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DICTIONNAIRE DE LA CULTURE JURIDIQUE
sous la direction de Denis Alland et Stéfane Rials

 

Le Dictionnaire de la culture juridique proposé au lecteur est un livre d’un genre absolument inédit : en un seul volume, 409 articles, rédigés par 213 auteurs, croisent droit privé, droit public, histoire du droit, philosophie et théorie juridiques et visent à donner un aperçu des principaux domaines, des grandes institutions (au sens large), des notions les plus importantes de la longue durée de la tradition juridique occidentale et plus particulièrement française et européenne. [Même si quelques « voyages » sont organisés en Chine, au Japon, en Inde ou aux États-Unis.]

Les index - instruments sans lesquels l’accès aux savoirs d’un tel dictionnaire est à peu près impossible - ont été particulièrement soignés : index des matières (près de 3 000 occurrences) ; index de la plupart des noms de personnes cités (près de 3 500 noms) ; index des principaux textes (près de 200 textes).

Leur consultation est pleine d’enseignements. Elle invite à une réflexion sur les représentations de leur propre culture qui sont celles des juristes. On ne sera bien sûr pas étonné de constater la prédominance de termes tels que «Assemblée», « Code», «Conseil», «Constitution», «Cour», «Droit(s)», «État», «Juge», «Justice», «Liberté», «Lois», «Mariage», «Parlement », «Positivisme», «Propriété», «Responsabilité», «Tribunal»..  Mais aurait-on deviné que l’occurrence la plus fréquente est « Droit romain » [plus écrasante encore si l’on ajoute «Rome», littéralement envahissante si l’on retient de plus l’empereur Justinien qui obtient ainsi bien légitimement les honneurs de la couverture du livre], suivie notamment par «Ancien Régime», «Révolution française», «Common law», «Coutume» et «Souveraineté» ?

Parmi tous les enseignements généraux ou particuliers de ce livre, il en est un qui n’échappera à personne : les juristes sont ces gens qu’une culture plus que bimillénaire met à même de traiter des situations en permanente et rapide évolution - les praticiens le mesurent bien quand ils doivent avancer dans ces terres inconnues qui surgissent indéfiniment et parfois imprévisiblement. C’est pourquoi la formation des juristes ne saurait faire l’économie d’une solide dimension historique : elle ne revêt aucun caractère passéiste; elle autorise l’indispensable familiarité avec les méthodes et les constructions qui sont au cœur de l’art propre du juriste.

Sans doute est-il aujourd’hui des juristes pour croire à la complète neutralité d’un travail purement technique, affranchi de toute dimension philosophique. Tel n’était pas le cas autrefois : les plus grands philosophes, d’Aristote à Hegel, n’eussent pas imaginé avoir accompli leur office sans avoir produit une doctrine du droit et il se trouvait peu de jurisconsultes qui n’eussent pas de préoccupations philosophiques. [Il en était même pour penser de façon un peu excessive que le droit était la vera philosophia]. Ce dictionnaire reflète l’importance au moins sédimentaire de cet âge philosophique du droit. S’il comporte fort peu de références à des courants ou à des moments politiques ou économiques, dont la portée apparaît curieusement estompée dans le temps particulier des juristes («Capitalisme», «Communisme», «Socialisme», sont à peine cités, «Scolastique » et « Stoïcisme » - d’une tout autre densité philosophique - se taillent un empire significatif et de nombreux philosophes bénéficient d’abondantes mentions - par ordre décroissant, Aristote [l’auteur le plus cité avec Justinien et Kelsen], Montesquieu, Locke et Rousseau, Grotius, Hobbes et Kant, Cicéron, Saint Thomas, Bodin, Pufendorf et Hegel.

Faut-il en conclure qu’une meilleure formation des juristes, impliquant la possibilité d’une compréhension approfondie de leurs objets les plus ordinaires, pourrait bien passer, comme dans quelques autres pays européens, par l’élargissement de la dimension philosophique et théorique du cursus universitaire ? Sans nul doute.

Par le début de rééquilibrage qu’il opère entre les disciplines dogmatiques d’une part, empiriques d’autre part - historiennes et sociologiques - et philosophiques enfin, ce dictionnaire reflète moins une situation satisfaisante qu’il n’invite à une inflexion conforme à la réalité trop souvent méconnue des besoins de ceux qui veulent pénétrer dans le monde du droit.

Nous ne saurions bien sûr terminer sans exprimer notre profonde reconnaissance à tous ces proches qui nous ont assistés de leurs précieux conseils et à tous ces nombreux auteurs amis qui ont accepté avec dévouement et générosité de participer à cette œuvre collective qui doit être considérée comme l’apport propre des juristes du début du troisième millénaire à la consolidation de la culture juridique et à une considération nouvelle de ce que devrait être une culture générale digne de ce nom.

Denis Alland et Stéphane Rials

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