LE DROIT NATUREL,
REMPART CONTRE
LES RÉGIMES TOTALITAIRES
Encyclique du Pape Pie XI ( 14 mars 1937 )
sur la situation de l’Église catholique
dans l’Empire allemand
En cette période de commémoration
de la lutte contre le nazisme,
il est n’est pas sans intérêt de rappeler
cette déclaration solennelle du Vatican
et de souligner sa date de publication.
Livrer la morale à l’opinion subjective des hommes, qui change suivant les fluctuations des temps au lieu de s’ancrer dans la sainte volonté du Dieu éternel et de ses commandements, c’est ouvrir la porte toute grande aux forces destructrices. L’abandon qui en résulte, pour l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de toutes les organisations de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple, un péché dont les générations futures devront goûter les fruits amers.
RECONNAISSANCE DU DROIT NATUREL
Tel est le fatal entraînement de nos temps, qu’il détache du fondement divin de la révélation, non seulement la morale, mais aussi le droit théorique et pratique. Nous pensons ici en particulier à ce qu’on appelle le droit naturel, inscrit de la main même du Créateur sur les tables du cœur humain et que la saine raison peut y lire quand elle n’est aveuglée par la péché et la passion. C’est d’après les commandements de ce droit de nature que tout droit positif, de quelque législateur qu’il vienne peut être apprécié dans son contenu moral, et, par là même, dans l’autorité qu’il a d’obliger en conscience.
Des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le droit naturel sont marquées d’un vice originel qu’aucune contrainte, aucun déploiement extérieur de puissance ne peut guérir. C’est à la lumière de ce principe qu’il faut juger l’axiome : « Le droit c’est l’utilité du peuple ».
On peut, certes, donner à cette proposition un sens correct, si on lui fait dire que ce qui est moralement défendu ne peut jamais servir au véritable bien du peuple. Cependant le paganisme ancien reconnaissait déjà que l’axiome, pour être pleinement exact, doit être, en réalité, retourné et s’exprimer ainsi : « Il est impossible qu’une chose soit utile si elle n’est pas en même temps moralement bonne ; mais parce qu’elle est bonne, elle est utile ».
Affranchi de cette règle morale, ce principe signifierait dans la vie internationale, l’état de guerre perpétuel entre les différentes nations.
Dans la vie nationale, il méconnaît, par l’amalgame qu’il fait de considérations de droit et d’utilité, le fait fondamental que l’homme, en tant que personne, possède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeurer vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à les négliger. Mépriser cette vérité, c’est oublier que le véritable bien commun, en dernière analyse, par la nature de l’homme, qui équilibre harmonieusement droits personnels et obligations sociales, et par le but de la société, déterminé aussi par cette même nature humaine.
La société est voulue par le Créateur comme le moyen d’amener à leur plein développement les dispositions individuelles et les avantages sociaux que chacun, donnant et recevant tout à tour, doit faire valoir pour son bien celui des autres.
Quant aux valeurs plus générales et plus hautes, que seule la collectivité, et non plus les individus isolés, peut réaliser, elles aussi en définitive sont, par le Créateur, voulues pour l’homme, pour son plein épanouissement naturel et surnaturel et l’achèvement de sa perfection. S’écarter de cet ordre, c’est ébranler les colonnes sur lesquelles repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité et l’existence même de la société.