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LOI DU 10 MARS 1927
RELATIVE À L’EXTRADITION DES ÉTRANGERS
(Texte intégral original)

Titre I - Des conditions de l’extradition.

Article 1

En l’absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions de la présente loi. La présente loi s’applique également aux points qui n’auraient pas été réglementés par les traités.

Article 2

Aucune remise ne pourra être faite à un Gouvernement étranger de personnes n’ayant pas été l’objet de poursuites ou d’une condamnation pour une infraction prévue par la présente loi.

Article 3

Le Gouvernement français peut livrer, sur leur demande, aux Gouvernements étrangers tout individu non Français ou non-ressortissant français qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condamnation prononcée par ses tribunaux, est trouvé sur le territoire de la République ou de ses possessions coloniales.

Néanmoins, l’extradition n’est accordée que si l’infraction, cause de la demande, a été commise :

Soit sur le territoire de l’État requérant par un sujet de cet État ou par un étranger ;

Soit en dehors de son territoire par un sujet de cet État ;

Soit en dehors de son territoire par un individu étranger à cet État, quand l’infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu’elles ont été commises par un étranger à l’étranger.

Article 4

Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander ou de l’accorder, sont les suivants :

1° Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l’État requérant ;

2° Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de deux ans ou au-dessus, ou, s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement.

En aucun cas l’extradition n’est accordée par le Gouvernement français si le fait n’est pas puni par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle.

Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à condition qu’ils soient punissables d’après la loi de l’État requérant et d’après celle de l’État requis.

Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par l’individu réclamé et qui n’ont pas encore été jugées, l’extradition n’est accordée que si le maximum de la peine encourue, d’après la loi de l’État requérant, pour l’ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à deux ans d’emprisonnement.

Si l’individu réclamé a été antérieurement l’objet, en quelque pays que ce soit, d’une condamnation définitive à deux mois d’emprisonnement, ou plus, pour un délit de droit commun, l’extradition est accordée, suivant les règles précédentes, c’est-à-dire seulement pour les crimes ou délits, mais sans égard au taux de la peine encourue ou prononcée pour la dernière infraction.

Les dispositions précédentes s’appliquent aux infractions commises par des militaires, marins ou assimilés lorsqu’elles sont punies par la loi française comme infractions de droit commun. Il n’est pas innové, quant à la pratique relative à la remise des marins déserteurs.

Article 5

L’extradition n’est pas accordée :

1° Lorsque l’individu, objet de la demande, est un citoyen ou un protégé français, la qualité de citoyen ou de protégé étant appréciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise ;

2° Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique. En ce qui concerne les actes commis au cours d’une insurrection ou d’une guerre civile, par l’un ou l’autre des partis engagés dans la lutte et dans l’intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à l’extradition que s’ils constituent des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus suivant les lois de la guerre, et seulement lorsque la guerre civile a pris fin ;

3° Lorsque les crimes ou délits ont été commis en France ou dans les possessions coloniales françaises ;

4° Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors de France ou des possessions coloniales françaises, y ont été poursuivis et jugés définitivement ;

5° Lorsque, d’après les lois de l’État requérant ou celles de l’État requis, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de l’individu réclamé et d’une façon générale toutes les fois que l’action publique de l’État requérant sera éteinte.

Article 6

Si, pour une infraction unique, l’extradition est demandée concurremment par plusieurs États, elle est accordée de préférence à l’État contre les intérêts duquel l’infraction était dirigée, ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise.

Si les demandes concurrentes ont pour cause des infractions différentes, il est tenu compte, pour décider de la priorité, de toutes circonstances de fait, et, notamment : de la gravité relative et du lieu des infractions, de la date respective des demandes, de l’engagement qui serait pris par l’un des États requérants de procéder à la réextradition.

Article 7

Sous réserve des exceptions prévues ci-après, l’extradition n’est accordée qu’à la condition que l’individu extradé ne sera ni poursuivi, ni puni pour une infraction autre que celle ayant motivé l’extradition.

Article 8

Dans le cas où un étranger est poursuivi ou a été condamné en France, et où son extradition est demandée au Gouvernement français à raison d’une infraction différente, la remise n’est effectuée qu’après que la poursuite est terminée, et, en cas de condamnation, après que la peine a été exécutée.

Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que l’étranger puisse être envoyé temporairement pour comparaître devant les tribunaux de l’État requérant, sous la condition expresse qu’il sera renvoyé dès que la justice étrangère aura statué.

Est régi par les dispositions du présent article le cas où l’étranger est soumis à la contrainte par corps par application des lois du 22 juillet 1867 et du 19 décembre 1871.

Titre II - De la procédure de l’extradition.

Article 9

Toute demande d’extradition est adressée au Gouvernement français par voie diplomatique et accompagnée, soit d’un jugement ou d’un arrêt de condamnation, même par défaut ou par contumace, soit d’un acte de procédure criminelle décrétant formellement ou opérant de plein droit le renvoi de l’inculpé ou de l’accusé devant la juridiction répressive, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné par l’autorité judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l’indication précise du fait pour lequel ils sont délivrés et la date de ce fait.

Les pièces ci-dessus mentionnées doivent être produites en original ou en expédition authentique.

Le Gouvernement requérant doit produire en même temps la copie des textes de loi applicables au fait incriminé. Il peut joindre un exposé des faits de la cause.

Article 10

La demande d’extradition est, après vérification des pièces, transmise, avec le dossier, par le ministre des affaires étrangères au ministre de la justice, qui s’assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit.

Article 11

Dans les vingt-quatre heures de l’arrestation, il est procédé, par les soins du procureur de la République ou d’un membre de son parquet, à un interrogatoire d’identité, dont il est dressé procès-verbal.

Article 12

L’étranger est transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d’arrêt du chef-lieu de la cour d’appel, dans le ressort de laquelle il a été arrêté.

Article 13

Les pièces produites à l’appui de la demande d’extradition sont en même temps transmises par le procureur de la République au procureur général. Dans les vingt-quatre heures de leur réception, le titre, en vertu duquel l’arrestation aura eu lieu, est notifié à l’étranger.

Le procureur général, ou un membre de son parquet, procède, dans le même délai, à un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal.

Article 14

La Chambre d’accusation est saisie sur-le-champ des procès-verbaux susvisés et de tous autres documents. L’étranger comparaît devant elle dans un délai maximum de huit jours, à compter de la notification des pièces. Sur la demande du ministère public ou du comparant, un délai supplémentaire de huit jours peut être accordé, avant les débats. Il est ensuite procédé à un interrogatoire dont le procès-verbal est dressé. L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit décidé autrement sur la demande du parquet ou du comparant.

Le ministère public et l’intéressé sont entendus. Celui-ci peut se faire assister d’un avocat inscrit et d’un interprète. Il peut être mis en liberté provisoire à tout moment de la procédure, et conformément aux règles qui gouvernent la matière.

Article 15

Si, lors de sa comparution, l’intéressé déclare renoncer au bénéfice de la présente loi et consent formellement à être livré aux autorités du pays requérant, il est donné acte par la cour de cette déclaration.

Copie de cette décision est transmise sans retard par les soins du procureur général au ministre de la justice, pour toutes fins utiles.

Article 16

Dans le cas contraire, la Chambre d’accusation, statuant sans recours, donne son avis motivé sur la demande d’extradition.

Cet avis est défavorable, si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies, ou qu’il y a erreur évidente.

Le dossier doit être envoyé au ministre de la justice dans un délai de huit jours à dater de l’expiration des délais prévus à l’article 14.

Article 17

Si l’avis motivé de la Chambre d’accusation repousse la demande d’extradition, cet avis est définitif et l’extradition ne peut être accordée.

Article 18

Dans le cas contraire, le ministre de la justice propose, s’il y a lieu, à la signature du président de la République, un décret autorisant l’extradition. Si, dans le délai d’un mois à compter de la notification de cet acte, l’extradé n’a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, il est mis en liberté, et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

Article 19

En cas d’urgence et sur la demande directe des autorités judiciaires du pays requérant, les procureurs de la République peuvent sur un simple avis, transmis soit par la poste, soit par tout mode de transmission plus rapide laissant une trace écrite, ou matériellement équipollente, de l’existence d’une des pièces indiquées par l’article 9, ordonner l’arrestation provisoire de l’étranger.

Un avis régulier de la demande devra être transmis, en même temps, par voie diplomatique, par la poste, par le télégraphe ou par tout mode de transmission laissant une trace écrite, au ministre des affaires étrangères.

Les procureurs de la République doivent donner avis de cette arrestation au ministre de la justice et au procureur général.

Article 20

L’individu arrêté provisoirement dans les conditions prévues par l’article 12, peut, s’il n’y a pas lieu de lui faire application des articles 7, 8 et 9 de la loi du 3 décembre 1849, être mis en liberté, si, dans le délai de vingt jours, à dater de son arrestation, lorsqu’elle aura été opérée à la demande du Gouvernement d’un pays limitrophe, le Gouvernement français ne reçoit l’un des documents mentionnés à l’article 9.

Le délai de vingt jours précité est porté à un mois, si le territoire du pays requérant est non limitrophe, à trois mois si ce territoire est hors d’Europe.

La mise en liberté est prononcée sur requête adressée à la Chambre d’accusation, qui statue sans recours, dans la huitaine. Si, ultérieurement, les pièces susvisées parviennent au Gouvernement français, la procédure est reprise, conformément aux articles 10 et suivants.

Titre III - Des effets de l’extradition.

Article 21

L’extradé ne peut être poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l’extradition.

Il en est autrement, en cas d’un consentement spécial donné dans les conditions ci-après par le gouvernement requis.

Ce consentement peut être donné par le Gouvernement français, même au cas où le fait, cause de la demande, ne serait pas l’une des infractions déterminées par l’article 4 de la présente loi.

Article 22

Dans le cas où le gouvernement requérant demande, pour une infraction antérieure à l’extradition, l’autorisation de poursuivre l’individu déjà livré, l’avis de la chambre d’accusation devant laquelle l’inculpé avait comparu peut être formulé sur la seule production des pièces transmises à l’appui de la nouvelle demande.

Sont également transmises par le gouvernement étranger et soumises à la chambre d’accusation, les pièces contenant les observations de l’individu livré ou la déclaration qu’il entend n’en présenter aucune. Ces explications peuvent être complétées par un avocat choisi par lui, ou qui est désigné ou commis d’office.

Article 23

L’extradition obtenue par le Gouvernement français est nulle, si elle est intervenue en dehors des cas prévus par la présente loi.

La nullité est prononcée, même d’office, par la juridiction d’instruction ou de jugement dont l’extradé relève après sa remise.

Si l’extradition a été accordée en vertu d’un arrêt ou d’un jugement définitif, la nullité est prononcée par la chambre d’accusation dans le ressort de laquelle cette remise a eu lieu.

La demande en nullité formée par l’extradé n’est recevable que si elle est présentée dans un délai de trois jours à compter de la mise en demeure qui lui est adressée, aussitôt après son incarcération, par le procureur de la République. L’extradé est informé, en même temps, du droit qui lui appartient de se choisir ou de se faire désigner un défenseur.

Article 24

Les mêmes juridictions sont juges de la qualification donnée aux faits qui ont motivé la demande d’extradition.

Article 25

Dans le cas où l’extradition est annulée, l’extradé s’il n’est pas réclamé par le gouvernement requis, est mis en liberté et ne peut être repris, soit à raison des faits qui ont motivé son extradition, soit à raison des faits antérieurs, que si, dans les trente jours qui suivent la mise en liberté, il est arrêté sur le territoire français.

Article 26

Est considéré comme soumis sans réserve à l’application des lois de l’État requérant, à raison d’un fait quelconque antérieur à l’extradition et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure, l’individu livré qui a eu pendant trente jours, à compter de son élargissement définitif, la possibilité de quitter le territoire de cet État.

Article 27

Dans le cas où, l’extradition d’un étranger ayant été obtenue par le Gouvernement français, le gouvernement d’un pays tiers sollicite à son tour du Gouvernement français l’extradition du même individu à raison d’un fait antérieur à l’extradition, autre que celui jugé en France, et non connexe à ce fait, le Gouvernement ne défère, s’il y a lieu, à cette requête qu’après s’être assuré du consentement du pays par lequel l’extradition a été accordée.

Toutefois, cette réserve n’a pas lieu d’être appliquée lorsque l’individu extradé a eu, pendant le délai fixé à l’article précédent, la faculté de quitter le territoire français.

Titre IV - De quelques procédures accessoires.

Article 28

L’extradition par voie de transit sur le territoire français ou par les bâtiments des services maritimes français, d’un individu de nationalité quelconque, livré par un autre gouvernement, est autorisée, sur simple demande par voie diplomatique, appuyée des pièces nécessaires pour établir qu’il ne s’agit pas d’un délit politique ou purement militaire.

Cette autorisation ne peut être donnée qu’aux puissances qui accordent, sur leur territoire, la même faculté au Gouvernement français.

Le transport s’effectue sous la conduite d’agents français et aux frais du gouvernement requérant.

Article 29

La chambre d’accusation décide s’il y a lieu ou non de transmettre en tout ou en partie les titres, valeurs, argent ou autres objets saisis, au gouvernement requérant.

Cette remise peut avoir lieu, même si l’extradition ne peut s’accomplir, par suite de l’évasion ou de la mort de l’individu réclamé.

La chambre d’accusation ordonne la restitution des papiers et autres objets énumérés ci-dessus qui ne se rapportent pas au fait imputé à l’étranger. Elle statue, le cas échéant, sur les réclamations des tiers détenteurs et autres ayants droit.

Les décisions prévues au présent article ne sont susceptibles d’aucun recours.

Article 30

En cas de poursuites répressives, non politiques dans un pays étranger, les commissions rogatoires émanant de l’autorité étrangère sont reçues par la voie diplomatique, et transmises au ministère de la justice, dans les formes prévues à l’article 10. Les commissions rogatoires sont exécutées, s’il y a lieu, et conformément à la loi française.

Au cas d’urgence, elles peuvent être l’objet de communications directes entre les autorités judiciaires des deux États, dans les formes prévues à l’article 19. En pareil cas, faute d’avis donné par voie diplomatique au ministère français des affaires étrangères par le gouvernement intéressé, les communications directes entre les autorités judiciaires des deux pays n’auront pas de suite utile.

Article 31

Au cas de poursuites répressives exercées à l’étranger, lorsqu’un gouvernement étranger juge nécessaire la notification d’un acte de procédure ou d’un jugement à un individu résidant sur le territoire français, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux articles 9 et 10, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction française. La signification est faite à personne à la requête du ministère public, par les soins d’un officier compétent. L’original constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.

Article 32

Lorsque, dans une cause pénale instruite à l’étranger, le gouvernement étranger juge nécessaire la communication des pièces à conviction, ou de documents se trouvant entre les mains des autorités françaises, la demande est faite par la voie diplomatique. Il y est donné suite, à moins que des considérations particulières ne s’y opposent, et sous l’obligation de renvoyer les pièces et documents dans le plus bref délai.

Article 33

Si, dans une cause pénale, la comparution personnelle d’un témoin résidant en France est jugée nécessaire par un gouvernement étranger, le Gouvernement français, saisi de la citation par la voie diplomatique, l’engage à se rendre à l’invitation qui lui est adressée.

Néanmoins, la citation n’est reçue et signifiée qu’à la condition que le témoin ne pourra être poursuivi ou détenu pour des faits ou condamnations antérieurs à sa comparution.

Article 34

L’envoi des individus détenus, en vue d’une confrontation, doit être demandé par la voie diplomatique. Il est donné suite à la demande, à moins que des considérations particulières ne s’y opposent, et sous la condition de renvoyer lesdits détenus dans le plus bref délai.

Article 35

(abrogé)

Signe de fin