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LA THÉORIE DE LA CAUSALITÉ

Extrait du
« Manuel de droit pénal général complémentaire »
de Roger MERLE ( Paris 1957, p.170 )

La théorie de la causalité apparaît
comme l’une des plus délicates auxquelles les juges
puissent se trouver confrontés lors de
l’opération de qualification des faits.

D’où l’intérêt de l’étude ci-dessous,
qui traite clairement le problème.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue
que la question ne se pose guère
que sur le terrain des infractions involontaires,
faisant figure d’exceptions en droit criminel.
En effet ce dernier vise principalement
des délits d’intention, où le lien établi entre
la matérialité et la moralité de l’acte
suffit à établir que ce dernier emportait telle fin.

CRITÈRE DE LA RELATION CAUSALE
DANS LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

La nécessité de poser un critère de la relation causale se fait sentir surtout en présence d’un concours de causes, c’est-à-dire dans les hypothèses où l’acte pénal n’est pas le seul facteur possible du résultat.

Un exemple, volontairement compliqué, fait comprendre la difficulté du problème : un homme se promène en ville accompagné de son chien qu’au mépris des règlements il ne tient pas en laisse ; aux abords d’un carrefour le chien, effrayé par le geste brutal d’un enfant à son égard, traverse brusquement la chaussée, surprend le conducteur d’une automobile, qui, ne tenant pas sa droite et roulant à vive allure, donne un coup de volant malencontreux et renverse un piéton qui venait de s’engager sur le côté gauche de la chaussée, alors qu’il n’avait pas le passage ; ce piéton, blessé, décède à l’hôpital des suites d’une infection anormale consécutive à l’opération nécessitée par son état. Dans l’enchaînement des causes de ce décès on relève : la faute du maître du chien, le fait de l’enfant, le fait du chien, trois fautes de l’automobiliste, une faute de la victime, et peut-être une faute du chirurgien. Parmi toutes ces fautes, laquelle a été suffisamment causale pour que l’homicide par imprudence puisse être imputé à son auteur ? Existe-t-il sur le terrain de la causalité plusieurs infractions d’homicide par imprudence, ou une seule, ou aucune ? Pour répondre à cette question, il faut adopter un critère de la relation causale et l’appliquer aux faits.

§ 1 THÉORIE JURIDIQUE

Les plus célèbres conceptions doctrinales de la causalité doivent être exposées ici en fonction de leur application au droit pénal.

A) L’ACTE PÉNAL COMME CONDITION
SINE QUA NON DU RÉSULTAT

Ce premier critère, proposé à la fin du siècle dernier par la doctrine allemande (par von Buri, notamment), est extrêmement simple. Il suffit de répondre à cette question : l’acte pénal a-t-il été la condition sine qua non du résultat ? Autrement dit : en l’absence de l’acte pénal le résultat se serait-il produit de la même manière? Dans la négative, il faudra considérer le lien de causalité connue établi entre le résultat et l’acte pénal.

Dans l’espèce décrite plus haut, par exemple, on pourra dire que la faute commise initialement par le maître du chien a été la condition sine qua non du décès du piéton, car si le chien avait été tenu en laisse, conformément aux règlements, il n’aurait pas fait irruption sur la chaussée et l’automobiliste n’aurait certainement pas dévié de sa route au point de heurter le piéton qui venait à peine de descendre du trottoir.

On pourra objecter, il est vrai, qu’à côté de la faute du maître du chien, d’autres fautes commises par des tiers ont également joué le rôle de conditions sine qua non du décès du piéton (faute de l’enfant, faute de l’automobiliste, faute de la victime, faute du chirurgien). Mais peu importe, car chacune des diverses conditions sine qua non qui se sont conjuguées a été individuellement nécessaire à la réalisation du dommage. Chacune de ces conditions est donc équivalente aux autres, et le résultat lui est indivisiblement imputable dans sa totalité. De sorte que le délit d’homicide par imprudence se trouve suffisamment constitué à la charge du maître du chien, même si ce délit peut être parallèlement reproché à d’autres personnes.

On reconnaît là le fameux postulat de l’équivalence des conditions dont le défaut majeur aux yeux des civilistes est qu’il « ne permet aucune distinction selon la plus ou moins grande efficacité, la plus ou moins grande proximité des causes retenues » (G. Marty, Rev.trim.dr.civ. 1939 p.691). Il place, en effet, sur le même plan l’occasion du résultat et la cause proprement dite.

Un exemple emprunté à la jurisprudence allemande fait saillir cette confusion d’une manière saisissante : un homme dépose au vestiaire d’un théâtre son pardessus dont une poche contient un revolver chargé ; le revolver étant tombé par terre un ouvreur s’en empare, tire sur un spectateur et le tue ; le propriétaire du pardessus est condamné pour homicide par imprudence (v. Hosni, p. 153).

Cette conception s’accorde néanmoins assez bien avec l’atmosphère du droit pénal qui tolère une relation causale assez lâche : en matière d’infractions intentionnelles, par exemple, la responsabilité nait d’une simple « participation » matérielle au délit, quel que soit le degré de celle-ci. Voir les réflexions de G. Marty (Annales de la Faculté de Toulouse. p.18), sur le fonctionnement relativement aisé de la théorie de l’équivalence des conditions dans les régimes de responsabilité à base de faute.

Certains auteurs (Traeger, Thyren) ont cherché à tempérer la trop grande souplesse de ce système en distinguant parmi les conditions sine qua non celles qui sont « juridiquement relevantes » et celles qui sont » juridiquement irrelevantes ». Ils constatent que le nombre des conditions sine qua non est d’autant plus grand que l’on considère le résultat sous sa forme concrète, c’est-à-dire avec toutes ses particularités de fait (temps, lieu, âge, qualité, sexe de la victime, etc.). Or, un grand nombre de ces circonstances de fait n’ont aucune incidence sur la qualifi-cation juridique du résultat. Il faut donc les éliminer et retenir seulement celles qui se rattachent à la définition légale du résultat.

Mais ces théories, qui annoncent la recherche d’une « causalité adéquate » et s’éloignent par conséquent de l’équivalence des conditions, méconnaissent par ailleurs le problème causal, car celui-ci ne peut être résolu en faisant abstraction du contexte concret du résultat (v. Hosni. p.110 et s.).

B) L’ACTE PÉNAL COMME CONDITION
PARTICULIÈREMENT DÉTERMINANTE DU RÉSULTAT

L’idée de condition sine qua non est, en réalité, commune à toutes les théories de la causalité. Mais, tandis que la théorie précédente considère n’importe quelle condition sine qua non comme suffisante à l’existence du rapport causal, les autres théories font un tri entre les diverses conditions certaines, en fonction de leur plus ou moins grande force causale. Seules sont alors prises en considération les conditions qui ont été spécialement déterminantes du résultat.

Dans cette recherche de la causalité majeure, on rencontre une assez grande multiplicité de critères, depuis la théorie anglaise du conditionnement « immédiat et prochain » jusqu’à la conception allemande du conditionnement adéquat ».

a) L’acte pénal comme condition prochaine et immédiate du résultat

Certains auteurs anglais (Francis Bacon) ont proposé de négliger les causes trop éloignées du résultat (too remote) et de ne tenir compte que des plus proches (proximate cause) en relation directe et immédiate avec le dommage. De sorte que pour engager la responsabilité pénale de son auteur, la faute devra figurer parmi les causes prochaines, immédiates et directes du dommage.

Ce critère qui trouve un écho en matière de responsabilité civile contractuelle dans l’art. 1151 du Code civil français, a eu peu de succès en droit criminel car il est vraiment trop restrictif de la causalité.

La théorie de l’Allemand Ortmann est très analogue : il propose de ne tenir compte que de la dernière condition qui a précédé le résultat.

b) L’acte comme condition dynamique du résultat

D’après un autre courant de la doctrine anglo-saxonne, il conviendrait plutôt de distinguer les conditions qui se présentent sous la forme d’un mouvement et les conditions qui se présentent sous la forme d’un état stable et inerte. Les premières seules accomplissent véritablement un changement dans le monde extérieur le résultat délictueux est leur œuvre, les secondes ayant eu simplement pour effet de le favoriser. Ernst Mayer donne cet exemple : Pierre occasionne imprudemment une blessure à Jacques qui, étant cardiaque, décède à la suite de l’accident. Ce décès est dû à deux causes : une cause dynamique, modificatrice de l’intégrité corporelle de la victime (l’acte de Pierre), et une cause statique (l’état de santé de Jacques).

Ce critère, qui préfigurait dans une certaine mesure l’ancienne distinction civiliste des choses inertes et des choses actives, est en fait difficilement utilisable, car il conduit logiquement à l’impunité de la faute d’abstention : voici par exemple un garde-barrière qui omet de fermer le passage à niveau à l’heure de l’arrivée du train ; une première automobile, suivie de très près par une seconde, s’engage sur la voie, « cale » son moteur juste au moment où elle a rejoint le tronçon de route opposé, empêche ainsi l’autre voiture de se dégager de la voie et d’éviter d’être broyée par le train qui survient à cet instant. Si l’on suivait la théorie du conditionnement dynamique, il faudrait négliger la responsabilité du gardien, la faute de celui-ci n’ayant joué dans l’accident qu’un rôle statique...

Sur cette théorie voir : Hosni, p. 242 et s. ; Mayer, Horn et Kühles.

c) L’acte pénal, comme condition adéquate du résultat

Parmi toutes les théories qui se flattent de déceler la cause prépondérante la théorie de la causalité adéquate est la plus scientifique.

Il faut se livrer à ce que Rumelin appelait un « pronostic objectif rétrospectif » : à partir du dommage, on remonte jusqu’aux diverses conditions sine qua non qui se sont succédé, on élimine tous les antécédents qui n’étaient pas en eux-mêmes normalement adaptés à la production du résultat, et on retient celui ou ceux qui paraissent au contraire parfaitement adéquats. Le critère de l’antécédent adéquat est d’ordre expérimental, voire même statistique. Est-ce que, d’après le cours habituel des choses, tel fait, telle circonstance, tel acte humain est normalement générateur d’un tel résultat ? Tel fait naturel, tel acte humain qui figure dans la chaîne des conditions sine qua non du dommage renferme-t-il en lui-même la possibilité objective de produire cette conséquence dans la plupart des cas ? L’acte pénal ne sera considéré comme cause du résultat que s’il répond à ces caractéristiques.

Quelques exemples : un automobiliste renverse un piéton qui, grièvement blessé, est transporté à l’hôpital ; l’hôpital brûle et le piéton meurt dans l’incendie ; il n’existe aucune relation adéquate entre l’acte imprudent de l’automobiliste et la mort de sa victime dans un incendie. Autre exemple le mécanicien chargé de vérifier le moteur d’un avion néglige de réparer une pièce essentielle : en vol, le moteur de l’avion prend feu ; le pilote trop optimiste refuse de faire demi-tour alors qu’il était encore temps pour lui d’atterrir sans dommage pour les passagers ; l’avion explose et s’écrase au sol : malgré la faute du pilote, la négligence du mécanicien renfermait en elle-même la possibilité objective du désastre final, elle peut donc être considérée comme cause de l’accident.

Ce critère conduit au fond à rechercher rétrospectivement le degré de prévisibilité de l’accident par rapport à chaque antécédent. Or, lorsque l’on se place sur le terrain de la prévision on est déjà tout près de la faute. On peut donc se demander si l’on ne résout pas faussement le problème matériel de la causalité par la recherche pure et simple d’une qualité particulière de la faute : l’agent a commis une négligence, une imprudence ou une inobservation des règlements et il en supportera la responsabilité chaque fois qu’il pouvait en prévoir les conséquences ?

Cette objection n’est cependant pertinente que vis-à-vis de certaines variantes de la causalité adéquate (von Kries) qui raisonnent d’après ce qui a été prévu ou devrait l’être par l’agent au moment de l’acte. Elle est inopérante en ce qui concerne la causalité adéquate objective car le « pronostic objectif rétrospectif » ne tient compte que de la force causale interne de l’acte lui-même telle qu’elle apparaît à la lumière de l’expérience (voi : G. Marty, Annales Faculté de Toulouse, T. II, p. 20).

Sur les conceptions du droit soviétique, très proches en définitive de la causalité adéquate ; voir : Fridirieff, Rev.sc.crim. 1932, p. 315 et s.

§ 2 PRATIQUE JUDICIAIRE

Il serait en vérité bien vain de prétendre résoudre tous les cas d’espèce en appliquant systématiquement l’un des critères décrits ci-dessus. Aucun n’est à l’abri de la critique ; tous sont exposés à heurter le bon sens en présence d’un cas limite déconcertant qui fait apparaître en pleine lumière leurs imperfections respectives. L’étude de la jurisprudence dévoile cette « grande illusion des théories de la causalité » (Joly, Rev.tr.dr.civ. 1942, p. 268).

On ne trouve dans la jurisprudence pénale qu’une seule allusion précise à l’un des critères doctrinaux : celui de la causalité prochaine et immédiate. Mais si les arrêts et jugements s’y réfèrent, c’est pour le rejeter catégoriquement, et non pour l’adopter : « Attendu que si les art 319 et 320 du Code pénal punissent quiconque par maladresse, imprudence, négligence ou inobservation des règlements, aura été involontairement la cause d’un homicide ou de blessures, ils n’exigent pas que cette cause soit directe et immédiate… ».

Voir par exemple : Cass. crim. 18 novembre 1927 (S. 1928 I 192), et Cass.crim. 27 janvier 1944 (Gaz.Pal. 1944.1.82).

Bien au contraire, on va le voir, les tribunaux retiennent souvent des causes très lointaines et très indirectes. Cass.crim. 18 novembre 1927 (S. 1928 I 192) ; Cass.crim. 27 janvier 1944 (Gaz.Pal. 1944 I 182) ; Cass.crim. 10 juillet 1952 (D. 1952.618) ; Cass.crim. 3 novembre 1955 (D. 1956 25) ; Cass.crim. 10 octobre 1956 (D. 1957 163). Voir cependant un arrêt dissident de Rouen, 2 mars 1953 (D. 1953 somm. 78) qui exige une relation« directe et certaine » de cause à effet.

Cette formule négative résume toute la doctrine de la Cour de cassation qui s’abrite derrière elle pour justifier sans autre précision la relation causale qu’elle constate dans tel ou tel cas.

Sans doute est-il possible à l’interprète de rattacher quelques-unes de ces décisions soit à la théorie de la causalité adéquate, soit plus souvent à celle de l’équivalence des conditions.

Voici d’abord quelques arrêts à propos desquels on peut sans effort invoquer la causalité adéquate : l’architecte qui a construit une voûte trop fragile est cause du décès d’un tiers, malgré l’imprudence de celui-ci (Cass.crim. 25 novembre 1875, D. 1876 I 461) ; un automobiliste est cause du décès du cycliste imprudent qui roulait à gauche si, après avoir tenté de lui faire prendre sa droite, il a tenté de le dépasser à droite (Cass.crim. 29 novembre 1928, S. 1930I 156) ; un ouvrier est tué par une charge qui s’est détachée du crochet de relevage d’un pont roulant dont il a assuré imprudemment la manœuvre en se plaçant sous le fardeau : le chef d’entreprise est coupable d’homicide par imprudence car le crochet de suspension n’était pas conforme au modèle imposé par la réglementation en vigueur pour éviter le décrochage accidentel des fardeaux (Cass.crim. 15 novembre 1955, D. 1956 25). Voir aussi Paris, 21 janvier 1957 (JCP. 1957 II 9950).

Mais ces décisions sont peu probantes car elles peuvent tout aussi bien être expliquées par l’équivalence des conditions. Pour affirmer avec certitude que la Cour suprême s’est ralliée à ce critère il faudrait citer surtout des décisions dans lesquelles elle nierait l’existence de la relation causale et qui ne pourraient être expliquées que par le défaut d’un conditionnement adéquat. Or telles décisions sont rarissimes (voir. Trib. corr. Privas 22 juin 1928 (Gaz.Pal. 1928 II )531 ; Trib. corr. Lisieux 26 février 1937 (DH. 1937 261). La cour suprême a plutôt tendance à admettre très largement l’existence de la relation causale, conformément à la théorie de l’équivalence des conditions.

Les témoignages de cette attitude sont multiples : (principalement dans des hy-pothèses où les arrêts n’accordent aucune importance à la faute de la victime) ;« il importe peu que la victime de l’accident ait elle-même commis une imprudence sans laquelle la collision ne se serait pas produite », Cass.crim. 29 novembre 1928 (S. 1930 I156). Le conducteur d’une voiture à cheval abandonne sur la voie publique son attelage sans mettre le frein ; le cheval prend peur, descend la rue à toute allure, renverse un piéton qui tentait imprudemment de l’arrêter et le tue : condamnation du conducteur (Cass.crim. 6 août 1903, S. 1905 1 377, note Roux) : un pharmacien vend à un client un liquide caustique et corrosif, le client, après absorption du liquide, souffre d’un gonflement de la bouche qui nécessite une trachéotomie à la suite de laquelle une plaie se forme au cou du patient qui décède : condamnation du pharmacien (Cass.crim. 23 juin 1904, S. 1906 1 247) ; un chien en divagation mord au mollet un homme vêtu d’un pantalon sale qui meurt trois jours plus tard du tétanos, condamnation du propriétaire du chien (Cass.crim. 18 novembre 1927, S. 1928 1 192 ; voir aussi, à propos d’un chien qui occasionne un accident de la circulation, Trib.corr. Jonzac 19 décembre 1950, D. 1951 72) : un homme est blessé par une automobile, subit une opération de réduction de fracture de la hanche pratiquée d’abord sans anesthésie, puis sous anesthésie, et meurt au cours d’une syncope ; la Chambre criminelle laisse entendre que l’automobiliste est responsable dès l’instant que l’opération était nécessitée par l’état du blessé (Cass.crim. 10 juillet 1952, JCP 1952.11.7272, note Cornu).

Au cours d’une partie de chasse un chasseur tire en l’air pour alerter ses compagnons au bord d’une route jalonnée de câbles électriques à haute tension ; sous l’influence du coup de feu un câble est sectionné, tombe à terre et provoque l’électrocution d’un autre chasseur qui avait été attiré par l’incendie allumé par le fil ; condamnation du premier chasseur pour homicide par imprudence (Cass.crim. 10 octobre 1956, D. 1957 163).

Mais l’équivalence des conditions ne suffit pas toujours à expliquer tous les arrêts ; car la Cour de cassation va parfois au-delà : au cours d’un feu d’artifice communal une spectatrice est tuée par la projection d’une fusée dont le maniement a été défectueux ; l’armurier qui a vendu l’engin est déclaré responsable du décès parce qu’il a commis la faute de ne pas remettre à son acheteur la note explicative qui accompagne le plus souvent cette marchandise et de lui donner des explications orales erronées ; cette imprudence est retenue car « elle a contribué » à l’accident (Cass.crim. 12 décembre 1952, D. 1953.166) ; mais avait-elle joué réellement le rôle de condition sine qua non ? Voir aussi Cass.crim. 15 novembre 1928, D.P. 1932 1 56. (Voici en revanche une espèce où l’acte de l’inculpé n’est pas retenu car il n’était pas condition sine qua non : un enfant est renversé par une automobile dont le conducteur n’a pas commis d’autre faute que de circuler sans être titulaire du permis de conduire ; relaxe du conducteur (Cass.crim. 25 novembre 1916, S. 1917 1 97).

En réalité la jurisprudence répressive s’attache beaucoup plus à la faute qu’à la causalité objective. Dès qu’une faute figure parmi les antécédents du dommage elle a tendance à la sanctionner pourvu simplement qu’elle ait joué un rôle quelconque dans l’enchaînement des causes génératrices de résultat. Ce mépris relatif du côté objectif des choses est la marque du droit pénal contemporain.

Sur cette tendance à chercher la faute par le biais de la notion de prévisibilité subjective : Cornu, note au JCP, 1952 II 7272 ; voir aussi Cass.crim. 14 novembre 1890 (Bull.Crim. n° 189) ; Cass.crim. 11 août 1905 (S. 1905 1 429) : une institutrice d'école maternelle est déclarée responsable du décès d'un élève qui a mis le feu à ses vêtements en jouant avec des allumettes ; Trib. Corr. Seine 31 mai 1956 (D. 1956 766, note Gollety).

La jurisprudence pénale sur le rapport causal en matière d'accidents corporels doit être confrontée avec la jurisprudence civile. Cette dernière est beaucoup plus près de la causalité adéquate.

Signe de fin