Page d'accueil>Table des rubriques>La science criminelle>Pénalistes> La loi pénale>Généralités>Domat : Les deux principes fondamentaux des lois

JEAN DOMAT,
EXTRAIT DE L’INTRODUCTION
AU « TRAITÉ DES LOIS »

( « Traité des lois civiles prises dans leur ordre naturel », Paris 1689 )

La religion chrétienne nous découvre quels sont les premiers principes que Dieu a établis pour les fondements de l’ordre de la société des hommes, et qui sont les sources de toutes les règles de la justice et de l’équité.

Mais, quoique ces principes ne nous soient connus que par les lumières de la religion, elle nous les fait voir dans notre nature même avec tant de clarté, qu’on voit que l’homme ne les ignore que parce qu’il s’ignore lui-même, et qu’ainsi rien n’est plus étonnant que l’aveuglement qui lui en ôte la vue.

Comme il n’y a rien de plus nécessaire dans les sciences, que d’en posséder les premiers principes, et qu’en chacune on commence par établir les siens, et par y donner le jour qui met en vue leur vérité et leur certitude, pour servir de fondement à tout le détail qui doit en dépendre, il est important de considérer quels sont ceux des lois, pour connaître quelles sont la nature et la fermeté des règles qui en dépendent. Et on jugera du caractère de la certitude de ces principes par la double impression que doivent faire sur notre esprit des vérités que Dieu nous enseigne par la religion, et qu’il nous fait sentir par notre raison : de sorte qu’on peut dire que les premiers principes des lois ont un caractère de vérité qui touche et persuade plus que celle des principes des autres sciences humaines. Au lieu que les principes des autres sciences, et le détail des vérités qui en dépendent, ne sont que l’objet de l’esprit et non pas du cœur, et n’entrent pas même dans tous les esprits, les premiers principes des lois, et le détail des règles essentielles à ces principes, ont un caractère de vérité qui touche également l’esprit et le cœur. Ainsi, l’homme entier en est plus pénétré et plus fortement persuadé que des vérités et toutes les autres sciences humaines.

Il n’y a personnes, par exemple, qui ne sente, et par l’esprit et par le cœur, qu’il n’est pas permis de tuer ou de voler les autres, et qui ne soit plus pleinement persuadé de ces vérités qu’on ne saurait l’être d’un théorème de géométrie. Cependant ces vérités mêmes, que l’homicide et le vol sont illicites, tout évidentes qu’elles sont, n’ont pas le caractère d’une certitude égale à celle des premiers principes d’où elles dépendent ; puisqu’au lieu que ces principes sont des règles dont il n’y a pas de dispense ni d’exception, celles-ci sont sujettes à des exceptions et à des dispenses : car, par exemple, les Hébreux prirent sans crime les richesses des Égyptiens par l’ordre du maître de l’univers, qui les leur donna.

On ne peur prendre une voie plus simple et plus sûre pour découvrir les premiers principes des lois, qu’en supposant deux premières vérités, qui ne sont que de simples définitions : l’une, que les lois de l’homme ne sont autre chose que les règles de sa conduite ; et l’autre, que cette conduite n’est autre chose que les démarches de l’homme vers sa fin… être d’une nature capable de connaître, d’aimer et de participer à la béatitude de Dieu.

Signe de fin