Lande.

EXPULSION DU PRÉVENU PERTURBANT LES DÉBATS -  Voir : Audience (Police de l’)*.

EXTORSION DE FONDS OU DE SIGNATURE …

Cf. Chantage*, Concussion*, Délits pénaux (délit composé)*, Exaction*, Menaces*, Patrimoine*, Séquestration*, Signature*, Violences*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-201, p.633

Signe Renvoi rubrique Voir : Le chantage à la clarinette (extrait des "Tribunaux comiques" de Jules Moinaux)

- Notion. L’extorsion de fonds consiste à obtenir par la violence, soit une signature, soit une promesse, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque.

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : L’extorsion a lieu par le moyen de la force, de la violence ou de la contrainte. En énumérant ces trois modes d’exécution du crime, le législateur a voulu atteindre toutes les espèces de violence : la violence physique et la violence morale. Mais l’une ou l’autre doit être suffisamment grave et précise pour que le consentement puisse être dit « extorqué ».

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 18 septembre 2015). Des délinquants chevronnés ont séquestré pendant près de deux mois un chef d'entreprise toulousain. Ils lui ont extorqué les codes de ses cartes bancaires, le forçant à acquérir des biens, notamment un camping-car et des lingots d'or, pour un montant évalué à près de 1,3 million d'euros. L'homme libéré le 13 juillet, devait, sous la menace, continuer à verser100.000 euros par semaine. Il était terrorisé, rapporte un enquêteur. Il a subi un très fort traumatisme avec cette séquestration d'une durée exceptionnelle... L'homme a été enchaîné dans un sous-sol pendant deux semaines ; ses ravisseurs l'ont forcé à téléphoner à ses proches pour leur dire qu'il allait bien et qu'il était en vacances.

- Règle morale. De même que le chantage, dont il se rapproche beaucoup, le délit d'extorsion de fonds appelle à l'évidence une vive condamnation morale.

Signe Philosophie Holbach (La morale universelle) : Des hommes avides voient sans pitié la misère des peuples, que leurs extorsions réduisent à la mendicité.

- Science criminelle. Il s’agit d’un Délit composé* portant atteinte tant à la liberté de la victime qu’à son patrimoine. Pour simplifier on le range ordinairement parmi les délits contre les biens.

Signe Doctrine Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : Dans les crimes coutre la propriété, la Sardaigne surpasse de beaucoup la Sicile, spécialement dans les vols qualifiés et dans les crimes contre la bonne foi publique, tandis que dans les crimes violents contre la propriété, tels que vols sur les grandes routes, extorsions et chantage, la Sicile reprend une certaine supériorité.

Signe Droit comparé Code criminel du Canada. Art.346 : Commet une extorsion quiconque, sans justification ou excuse raisonnable et avec l’intention d’obtenir quelque chose, par menaces, accusations ou violence, induit ou tente d’induire une personne, que ce soit ou non la personne menacée ou accusée, ou celle contre qui la violence est exercée, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose.

Signe Droit comparé Code pénal du Burkina Faso. Art. 85 : Les délits de vol, escroquerie, abus de confiance, abus de blanc-seing, recel de choses, détournement de deniers publics ou d'objets saisis, extorsion de fonds, filouteries, corruption, concussion, délits relatifs au chèque et infractions en matière de société sont considérés comme un même délit au point de vue de la récidive.

Signe Jurisprudence Trib.corr. Nanterre 12 juillet 1990 (Gaz.Pal. 1991 I somm. 164) : La contrainte est un élément constitutif du délit d'extorsion de fonds lorsqu'elle a notamment pris la forme de menaces ou de pressions de nature à faire impression sur une personne du même âge, du même sexe et de la même condition que la victime.

- Droit positif français. Incrimination de base. L’incrimination première se situe aux art. 312-1et s. C.pén., (ancien art. 400 al.1).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 mars 1985 (Gaz.Pal. 1985 II 626) : Le délit d’extorsion de fonds se trouve caractérisé lorsque la menace de révéler une irrégularité susceptible d’entraîner des poursuites d’ordre fiscal ou disciplinaire, tend à obtenir l’exécution de la convention entachée de nullité, telle celle prévoyant un versement occulte à l’occasion de la cession d’un office ministériel.

Délits spéciaux. Lorsque l’extorsion s’accomplit par la menace de révélations, on parle de Chantage*. Lorsqu’elle se commet par une simple sollicitation agressive sur la voix publique, on parle de Demande de fonds sous contrainte (art. 312-12-1 C.pén.).

EXTRADITION

Cf. Arrestation*, Enlèvement d’un justiciable à l’étranger*, Exécution des peines*, Mandat d’arrêt européen*, Territorialité de la loi*.

- Notion. L’extradition est une procédure de caractère international, relative à des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou ayant déjà donné lieu à une condamnation pénale, par laquelle un « État requérant » demande à un « État requis » de lui livrer un l’individu, soit pour le juger, soit pour lui faire subir une peine.

Signe Doctrine Lombois (Droit pénal international) : L’extradition, accord entre État, est du domaine des relations internationales. C’est dire que les conditions ne peuvent en être réglées unilatéralement par chaque État, et que la décision, de la demander comme de l’accorder, est de la compétence du pouvoir exécutif.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 février 2012 (Gaz.Pal. 29 février 2012) : Est privé de l'une des conditions essentielles de son existence légale l'avis de la chambre de l'instruction rendu sur une demande d'extradition n'émanant pas d'un État souverain. Encourt la cassation l'arrêt qui donne un avis favorable à une demande d'extradition présentée par les autorités judiciaires de la région administrative spéciale de Hong-Kong, assorti de la réserve selon laquelle l'intéressé ne sera ni remis ni ré-extradé vers la République populaire de Chine pour la poursuite ou le jugement des faits visés ou pour l'exécution de la peine qui serait appliquée, alors que la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine ne constitue pas un État souverain au sens des articles 696-1,696-2 et 696-15 C.pr.pén.

Signe Exemple concret L’affaire Pinochet (Encyclopédie Microsoft Encarta). Le 16 octobre 1998, sur la base d’un mandat d’Interpol présenté par le juge espagnol Baltasar Garzón, le général Pinochet est arrêté par la police britannique à Londres. À l’issue d’une procédure de 17 mois, la demande d’extradition vers l’Espagne déposée par le juge espagnol afin de juger l’ancien chef de la junte militaire pour les crimes de « génocide, terrorisme et incitation à la torture » et « disparitions » est finalement rejetée par le ministre britannique de l’Intérieur Jacques Straw en mars 2000. Alléguant que l’« état de santé [de Pinochet] ne permettrait un procès équitable dans aucun pays », il rend sa liberté à l’ancien dictateur, âgé de 84 ans, qui rentre au Chili.

- Droit positif. La procédure d’extradition peut être régie par une Convention internationale, telle la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 (supplantée par le Mandat d'arrêt européen). Elle l’est à défaut par les art. 696 et s. C.pr.pén., qui ont remplacé la loi fondamentale du 10 mars 1927.

Signe Renvoi rubrique Voir : Loi du 10 mars 1927, sur l’extradition

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 janvier 1982 (Bull.crim. n° 16 p.34) : Les traités d’extradition sont des actes de haute administration, intervenus entre deux puissances, que seules celles-ci peuvent, de concert, expliquer ou interpréter ; il n’appartient en aucune manière à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans ces explications ou interprétations.

Conditions de fond. Les conditions de l’extradition varient d’une convention à une autre. On peut principalement noter qu’en principe la France n’extrade pas ses nationaux, mais les juge elle-même.

Signe Doctrine Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : Alors que l’État requérant peut réclamer la remise de toute personne, même de l’un de ses ressortissants, il est de tradition (au moins continentale) que l’État requis n’extrade pas ses nationaux.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 octobre 1987 (Gaz.Pal. 1988 I somm. 85) : Méconnaît les dispositions de l’art. 124 C. nation., la Chambre d’accusation qui a rejeté l’exception prise de ce que la personne dont l’extradition était demandée aurait acquis la nationalité française en application de l’art. 44 C. nation., alors que selon l’art. 124 du même Code il s’agissait d’une question préjudicielle obligeant le juge à surseoir à statuer jusqu’à ce que la question ait été tranchée par la juridiction civile compétente.

- Les réfugiés, eux non plus, ne peuvent être extradés (Convention de Genève du 28 juillet 1951).

Signe Jurisprudence Cons. d’État 1er avril 1988 (Gaz.Pal. 1988 II 549) : Les principes généraux du droit applicables aux réfugiés font en obstacle à ce qu’un réfugié soit remis, de quelque manière que ce soit, par un État qui lui reconnaît cette qualité, aux autorités de son pays d’origine.

- L’extradition d’un étranger ne saurait être demandée que pour une infraction grave, incriminée par les deux États, et à condition qu’elle ne puisse être considérée comme un Délit politique*, et sous réserve que l'intéressé sera jugé dans le respect des droits de la défense et ne se trouvera pas exposé à une peine assimilable à une  torture.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 27 juillet 1979 (Gaz.Pal. 1979 II 686) : Il n’est pas besoin que les qualifications des infractions soient formulées de façon identique dans les législations des deux pays.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 3 juillet 1996 (DS 1997 SC 45) rappelle le principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’État doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 21 octobre 2014, n° 14-85257 : Vu l'art. 696-4, 7° C.pr.pén. et l'art. 13 de la Convention européenne d'extradition... l'extradition n'est pas accordée, lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 9 octobre 2015 (Gaz.Pal. 26 novembre 2015) : Les stipulations de l'art. 3 Conv.EDH font obstacle à l'extradition d'une personne exposée à une peine incompressible de réclusion perpétuelle, sans possibilité de réexamen et, le cas échéant, d'élargissement.

Demande d’extradition. Si c’est la France qui est État requérant, la marche à suivre est la suivante : requête du Procureur de la République, transmission au procureur général, transmission motivée à la Chancellerie*, transmission au ministère des Affaires étrangères, transmission à l’État requis par voie diplomatique. La suite relève de l’État saisi.
Si c’est la France qui est État requis, la demande nous parvient par la voie diplomatique ; elle est transmise par le ministère des Affaires étrangère au ministère de la Justice. A supposer la demande recevable, la personne réclamée est immédiatement arrêtée et placée sous écrou extraditionnel, le procureur de la République l’interroge, puis le procureur général saisit la Chambre de l’instruction aux fins de contrôle de la légalité d’une éventuelle extradition.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 juin 2011 (n°11-81912, Gaz.Pal. 4 août 2011 p.24) : Un avis défavorable émis à une première demande d'extradition ne fait pas obstacle à ce qu'une autre demande soit formée par les mêmes autorités, contre la même personne, pour les mêmes faits, dès lors que la seconde trouve son fondement dans de nouveaux accords internationaux, qui modifient les conditions de droit initiales.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 mai 1994 (Bull.crim. n° 162 p. 370) : La demande d’extradition est authentifiée par la transmission du ministre des Affaires étrangères au Garde des Sceaux ; sa régularité ne peut donc être discutée.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 16 janvier 2001 (Bull.crim. n° 9 p.19) : Une personne placée sous écrou extraditionnel ne peut soutenir qu’elle n’aurait pas été informée dans le plus court délai des raisons de son arrestation, dès lors que, le jour même de son incarcération, le procureur de la République lui a notifié le mandat d’arrêt pour l’exécution duquel son extradition a été demandée.

Arrestation de la personne réclamée. On considère habituellement que les circonstances de l'arrestation de l'individu recherché, souvent compliquées par des conflits de lois territoriales, sont indifférentes à ce stade de la procédure.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 24 octobre 2007 (Bull.crim. n° 256 p.1057) : Lors de l'examen de la demande d'extradition, l'étranger est irrecevable à critiquer les conditions de son arrestation provisoire, celles-ci étant sans incidence sur la validité de la procédure d'extradition.

Procédure judiciaire d’extradition. La procédure devant la Chambre de l’instruction est de caractère accusatoire, et assure donc la protection des droits de la personne réclamée. Cette juridiction ne statue pas au fond mais rend un « avis » (susceptible de pourvoi en cassation).
Si cet avis est négatif, la demande d’extradition se trouve par là même rejetée de manière définitive. Si l’avis est positif au regard de la légalité, c’est au Gouvernement qu’il appartient de prendre la décision du point de vue de l’opportunité (dans le cadre de la Convention applicable).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 31 mai 1988 (Gaz.Pal. 1989 I somm. 183) : Il résulte de l’art. 14 de la loi du 10 mars 1927 que la procédure instituée devant la Chambre d’accusation en matière d’extradition est essentiellement contradictoire et doit être suspendue en l’absence de l’étranger.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 30 mai 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 446) : En matière d’extradition, l’audience de la chambre d’accusation est publique, à moins qu’il n’en soit décidé autrement sur la demande du ministère public ou du comparant.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 avril 2014, n° 14-80436 (Gaz.Pal. 22 mai 2014 p.24) : En matière d’extradition, les débats devant la chambre de l'instruction s'ouvrent pas un interrogatoire de la personne réclamée dont il est dressé procès-verbal et, cet interrogatoire étant indivisible des débats, il doit y être procédé par les mêmes juges qui participent à l'audience au fond et au prononcé de la décision.

Signe Jurisprudence Paris (Ch.acc.) 2 juillet 1980 (Gaz.Pal. 1981 I 97) : Il appartient à l’autorité judiciaire de l’État requis de contrôler la légalité et la régularité de la demande d’extradition dont elle est saisie.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 10 juillet 1952 (Bull.crim. n° 183 p.308) sommaire : La Chambre d’accusation, saisie d’une demande d’extradition, ne peut donner un avis défavorable que si elle estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou s’il y a erreur évidente.

Décision du pouvoir exécutif. Quand le Gouvernement décide d’accorder l’extradition, il rend un décret motivé d’extradition, signé par la Premier ministre et contresigné par le ministre de la Justice. Ce décret, qui ne préjuge par de la responsabilité pénale de la personne réclamée, est parfois assorti de réserves et de conditions ; il peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 23 juin 1999 (Gaz.Pal. 2000 J somm. 1270) : Il résulte tant des principes généraux du droit français en matière d’extradition que de la Convention européenne d’extradition que, sauf erreur évidente, il n’appartient pas aux autorités françaises, lorsqu’elles se prononcent sur une demande d’extradition, de connaître de la réalité des charges pesant sur la personne réclamée.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 9 octobre 2015, n° 390479 (Gaz.Pal. 22 octobre 2015) : L'intéressé soutient qu'en cas d'exécution du décret d'extradition, sa vie familiale en France sera affectée. Mais une telle décision trouve, en principe (et en l'espèce), sa justification dans la nature même d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui les régissent, le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou délits commis hors de France.

Signe Jurisprudence Cons. d’État 15 octobre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I 104) : Si l’un des faits à raison desquels l’extradition est demandée aux autorités françaises est puni de la peine capitale par la loi de la partie requérante, cette extradition ne peut être légalement accordée pour ce fait qu’à la condition que la partie requérante donne des assurances suffisantes que la peine de mort encourue ne soit pas prononcée ou ne sera pas exécutée.

Suites de l’extradition. Le décret d’extradition ordonne la remise de la personne réclamée à l’État requérant. Ce dernier pourra, selon les circonstances, soit lui faire purger sa peine si elle a déjà été condamnée, soit la juger mais sous les conditions prévues dans le décret et seulement pour les faits qui ont donné lieu à extradition (principe dit « de spécialité de l’extradition »).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 705) : En vertu du principe de spécialité, l’individu qui aura été livré ne pourra être poursuivi ou jugé contradictoirement pour aucune infraction autre que celle ayant motivé l’extradition.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 décembre 1969 (Gaz.Pal. 1970 I 91) : Le principe spécialité n’est pas applicable aux faits commis postérieurement à l’extradition.

- Lorsqu’il y a plusieurs États requérants, le délinquant est livré à celui contre lequel l’infraction était principalement dirigée. Le décret d’extradition peut alors prévoir une « réextradition » vers un État tiers pour être à nouveau jugé (sous réserve du principe « non bis in idem »).

Signe Jurisprudence Cons. d’État 15 juin 2001 (Gaz.Pal. 2002 J somm. 858) : Le Gouvernement, saisi de deux demandes d’extradition émanant l’une des autorités suisses, l’autre des autorités italiennes, a pu accorder l’extradition d’un ressortissant italien aux autorités suisses et italiennes, avec priorité au Gouvernement suisse et possibilité de réextradition ultérieure au profit du gouvernement italien.

Cas particulier de l'extradition vers la Cour pénale internationale.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 janvier 2011 (Gaz.Pal. 26 janvier 2011 p.28) : La remise à la Cour pénale internationale de la personne demandée est subordonnée par l'art. 624-8 C.pr.pén. au seul constat qu'il n'y a pas d'erreur évidente sur celle-ci...

Signe de fin