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LE JUGEMENT PÉNAL

Extrait de la troisième édition de notre livre
consacré à la fonction judiciaire ;
symétrique du livre « La loi pénale » (3e éd.),
consacré à la fonction législative.

 

La qualification des faits repose sur un syllogisme :
la majeure en est l’examen de la loi pénale invoquée par l’accusation,
la mineure en est l’examen des faits reprochés par l’accusation,
la conclusion dépend de la réponse à la question suivante,
les faits reprochés entrent-ils dans le domaine de la loi pénale invoquée ?

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CHAPITRE   2

L’EXAMEN DES FAITS REPROCHÉS

I-I-I-201 -  Rappel du principe de matérialité.  De même que le principe de légalité conduit les juges à examiner de très près la loi invoquée par l’accusation, de même le principe de matérialité les invite à se pencher avec le plus grand soin sur les faits qui leur sont soumis.

Si les magistrats de notre Ancien droit, qui suivaient une procédure de caractère inquisitorial, s’attachaient scrupuleusement aux faits lors de l’instruction du dossier, ils ne les faisaient cependant pas apparaître dans leurs jugements [1].

Au contraire une procédure de type accusatoire impose aux tribunaux d’énoncer et d’analyser avec précision les faits de l’espèce, dans leur décision même [2]. Il en est ainsi en droit contemporain [3].

En première approximation on peut définir un fait comme étant, soit un acte humain observable par des témoins (un coup de poing ou une effraction), soit un événement objectif survenant à la suite de cet acte (la mort d’une personne ou la destruction d’un bien) [4], soit une circonstance extérieure donnant à cet acte une coloration particulière (la nuit ou l’état de guerre) [5]. Le fait est envisagé ici à l’état brut, hors de toute considération juridique [6].

I-I-I-202 -  la saisine in rem .   Les faits revêtent une importance capitale dans un procès pénal de type accusatoire. En effet, ce sont des faits matériels concrets que le procureur de la République, ou la personne se présentant comme victime, doit soumettre au tribunal vers lequel il se tourne. La saisine matérielle (dite saisine in rem) a été conçue dans le souci de garantir les droits de la défense [7].

Saisi de faits précis par l’accusation, le tribunal doit statuer sur l’ensemble de ces faits sans en omettre aucun [8]. À l’opposé, il ne peut en principe valablement statuer que sur ces faits [9].

Le législateur autorise toutefois la cour d’assises, et plus prudemment le tribunal correctionnel, à statuer sur des faits accessoires découverts au cours de l’instruction à l’audience (par exemple sur des circonstances aggravantes) lorsqu’ils apparaissent indivisibles des faits principaux faisant l’objet de la poursuite [10]. Les magistrats ne sauraient cependant reprocher ces faits nouveaux au prévenu que s’il a été mis à même d’assurer sa défense sous ce rapport [11].

Il est par ailleurs permis au tribunal de redresser la qualification proposée par l’accusation ; mais à la double condition, d’abord de ne rien changer aux faits dénoncés [12], ensuite que la défense ait été appelée à présenter ses observations sur ce point [13].

Pour remplir les obligations qui s’attachent à sa fonction à ce stade du jugement, le tribunal doit en premier lieu constater l’existence matérielle des faits reprochés (§ 1) ; il doit en deuxième lieu les analyser afin de les faire entrer dans l’ordre juridique (§ 2).

§ 1 -  L’ÉTABLISSEMENT DES FAITS

I-I-I-203 -  La charge de la preuve.  Quoique ce point relève du domaine de l’instruction préparatoire puis de l’instruction à l’audience, il importe de rappeler ici que la charge de la preuve des faits incombe en principe à la partie poursuivante [14].

C’est au ministère public [15], ou à la partie civile, qu’il appartient d’établir, d’abord l’existence des faits présentés comme délictueux, ensuite la participation du prévenu à ces faits [16]. Mais c’est ce dernier qui doit faire la preuve des faits justificatifs qu’il invoque en sa faveur [17]. Actori incumbit probatio, reus in excipiendo fit actor .

Deux remarques importantes. D’une part, on ne peut normalement demander au ministère public de faire la preuve d’un fait négatif [18]. D’autre part, il peut exister des présomptions légales facilitant la tâche du ministère public ; mais elles ne sont légitimes que dans la mesure où elles ne font pas obstacle à l’exercice des droits de la défense [19].

Quelles preuves des faits ont été valablement proposées par l’accusation ? Quelle valeur peut-on reconnaître aux preuves proposées ? Voilà les deux questions qui, à ce stade du raisonnement, vont se poser au juge.

A -  LA RECEVABILITÉ DES PREUVES

En matière pénale, tout mode de preuve est en principe recevable. Une restriction condamne toutefois les preuves obtenues de manière déloyale.

a) Le principe de la liberté des preuves

I-I-I-204 -  Fondement du principe de la Liberté des preuves.  Du fait qu’elle est le plus souvent agressée par surprise, la victime d’une infraction pénale se trouve ordinairement dans l’impossibilité de se préconstituer la preuve de l’acte dirigé contre elle [20]. De surcroît, afin d’augmenter ses chances d’échapper à la justice, l’auteur d’un délit s’efforce habituellement d’effacer toute trace de ses agissements [21].

Le 31 décembre 1850, deux femmes étaient trouvées assassinées rue de Buci à Paris ; si leur assassin put être arrêté dès le lendemain, c’est que l’une des victimes avait eu le temps d’écrire avec son propre sang le nom de leur meurtrier. Mais les policiers bénéficient rarement d’une circonstance aussi favorable. C’est pourquoi, en droit pénal [22], on considère que tout mode de preuve est en principe recevable (art. 427 C.pr.pén.) [23].

De droit commun, des tribunaux répressifs ne sauraient donc écarter aucun élément de preuve proposé par le ministère public, en s’appuyant sur des considérations purement abstraites [24]. Ils doivent sans doute manifester la plus extrême réserve à l’égard des modes de preuve aléatoires tels que, autrefois la commune renommée, aujourd’hui le sérum de vérité (penthotal) ou la machine à détecter le mensonge (polygraphe) ; mais ils ne sauraient, dans une espèce donnée, les repousser sans examen [25]. La Cour supérieure de Justice du Luxembourg, le 26 juin 1972, a sagement décidé que, trop souvent source d’erreur, l’expertise graphologique doit être accueillie avec la plus grande prudence, mais ne peut aucunement être rejetée d’office.

Par exception les tribunaux doivent, tantôt s’arrêter à certains modes de preuve jouissant d’une autorité particulière, tantôt en écarter d’autres a priori condamnables.

I-I-I-205 -  modes de preuve privilégiés (les procès-verbaux ).  Dans quelques domaines restreints le législateur [26] accorde une valeur particulière aux procès-verbaux établis par une autorité compétente dans les formes légales (art. 429 C.pr.pén.), sous réserve qu’ils rapportent ce que leur auteur a personnellement constaté [27]. Deux cas doivent être distingués.

Certains procès-verbaux, rédigés dans des circonstances particulières, font foi, jusqu’à inscription de faux, des constatations matérielles qu’ils relatent [28]. Lorsque l’accusation s’appuie sur un tel procès-verbal, les juges sont tenus de rejeter toute offre de preuve contraire proposée par la défense tant que l’autorité de ce document n’a pas été anéantie par la condamnation de ses rédacteurs pour inscription de faux. Ce type de procès-verbaux suscite évidemment de sérieuses réserves dans un droit libéral commandé par le principe du respect absolu des droits de la défense.

Plus fréquents (ils couvrent notamment la matière des contraventions), d’autres procès-verbaux ne font foi de leurs mentions que jusqu’à preuve contraire. Si quelques rares textes spéciaux restreignent les moyens de preuve que peut invoquer la défense pour les combattre, le plus souvent le prévenu reste libre de leur opposer tout moyen de preuve en sa faveur [29], et, de toute façon, en cas de doute le tribunal a le pouvoir, sinon le devoir, de pousser l’instruction du dossier plus avant [30].

I-I-I-206 -  MODES DE PREUVE INTERDITS.  A l’inverse, certains moyens de preuves ont été formellement exclus par la loi. Ainsi, l’article 173 C.pr.pén. défend aux juges de s’arrêter à des preuves figurant dans un acte de procédure déclaré nul [31].

De même, le droit de libre communication au sein de la défense interdit au tribunal de chercher une preuve dans la correspondance échangée entre le prévenu et son avocat [32] (art. 432 C.pr.pén.).

Par ailleurs, lorsque la preuve d’un délit pénal passe par la preuve préalable d’une situation extérieure au droit criminel, les parties risquent de se heurter aux règles limitatives de preuve posées dans d’autres branches du droit. Ainsi, un abus de confiance ne pouvant se concevoir que lors de l’exécution d’un contrat tel que le prêt ou le dépôt, la preuve de l’existence de ce contrat antérieur doit se faire selon les règles posées par le Code civil ou par le Code de commerce [33].

Enfin on peut observer que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme écarte les preuves obtenues par le recours à la torture [34].

b) Le principe de la loyauté des preuves

I-I-I-207 -  AUTORITÉ DU PRINCIPE DE LA LOYAUTÉ DES PREUVES.  S’il est vrai que la justice soit, en elle-même, la vérité, la justice doit toujours mettre la vérité dans ses actes (Domat).

Formulé par l’un des plus grands juristes de l’Ancien droit, ce précepte demeure plus que jamais valable. Il revêt même de nos jours un caractère d’ordre public.

Il interdit aux juges de retenir, aussi bien des moyens de preuve obtenus par des procédés frauduleux (et à plus forte raison délictueux [35]), que des moyens de preuve n’ayant pas donné lieu à débat contradictoire entre l’accusation et la défense [36].

I-I-I-208 -  EXCLUSION DES PREUVES OBTENUES PAR FRAUDE.  Lorsqu’ils se heurtent à des malfaiteurs qui ne reculent devant aucun moyen pour parvenir à leurs fins et échapper à la justice, les membres de la force publique ressentent la tentation d’user des procédés les plus énergiques afin de les mettre hors d’état de nuire. L’histoire nous offre une ample moisson de procédures où ont été employés des moyens allant de l’extrême brutalité à la ruse la plus subtile.

Ainsi, lors de sa comparution devant le Tribunal révolutionnaire, Hébert (dit le Père Duchesne) se trouvait aux côtés de dix-neuf autres accusés, dont un certain Laboureau, prétendu étudiant en médecine de quarante et un ans. Après qu’il eut déclaré Hébert et ses coprévenus coupables, le jury prononça l’acquittement de Laboureau ; le président Dumas lui donna même l’accolade, lui fit prendre place à ses côtés sur l’estrade, et proclama : « La justice voit avec plaisir l’innocence s’asseoir à ses côtés ». Cette admirable allégorie de la justice, flétrissant le vice et glorifiant la vertu, n’apparaît plus que comme une honteuse mascarade lorsque l’on sait (grâce aux papiers trouvés au domicile de Robespierre après sa chute) que Laboureau était en réalité un mouton chargé de découvrir des charges nouvelles contre Hébert. Le procédé n’est pas nouveau : il a été notamment pratiqué tant par les romains [37] que dans l’histoire de France [38].

Mais le sentiment général est que, lors la recherche des preuves, la Justice doit se refuser à user de violence, de ruse ou de perfidie. Dans l’Ancien droit, par exemple, on déclarait irrecevable une preuve tirée de la violation du secret de la confession [39]. De même le droit contemporain défend aux magistrats d’accomplir des actes incompatibles avec la dignité de leur fonction principale, qui est de dire le droit (jurisdictio) ; fonction qui implique une stricte obligation de probité [40].

Lors de l’affaire du scandale des décorations (dans laquelle était impliqué le député Wilson, gendre du Président Grévy), le Conseil supérieur de la magistrature, le 31 janvier 1888 (S. 1889 1 241), a pu reprocher au magistrat instructeur, qui avait piégé un témoin lors d’une conversation téléphonique, de s’être abaissé « à employer un procédé s’écartant des règles de loyauté que doit observer toute information judiciaire ».

Plus délicate est la question de savoir quels procédés il est permis aux policiers d’employer pour parvenir à établir la preuve des faits sur lesquels ils enquêtent. Puisqu’elle leur impose très souvent de travailler sur le terrain, au contact d’individus dangereux en rébellion contre l’ordre public, la fonction sociale départie aux policiers doit, en retour, leur laisser une relative liberté d’action. Sans doute la police ne saurait-elle aller jusqu’à user de procédés odieux, telles les provocations [41], ou scandaleux, telle la torture [42] ; mais le législateur et les juges ne doivent pas contenir son action dans un carcan par trop rigide, résultant de consignes strictes posées dans l’abstrait.

En saine technique policière, puisque nous nous trouvons sur le terrain de la défense de la société contre un acte qui la menace directement et immédiatement, tout dépend du cas d’espèce ; chaque enquête ne devrait être soumise qu’à un contrôle disciplinaire et judiciaire a posteriori. Dans telle affaire de police correctionnelle, a commis une faute viciant la preuve obtenue celui qui s’est introduit frauduleusement chez autrui [43]. Dans telle affaire criminelle en revanche, afin de pouvoir intervenir efficacement au stade du commencement d’exécution, les policiers ont pu légitimement tendre un piège aux malfaiteurs qu’ils avaient identifiés : un tel procédé ne vicie pas en lui-même la procédure, dès lors qu’il tend, non à susciter un acte délictueux qui n’était pas encore décidé, mais à constater une infraction dont la commission était déjà résolue [44] ; une preuve obtenue dans de telles conditions peut parfaitement être admise par un tribunal répressif [45].

I-I-I-209 -  NÉCESSITÉ D’UN DÉBAT CONTRADICTOIRE.  D’autre part les tribunaux répressifs ne sauraient retenir une preuve que si elle a été soumise à l’épreuve d’un débat contradictoire [46]. Cette règle découle du principe fondamental de la procédure accusatoire selon lequel tout jugement pénal ne peut porter que sur les différents points débattus entre l’accusation et la défense [47], et sur lesquels chaque partie a ainsi pu faire valoir ses observations [48].

Les juges ne sauraient notamment statuer en s’appuyant sur une connaissance personnelle qu’ils auraient de l’affaire [49], si elle n’a pas donné lieu à débat contradictoire [50]. Dans une espèce examinée par la Cour de cassation le 20 novembre 1984 (Bull.crim. n°361 p.959), le Tribunal de police de Limoges avait été saisi d’une poursuite relative à une contravention à un arrêté municipal instituant le stationnement payant des véhicules. Les débats n’ayant pas permis de faire toute la lumière, le président, après l’audience, se procura directement le texte exact des arrêtés réglementant le stationnement payant à Limoges et un plan de la ville qui indiquait l’emplacement des panneaux signalant l’existence d’un stationnement payant. Au vu de ces documents, mais sans avoir réouvert les débats, le tribunal condamna le prévenu. La Chambre criminelle a justement censuré sa décision en ces termes : Les juges du fond ne peuvent fonder leur motivation sur des documents qui n’ont pas été puisés dans le débat ni soumis à la libre discussion des parties.

B -  L’APPRÉCIATION DES PREUVES

I-I-I-210 -  abandon du système des preuves légales.  Tant que l’instruction criminelle a été orientée vers la recherche de l’aveu, éventuellement par le recours à la torture, les seuls progrès du droit judiciaire pénal ont consisté à soumettre l’usage de cette méthode d’information à des conditions toujours plus strictes [51].

Mais il en est résulté un système de tarification des preuves déniant aux juges tout pouvoir d’appréciation [52]. Ainsi, l’article 23 de la Constitution criminelle de Charles-Quint énonçait que « 1 » témoignage sur le fait même du délit constitue « 1/2 » preuve, et par là même un indice suffisant à justifier le recours à la torture. Plus générale et plus connue, puisqu’elle nous a laissé l’adage « testis unus, testis nullus », une règle bien établie interdisait de s’arrêter à un témoignage unique. Voltaire a reproché au Parlement de Toulouse d’aller jusqu’à admettre des « 1/4 », voire des « 1/8 » de preuve, et d’additionner ainsi quelques doutes dans le vain espoir d’atteindre la vérité.

Les critiques adressées à ce système amenèrent les pénalistes à se pencher sur les fonctions rationnelles du législateur et du juge et à observer que, variant nécessairement d’une espèce à l’autre, la force probante d’un témoignage, d’un indice ou d’un aveu ne saurait raisonnablement donner lieu à une appréciation légale a priori. Le législateur peut sans doute déclarer certains modes de preuve irrecevables (tel le serment décisoire), mais seul le juge peut apprécier, en son âme et conscience, la valeur de tel élément de preuve régulièrement produit dans telle espèce par telle partie [53].

La doctrine a été ainsi conduite à poser en principe que les juges doivent apprécier les preuves selon leur intime conviction [54] ; tout en soulignant qu’ils ne doivent jamais perdre de vue la présomption d’innocence posée par la Déclaration des droits de l’homme.

a) Le principe de l’intime conviction

I-I-I-211 -  adoption du principe de l’intime conviction.  Le Code d’instruction criminelle [55], puis le Code de procédure pénale (dans ses articles 353 et 427), ont décidé qu’il appartient à chaque magistrat comme à chaque juré d’apprécier souverainement [56], en son for interne, la valeur de chaque preuve qui a été proposée [57].

Il doit retenir les seules preuves ne laissant place à aucun doute raisonnable [58], compte tenu des circonstances de l’espèce [59]. Il peut ainsi suivre ou ne pas suivre un rapport d’expertise [60], accueillir ou rejeter un témoignage [61] et même recevoir ou écarter un aveu [62].

Mal comprise, cette règle peut être dangereuse. Fauvety, juré au Tribunal révolutionnaire, disait de l’un de ses collègues : « Il ne vaut rien ; il est parfois d’avis de sauver des prêtres révolutionnaires ; il lui faut des preuves, comme aux Tribunaux de l’Ancien régime ! ». Pour lui, au système des preuves légales avait été substitué celui de l’illumination par la foi révolutionnaire. De même Chauveau-Lagarde, avocat de Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, rapporta : « Je fis observer au Tribunal qu’il n’y avait au dossier qu’un banal protocole d’accusation, sans pièces, sans interrogatoires, sans témoins, et que par conséquent, là où il n’existait aucun élément légal de conviction, il ne saurait y avoir de conviction ». L’accusée n’en fut pas moins condamnée à mort par arrêt du 21 floréal an II.

Sans aller aussi loin, certains ont vu dans le système de l’intime conviction du juge un procédé de caractère intuitif, faisant prévaloir le sentiment sur la raison. En droit positif il n’en est heureusement rien, car les juges doivent motiver leur décision.

I-I-I-212 -  motivation de l’intime conviction.  La motivation de la partie du jugement consacrée à la preuve des faits est soumise à trois règles impératives principales.

Tout d’abord, les juges du fond doivent s’interroger sur chacun des faits à charge ou à décharge dont la preuve leur a été proposée ; leur décision encourt la censure si, par exemple, ils ont négligé d’examiner la valeur d’un moyen péremptoire de défense proposé par le prévenu [63].

Ils sont d’autre part tenus de parcourir l’ensemble des faits ; ce qui permet à la Cour de cassation de vérifier, tout à la fois, qu’ils n’ont pas commis d’erreur de droit dans l’examen des moyens de preuve, et que leur raisonnement s’est déroulé de manière cohérente.

Ils doivent enfin statuer dans les limites du cas d’espèce, sans procéder à une généralisation qui constituerait un excès de pouvoir [64].

Quoique restreint à la forme, ce contrôle garantit un examen minutieux des preuves. S’il avait pu être soumis à la Cour de cassation, l’arrêt du Tribunal révolutionnaire du 21 floréal an II, évoqué ci-dessus, aurait été annulé pour défaut de motif.

De surcroît, par un arrêt du 30 octobre 1956 (Gaz.Pal. 1957 I 40), la Cour de cassation impose aux juges d’affirmer en termes exprès leur conviction de l’existence des faits : Si le juge peut fonder sa conviction sur un simple ensemble de présomptions, il est du moins nécessaire qu’il affirme, en termes non équivoques, que sa conviction est certaine. Encourt dès lors la nullité l’arrêt par lequel les juges se bornent à déclarer qu’il existe à l’encontre du prévenu « une présomption sérieuse de culpabilité ». Un tel motif ne saurait au demeurant suffire à mettre en échec la présomption légale d’innocence que nous allons aborder maintenant.

b) Tempérament : Le doute bénéficie à la défense

I-I-I-213 -  l’adage in dubio pro reo .   Le principe voulant que le doute bénéficie à la défense présente un caractère universel, tant il est connu que les témoignages, les indices et les apparences peuvent être trompeurs. Il a été admis depuis les premiers temps de l’Ancien droit [65] jusqu’à ses derniers jours [66]. Il l’a été tout aussi bien en Europe continentale [67] et en Grande-Bretagne [68], qu’en Extrême-orient [69].

De ce principe, consacré par les moralistes [70], il résulte notamment que la charge de la preuve des faits incombe à l’accusation et que si les preuves avancées n’emportent pas la conviction du juge, celui-ci doit impérativement acquitter le prévenu [71].

Le Tribunal révolutionnaire lui-même a prononcé des acquittements au bénéfice du doute. Le 25 floréal an II, trois prévenus comparaissent devant lui pour avoir trinqué « À la santé de la Nation, de la Loi et du Roi » ; l’accusation soutient que la scène a eu lieu après le 10 août 1792 et constitue par suite un crime de contre-Révolution ; la défense affirme en revanche que les faits se sont produits avant le 10 août, à une époque où la formule reprochée était légitime ; dans le doute, le Tribunal opte pour la relaxe. A quelques jours de là, un certain Moncelet comparaît devant les mêmes juges pour avoir crié « Vive le Roi » ; par chance il peut établir que l’un de ses amis s’appelle « Leroi » et prétend qu’il a crié « Vive Leroi » ; là encore relaxe au bénéfice du doute.

L’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 a consacré cette doctrine en énonçant que tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. La doctrine dominante s’y tient fermement [72] en dépit des critiques de ceux qui entendent faire prévaloir le besoin de protection de la société sur les droits de la défense [73].

La jurisprudence contemporaine fait fréquemment application de ce principe [74]. Par exemple, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le retrait de permis de conduire infligé à un automobiliste, qui aurait été contrôlé à la vitesse de 168 km/h, alors qu’une expertise établissait que le véhicule en cause ne pouvait pas dépasser la vitesse de 142 km/h sur route plate [75].

On ne doit toutefois pas se cacher qu’une telle décision fait apparaître l’échec d’une instruction criminelle. Or tout jugement, qu’il soit de condamnation ou de relaxe, présente un caractère exemplaire. Il est dès lors à craindre qu’un grand nombre d’acquittements au bénéfice du doute n’enhardisse les malfaiteurs au détriment du maintien de l’ordre public. Le procureur de la République agit avec sagesse lorsqu’il classe sans suite une affaire où les faits ne sont pas clairement établis.

De son côté, la Cour de cassation veille à ce que les juges du fond ne recourent pas inconsidérément à cette facilité. Elle censure notamment, pour défaut de motif, les décisions qui, sans même rapporter les faits reprochés [76], se bornent à faire état d’un doute sur leur réalité. Elle annule aussi, pour contradiction de motifs, les arrêts qui, après l’exposé de faits à première vue décisifs, se contentent d’arguer d’un doute pour écarter les poursuites [77]. Une jurisprudence récente va jusqu’à reprocher aux juges du fond d’avoir prononcé une relaxe au motif qu’il existerait un doute sur tel point précis, alors qu’il leur aurait suffi, comme ils en avaient le pouvoir et même le devoir, d’ordonner une mesure d’instruction pour éclaircir ce point [78].

Enfin la Chambre criminelle a justement limité le domaine de l’adage « in dubio pro reo » au doute portant sur un point de fait [79]. L’obscurité de la loi peut sans doute produire effet, mais par d’autres voies : confronté à un texte obscur, le juge est tenu d’en déterminer les différents sens possibles, puis de retenir celui qui est le moins préjudiciable au prévenu (comme nous l’avons vu au  chapitre précédent) ; le défendeur, pour sa part, peut soutenir qu’il a commis une erreur de droit excusable et qu’il n’a d’ailleurs pas eu conscience d’agir de manière illicite (ce moyen de défense sera examiné au chapitre suivant).

Si les faits reprochés ne sont pas établis, le tribunal doit prononcer immédiatement la relaxe du prévenu. Dans le cas contraire, il doit passer à la phase suivante du raisonnement judiciaire, et procéder à l’analyse juridique des faits.

§ 2 -  L’ANALYSE JURIDIQUE DES FAITS

A cet égard, trois règles s’imposent aux juges. Ils doivent, successivement : envisager les faits dans leur matérialité, les examiner dans leur ensemble, puis les énoncer en termes juridiques.

A)  LES FAITS DOIVENT ÊTRE ENVISAGÉS DANS LEUR MATÉRIALITÉ

I-I-I-214 -  l’analyse matérielle des faits.  Dans « La loi pénale » (n° I-113) nous avons souligné que le droit criminel s’attache viscéralement aux réalités concrètes [80] ; en sorte que les magistrats chargés de l’appliquer ne sont pas entravés par les catégories juridiques civiles, commerciales ou administratives qui se présentent à eux. Il a ainsi été jugé que les billets de la Banque de France constituent des fonds publics protégés en cette qualité, même après avoir été retirés de la circulation puis officiellement démonétisés, et ce tant qu’ils n’ont pas été effectivement détruits [81].

Les juges répressifs doivent en effet prendre les faits à l’état brut, de la manière la plus matérielle et la plus concrète possible. Il en est ainsi de la circonstance aggravante de nuit : le législateur n’en a pas prédéterminé les limites (alors qu’il a fixé les heures civiles auxquelles il est permis d’effectuer des perquisitions), mais il a sagement laissé les juges statuer, au cas par cas, en fonction des saisons et de la durée de l’ensoleillement [82]. En ce sens, un juge d’instruction s’est vu reprocher d’avoir écarté une constitution de partie civile par un motif purement abstrait [83].

Quand les juges répressifs, lors de l’examen des faits, ont à choisir entre une appréciation in concreto et une appréciation in abstracto, c’est la première qu’ils doivent retenir [84]. Par exemple, une cour d’appel a pu considérer que les personnes travaillant dans un magasin de vêtements étaient des salariés bénéficiant de la protection du Code du travail, quoiqu’elles fussent parentes du propriétaire et eussent une part du capital social ; elles devaient donc bénéficier du repos dominical.

Les juges répressifs ne sauraient à plus forte raison s’arrêter à des fictions juridiques [85]. Si les civilistes peuvent décider qu’une personne ayant fait l’objet d’une adoption plénière est totalement sortie de sa famille d’origine, les pénalistes en revanche ne sauraient négliger l’existence de liens du sang : dans d’éventuelles poursuites pour inceste, l’oblitération de la parenté naturelle ne fait pas obstacle à une condamnation pénale [86]. La Cour d’appel de Bruxelles, le 3 novembre 1858, a pu dire : « Les fictions de la loi civile ne sont pas applicables en matière de droit pénal ».

Ce principe met également en échec la règle voulant qu’aucun effet ne puisse sortir d’un acte nul, puisqu’il est réputé non avenu. Ce n’est pas parce qu’un acte se trouve entaché de nullité que son auteur doit échapper aux sanctions pénales résultant des conditions dans lesquelles il l’a rédigé, puis éventuellement exécuté. Ainsi, quoique la loi déclare nul et de nul effet le chèque qui ne mentionne pas la date à laquelle il a été créé, l’auteur d’un tel document peut parfaitement être condamné pour délit en matière de chèque [87]. Lorsqu’elle est limitée à l’absence d’indication de la date de création, l’irrégularité formelle d’un chèque [88] ne suffit pas à dépouiller cet écrit de son caractère de chèque, a jugé la Cour de cassation, le 26 novembre 1974 (Bull.crim. n°347 p.880).

I-I-I-215 -  la condamnation des artifices frauduleux.  Dans leur recherche de la nature exacte des faits sur lesquels il leur faudra statuer, les juges doivent évidemment faire la chasse aux artifices par lesquels le prévenu a pu chercher à dissimuler le sens et la portée de ses agissements [89]. Fraus omnia corrumpit, dit-on légitimement [90].

Ainsi, dans l’affaire de « La Garantie Foncière », jugée le 27 juin 1972 (Gaz.Pal. 1972 II 603), la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir écarté la qualification de société civile qui était invoquée par les prévenus, d’avoir recherché « l’objet réel » de leur société, et enfin d’avoir jugé que cette société présentait en réalité un caractère commercial et aurait donc dû être gérée selon les principes du droit commercial [91]. De manière générale, dit la Chambre criminelle, « les juges ont le devoir de restituer au contrat, base des poursuites, sa véritable qualification » (Cass.crim. 20 décembre 1978, Bull.crim. n°361 p.941).

À plus forte raison il a été jugé que l’auteur d’un chèque, qui a commis une infraction en cette matière, ne peut espérer échapper aux poursuites pénales en soutenant, que le document reproché a une cause illicite, qu’il doit dès lors être tenu pour nul, et qu’il ne saurait donc servir de base à une condamnation pénale [92]. De même, un étranger qui a conclu un mariage simulé avec une française ne saurait prendre légitimement la qualité de conjoint d’une française [93].

Lorsque, pour obtenir son aide, les Byzantins offrirent à Saint-Louis la couronne d’épines posée sur la tête du Christ lors de sa Passion, le pieux Roi se trouva fort embarrassé. Ce commerce de reliques ne tombait-il pas sous le coup de l’incrimination de simonie ? Afin d’apaiser sa conscience, il demanda que l’opération se fît en deux temps : dans un premier l’Empereur lui offrit en cadeau la Sainte relique ; dans le second, pour marquer sa reconnaissance, le Roi fit don à l’empire byzantin d’une somme de 160.000 livres. Cet artifice ne résiste évidemment pas à un examen des faits respectueux du principe de l’analyse matérielle et, à plus forte raison, du principe de l’analyse globale.

B)  LES FAITS DOIVENT ÊTRE EXAMINÉS DANS LEUR ENSEMBLE

I-I-I-216 -  l’analyse globale des faits indivisibles.  L’acte reproché au prévenu ne saurait, sans risque de déformation grave, être détaché des circonstances dans lesquelles il a été accompli. C’est pourquoi les juges doivent l’analyser en le replaçant dans son contexte, c’est-à-dire dans l’ensemble de la scène où il s’insère [94].

Sur le plan procédural on s’entend pour dire que des actes indivisibles doivent être soumis à l’information d’un seul et même juge [95], afin qu’il puisse procéder à un examen global des faits [96].

Reste à savoir quand des faits sont indivisibles. Constitue rationnellement un bloc insécable l’ensemble des faits sans l’un desquels les autres ne se comprendraient pas [97], et que les juges du fond ne sauraient dès lors séparer sans en fausser le sens [98]. Selon les particularités du cas d’espèce le tribunal passe, tantôt par une analyse matérielle [99], tantôt par une analyse subjective [100]. Le 15 décembre 1999, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé indivisibles des « actes accomplis par les mêmes moyens et dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, inspirés par une même intention criminelle et devant entraîner les mêmes conséquences pénales » [101].

À juste titre le professeur Merle observe que : « L’acte pénal obéit à la règle des trois unités d’action, de temps et de lieu ». Il nous renvoie à Boileau énonçant : « Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ».

C’est pourquoi, étant observé que nous étudierons les actes accessoires à propos de la complicité, nous examinerons successivement : le temps de l’action, le lieu de l’action, puis le déroulement de l’action.

a) Le temps de l’action

I-I-I-217 -  La localisation des actes eux-mêmes dans le temps.  Pour pouvoir porter un jugement de valeur légitime sur un acte humain, il est nécessaire de l’apprécier en se replaçant à l’instant précis où il a été accompli [102].

Cette règle de sagesse était connue aussi bien en droit romain [103] que dans l’Ancien droit [104]. Elle est affirmée tant par les philosophes [105] que par les techniciens du droit [106]. Elle est rappelée par les historiens les plus éminents [107].

Elle s’applique, en droit positif, aussi bien en matière pénale [108] qu’en matière civile [109]. Légitime au jour où il a été accompli, un acte ne saurait en bonne justice être ultérieurement déclaré délictueux, au motif que ses suites ont été néfastes, ou que la loi a été modifiée.

Ainsi, les juges ne sauraient, à bon droit, dire que l’auteur d’un acte dommageable est en faute si cet acte était conforme à l’état des connaissances scientifiques le jour où il a été accompli [110]. Au siècle dernier des explorateurs polaires moururent de saturnisme, pour avoir mangé des conserves dont les boîtes avaient été scellées au plomb ; ce procédé ayant été approuvé à l’époque par l’ensemble des spécialistes, on ne peut maintenant, avec le progrès des sciences, dire que son emploi constituait une faute pénale.

De même, quand le prévenu soutient avoir agi en état de légitime défense, l’appréciation de la légitimité de son acte varie souvent en fonction de l’heure des faits : une agression apparaît bien plus lourde de menace de nuit que de jour. C’est pourquoi les magistrats prennent la précaution de fixer l’heure de la reconstitution de façon à observer par eux-mêmes comment les lieux étaient éclairés lors des agissements reprochés.

De manière générale, les diverses circonstances pouvant influer sur la qualification doivent être examinées en fonction du moment où l’acte reproché a été accompli [111]. Ainsi lorsque la qualité de la victime constitue un élément déterminant de l’infraction (cas de la diffamation envers un agent public), cette qualité doit avoir existé le jour où ont été tenus les propos reprochés [112]. Il en va de même pour la qualité de l’agent : elle n’est prise en considération que si l’intéressé était en poste lors de l’acte qui lui est imputé [113].

I-I-I-218 -  La localisation des effets des actes dans le temps.  La loi pénale tient parfois compte des conséquences de l’acte reproché pour en déterminer la gravité. Il est alors nécessaire, pour le tribunal, de fixer la date à laquelle les derniers effets de l’acte se sont produits.

Ainsi, en matière de violences contre les personnes, le juge doit établir le moment où la blessure subie par la victime a été, soit guérie, soit consolidée [114]. De même, en matière de viol, certains législateurs voient une circonstance aggravante dans le fait que la victime a été mentalement atteinte au point de finir par se suicider ; le tribunal va alors devoir retenir cette dernière date pour fixer le point de départ de la prescription.

Mais les simples événements survenant après les agissements reprochés sont dépourvus de tout effet sur la qualification judiciaire [115]. Ainsi la victime de coups et blessures ne saurait, en accordant son pardon au prévenu, faire obstacle aux poursuites exercées par le ministère public : l’anarchiste Vaillant fut condamné à mort quoique l’abbé Lemire, sa principale victime, fût intervenu en sa faveur.

Le juge ne doit pas non plus s’arrêter au fait que le délit (ce qui se produit parfois) a finalement bénéficié à sa « victime » ; les Carthaginois, écrit Montaigne, sanctionnaient les erreurs tactiques de leurs capitaines sans tenir compte de l’éventuel succès de la manœuvre contestée. Le jeune Cartouche ayant dérobé sa bourse à un passant, puis ayant après coup décidé d’échanger son manteau contre celui de sa victime, cette dernière se trouva finalement en possession, non seulement de sa propre bourse, mais encore de celle de son agresseur ; en dépit de ce rebondissement, Cartouche n’en demeurait pas moins coupable du vol de la bourse puis du manteau.

La règle de l’indifférence des événements survenus après que l’infraction se trouve caractérisée au regard de la loi pénale, reçoit de très fréquentes applications. Par exemple le dirigeant d’une société ne se trouve pas à l’abri de poursuites pour détournement de biens sociaux, du seul fait qu’il a obtenu quitus de l’assemblée des actionnaires. De même, l’annulation d’un contrat de prêt ne fait pas obstacle à ce que soit sanctionné l’abus de confiance commis par l’emprunteur [116] ; ou encore, la régularisation d’un dossier pendant le cours d’une poursuite du chef d’édification de bâtiment sans permis de construire, n’empêche pas une condamnation judiciaire [117].

I-I-I-219 -  Le repentir actif.  L’agent lui-même ne peut effacer l’infraction qu’il a commise, en remédiant à ses conséquences [118]. Ce que l’on nomme habituellement son « repentir actif » lui vaudra seulement un abaissement de peine au titre des circonstances atténuantes [119]. Voici deux exemples, parmi une abondante jurisprudence.

Un employeur licencie un salarié, représentant syndical, en méconnaissance de la procédure légale. Devant la vive réaction de celui-ci, il revient sur sa décision et le réintègre. Cette réintégration ne fait pas obstacle à des poursuites pour entrave à l’exercice du droit syndical [120].

Le dirigeant d’une société placée en redressement judiciaire vend une partie du stock donné en gage à son créancier, mais parvient à solder entièrement sa dette. Il n’en est pas moins condamné pour détournement de gage, quoique le créancier ait été dédommagé [121].

b) Le lieu de l’action

I-I-I-220 -  La localisation des actes dans l’espace.  Un acte ne peut parfois être apprécié que s’il est examiné au vu des lieux mêmes où il a été accompli. Que le législateur l’ait prévu [122] ou non, le tribunal doit alors se rendre sur place [123] (on parle ici de transport sur les lieux [124]), à moins qu’il n’ait en sa possession un album de photographies suffisamment explicites [125].

En ce qui concerne les accidents de la route, notamment, une manoeuvre qui dans l’abstrait semble fautive peut fort bien, après examen des lieux, s’avérer régulière [126].

L’étendue des lieux dans lesquels l’action s’est déroulée diffère profondément selon les cas. Tantôt ce sera la seule maison à l’intérieur de laquelle un vol a été commis ; tantôt ce sera l’ensemble du trajet parcouru par un trafiquant de drogue. Tous les actes perpétrés dans ce cadre sont susceptibles d’être tenus pour indivisibles au regard de la qualification puis de l’imputation [127] des faits.

Le cas le plus discuté, de ce point de vue, est celui de l’acte de guet. Raisonnant dans le cadre philosophique de la responsabilité subjective, la doctrine dominante considère qu’il s’agit d’un simple cas de complicité. Au contraire, conformément à la tradition [128], les tribunaux, saisis in rem, estiment que cet acte est uni par un lien d’indivisibilité à l’acte dommageable [129], puisqu’il est effectué dans le même temps et dans le même lieu, et que, de plus, il tend à une même fin [130].

I-I-I-221 -  La localisation des effets des actes dans l’espace.  Lorsque l’acte reproché a porté atteinte à un intérêt protégé par la loi, les juges doivent impérativement déterminer le ou les lieux où ses effets se sont faits sentir.

En effet il est admis que la compétence judiciaire s’étend, du lieu où l’action dommageable a été perpétrée, aux lieux où les dommages sont survenus [131]. Ainsi, en cas de diffamation perpétrée par la voie de la presse écrite ou radiophonique nationale, la victime peut se tourner vers n’importe lequel des tribunaux français des lieux où les écrits ou propos ont été diffusés [132].

Il en résulte, sur le plan international, que la justice française est compétente pour connaître d’une éventuelle infraction dès lors que l’un quelconque de ses éléments se situe sur le sol national [133]. Supposons qu’un individu, se tenant sur le territoire belge, tire un coup de revolver sur une personne se tenant sur le territoire français : il y a double compétence du tribunal belge du lieu où l’acte de violence a été commis, et du tribunal français du lieu où la victime a été atteinte.

c) Le déroulement de l’action

I-I-I-222 -  Les faits doivent être replacés dans leur contexte.  Dans un droit criminel qui repose sur le principe de la responsabilité subjective, la culpabilité du prévenu peut difficilement s’apprécier à partir d’un acte isolé [134]. Aussi, lors de l’examen des faits, les juges doivent-ils impérativement [135] replacer l’acte reproché dans son contexte [136] et déterminer, non seulement son existence [137], mais encore les circonstances dans lesquelles il a été perpétré, les agissements qui l’ont précédé et suivi [138] ; voire se pencher sur la personnalité de la victime [139].

La jurisprudence est bien établie en ce sens [140]. Ainsi, c’est après avoir déterminé les circonstances et les conditions dans lesquelles un coup mortel a été porté que le tribunal pourra, dans la phase suivante du raisonnement, choisir entre les trois qualifications prévues par le législateur : homicide par imprudence, homicide par coups volontaire ou homicide intentionnel [141].

Le critère qui, de ce point de vue, permet de déterminer les limites de la scène pénale, n’est pas toujours correctement énoncé. Certains arrêts parlent en effet d’indivisibilité tenant à l’identité de mobile. Or, comme nous l’avons vu en traitant de « La loi pénale », la considération du mobile, qui conduit le juge à sonder le for interne du prévenu, est étrangère à la théorie de l’infraction et ne saurait relever que de la théorie de la peine.

À ce stade du raisonnement, la seule notion subjective qui soit recevable est celle d’« intention de porter atteinte à un intérêt protégé par la loi » [142]. On peut donc dire que constituent une scène pénale unique l’ensemble des actes accomplis, dans le même temps, dans le même lieu et avec la même intention de porter atteinte à tel intérêt juridique [143].

Bien évidemment les actes perpétrés au cours du déroulement de cette scène peuvent être l’œuvre de personnes différentes [144]. Comme nous le verrons plus tard, puisqu’elles ont toutes matériellement participé à la commission de l’infraction, elles en seront toutes tenues pour coauteurs.

Observons enfin que l’étude de l’ensemble de la scène pénale inclut l’examen de la conduite du plaignant. Certains de ses actes pourront en effet être considérés, plus tard, comme des causes de justification totale ou partielle pour le prévenu, que ce soit au titre de la légitime défense [145] ou de l’excuse de provocation.

C )  LES FAITS DOIVENT ÊTRE FORMULÉS EN TERMES JURIDIQUES

I-I-I-223 -  recours au vocabulaire juridique.  Venant de prendre connaissance des faits, envisagés dans leur substance et dans leur contexte, les juges doivent maintenant les traduire en termes juridiques. En effet, il est indispensable que l’énoncé des deux premiers termes du syllogisme judiciaire (à savoir : la loi – les faits) soit formulé dans la même langue, pour que leur comparaison devienne possible dans la troisième phase du raisonnement [146].

Ainsi, après avoir constaté que le plaignant a établi que tel bien lui a été « dérobé », le tribunal devra énoncer que ce bien a été « soustrait ». En effet, notre droit criminel n’emploie pas le verbe dérober mais -et dans le même sens- le verbe soustraire.

Dans chaque poursuite, les juges vont devoir principalement se demander si les faits reprochés ont porté atteinte à l’un quelconque des intérêts juridiquement protégés, et s’ils découlent d’une activité humaine consciente, imprudente, volontaire, voire intentionnelle, sinon même préméditée. Il va de soi que l’expérience des magistrats et leur connaissance du vocabulaire juridique jouent à ce stade de la rédaction du jugement un rôle essentiel.

I-I-I-224 -  recours aux catégories juridiques.  Les juges doivent en outre rechercher si les agissements qui leur sont soumis peuvent être rangés dans l’une des diverses catégories du droit criminel. Par exemple, quand ils se trouvent en présence d’un scène de violence particulièrement atroce, ils sont amenés à se demander si l’acte reproché ne relève pas de la notion d’acte de barbarie ou de celle d’acte de torture.

De même, en matière professionnelle, ils vont rechercher si les actes reprochés au prévenu sont isolés ou caractérisent une habitude [147]. Cette dernière constitue en effet, tantôt un élément constitutif, tantôt une circonstance aggravante des infractions disciplinaires [148].

De même encore, les juges doivent s’arrêter à la manière dont l’acte reproché a été perpétré. Ainsi, la circonstance que l’acte en cause a été commis de manière occulte, et non de manière ostensible, peut avoir des conséquences lors de la qualification définitive des faits : quand on se cache pour accomplir un acte, c’est ordinairement parce que l’on sait qu’il est interdit par la loi morale ou par la loi positive, ce qui peut permettre de caractériser le dol général [149]. De plus, la jurisprudence fixe le point de départ de la prescription d’une infraction occulte au jour où la victime a pu en prendre connaissance [150].

I-I-I-225 -  délits instantanés et délits continus.  L’habillage juridique des faits permet aussi aux juges de s’assurer dès maintenant de deux points essentiels : à savoir, d’une part que l’action publique n’est pas prescrite, d’autre part que le tribunal saisi est bien territorialement compétent. La réponse à ces deux questions dépend en effet souvent du point de savoir si les faits considérés s’analysent, soit en une infraction instantanée, soit en une infraction continue [151].

Précisons bien que nous parlons ici des agissements reprochés en l’espèce au prévenu, et dans lesquels l’accusation voit une infraction, mais pas de tel ou tel délit réprimé dans l’abstrait par le législateur. Il faut en effet se garder de confondre l’incrimination légale et l’infraction concrète examinée par les juges : le « Vol », incriminé dans le Code pénal, suppose une « soustraction » quelle qu’elle soit ; mais la soustraction imputée à un prévenu présente, tantôt un caractère instantané, tantôt un caractère continu [152].

Une infraction est instantanée lorsque la scène pénale se déroule dans un cadre limité, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Entre dans cette catégorie l’attentat perpétré contre le Président Paul Doumer, assassiné le 6 mai 1932 par Gorgulov. Il en va de même de nombreuses incrimination de police, tel le délit d’affichage irrégulier [153], ou le délit d’évasion [154].

Il arrive parfois qu’un acte, bien qu’instantané dans son exécution, produise des effets à quelque temps de là et en des lieux différents. Tel est le cas lorsqu’une personne envoie une lettre d’injures. Sont alors compétents, aussi bien le tribunal du lieu d’expédition que le tribunal du lieu de réception de cette lettre ; et la prescription ne court que du jour où la missive a atteint son destinataire.

Constitue une infraction continue [155], ou successive, l’activité délictueuse marquée par la persistance d’une intention criminelle [156]. Tel est le cas de l’édification d’un bâtiment sans permis de construire [157], ou de la détention irrégulière d’avoirs à l’étranger [158]. Une telle infraction est soumise à un régime juridique particulièrement rigoureux.

Quant à la compétence judiciaire, prenons comme exemple le cas d’un véhicule automobile sur lequel une publicité illicite a été apposée et qui suit une course cycliste : pourra être saisi de l’infraction commise n’importe lequel des tribunaux dans le ressort desquels ce véhicule sera passé.

Quant à la prescription, tournons-nous vers le recel de chose ou le refus d’obéir à une injonction de l’autorité publique [159] : la prescription ne commence à courir que du jour où l’agent a effectivement mis fin à son activité délictueuse.

Intermédiaires entre infractions instantanées et infractions continues les infractions continuées résultent d’un acte unique qui produit un effet permanent. Il en est ainsi de la bigamie [160] ou de l’ingérence [161]. Leur régime pénal donne lieu à controverse.

A ce stade du raisonnement déjà, le tribunal peut être amené à déclarer les poursuites pénales non fondées. Il en sera ainsi lorsqu’il vient de constater, soit que les faits ne sont pas établis, soit son incompétence territoriale, soit la survenance de la prescription.

Dans le cas contraire il lui appartient maintenant de mettre en rapport la loi invoquée, reconnue applicable, et les faits reprochés, reconnus existants.

*



[1]  Parlement de Paris 9 avril 1657, (arrêt cité par Desmaze, « Les pénalités anciennes »), dans une poursuite pour crime de lèse-majesté exercée contre un membre de ce Parlement :

Vu par la Cour, toutes chambres assemblées, le dossier du procès instruit contre Vallée et autres, par les conseillers à ce commis, à la requête du procureur général du Roy, demandeur et accusateur;

A banni et bannit ledit Vallée à perpétuité du royaume, lui enjoint de garder son ban, à peine de la vie, ordonne que la robe de conseiller et autres marques de magistrature lui seront enlevées et ôtées par les huissiers de service, à huis ouverts, les chambres assemblées, a déclaré son dit office de conseiller en la Cour, fiefs et tous ses biens acquis et confisqués au bénéfice du Roy, sur iceulx préalablement pris la somme de huit mille livres parisis d’amende, applicable au pain de la Conciergerie du palais et aux nécessités de la Cour.

[2]  Code annamite de Gia Long, article 380 (premier décret complémentaire) : Quand un tribunal rend un jugement, il doit exposer clairement et complètement les faits.

[3]  Cass.crim . 17 novembre 1970 (Bull.crim. n°298 p.723) : Tout jugement ou arrêt de condamnation doit être motivé et énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable.

[4]  Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Fait – Toute donnée de l’expérience … événement considéré avec ses particularités de temps et de lieu.

[5]  Véron (Droit pénal 1994 comm. 155) : Faits, c’est-à-dire éléments objectifs susceptibles de vérification et dont la véracité ou la fausseté peut être établie à la suite d’un débat contradictoire.

[6]  Liège 19 mars 1993 (Jurisprudence de Liège 1994 1677) : Par « fait », il y a lieu d’entendre le seul comportement de l’intéressé, en dehors de toute interprétation juridique.

[7]  Braas , «  Précis de procédure pénale belge » T.II, p.526 : La citation est libellée de façon à mettre l’inculpé en état d’organiser sa défense. Encore que les actes introductifs de la poursuite ne doivent point nécessairement entrer dans le détail des faits, il faut que la partie citée ne puisse se méprendre sur ce qui lui est reproché; qu’elle connaisse avec certitude l’accusation dirigée contre elle. L’inculpation de la sorte précisée, le contrat judiciaire se noue entre la partie poursuivante et le prévenu. La juridiction ne pourrait statuer sur des faits différents de ceux qui font l’objet des actes introductifs de la poursuite.

[8]  Cass.crim . 21 avril 1986 (Bull.crim. n°132 p.335) : Les tribunaux correctionnels, légalement saisis de l’ensemble des faits relevés par l’ordonnance de renvoi ou la citation, doivent statuer sur ceux-ci.

[9] Cass.crim. 21 mai 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.cri. 164) : Les juges ne peuvent valablement statuer que sur les faits dont ils sont saisis.

[10]  Faustin Hélie, « L’instruction criminelle » (2e éd.) T.8, p.32 : Le président de la Cour d’assises doit soumettre au jury les circonstances aggravantes non mentionnées dans l’arrêt de renvoi qui résultent des débats. Le droit de la défense n’est-il pas lésé lorsque l’accusé n’a point été averti qu’il doit répondre à des faits qui surgissent à l’audience ? Nous ne croyons pas qu’on doive s’arrêter à cette objection... Il est en effet d’usage que le président, au moment où la circonstance se révèle, l’avertisse qu’elle sera l’objet d’une question, afin qu’il puisse recueillir ses souvenirs, préparer sa défense sur ce point et fournir des explications... La défense n’est pas réellement lésée, pourvu que cette ou ces circonstances appartiennent au même corps de délit et qu’elles ne soient que des actes secondaires de la même action.

[11]  Merle et Vitu, « Traité de droit criminel » (1e éd.) p.265 : Les juridictions de jugement sont saisies par le ministère public ou par la partie civile, à la fois in rem et in personam; elles ne peuvent donc statuer que sur les faits portés devant elle... Si un prévenu consent à être jugé sur des faits autres que ceux pour lesquels il a été cité, la saisine de la juridiction s’élargit à ces nouveaux faits; mais il faut à cela le consentement de 1’intéressé.

[12]  Cass.crim . 18 juin 1980 (Bull.crim. n°196 p.507) : S’il appartient aux cours d’appel de changer la qualification des faits, et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c’est à la condition qu’il ne soit rien changé aux faits de la prévention, et qu’ils restent tels qu’ils ont été dénoncés dans les actes de procédure.

[13]  Cass.crim . 3 mars 2004 (Gaz.Pal. 2004 somm. 3402) : S'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée.

[14]  Code de droit canonique. Can. 1526 : La charge de la preuve incombe à qui affirme.

[15]  Cass.crim. 29 mai 1980 (Bull.crim. n° 164 p.409) : Tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante.

[16]  Garraud « Précis de droit criminel » (15e éd., n°378 p.799) : La charge de la preuve incombe à l’accusation : cette preuve doit porter et sur l’existence de l’infraction, c’est-à-dire sur le corps du délit, et sur la participation matérielle et morale de l’inculpé au délit dont on le reconnaît l’auteur ou le complice.

[17]  Cass.crim. 28 février 1990 (Gaz.Pal. 1990 II Chr.crim. 505/506) : C’est au prévenu, lorsqu’il soulève une exception, qu’incombe la charge de la preuve des faits allégués au soutien de cette exception.

[18]  Cass.crim. 6 novembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 II Chr.crim. 276) : La preuve, impossible à rapporter, d’un fait négatif, ne peut être mise à la charge du ministère public.

[19]  Cass.crim. 30 janvier 1989 (Bull.crim. n°33 p.97) : L’art. 6 § 2 Conv. EDH ne met pas obstacle aux présomptions de fait ou de droit instituées en matière pénale, dès lors que lesdites présomptions prennent en compte la gravité de l’enjeu et laissent entiers les droits de la défense.

[20]  Stéfani et Levasseur, « Procédure pénale » (2e éd.) p.294 n°315: La liberté de la preuve est rendue indispensable par la difficulté que la preuve peut offrir en matière pénale. De nombreux malfaiteurs, agissant avec préméditation, exécutent leur crime dans le secret et en ayant pris le maximum de précautions pour ne pas être découverts. Les délinquants s’efforcent en général de brouiller les pistes pour échapper à la justice et recourent à des apparences fallacieuses pour mieux l’égarer. Aucune comparaison n’est possible avec le droit civil où les quasi-délits eux-mêmes peuvent assez facilement être constatés et prouvés.

[21]  Trousse, « Novelles de droit pénal » T.I (2), n°3437 : Le but de la preuve, qui est d’établir la culpabilité ou l’innocence d’un inculpé, exige que rien ne soit négligé pour établir la vérité. Aucun principe supérieur ne peut être opposé à cette proposition. D’autre part, le fait à prouver est de nature telle qu’il est impossible de déterminer à l’avance le moyen de preuve adéquat. Les éléments de conviction sont souvent le résultat de circonstances fortuites, quand ils n’auront pas été brouillés par l’auteur du fait qui prendra toutes les précautions nécessaires pour rendre la preuve impossible ou en anéantir toute trace.

[22]  Code d’instruction criminel du Luxembourg. Commentaire officiel : L’art. 154 qui spécifie quelques modes de preuve, n’est pas limitatif ; en matière correctionnelle aussi bien qu’en matière criminelle, la preuve n’est assujettie à aucune forme spéciale et systématique; les juges du fond peuvent librement former leur conviction, en faisant état de tout élément de l’instruction qui a pu être l’objet du débat contradictoire; ils ne sont pas obligés d’exposer les raisonnements qui les conduisent à poser comme constant un fait qualifié par la loi pénale, et il n’appartient pas à la Cour de cassation de rechercher les éléments qui ont servi, en fait, à former leur conviction. Cour 16 novembre 1901 et Cass. 24 janvier 1902.

[23]  Cass.crim . 12 avril 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 354) : L’art. L. 1er II C. route n'interdit nullement aux juges, en cas d'inobservation de ses dispositions, de recourir à tous autres moyens de preuve pour se prononcer d'après leur intime conviction sur la culpabilité du prévenu.

[24]  Cass.crim . 29 mars 1960 (Bull.crim. n°176 p.370) : En matière correctionnelle, les juges peuvent puiser les éléments de leur conviction dans tous les documents de la cause, pourvu que ces documents aient été versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

[25]  Cass.crim . 24 janvier 1973 (Gaz.Pal. 1973 I 419) : Si l’article L.1-II C.route prescrit que les épreuves de dépistage ainsi que les vérifications médicales... seront utilisées à l’égard de l’auteur présumé de l’infraction de conduite en état d’ivresse manifeste, l’inobservation de ces dispositions légales n’interdit nullement aux juges de recourir à tout autre moyen de preuve pour déterminer d’après leur intime conviction, si le prévenu s’est rendu coupable de ce délit.

[26]  Code de procédure annamite des Lé ( Chapitre 1, art. 30) : En matière de rixes, le procès-verbal de constat des blessures fait foi; en matière d’homicide, le certificat de vie et le procès-verbal de décès font foi.

[27]  Cass.crim . 30 mai 1978 (Bull.crim. n°174 p.439) : En vertu du principe énoncé dans l’art.429 C.pr.pén., les procès-verbaux n’ont de valeur probante que dans la mesure où leur auteur rapporte ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement.

[28]  Cass.crim . 13 février 1880 (S.1880 I 484) : Les procès-verbaux des préposés de (telle) administration doivent être crus jusqu’à inscription de faux; dès lors ces préposés ne peuvent, par des déclarations postérieures à la rédaction et à l’affirmation de leurs procès-verbaux, soit démentir le fait qu’ils ont constaté, soit modifier les circonstances qu’ils ont relevées dans ce procès-verbal.

[29]  Cour de cassation 4 mars 1976 (Bull.crim. n°82 p.196): S’il est vrai que la force probante des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve contraire ne peut être infirmée par les seules dénégations ou allégations d’un prévenu, il n’en demeure pas moins que ce dernier a le droit de combattre ces procès-verbaux par tous les moyens légaux de preuve.

[30]  Cass.crim . 21 juillet 1977 (Bull.crim. n°271 p.680): En matière de crimes et de délits prévus par le Code pénal, les procès-verbaux, de quelques agents qu’ils émanent, ne font pas foi par eux-mêmes et n’ont que la valeur d’un simple renseignement.

[31]  Cass.crim . 30 juin 1981 (Bull.crim. n°224 p.603) : Aux termes de l’art. 173 C.pr.pén., les actes annulés sont retirés du dossier d’information et il est interdit d’y puiser aucun renseignement contre les parties au débat; cette interdiction doit s’étendre à tout procédé ou artifice qui serait de nature à reconstituer, au mépris de ce texte, la substance des actes annulés.

[32]  Bruxelles 21 juin 1978 (Journal des Tribunaux 1979 p.29) : Une série de lettres écrites par le prévenu à son conseil et des copies des lettres écrites par celui-ci au prévenu sont à l’estimation de la Cour couvertes par le secret professionnel, en sorte que la Cour les rejette des débats sans y avoir égard.

[33]  Cass.crim . 1er juin 1976 (Bull.crim. n°192 p.499) : Si la preuve d’un délit est subordonnée à l’existence d’un contrat, celui-ci doit être prouvé d’après les règles établies par le Code civil.

[34]  Bouloc « Procédure pénale » (20e éd.) n°145) : Quoique la manifestation de la vérité soit l’objectif capital du procès répressif, cette vérité ne peut être recherchée par n’importe quel moyen. Il importe à la dignité de la justice et au respect qu’elle doit inspirer, de ne mettre en œuvre aucun moyen qui attente aux droits fondamentaux de la personne humaine. C’est pour cette raison que la torture est interdite.

[35]  Cour sup. de justice du Luxembourg 26 juin 1972 : Il est de principe que les juges ne peuvent retenir des éléments de preuve obtenus par des moyens délictueux ou déloyaux; plus spécialement, s’il est démontré qu’une lettre est produite en justice d’une manière irrégulière, elle doit être écartée des débats avec tout ce qui s’en est suivi.

[36]  Boré « La cassation en matière pénale » éd.  : Toute décision, fondée sur des éléments de preuve qui n’ont pas été soumis à la discussion contradictoire des parties, doit être annulée.

[37]  Dion Cassius, « Histoire romaine » (58,1) : C’est l’usage des délateurs de commencer par attaquer quelqu’un en paroles et par révéler quelque secret, afin qu’en les écoutant ou en laissant échapper une parole semblable, leurs victimes donnent prise à une accusation. Ainsi, pour gagner les faveurs de Séjan, un certain Latiaris, ami de Sabinus, amena ce dernier à un entretien avec lui et, par quelques mots, provoqua l’expansion de ses sentiments. Sabinus fut le jour même jeté en prison puis mis à mort sans jugement. Son corps fut traîné aux gémonies.

[38]  Michelet, « Histoire de France » (II-III-XI ) : En 1559, le cardinal de Lorraine dressa ses batteries contre les hérétiques... On plaçait Freté, homme d’esprit et parleur habile, avec les prisonniers douteux. Ce comédien les gagnait, les tentait, leur faisait désirer la couronne du martyr. Chose peu difficile au reste, il suffisait de dire: « Si tu renies Jésus, il te reniera à son tour ».

[39] Balzac, « Les crimes célèbres - La marquise de Brinvilliers »  : E n 1579, un cabaretier de Toulouse avait tué seul et à l’insu de toute sa maison un étranger qu’il avait reçu chez lui, et l’avait enterré secrètement dans sa cave. Ce misérable, poursuivi par ses remords, se confessa de cet assassinat, en déclara toutes les circonstances, et indiqua même à son confesseur l’endroit où il avait enterré le cadavre. Les parents du défunt, après toutes les recherches possibles pour s’en procurer des nouvelles, firent enfin publier dans la ville qu’ils donneraient une grosse récompense à la personne qui découvrirait ce qu’il était devenu. Le confesseur, tenté par l’appât de la somme promise, avertit en secret que l’on n’avait qu’à chercher dans la cave du cabaretier et qu’on y trouverait le cadavre. On l’y trouva en effet à l’endroit indiqué. Le cabaretier fut mis en prison, appliqué à la torture et avoua son crime. Mais, après cet aveu, il soutint toujours que son confesseur était le seul qui pût l’avoir trahi.

Alors le Parlement, indigné de la voie dont on s’était servi pour parvenir à la vérité, le déclara innocent, jusqu’à ce qu’on eût d’autres preuves que la dénonciation du confesseur.

Quant à celui-ci, il fut condamné à être pendu et son cadavre jeté au feu, tant le Tribunal avait reconnu dans sa sagesse qu’il était important de mettre en sûreté un sacrement indispensable au salut.

[40]  Trib.corr. Nivelles 7 janvier 1976 (Journ.trib. 1976 191) : Pour servir de base à une décision répressive, le moyen de preuve retenu par le juge doit, notamment, être compatible avec les principes généraux du droit, le respect de la personnalité humaine et les droits de la défense; c’est en vertu de cette conception que sont à rejeter tous procédés de violence, d’astuce et de ruse.

[41]  Grenoble 23 avril 1942 (Gaz.Pal. 1942 1 274) : La provocation au délit vicie la procédure lorsque l’individu chargé de la constatation des infractions à la loi pénale détermine le délit par l’utilisation de procédés immoraux ou blâmables ou par des manoeuvres qui ont produit la consommation du délit.

[42]  Decocq, Montreuil et Buisson « Le droit de la police » (1981, n°1070) : Il faut affirmer avec vigueur que contrairement à une certaine assertion, il n’existe pas de « torture propre ».

[43]  Trib.corr. Blois 19 février 1964 (Gaz.Pal. 1964 I 358) : Les prévenus ont été renvoyés devant le tribunal, au seul motif que la preuve de l’adultère résulterait suffisamment d’une photographie versée au dossier et montrant les deux prévenus couchés dans le même lit...

Cette photographie a été obtenue à l’aide d’une violation de domicile caractérisée, P. s’étant introduit de nuit dans le domicile de L. sans le consentement de celui-ci... Or un document obtenu par des moyens frauduleux, et en particulier à l’aide d’un délit, ne saurait, en aucun cas et sous aucun prétexte, être retenu comme preuve par un tribunal;

Pour cette raison, le tribunal aurait rejeté des débats la photographie en question, même si la demande ne lui en avait pas été faite par la défense.

Par ces motifs : - Dit que la photographie produite est rejetée des débats et ne peut en conséquence servir de preuve; - Dit que la preuve du délit reproché n’a été rapportée ni par l’information, ni par les débats; - En conséquence, relaxe les prévenus sans peine ni dépens.

[44]  Trib.corr. Seine 3 décembre 1952 (D.1953 432) : Un inculpé de trafic de stupéfiants ne saurait invoquer la provocation par agent de l’autorité, alors que les sollicitations dont il a été l’objet n’ont pas exercé sur lui une pression susceptible d’abolir ou de vicier sa volonté libre.

[45]  Cass.crim . 2 octobre 1979 (Bull.crim. n°266 p.722) : Le fait qu’à 1’origine de la procédure un agent de la police américaine et un indicateur se soient présentés comme éventuels acquéreurs de drogue est sans influence sur la validité de la procédure, dès lors qu’il résulte des constatations des juges que cette circonstance n ‘a pas été déterminante des infractions retenues et qu’elle a eu seulement pour effet de permettre la constatation d’une activité délictueuse qui existait et d’en arrêter la continuation.

[46]  Garraud , «  Précis de droit criminel » (15e éd., 1934) p.805 n°383 : Il n’est pas permis au juge de tenir compte d’une connaissance personnelle des faits acquise en dehors de ses fonctions, car les faits qu’il a connus en dehors des débats échappent à la discussion publique et contradictoire qui est le seul moyen d’en vérifier l’exactitude et d’en apprécier la portée. Par suite, il est de jurisprudence constante que tout jugement qui admet ou repousse un moyen d’accusation ou de défense, en se basant sur la connaissance personnelle acquise par les juges du fait en dehors des débats, doit être annulé, parce qu’il est contraire au principe de la contradiction.

[47]  Cass belge 12 juin 1911 (Pas. 1911 1 331) : Le juge ne peut puiser les éléments de sa conviction que dans les faits qui ont été soumis aux débats.

[48]  Cass.crim . 30 nov. 1976 (Bull.crim. n°345 p.882) : L’art.11 C.pr.pén. n’interdit pas d’annexer à une procédure pénale les éléments d’une autre procédure dont la production peut être de nature à éclairer les juges et à contribuer à la manifestation de la vérité; la seule condition exigée est qu’une telle jonction ait un caractère contradictoire et que toutes les parties intéressées aient pu en débattre.

[49]  Cass.crim . 13 novembre 1834 (S.1835 I 192): En droit, les procès-verbaux qui constatent les contraventions, en font foi jusqu’à preuve contraire... par ailleurs la conviction du juge ne doit se former que par les débats qui ont lieu devant lui, et il ne peut, dès lors, se déterminer d’après les notions personnelles qu’il aurait acquises en dehors d’une instruction régulière.

D’où il suit, dans l’espèce, que se fondant sur la parfaite connaissance que le tribunal avait prise des lieux, en l’absence des parties et sans que son transport eût été préalablement ordonné pour décider que les dépôts de matériaux reprochés au prévenu n’avaient point entravé la passage et la libre circulation de la voie publique et que, par suite, l’action du ministère public ne pouvait entraîner l’application de l’art. 471-4° C.pén., le jugement dénoncé a expressément violé les dispositions ci-dessus... Casse...

[50]  Cass.crim . 17 novembre 1965 (Bull.crim. n°239 p.540) : Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. Violent ce principe les juges d’appel qui se sont déterminés sur des indications fournies par le service de la répression des fraudes, sans que ces documents, adressés au procureur général, aient été soumis aux débats et contradictoirement discutés.

[51]  Villey, « Précis de droit criminel » (2e éd., 1880) : Les juges prononçaient sur le rapport de l'un d'entre eux ; ils étaient liés par une foule de règles précisant à l'avance la valeur légale de chaque indice, de chaque preuve. C'est la théorie des preuves légales, qui a grandement exercé la patience et la sagacité de nos anciens légistes.

[52]  Bentham, « Traité des preuves judiciaires » T.II p.28 , oppose à l’intime conviction, qui pousse à la recherche de l’aveu, la quantité de preuve légale prescrite dans le tarif.

[53]  Brissot, « Théorie des lois criminelles » (éd. 1836) T.II p.89 : Ne cherchons point l’art d’estimer les preuves; c’est la pierre philosophale de la (législation) criminelle. Il est impossible d’établir des règles fixes et certaines pour distinguer une preuve complète d’une incomplète, les indices vraisemblables des incertains. L’empereur Adrien disait : « Pour fonder votre sentence, vous devez consulter intérieurement votre conscience, afin de déterminer ce que vous croyez bien ou mal prouvé ».

[54]  Code de procédure pénale suisse. Art. 249 : L’autorité appelée à juger apprécie librement les preuves. Elle n’est pas liée par des règles concernant les preuves légales.

[55]  Code d’instruction criminelle de 1808, article 342 (extrait) : La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : « Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins »; elle ne leur dit pas non plus : « Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices »; elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?

[56]  Cass.crim . 30 novembre 1977 (Bull.crim. n°378 p.1006) : La déclaration de l’intime conviction des juges relève de leur seule conscience ; l’appréciation qu’ils font de la valeur des éléments de preuve soumis à la libre discussion des parties et de leur force probante... échappe au contrôle de la Cour de cassation.

[57]  Cass. belge 14 octobre 1974 (Pas.1975 I 181) : En dehors des cas où la loi établit un mode spécial de preuve, le juge apprécie souverainement en fait les éléments sur lesquels il fonde sa conviction.

[58]  Gratry « Philosophie logique » T.I p.19 : La certitude est un état d’âme qui en exclut le doute. Cet état suppose la possession de la vérité. Il ne peut y avoir certitude de ce qui n’est pas vrai.

[59]  Trechsel, « L’établissement des preuves devant la Commission européenne des droits de l’homme » (Louvain 1977 p.141) : La Commission apprécie les preuves d’après le système continental, le critère décisif étant l’intime conviction de la majorité de ses membres; dans sa procédure, la preuve légale n’a aucune place, les règles du droit de l’« evidence » du système anglo-saxon ne sont pas, en tant que telles, applicables. Mais écoutons ce que dit la Commission : « Dans chaque cas, les allégations doivent être prouvées au-delà d’un doute raisonnable. Un doute raisonnable n’est pas un doute fondé sur une possibilité purement théorique ou suscité pour éviter une conclusion désagréable; c’est un doute dont les raisons peuvent être tirées des faits ».

[60]  Cass.crim . 29 juin 1960 (Bull.crim. n°345 p.696) : Il n’entre pas dans le rôle de la Cour de cassation de vérifier si l’appréciation des juges est conforme à celle d’un expert dont le rapport n’était qu’un élément de conviction soumis à la discussion des parties et à l’appréciation de la Cour d’appel.

[61]  Cass.crim . 13 janvier 1960 (Bull.crim. n°17 p.32) : L’appréciation des témoignages produits entre exclusivement dans les pouvoirs des juges du fond qui n’ont pas à rendre compte des éléments de convictions dont ils ont fait dépendre, d’après les débats d’audience, la preuve des faits qui leur sont déférés.

[62]  Cass.crim . 7 mai 1968 (Bull.crim. n°140 p.335) : L’appréciation de l’aveu, comme de tout élément de preuve, est laissée à la libre appréciation des juges.

[63]  Cass.crim . 23 avril 1986 (Gaz.Pal. 16 décembre1986) : Les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis.

Pour condamner Rasquier pour contravention au Code de la route, la Cour d’appel énonce qu’il résulte d’un procès-verbal de gendarmerie que le 31 août 1984 le prévenu conduisait, sur une autoroute, un véhicule à une vitesse de 175 km/h. Elle relève que ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire, laquelle n’a pas été rapportée.

Mais, en omettant de répondre au chef péremptoire des conclusions de Rasquier qui soutenait que la vitesse qui lui était reprochée était supérieure à celle que son véhicule pouvait techniquement atteindre, la Cour d’appel a méconnu le principe susvisé... Par ces motifs, Casse...

[64]  Cass.crim . 24 janvier 1974 (Gaz.Pal. 1974 1 241) : Tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision; l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence.

Pour rejeter les conclusions de la défense, la Cour d’appel, qui a constaté la production par le Trésor d’une attestation d’un « centre administratif interdépartemental » justifiant du paiement à la victime, par l’administration, des émoluments afférents à la période du 2 au 11 juin 1968, et certifiant que ce fonctionnaire avait cessé ses activités pendant ladite période, du fait des violences exercées par le prévenu, s’est bornée à énoncer qu’une juridiction de l’ordre judiciaire ne saurait mettre en doute la sincérité d’un acte administratif.

En cet état, la Cour d’appel, qui a seulement formulé une énonciation de principe, n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle... Par ces motifs, Casse...

[65]  Les livres de jostice et de plet (vers 1260), Des peines § 2 : Le sage écrit que l’on ne doit condamner aucun homme sur un simple soupçon; car mieux vaut manquer à punir des malfaiteurs, que de condamner ceux qui n’ont en rien méfait.

[66]  De Ferrière , «  Dictionnaire de droit » (Paris 1762) V° Impunité : Dans le doute il vaut mieux absoudre un coupable, que de condamner un homme qui peut être innocent.

V° Peine : Un juge ne doit jamais imposer aucune peine à un accusé, qu’il ne soit entraîné à le faire par des raisons évidentes qui lui fassent voir que l’accusé est coupable. Ainsi, dans le doute, non seulement il doit tenir son glaive en suspens, mais il doit le renvoyer.

[67]  Sohet, « Instituts de droit » (Bouillon 1772) L.V, T.XX, n°6 : Dans les cas épineux, ou douteux, les juges doivent plutôt absoudre que condamner : parce que dans le doute il vaut mieux laisser un crime impuni que de condamner peut-être un innocent.

[68]  Kenny, « Esquisse du droit criminel anglais », p.411 : La présomption d’innocence est si forte que, pour la renverser, il faut prouver la culpabilité de l’accusé de manière qu’aucun doute raisonnable ne puisse subsister.

[69]  Code annamite de Gia Long (Trad. Philastre), T.I, p.33 : S’il y a doute sur la quantité de l’atteinte, il faut seulement appliquer la peine la plus légère. Note : Le droit chinois admet qu’en cas de doute on doit toujours adopter l’interprétation la plus favorable à l’accusé.

[70]  Vittrant « Théologie morale » (25e éd. p.228 n° 433 7°) : Dans les causes criminelles, n’importe quel doute raisonnable doit se résoudre en faveur de l’accusé.

[71]  Glanville L.Williams , «  Criminal Law » (Londres 1953), p.691 : C’est une règle primordiale que le fardeau de la preuve, dans une poursuite criminelle, pèse sur l’accusation. Bien plus, le degré de la preuve requise se situe à un niveau élevé, car le Tribunal doit être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l’accusé est coupable... Si l’accusation ne fait pas la preuve de sa prétention au-delà de ce doute raisonnable, le jugement doit être rendu en faveur de l’accusé. La philosophie qui sous-tend cette règle est que mieux vaut dix coupables en liberté plutôt qu’un innocent dans la peine.

[72]  Vouin , «  Manuel de droit criminel » (Paris 1949) p.316 : En vertu de l’adage « in dubio pro reo », le doute profite à l’accusé. Si les preuves produites contre lui sont insuffisantes, l’inculpé ne peut être condamné.

[73]  R. et P.Garraud , «  Précis de droit criminel » (15e éd.) p.801 n°378 2° : La règle que le doute profite à l’accusé... ainsi que la série de corollaires qui en découlent, ont été critiquées, comme des procès à rebours, par ceux qui ne voient, dans ces institutions, que des procédés tendant à désarmer la « défense sociale », et qui ne comprennent pas que les garanties de la procédure sont surtout nécessaires pour les honnêtes gens injustement soupçonnés.

[74]  Trib.corr. Neufchâteau 15 mai 1975 (Pas. 1975 II 51) : La version du prévenu n’est pas totalement invraisemblable; il échet dès lors de le faire bénéficier du doute. (Il s’agissait en l’espèce d’un accident n’ayant pas eu de témoin)

[75]  Trib.pol. Vienne 22 avril 2002 va dans le même sens : Le prévenu conteste avoir commis l’infraction qui lui est reprochée. Il produit l’attestation établie par un passager du véhicule lors du contrôle de vitesse. Il ressort de cette attestation que la mesure de la vitesse a été prise alors que le véhicule du prévenu était doublé par une autre voiture. Cette attestation confirme les déclarations du prévenu au service de la gendarmerie le jour des faits. Dans ces circonstances, il n’est pas certain que la vitesse enregistrée par le radar concerne bien le véhicule conduit par le prévenu. Il convient donc de relaxer le prévenu au bénéfice du doute.

[76]  Cass.crim . 17 mai 1939 (Bull.crim. n°115 p.209) : En l’absence de toute constatation des faits de la cause, le seul énoncé d’un doute sur la mauvaise foi du prévenu, dénué de toute justification, ne saurait suffire à motiver une décision de relaxe.

[77]  Cass.crim . 22 juin 1960 (Bull.crim. p.684 n°339) : Si les juges apprécient librement la valeur probante des éléments qui sont soumis à leur appréciation et se décident d’après leur intime conviction, on ne saurait admettre qu’après avoir énuméré des éléments de preuve apparemment décisifs, ils se bornent à affirmer, pour prononcer relaxe, l’existence d’un doute sans en donner aucune justification.

[78]  Cass.crim. 19 mars 1975 (Bull.crim. n°84 p.236) : Attendu que l’insuffisance des motifs équivaut au défaut de motifs; qu’il appartient aux juges correctionnels d’ordonner les mesures d’instruction qu’ils estiment utiles à la manifestation de la vérité et qu’ils constatent avoir été omises;

Attendu que, pour relaxer Dupuy... à qui il était reproché notamment de n’avoir pas fait procéder à un aménagement de l’aire d’arrivée du téléski compatible avec les caractéristiques de cet appareil, la Cour d’appel, qui relève que les consignes d’utilisation établies par le constructeur fixaient, elles-mêmes, à 10% le maximum de déclivité tolérable pour la piste faisant suite à la plate-forme d’arrivée, énonce « qu’il demeure incertain que la piste faisant suite à cette plate-forme ait présenté une déclivité de plus de 10% »;

Mais attendu qu’il appartenait à la Cour d’appel d’ordonner les mesures d’instruction dont elle reconnaissait implicitement qu’elles eussent été utiles à la manifestation de la vérité; que faute d’avoir ordonné lesdites mesures, elle n’a pu légalement faire état, pour relaxer le prévenu de l’incertitude qui lui paraissait exister en faveur de celui-ci; Qu’il suit de là que la cassation est encourue...

[79]  Cass.crim . 21 octobre 1942 (D.A. 1943 4) : Admet une excuse illégale, et méconnaît ses pouvoirs, la Cour d’appel qui s’abstient, sous prétexte d’obscurité, de résoudre un point de droit dont elle reconnaît la pertinence et déclare faire profiter l’inculpé, tant de 1’incertitude où aurait pu se trouver celui-ci que de la sienne propre.

[80]  Legros , Droit naturel et droit pénal (Jour.trib. 1958 381) : On constate le refus catégorique, en cette matière où la liberté de l’homme est en jeu, des solutions choquantes, dissonantes, purement abstraites. Le droit pénal a sa logique, c’est-à-dire un ensemble cohérent de procédés de raisonnement tendant à la recherche de la vérité : interprétation restrictive de la loi répressive, rejet des fictions, prise en considération du langage usuel...

[81]  Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 1929) : Les billets ne sont démonétisés qu’en fin de processus de destruction et non dès la prise, par l’agent compétent, de la décision de les mettre hors circuit et de les détruire.

[82]  Ortolan, « Éléments de droit pénal » (4e éd.) T.I, p.366-367 : Dans un grand nombre de méfaits, le choix des heures où les clartés du jour sont absentes, où règne l’obscurité de la nuit, est une circonstance qui aggrave le danger et augmente l’alarme... La loi pénale positive doit-elle, par présomption de ce qui a lieu le plus souvent, marquer elle-même les heures qui seront censées être celles du jour ou de la nuit, de façon à créer, pour plus de commodité, une sorte de jour légal et une sorte de nuit légale, à la place du jour et de la nuit réelle ? La science rationnelle répond qu’elle doit bien s’en garder... Le phénomène le plus important étant celui du jour ou de la nuit proprement dits, le juge doit apprécier lui-même, en chaque cause, suivant les faits démontrés, dont les principaux seront l’époque et le lieu, si au moment du délit il était nuit ou jour, dans l’acception véritable et vulgaire de ces mots.

[83]  Cass.crim. 5 octobre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 1137) : Le juge d'instruction, saisi par une personne qui, se prétendant victime d'un délit, entend se constituer partie civile, ne peut, par le seul examen abstrait des faits visés par le plaignant, se prononcer, sans instruction préalable, sur le caractère délictuel ou contraventionnel desdits faits… et déclarer la constitution de partie civile irrecevable.

[84]  Cass.crim. 26 juin 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 458), relatif au délit d’exploitation d’information privilégiée : Le caractère privilégié des informations, au sens de ce texte, ne saurait résulter de l’analyse que peut en faire celui qui les reçoit et les utilise, mais doit s’apprécier de manière objective, excluant tout arbitraire et en fonction de leur seul contenu.

[85] Nypels et Servais « Le Code pénal belge interprété » T.IV p.424 : Des textes du Code civil considèrent comme immeubles par destination certains objets mobiliers attachés à un immeuble. C’est une simple fiction et les fictions n’ont pas cours en droit pénal. Un immeuble par destination peut donc faire l’objet d’un vol, quoique le législateur définisse le vol comme la soustraction d’un bien mobilier.

[86]  Code annamite des Lé, art.334 (note tirée du droit chinois) : Si les filles mariées sont sorties de la famille par mariage, si les fils donnés en adoption sont passés comme postérité dans une autre branche de la famille, tous sont encore considérés, au regard de l’inceste, comme s’ils continuaient à appartenir à leur souche d’origine.

[87]  Cabrillac , L’indépendance du droit pénal... (dans « L’autonomie du droit pénal », Paris 1956, p.298-301, n°7 et n°10) : On a dit qu’un titre est un chèque au regard du droit pénal dès lors qu’il en a l’apparence... L’autonomie de la notion de chèque en droit pénal repose sur une justification de pure opportunité, une justification qui se situe beaucoup moins sur le terrain des principes que sur celui des faits.

[88]  Cass.crim . 9 octobre 1940 (Gaz.Pal. 1940 II 164) : Si en raison de l’irrégularité de forme relevée par les juges (acte ne contenant pas la dénomination de chèque), le titre dont il s’agit ne valait pas comme chèque au regard de la loi commerciale, il ne s’ensuit pas nécessairement que ledit titre ne pouvait être considéré comme un chèque en vue de l’application de l’art.66 du décret du 30 octobre 1935, qui réprime l’émission, faite de mauvaise foi, d’un chèque sans provision préalable et disponible.

[89]  Cass.crim . 11 décembre 1968 (Gaz.Pal. 1969  195) : Il appert de l’arrêt attaqué que Liard est le gérant de la SCI de Charonne, propriétaire d’un immeuble portant le n°115 de la rue de Bagnolet à Paris, lequel est susceptible de recevoir 550 véhicules automobiles environ sur des emplacements qui leur ont été réservés; que la Société a inscrit à l’entrée sur la façade « remise de voitures, places à louer »; que les clients trouvent, aux abords dans l’immeuble portant le numéro 117 de la même rue, un magasin de vente d’huile et accessoires pour automobiles et sur le trottoir de l’impasse donnant accès à l’immeuble deux appareils distributeurs d’essence exploités par la Compagnie Française de Raffinage; qu’enfin dans l’immeuble n°115 existe un atelier de réparations de 80 m² utilisé par un artisan mécanicien ainsi que deux fosses pour graissage;

L’arrêt attaqué après avoir constaté que la boutique de vente d’huile et d’accessoires était gérée par le fils du prévenu et que le prévenu a consenti un bail à 1’artisan mécanicien qui exploite, apparemment en toute indépendance l’atelier de réparations, énonce que « l’imbrication facilitée ou réalisée par le prévenu de trois entreprises juridiquement distinctes : remise pour voitures automobiles, atelier de réparations, poste d’essence, a créé une réalité économique telle que, pour l’usager, le garage fonctionne en fait comme public; que le prévenu ne saurait être considéré comme loueur de remise mais comme garagiste et, comme tel, assujetti aux prescriptions de l’ordonnance du 30 juin 1945 »;

La Cour d’appel a ainsi valablement pris en considération les résultats économiques découlant des dispositions matérielles prises par le prévenu pour l’exploitation de son établissement, sans s’en tenir aux précautions juridiques destinées à faire échec aux prescriptions de l’ordonnance du 30 juin l945... Rejette...

[90]  Domat « Les lois civiles dans leur ordre naturel » (1689, Livre préliminaire I-I-19) : Les lois répriment et punissent non seulement ce qui blesse évidemment le sens de leurs termes, mais encore tout ce qui serait fait en fraude de la loi, et pour l’éluder.

[91]  Cass.crim. 6 mai 1997 (Bull.crim. n° 178 p.585) : En restituant à la convention invoquée par le demandeur sa véritable qualification, les juges du fond ont justifié leur décision.

[92]  Cass.crim . 12 nov. 1909 (S.1913 1 285) : Sur le moyen pris de la violation des articles 408 C.pén., 1131, 1133 et 1965 C.civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l’arrêt attaqué a prononcé une condamnation pour abus de confiance contre le demandeur, alors que le contrat de mandat, intervenu entre la victime et lui, était légalement inexistant, parce qu’il avait pour cause une exploitation de jeux, et ne pouvait, dès lors, produire aucun effet civil ni pénal;

Attendu que l’arrêt attaqué déclare que, s’il est constant que le contrat de mandat intervenu entre les parties ne saurait produire d’effets civils, parce qu’il avait pour cause une exploitation de jeux, il n’en est pas moins certain que le prévenu a reçu, pour le compte du plaignant, des sommes d’argent qu’il avait charge de lui remettre et qu’il a détournées;

Attendu qu’aux termes des art.1, 3 et 4 C.inst.crim. l’action publique est indépendante de l’action civile; qu’aucun texte de loi n’en subordonne l’exercice à l’existence d’une action civile au profit de la partie lésée; qu’elle naît et peut être mise en mouvement dans les formes réglées par la loi, dès qu’une infraction à la loi pénale a été commise;

Attendu que, si la cause du mandat était illicite, le prévenu ne peut trouver un motif d’impunité dans le vice du contrat, dès qu’il a frauduleusement violé le mandat au détriment du propriétaire des valeurs détournées; que le fait ainsi commis est précisément celui que l’art. 408 a pour objet de punir;

Attendu, dès lors, que l’arrêt attaqué n’a pas violé... Rejette...

[93]  Cass.crim. 4 novembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I 117/118) : Constitue une prise de fausse qualité le fait, pour un étranger qui a contracté un mariage simulé, de se prévaloir de la qualité de conjoint d’une ressortissante française.

[94]  A.Vitu, « Traité de droit pénal spécial » T.II p.1576 n°1949, à propos de la distinction entre les délits d’injure et de diffamation, qui réside, pour le second, dans la référence à un fait déterminé et précis: La précision du critère de distinction n’est qu’apparente. Certains termes injurieux peuvent parfois se référer à des faits précis, auxquels le prévenu entend se référer expressément : ils constituent alors une véritable diffamation. C’est pourquoi il est indispensable de ne pas isoler l’allégation de son contexte et de se livrer à une appréciation globale de toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques aux faits poursuivis. P.ex. Cass.crim. 18 mai 1954 (Bull.crim. n°312).

[95]  Morin , Répertoire de droit criminel (V° Complicité n°l1) : Le lien d’indivisibilité, résultant du fait même et de la nature des choses, exige un même juge et simultanéité dans les jugements, à moins d’impossibilité absolue.

[96] Cass.crim . 15 juin 1893 (S.1894 I 157) : Non seulement les deux délits ont été commis dans le même trait de temps, dans le même lieu, et inspirés par le même mobile, mais en outre, l’indivisibilité de la défense sur l’ensemble des faits compris dans une seule et même scène commande de les soumettre simultanément à l’appréciation d’un même juge.

[97]  Cour de cassation 13 juin 1968 (Gaz.Pal. 1968 II 246) : Seule la constatation par les juges de l’existence de faits rattachés entre eux par un lien tel que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres, et formant un tout indivisible, peut faire obstacle à des poursuites séparées.

[98]  Cass.crim . 16 déc. 1975 (Bull.crim. n°284 p.749) : Les écrits ou les propos motivant des poursuites pour injure ou diffamation doivent être interprétés sans les détacher de leur contexte.

[99]  Cass.crim . 25 février 1975 (Bull.crim. n°65 p.176) : Des violences exercées par plusieurs personnes sur plusieurs autres peuvent constituer un fait unique sans qu’il y ait eu nécessairement préméditation ou concertation.

[100]  Cass.crim . 10 décembre 1974 (inédit) : La pluralité des actes matériels de même nature accomplis en même temps par plusieurs individus animés d’une même détermination forme une action unique.

[101]  Cass.crim. 15 décembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 1497 et 1496).

Cass.crim. 10 octobre 1990 (Gaz.Pal. 1991 I Chr.crim. 171) parle de soustractions frauduleuses commises au cours d’une même action criminelle, dans le même lieu, au même moment et avec les mêmes circonstances aggravantes.

[102]  Von Liszt « Traité du droit pénal allemand » (Paris 1911, T.I p.201) : L’action a lieu là et au moment où la volonté s’est manifestée.

[103]  Javolenus (Digeste 47, 10, 21) : L’estimation des injures doit se faire en se plaçant, non au temps où l’on juge, mais à l’époque des faits.

[104]  Muyart de Vouglans, «  Les lois criminelles de France », p.278 : Dès qu’une fois le vol se trouve consommé par la soustraction ou l’enlèvement, le repentir et la restitution qu’en ferait le coupable ne suffiraient point pour le mettre à couvert de la poursuite et des peines que la loi y a attaché.

[105]  Montesquieu, « De l’esprit des lois » (L.XXIX, Chap. XV) : Il faut que l’on prenne connaissance de l’action dans le moment qu’elle a été faite; dans le temps où tout parle, l’air, le visage, les passions, le silence, et où chaque parole condamne ou justifie.

[106]  Trébutien, « Cours de droit criminel » (Paris 1854), T.I p.100 : Tous les faits postérieurs à l’exécution et qui en sont distincts, pourront bien prouver le repentir du coupable et être pris en considération comme circonstances atténuantes, mais ils sont insuffisants pour effacer la criminalité : l’action répressive naît au moment où l’infraction vient de se compléter par le dernier acte d’exécution, et les actes postérieurs de l’agent sont impuissants à arrêter son cours.

[107]  H.Martin « Histoire de France » (Préface de la 4e éd.) : On ne doit juger les hommes que relativement au milieu dans lequel ils ont vécu.

[108]  Cass.crim . 2 juin 1986 (Bull.crim. n°188 p.486) : La Cour d’appel s’est placée à juste titre au moment des faits délictueux dont elle était saisie.

[109] Paris 11 mars 1981 (Gaz.Pal. 1981 II somm.291), à propos d’une fausse déclaration lors de la souscription d’un contrat d’assurance: La mauvaise foi s’apprécie au moment de la déclaration du risque.

[110]  Résolution de l’Assemblée nationale et du Sénat, du 20 décembre 1992, dans l’affaire du sang contaminé. Elle comporte la précision suivante : Vu l’état des connaissances scientifiques et médicales au moment des faits.

[111]  Trib.corr. Argentan 3 octobre 1989 (Gaz.Pal. 16 janvier 1993) : Le taux d’alcoolémie doit s’apprécier au moment de l’infraction.

[112]  Cass.crim. 16 décembre 1954 (JCP 1955 II 8658 note Chavanne) : La qualité de la victime d’une diffamation, lorsqu’elle détermine la base des poursuites, s’apprécie au jour de la diffamation.

[113]  Cass.crim. 24 octobre 1957 (Bull.crim. n° 676 p.1221) : Le délit de prise d’intérêt n’existe qu’autant que le fonctionnaire a, au temps de l’acte, l’administration ou la surveillance de l’affaire dans laquelle il a pris intérêt.

[114]  Versailles (Ch. accus.), 7 avril 1998 (D. 2000 somm. 27) : Le point de départ du délai de prescription de l'action publique relative au délit de blessures involontaires ou d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne, au sens de l'art. 222-19 C.pén., peut être fixé non pas au jour du fait délictueux mais à celui où s'est révélée la conséquence dommageable permettant la qualification de l'infraction.

[115]  Cass.crim . 9 juin 1905 (Gaz.Pal. 1905 II 154) : Tout citoyen qui profite d’une inscription multiple pour voter deux fois tombe sous l’application de la loi; il importe peu que les opérations de l’une des assemblées auxquelles il a pris part soient déclarées nulles et considérées comme non avenues; le délit n’en existe pas moins par cela seul qu’il y a eu deux votes émis dans une même élection.

[116]  Cass.crim . 26 juillet 1977 (Bull.crim. n°273 p.684)  La cassation ultérieure de la décision judiciaire civile servant de base à des poursuites pour abandon de famille ne saurait faire disparaître l’infraction constituée.

[117]  Cass.crim. 25 janvier 1995 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 243) : Une mesure de régularisation ne peut avoir pour effet de faire disparaître l’infraction.

[118]  Jeandidier « Droit pénal général » (2e éd. n°219 p.248) : Le repentir actif, qui intervient après la commission de l’infraction, est inopérant.

[119]  Cass.crim . 5 janvier 1994 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 160) : Le délit de publicité de nature à induire en erreur étant instantané, et n’exigeant pas la mauvaise foi de son auteur, une fois la publicité effectuée la publication d’une information rétablissant la réalité est sans effet sur l’existence de l’infraction.

[120]  Cass.crim. 4 avril 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 359) : Le repentir actif de l’employeur n’a pas eu pour effet de faire disparaître une infraction déjà commise.

[121]  Cass.crim. 16 mai 2001 (Bull.crim. n° 125 p.381) : Le paiement, postérieur au détournement de gage, ne fait pas disparaître le délit ni le préjudice en résultant.

[122]  Code de procédure pénale espagnol, art. 326 : Il faut … inclure au dossier le procès-verbal où sera consignée la description du lieu du délit.

[123]  Trib.pol. Namur 17 janvier 1975 : La vue des lieux a démontré que l’aspect extérieur de la route empruntée par le prévenu était celui d’une voie publique. C’est donc à juste titre que le prévenu affirme actuellement en se basant sur les critères objectifs perceptibles pour tous usagers qu’il jouissait de la priorité.

[124]  Exemple (Ouest-France 12 mars 1994) : Transport sur les lieux et voyage dans le temps. Plus de huit ans après, la Cour d’assises de Paris tente de reconstituer la soirée de l’avocat P... Ce qu’avait oublié de faire le juge d’instruction.

[125]  Cass.crim. 3 avril 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 17) : Le président de la Cour d’assises tient de l’art. 310 C.pr.pén. le droit de communiquer, en cours de débats, à l’accusé, à son conseil, au ministère public, aux assesseurs et aux jurés l’album photographique de l’état des lieux et celui de la reconstitution.

[126]  Cass.crim . 11 mai 1982 (Bull.crim. n°118 p.323) : Si, aux termes de l’art. R.27 C.route, tout conducteur doit, à certaines intersections indiquées par une signalisation spéciale, marquer un temps d’arrêt à la limite de la chaussée abordée, et doit ensuite céder le passage aux véhicules circulant sur l’autre route et ne s’y engager qu’après s’être assuré qu’il peut le faire sans danger, les juges ont constaté que le prévenu avait respecté l’ensemble de ces dispositions impératives et absolues et ont pu considérer en l’espèce que la configuration particulière des lieux, dont ils ont souverainement apprécié l’existence et les conséquences, ne lui avait pas permis de terminer une manoeuvre correctement engagée.

[127]  Cass.crim . 25 janvier 1962 (Bull.crim. n°68 p.138) : La porte ayant été ouverte par Me Popie, Peintre surgit, son poignard à la main et en frappa l’avocat a la poitrine, puis le repoussant dans le couloir, lui porta encore des coups répétés de son arme dans la région thoracique et au ventre jusqu’à ce que mort s’ensuive; pendant ce temps, Dauvergne maintenait la victime et s’efforçait d’empêcher ses cris, tandis que la femme Escriva, qui avait assisté à toute la scène, refermait la porte de l’appartement et en bloquait la serrure, pour éviter qu’on pût la rouvrir de l’extérieur. De ces faits il résulte à la charge de la femme Escriva, l’existence d’une participation personnelle, volontaire et directe, en qualité de coauteur, à l’action criminelle dont s’agit.

[128]  Jousse, « Traité de la justice criminelle » (Paris 1771, T.I, p.23) : Celui qui fait le guet pendant que le crime est commis, est regardé comme servant de cause prochaine à l’action du crime ; et doit par conséquent être puni de la même peine que les principaux auteurs de ce crime.

[129]  Cass.crim . 22 décembre 1970 (Bull.crim. n°348 p.850) : Les juges d’appel, pour déclarer la femme Gibeaud coupable de vol, énonce que les trois prévenus avaient pris la décision de détrousser les passants et que, pendant que ses compagnons commettaient les vols, la femme Gibeaud, à quelques mètres de là, surveillait les alentours. Il est ainsi établi qu’elle participait à l’action.

[130]  Cass.crim . 25 janv. 1973 (Gaz.Pal. 1973 I somm.94) : Le prévenu ayant arrêté son véhicule en un point idéal pour contrôler les voies d’accès et de dégagement, donner l’alerte et permettre une retraite sûre, s’est comporté comme un coauteur.

[131]  Code pénal yougoslave de 1951. Art. 15 1° : Une infraction est commise tant au lieu où l’auteur a agi ou aurait dû agir qu’à l’endroit où l’infraction a produit son effet.

[132]  Cass.crim. 5 décembre 2001 (Gaz.Pal. Table 2002 v° Presse n° 67) : Le délit de diffamation perpétré par la voie de la presse écrite est réputé commis partout où l'écrit a été publié, distribué, ou mis en vente ; la diffamation réalisée par la voie de la télévision est accomplie en tous lieux où les émissions de télévision ont pu être reçues.

[133]  Huet et Koering-Joulin « Droit pénal international » (2e éd., 2001, p.197 n° 131) : L’art. 113-2 al.2 C.pr.pén. dispose : « L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire » … La jurisprudence a vu dans cette notion de « fait constitutif » une référence implicite à la théorie dite de l’ubiquité qui localise indifféremment une infraction au lieu de la survenance de son fait générateur ou en celui de son résultat.

[134]  Dupin aîné (plaidoirie pour Béranger) : Quand on attaque un auteur, il ne faut pas prendre un passage isolé de ses œuvres, il faut chercher sa doctrine dans tout son livre.

[135]  Code pénal de Brumaire an IV. Art. 234 : Le directeur du jury ne peut, à peine de nullité, diviser en plusieurs actes d'accusation, à l'égard d'un seul et même individu, soit les différentes branches et circonstances d'un même délit, soit les délits connexes, dont les pièces se trouvent en même temps produites devant lui.

[136]  Cass.crim. 16 décembre 1975 (Bull.crim. n° 284 p.749) : Les écrits ou les propos motivant des poursuites pour injure ou diffamation doivent être interprétés sans les détacher de leur contexte … par suite une certaine outrance dans l’expression de la pensée peut être parfois admise.

[137]  Roux, « Cours de droit criminel » (2e éd.) T.I p.98 : Sens des mots « action, acte et fait ». Ordinairement, ces trois expressions sont prises comme synonymes, sans qu’on leur donne un sens précis particulier. Cependant, il peut être quelquefois utile de leur donner leur signification propre: il en est ainsi dans les infractions complexes. C’est ainsi que le terme action exprime plus spécialement la manifestation de la volonté criminelle. L’action a son unité dans la volonté qu’elle représente, et qu’elle réalise extérieurement. En ce sens, elle peut être constituée par un ou plusieurs actes, sans perdre pour cette cause son unité, qui est d’ordre psychologique.

[138]  Cass.crim . 22 juillet 1969 (Gaz.Pal .1969 II 364) : La Cour d’appel a arbitrairement dissocié l’événement final, d’une série de faits dont il était la conclusion, et dont elle établissait le caractère intentionnel

[139]  Cass.crim . 4 avril 1978 (Bull.crim. n°125 p.321) : Les juges énoncent à bon droit que la menace de poursuites judiciaires reprochée au prévenu doit s’interpréter en fonction de la psychologie de celui qui en est l’objet.

[140]  Trib.corr. Paris 9 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 I 182) : L’analyse du juge doit prendre en considération l’ensemble du passage incriminé, comme formant un tout indivisible, et ne pas isoler tel ou tel membre de phrase, comme le suggère la défense du prévenu.

[141]  Cass.crim . 24 juillet 1974 (Gaz.Pal. 1974 II somm.289) : L’intention homicide peut s’induire de la circonstance que l’auteur des coups et blessures a fait usage d’une arme dangereuse et frappé la victime sur tout le corps.

[142]  Trousse , « Novelles de droit pénal belge » T.I (2), 1962, n°3210 : Lorsqu’il y a plusieurs actes externes qui ont été acheminés à leur fin normale et qui sont réprimés comme tels par la loi, il peut n’y avoir qu’un fait pénal unique parce que la succession des actes individualisés est ramenée à l’unité par l’intention unique qui y préside. Chacun de ces actes prend une place déterminée dans l’ensemble voulu par l’homme pour réaliser sa fin.

[143]  Cass.crim. 18 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 52) : Les trois soustractions frauduleuses ont été commises au cours d’une même action criminelle, dans le même lieu, au même moment et avec la même circonstance aggravante ; ainsi, bien que réalisées au préjudice de personnes différentes, elles pouvaient faire l’objet d’une question unique.

[144]  Mommsen, «  Le droit pénal romain » (Paris 1907) T.III p.49 : En cas de coopération de plusieurs personnes, il n’est pas nécessaire que l’acte de chacune présente tous les caractères du délit, pourvu que ces caractères se rencontrent dans l’opération d’ensemble.

[145]  Cass.crim . 7 avril 1986 (arrêt n°85-91.884) : Caractérisent l’existence de la légitime défense les juges qui, pour relaxer  L… et débouter la partie civile de son action, compte tenu du déroulement global des faits et dans le contexte de la scène, ont estimé que, après la chute de ses lunettes et devant un geste de son fils, il a pu légitimement riposter en brandissant en sa direction, pour le repousser, le crucifix qu’il tenait à la main.

[146]  T.G.I. Bourges 7 février 1989 (Gaz.Pal. 1989 II somm. 522) : Le dividende perçu par l'actionnaire à l'échéance d'un exercice comptable constitue indiscutablement un fruit au sens juridique de ce terme.

[147]  Puech « Droit pénal général », 1988, n°508 : En droit positif l’habitude est un état psychologique : un penchant qui s’est transformé en une disposition acquise.

[148]  Cass. belge 20 mars 1947 (Pas. 1947 I 237) : Les faits ne doivent pas être nécessairement au minimum de trois.

[149]  Cass.crim. 11 janvier 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 79) : Selon l’art. 425 4° de la loi du 24 juillet 1966, s’il n’est pas justifié qu’ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte par un dirigeant social l’ont nécessairement été dans son intérêt personnel.

[150]  Cass.crim. 27 octobre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 1129) : Le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, qu'à partir du jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice des poursuites.

[151]  Levasseur, Chavanne et Montreuil, «  Droit pénal général et procédure pénale » (8e éd., ) p.25 : L’infraction instantanée est celle qui se réalise en une période de temps pratiquement négligeable : vol, meurtre. Cela ne veut pas dire qu’une telle infraction n’exige pas parfois une longue préparation; elle se trouve néanmoins consommée en un instant. Les infractions continues (que l’on appelle encore successives) sont celles qui se prolongent dans le temps par une réitération constante de la volonté du coupable après l’acte volontaire initial. Ce sera, par exemple, le cas de la non-représentation d’enfant. L’infraction continuée constitue une catégorie intermédiaire. C’est la réitération d’une série d’infractions instantanées de même nature, liées entre elles par une intention unique : le vol d’électricité par branchement clandestin. En raison de l’unité d’intention, la jurisprudence soumet ces infractions continuées au régime des infractions continues.

[152]  Cuche, « Précis de droit criminel » (6e éd. Paris 1936) n°23 : Le délit instantané est celui qui résulte immédiatement de tel acte ou de telle abstention. Exemple : le vol. Le délit continu est une situation ou un état de choses prohibés par la loi pénale, créés et prolongés volontairement par le délinquant. Exemple: le port illégal de décorations, le recel des choses volées, la séquestration. Le même fait peut, suivant les circonstances, être délit instantané ou continu. C’est ainsi que le vol, habituellement délit instantané, devient délit continu quand il s’agit d’un vol d’eau, de gaz, ou d’électricité.

[153]  Cass.crim . 16 déc. 1964 (Bull.crim. n°339 p.714) : L’infraction d’affichage publicitaire illicite s’accomplit instantanément, indépendamment de la permanence de ses effets; l’arrêt n’ayant pas établi que l’apposition des panneaux litigieux a eu lieu depuis temps non prescrit, la condamnation prononcée manque de base légale.

[154]  Cass.crim. 4 mai 2000 (Bull.crim. n° 178 p.520) : L’évasion d’un condamné qui ne réintègre pas l’établissement pénitentiaire à l’issue d’une permission de sortir constitue un délit instantané.

[155]  Decocq, « Droit pénal général » (Paris 1971), p.165 : Le régime des infractions continues procède de l’idée qu’elles sont en cours de perpétration tant que la conduite incriminée n’a pas cessé.

a) En conséquence, leur temps ne se limite pas au moment où le comportement délictueux a commencé. Il s’étend à toute la durée de celui-ci. Il en résulte que la prescription de l’action publique ne commence pas à courir tant que persiste l’acte ou l’abstention. De même, tant que le comportement se perpétue, les lois d’amnistie lui sont inapplicables, les lois nouvelles plus sévères la saisissent, et les condamnations définitives déjà prononcées de ce chef ne sont pas revêtues de l’autorité négative de la chose jugée (ainsi en matière de non-représentation d’enfant).

b) Les infractions continues sont susceptibles d’une localisation multiple: leur lieu est tout endroit où la conduite incriminée s’est manifestée. En procédure pénale interne, toutes les juridictions dans le ressort desquelles l’infraction s’est un temps déroulée sont compétentes.

[156]  Cass.crim . 23 nov. 1960 (Bull.crim. n°542 p.1061) : La contravention qui consiste dans l’inexécution de certains travaux ou de certaines obligations de faire incombant à un lotisseur présente, par sa nature, le caractère d’une infraction successive et se renouvelle tant qu’il n’a pas été satisfait aux prescriptions réglementaires.

[157]  Cass.crim . 11 février 1971 (Bull.crim. n°52 p.131) : Aux termes de l’art.84 C.urbanisme, quiconque désire entreprendre une construction, à usage d’habitation ou non, doit au préalable obtenir un permis de construire; l’infraction audit article s’accomplit pendant tout le temps où les travaux sont exécutés; sa perpétration s’étend donc jusqu’à l’achèvement des travaux.

[158]  Cass.crim. 17 avril 1989 (Gaz.Pal. 1989 II 594) : La détention irrégulière d’avoirs à l’étranger par un résident est une infraction continue dont la prescription commence à courir du jour où la détention a pris fin.

[159]  Cass.crim . 23 avril 1970 (Gaz.Pal. 1970 11 28) : Le refus de réintégration d’un membre du comité d’entreprise dont le licenciement a été refusé par l’inspecteur du travail constitue une infraction continue.

[160]  Cass.crim. 5 février 1963 (Bull.crim. n°65 p.134): Aux termes de l’art.340 C.pén. en vigueur au Sénégal, le délit de bigamie est consommé et la peine est encourue au moment même où le second mariage a été contracté avant la dissolution du premier; il en résulte que le délai de prescription dudit délit commence à courir à compter du jour du second mariage; ainsi, c’est à bon droit que l’arrêt attaqué a déclaré que le délit, s’il était établi, serait prescrit.

[161]  Cass.crim . 15 avril 1848 (S.1848 I 670): D’après les termes de l’art.175 C.pén., le délit d’ingérence est consommé du moment qu’a été conclue la convention illicite par laquelle le fonctionnaire public a pris ou reçu un intérêt dans une affaire qu’il était appelé par ses fonctions à administrer ou à surveiller; la durée plus ou moins longue des effets que produit ce délit, des avantages qu’il peut procurer, ne saurait lui donner un caractère successif, ni changer le point de départ de la prescription; en conséquence, en déclarant le délit prescrit, par le motif que plus de trois années s’étaient écoulées sans poursuites depuis les adjudications incriminées, le tribunal correctionnel s’est conformé à la loi.