Page d'accueil > Table des rubriques > La science criminelle > Pénalistes > Introduction générale > A. Prins, Développement historique du droit pénal

DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE
DU DROIT PÉNAL

par Adolphe PRINS
( Extrait de « Science pénale et droit positif », Bruxelles - Paris 1899 )

A. Prins fut un théoricien non détaché de la pratique ;
il appartenait à cette grande école doctrinale
qui a fortement contribué à la formation de la Belgique.

Son introduction historique au droit pénal
retient l’attention du lecteur à un double titre :
d’abord parce qu’elle est le fruit d’une connaissance
approfondie du droit criminel à travers les âges,
ensuite parce que, en vrai scientifique,
son auteur fait preuve d’une rare ouverture d’esprit.

5 - Pour bien comprendre les conditions de l’exercice actuel du droit de punir, il faut le suivre à travers les phases de son développement historique en Europe.

On distingue quatre périodes essentielles.

- La période coutumière ou de réparation qui va jusqu’au Moyen-âge.

- La période d’expiation ou d’intimidation qui comprend le Moyen-âge et la Renaissance.

- La période humanitaire qui comprend le XVIIIe siècle et une partie du XIXe siècle.

- La période scientifique contemporaine.

Nous laissons de côté l’époque légendaire où l’humanité semble n’entrevoir la justice répressive qu’à travers le prisme d’une imagination créatrice de symboles et d’allégories.

Dans les poèmes homériques comme dans les Niebelungen, on assiste à l’épanouissement de la force mise au service du droit contre l’injuste.

Les dieux de l’Olympe parcourent la terre comme les divinités guerrières du Walhalla parcourent les forêts teutoniques pour recevoir les plaintes des victimes ; chez les Grecs, comme chez les Germains, pour combattre le mal, les monstres, les brigands, l’on voit apparaître les héros mythiques.

C’est Hercule étouffant Cacus, le voleur de génisses ; c’est Apollon écrasant le serpent Python ; c’est Persée tuant les affreuses Gorgones ; c’est Siegfried, vainqueur du dragon Fafner. Telle est la forme théogonique de la justice.

Nous ne nous occuperons que des phases historiques de l’évolution du droit pénal.

SECTION PREMIÈRE :
PÉRIODE PRIMITIVE OU COUTUMIÈRE

6 - Il y a un droit pénal dès que l’histoire aperçoit une ébauche d’ordre social : le droit pénal proprement dit suppose une contrainte, et le peuple le plus inculte inflige un mal ou une souffrance à ceux qui, d’après lui, font le mal.

À ce point de vue, le droit de punir est par excellence le fait social primitif.

De même que la fonction physiologique est antérieure à l’organe, de même la peine est antérieure à la justice organisée, à l’État.

Les partisans du contrat social nous montrent avec Rousseau dans l’État une création de la raison pure, les partisans de l’École historique voient avec Savigny dans l’État la manifestation la plus haute de la force mystérieuse qui met le monde en mouvement.

Mais antérieurement à la conception de l’État, il y a dans toute agglomération d’individus une puissance qui la fait vivre comme société et lui donne la cohésion nécessaire : c’est la coutume.

Celui qui est rebelle à la coutume de la majorité y est ramené par cette majorité qui réagit contre l’écart de l’un des siens.

7 - L’influence prépondérante de la mode, de nos jours encore, souvent plus puissante que la loi, le désir irrésistible d’être « conforme » sont là pour nous faire comprendre l’action de la coutume aux époques primitives.

L’homme primitif pour vivre sans code écrit, n’est pas libre, et tout comme l’homme civilisé du XIXe siècle, il est esclave de la coutume, des habitudes reçues. S’il ne veut pas suivre les usages de la majorité, il manque aux yeux de celle-ci de moralité et n’a plus droit à sa protection.

8 - Le mépris de la coutume est un acte immoral. Le langage révèle cette analogie: mos signifie à la fois coutumes et bonnes mœurs.

Sitte, Sittlichkeit signifient à la fois usage et moralité.

9 - Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas au-dessus de la coutume et indépendamment de la coutume, une loi morale.

Il existe sans doute un idéal absolu de justice et de moralité. Les hommes ont pour devoir de s’en rapprocher le plus possible. En fait et dans l’ordre civil, leur premier hommage à l’idéal et à la loi morale est le respect de la coutume.

10 - La violation de la coutume est le mal ; la communauté primitive réagit contre ce mal, et la manifestation la plus ancienne et la plus rudimentaire d’une réaction sociale contre les actes troublant les rapports sociaux, c’est la vengeance privée.

La communauté abandonne le coupable à la vengeance de sa victime ou de la famille de sa victime. Le droit de vengeance privée est le droit pénal des peuples qui sont encore au début de leur organisation et qui manquent d’un pouvoir central assez fort pour refréner les élans de l’individu laissé à lui-même. Dès lors on se borne à contenir la violence par la violence.

11 - Le droit de vengeance privée repose sur deux principes fondamentaux :

12 - D’abord sur l’idée de la fraternité du sang, de la solidarité familiale. La collectivité fondée sur les liens du sang (Gens, Sippe) est seule agissante et forme un ensemble organique où tous les individus sont confondus. Les membres de la famille du lésé sont solidaires de la victime, les membres de la famille du coupable sont solidaires de ce dernier ; de là de longues guerres privées au cours desquelles des familles entières s’exterminent.

13 - Ensuite sur le rétablissement de l’équilibre rompu par l’attaque. Il n’y a pas de responsabilité individuelle au sens moderne du mot. On répond au meurtre par le meurtre ; mais celui qu’on tue n’est pas nécessairement le coupable ; on tue un membre de la famille ennemie que le hasard fait rencontrer, même si c’est un enfant. On tue le propriétaire de l’étang où la victime aurait été noyée. Il y a en un mot une lutte entre deux familles, et cette lutte aboutit soit à la satisfaction du sentiment de vengeance, soit à une transaction pécuniaire, compositio. Le prix de la transaction est le wehrgeld.

14 - Le correctif de la vengeance du sang, c’est la réconciliation du sang qui arrête la lutte et amène la réparation du dommage causé.

L’autorité grandissante cherche à contenir les passions individuelles se donnant libre essor dans les guerres privées; elle se met en travers de l’exercice du droit de vengeance ; elle commence par favoriser la réconciliation ; elle limite la durée des luttes par les trêves, de façon à donner aux ressentiments le temps de se calmer. Elle finit par obliger le coupable à rechercher la réconciliation, le lésé à accepter l’argent de la réconciliation. Elle substitue ainsi peu à peu l’élément économique de la compositio à l’élément ethnique de lavengeance, et la notion du délit et de la peine à la conception de l’attaque privée et de la réparation privée.

15 - La loi salique, consécration des mœurs populaires et du droit national, expression de transition entre l’époque des violences arbitraires et les siècles de légalité, n’est encore que le code de la composition, le tarif détaillé de la somme à payer dans chaque cas au lésé ou à sa famille pour le rachat du droit de vengeance.

Le wehrgeld, le fredus, la dilatura, la chrenécruda, sont l’application d’un système pécuniaire de droit privé qui, tout en réprimant, cherche à dédommager et qui montre, comme les lois primitives de la Grèce et de Rome, la fusion originaire du droit pénal et du droit civil.

16 - C’est la féodalité qui peu à peu détruit ce système et substitue la peine au wehrgeld.

L’autorité n’est pas au début assez forte pour extirper les guerres privées ; elle en tire profit d’abord, pour les faire disparaître plus tard. Les seigneurs féodaux, après avoir perçu sous le nom de fredus le tiers de la composition, comme garantie de la sécurité du coupable qui transige, commencent entre le XIIe et le XIIIe siècle à accaparer à leur profit l’intégralité de la composition. Ils s’affirment comme partie lésée par le délit et imposent au condamné l’obligation de leur payer à eux la composition entière, qui se transforme ainsi en amende ou peine publique perçue par la justice. Et l’État prend conscience de son existence par la peine.

SECTION II :
PÉRIODE D’INTIMIDATION

17 - Bientôt l’amende elle-même doit céder à un mode nouveau de pénalité. Le système qui accorde la première place dans la répression à l’élément économique et civil du délit, et qui absorbe l’idée de peine dans l’idée de réparation pécuniaire, n’est réalisable qu’aux époques d’égalité primitive ; la civilisation avec ses inégalités sociales en rend le maintien impossible.

Dans nos régions, les croisades provoquent le passage de vagabonds et de bandes errantes ; le développement des relations commerciales est cause de l’extension et de la prospérité des villes. On y voit, comme dans nos villes modernes, affluer les déclassés et les aventuriers et apparaître, avec de nouvelles conditions de vie, de nouvelles classes, les classes criminelles ou dangereuses, formées de pauvres et d’insolvables n’offrant aucune prise à la peine pécuniaire. Telle est la raison d’être de la peine corporelle. Le pouvoir profite partout de cette situation pour transformer le droit pénal, éliminer du système répressif l’ancienne notion de la réparation et de l’amende et faire triompher la notion de la peine publique et corporelle et le principe de l’intimidation.

Partout, un peu plus tôt ou un peu plus tard, on assiste à une évolution dans ce sens: sous l’influence des édits impériaux et seigneuriaux en Allemagne, des sentences des savants et des universités, des ordonnances de la monarchie française, des efforts des successeurs de Guillaume le Conquérant en Angleterre, du triomphe de la législation impériale romaine sur le continent, l’Europe est lentement envahie par un droit pénal qui inflige des peines corporelles intimidantes.

18 - Pendant toute une partie du Moyen âge, il n’y a qu’incertitudes, abus et désordres. C’est la lutte du droit romain écrit contre le droit national coutumier, du droit féodal ou de vengeance privée contre le droit de l’État ou la peine publique ; et pendant longtemps coexistent les guerres privées, la composition, l’amende et les peines corporelles ; il faut y ajouter des peines spéciales au moyen âge, et frappant le coupable dans son orgueil ou dans son amour-propre; ainsi l’harmiscarée ou obligation de porter sur l’épaule un chien ou une selle ; le port de pierres pénales ou du manteau de honte ; l’exposition au pilori sous les moqueries de la foule ; pour les nobles, la privation du droit de participer aux tournois, etc.

19 - Le droit pénal avec ses peines intimidantes s’implante plus rapidement dans les villes où l’autorité s’établit, que dans les campagnes où la force publique fait défaut et où la vengeance et la composition subsistent ; il triomphe plutôt dans la France centralisatrice que dans l’Allemagne particulariste. Mais, à la fin du Moyen âge, la peine corporelle est généralisée ; elle est cruelle ; elle répond à l’idée d’expiation ; elle a pour but de faire souffrir et d’effrayer par la souffrance, et la souffrance doit être infinie parce que, comme l’a dit Montesquieu : Les lois ont à venger l’Être infini ».

Elles admettent une terrible variété de mutilations, de supplices, de tortures qui se succèdent pendant des siècles. À Gand, Hessels, le commissaire du duc d’Albe ; à Paris, Laubardemont, l’agent de Richelieu; à Berlin, Carpzow, qui juge sous le règne du grand Électeur de Brandebourg Frédéric-Guillaume ; à Londres, Jeffreys, le grand chancelier de Jacques II, passeraient aujourd’hui pour des tyrans frénétiques atteints de folie sanguinaire ; c’étaient simplement des magistrats obéissant aux idées de leur milieu et appliquant le droit répressif de leur temps.

20 - En 1532, sous Charles-Quint, la Caroline, œuvre de Schwarzenberg; en 1670, sous Louis XIV, l’Ordonnance criminelle due à l’impulsion de Colbert, sont la codification écrite de ce droit et constituent un progrès en ce sens qu’elles introduisent l’ordre légal là où régnait le chaos. La Caroline surtout est une ouvre de conciliation et de modération.

21 - Néanmoins, jusqu’à la Révolution française, le droit répressif reste barbare ; il a en outre pour caractéristique l’inégalité dans l’application du droit, suivant la condition sociale du coupable, et l’arbitraire dans l’application de la peine, suivant la volonté du juge.

Voltaire a appelé les magistrats de son temps « des barbares en robe », et tenant compte des lois de l’imitation, on peut se demander jusqu’à quel point le pouvoir judiciaire, en habituant le peuple aux supplices et au mépris de la souffrance et de la vie humaines, et en devenant une école de cruauté, n’a pas eu sa part d’influence dans les orgies sanglantes de 1793.

SECTION III :
PÉRIODE HUMANITAIRE

22 - La philosophie du XVIIIe siècle s’élève contre cet empirisme féroce et donne l’essor au grand mouvement humanitaire moderne.

Différents courants ont contribué à le produire.

En Allemagne, il y a, dès le XVIIe siècle, un précurseur, Grotius et, plus tard, Thomasius et Wolf qui, au nom du droit naturel, combattent le formalisme étroit de la justice répressive ; Kant et Fichte à leur tour projettent sur les abus du droit pénal de leur époque la lumière de la liberté morale.

En Angleterre, Bentham, en France, les Encyclopédistes Diderot, d’Alembert, Helvétius, d’Holbach, Voltaire, protestent, au nom du principe d’utilité, contre les horreurs de la doctrine de l’expiation.

En Italie, Beccaria et Filangieri émeuvent les penseurs par l’accent sincère de leur enthousiasme humanitaire.

Enfin, les représentants du despotisme éclairé, Frédéric le Grand et Joseph II, Catherine de Russie et Léopold de Toscane, ont donné le premier coup de pioche au régime ancien, et les hommes de la Révolution ont achevé le travail.

La plupart des novateurs en ces matières ont été des philosophes et des publicistes ; les juristes ont eu un rôle effacé. Quoi qu’il en soit, les efforts ont convergé vers le même but : opposer à la brutale tradition de l’empirisme et de la force les droits inaliénables de l’individu doué de raison et d’intelligence. Celui-ci était méconnu, sacrifié, livré au bûcher, à la roue, au gibet, à l’écartèlement, à la question. — On l’a relevé de sa déchéance, on a voulu respecter en lui sa dignité d’être libre et pensant, l’intégrité de sa personne.

23 - La réforme que la bourgeoisie issue du mouvement d’idées de 1789 a propagée et défendue, est une réforme à la fois métaphysique et philanthropique.

24 - Elle est métaphysique, car l’homme étant investi d’une volonté consciente et libre, le délit est une erreur passagère de cette volonté qui a choisi le mal alors qu’elle pouvait choisir le bien.

25 - Elle est philanthropique et humanitaire, car l’erreur de la volonté peut être redressée par une peine en rapport avec la nature rationnelle de l’homme. Il ne faut plus inutilement atteindre le délinquant dans sa personne physique, il suffira de le priver de sa liberté. Il ne faut plus le faire souffrir, il faut l’amender ; de là le régime pénitentiaire conçu en vue de donner au coupable l’éducation et de trouver le chemin de son cœur et de sa raison. C’est la doctrine de l’amendement.

26 - L’école humanitaire a eu une action considérable sur le siècle qui vient de s’écouler. Elle a inspiré la plupart des codes qui ont réglé le droit de punir en Europe ; elle a adouci les peines, construit les prisons qui s’élèvent dans le monde entier, restreint les cas d’application de la peine de mort ou aboli cette peine ; favorisé l’éclosion de toutes les mesures qui pouvaient contribuer au relèvement et au reclassement du condamné. On ne saurait assez louer l’esprit de charité et de fraternité dont elle a fait preuve. Le sentiment de pitié sociale qui a succédé à la dureté et à la rigueur de l’ancien régime est l’honneur de notre époque.

27 - Mais l’école humanitaire a un défaut; elle a procédé par voie d’abstraction et de généralisation.

Elle a procédé par voie d’abstraction : elle a conçu le délinquant, non comme un être vivant et agissant, mais comme un type abstrait imaginé par la raison en dehors de la réalité des choses ; elle a conçu le délit non comme une portion de cette réalité, mais comme une formule juridique abstraite inscrite dans un code ; elle a conçu la peine, non comme une défense appropriée à l’attaque, mais comme un système abstrait dû à la science des criminalistes. Et toute la justice pénale s’isolant ainsi de la vie universelle est contenue dans les livres; tout le droit pénal devient une scolastique stérile qui atteint la surface, mais ne pénètre pas le fond des choses.

Elle a procédé par voie de généralisation : prenant pour point de départ le type fictif et conventionnel de l’homme raisonnable, elle a supposé tous les délinquants coulés dans le même moule et susceptibles d’être amendés par la même peine ; la prison, et en particulier lu prison cellulaire, est devenue le pivot du système répressif, la pénalité unique ; elle n’a pu tenir compte de l’infinie variété de la nature humaine, des catégories multiples de délinquants que l’on rencontre.

28 - Aussi l’école humanitaire n’a pas répondu aux espérances du début du siècle. La criminalité, loin de céder, s’est considérablement accrue.

La récidive s’est élevée parfois jusque 80 % de la population criminelle.

Partout la criminalité a progressé, et la petite criminalité a doublé et triplé pendant le dernier quart du siècle.

Enfin, la précocité des délinquants a également augmenté et l’on a signalé, dans la plupart des pays, que les criminels débutent de plus en plus jeunes dans la voie du mal.

La statistique nous démontre que la vie et la propriété sont plus menacées aujourd’hui qu’il y a un demi- siècle.

SECTION IV:
PÉRIODE CONTEMPORAINE

29 - La science pénale contemporaine, mettant à profit les leçons de l’expérience, veut, pour combattre efficacement la criminalité, en mieux pénétrer les causes et la nature et en mieux saisir les rapports avec l’ensemble des phénomènes sociaux.

Elle se manifeste à nous comme école anthropologique et comme école sociologique.

30 - Pour l’école anthropologique, le délit n’existe pas sans le délinquant, et l’on ne peut pas plus étudier le délit in abstracto, que l’on ne pourrait étudier la maladie sans le malade ou les conditions du travail sans le travailleur.

31 - Pour l’école sociologique, si le délit se rattache au délinquant, le délinquant à son tour se rattache à son milieu. Le législateur pénal ne saurait pas plus concevoir l’auteur d’une infraction placé en dehors des conditions de la vie que le physicien ne prendrait pour base de ses recherches la molécule isolée de la matière. L’homme appartient au milieu social comme la molécule à la matière ; le malfaiteur comme l’honnête homme font partie du monde qui les entoure.

§ 1 — École anthropologique

32 - L’étude de la nature humaine date en un certain sens de la Renaissance, elle n’a pénétré dans le droit pénal que tout récemment.

Eu médecine, on ne connaissait que les maladies ; en psychiatrie, on ne connaissait que la folie, on cherche aujourd’hui à connaître les malades et les fous. En droit pénal, on ne connaissait que le crime abstrait, on cherche à connaître le délinquant et à fixer le type du criminel.

L’école italienne, avec Lombroso, Ferri, Garofalo, est l’initiatrice de ces doctrines, comme elle a été, avec Beccaria et Filangieri, l’initiatrice du droit pénal classique.

33 - Pour résumer les travaux de l’école italienne, il faut noter qu’elle admet cinq catégories de délinquants :

- Les délinquants nés ou instinctifs ;

- Les délinquants par habitude acquise ;

- Les délinquants par passion ;

- Les délinquants d’occasion ;

- Les délinquants aliénés.

a) Les délinquants nés constituent le groupe le plus caractérisé de l’école anthropologique; elle leur attribue, au point de vue physique, les indices du type de régression ou du sauvage : le front fuyant, étroit et plissé, les arcades sourcilières saillantes, les mâchoires très fortes, les oreilles écartées en forme d’anses, l’asymétrie crânienne et faciale, la moindre capacité du crâne, le prognathisme, l’ambidextrie, etc. L’école signale chez eux l’absence héréditaire de sens moral, l’imprévoyance et l’insensibilité ; ce sont des brutes et des fainéants, qui ne distinguent pas l’homicide et le vol d’une industrie quelconque ; ils sont délinquants comme d’autres sont travailleurs, et la prison est le risque inhérent à l’entreprise, parfois même le gite assuré. Ils ont de la peine et du délit une conception absolument opposée à celle que le législateur leur suppose. Ils se font remarquer encore par leur précocité ; l’école italienne soutient qu’ils naissent délinquants et les considère comme incorrigibles. Ce sont les inadaptables héréditaires.

b) Les délinquants d’habitude constituent la catégorie la plus nombreuse des délinquants contre la propriété. Sans avoir d’une façon aussi précise les caractères anthropologiques dont nous venons de parler, ils acquièrent, très jeunes, l’habitude du délit et deviennent bientôt voleurs de profession. Le délinquant né subit l’influence de l’hérédité; le délinquant d’habitude subit surtout l’influence du milieu. Sa faiblesse morale, jointe aux circonstances ambiantes, en fait un voleur et un vagabond ; en général, il est, dès son enfance, dressé à la mendicité et à la fainéantise ; l’alcoolisme et la prostitution achèvent de le former au mal. Ces deux groupes, délinquants nés et délinquants d’habitude, arrivent donc, par l’effet de causes physiologiques ou sociales, au même résultat : ce sont les récidivistes ; ils trouvent dans le délit une profession, et la justice, en les frappant de petites peines, fait ordinairement, en ce qui les concerne, une œuvre absolument vaine. Ce sont les inadaptables sociaux.

c) Le délinquant d’occasion, au contraire, n’a pas de tendance naturelle au délit ; l’instinct du mal existe chez le criminel né, il se forme chez le criminel d’habitude ; le premier n’a pas et l’autre perd le sens de l’ordre social. Le délinquant d’occasion n’a qu’une faiblesse du sens moral : il manque à la fois de force de résistance aux influences externes et de prévoyance au sujet des conséquences de ses actes. L’impulsion la plus légère peut l’amener à céder à la tentation, et la misère, les chances d’impunité, le climat, la simple tendance même à l’imitation peut être la cause de l’infraction.

d) Le délinquant par passion est une variété du délinquant d’occasion ; il se rencontre surtout parmi les délinquants qui attentent aux personnes ; ils agissent sous l’empire d’un mouvement soudain, d’un emportement irréfléchi, de la colère, de l’amour, de la haine, de la jalousie, etc. Ils sont, en général, dans la force de l’âge, ils ont le tempérament sanguin ou nerveux, et, bien loin de manifester de l’insensibilité, ils montrent souvent une sensibilité très grande ; après le crime le remords apparait, et la vie normale reprend son cours. Les observateurs superficiels s’appuient sur ces phénomènes pour conclure, lorsqu’il s’agit de ces délinquants, que c’est la prison qui les a amendés.

e) Enfin, la catégorie des délinquants aliénés comprend toutes les variétés de malades : les fous par hérédité, par dégénérescence, par alcoolisme ou accident, les épileptiques, etc. L’école italienne y ajoute parfois, sous le nom de mattoïdes, la zone intermédiaire, avec les nuances variées qui, dans la réalité plus que dans le langage, vont de l’homme sain d’esprit au dément.

34 - L’école psychique ou de médecine mentale, représentée par Maudsley en Angleterre, Krafft Ebbing et Benedikt en Autriche, Forel et Delbrück en Suisse, Magnan et Garnier en France, est encore une variété spéciale de l’école anthropologique.

Elle s’est surtout préoccupée de la zone intermédiaire, elle constate chez certains criminels une anormalité psychique qui rompt l’équilibre mental sans aller jusqu’à la folie. Cette défectuosité psychique est tantôt de la neurasthénie physique (faiblesse congénitale ou épuisement prématuré du système nerveux), tantôt de la neurasthénie morale (impuissance à résister aux tentations malsaines), elle est toujours un péril, car elle révèle chez l’homme l’absence de cette faculté de prévoyance et d’empire sur soi-même qui proportionne et règle les actions.

L’alcoolisme, dont les ravages en Belgique sont effrayants et qui a considérablement accru les cas de folie et d’épilepsie, a accru également le nombre des dégénérés, des déséquilibrés et des anormaux de toute nature.

La syphilis a de son côté une influence sur la criminalité.

35 - La classification de l’école anthropologique est trop absolue ; ses affirmations quant au type du criminel né sont trop catégoriques ; mais l’école a eu le mérite de démontrer l’insuffisance de la conception du Code pénal basée sur le type conventionnel et abstrait du coupable.

Elle a fait apparaître avec une lumineuse évidence la nécessité d’opérer entre les délinquants une division fondamentale et de les séparer en trois groupes comprenant : le premier, les délinquants primaires ou d’occasion ; le deuxième, les délinquants professionnels ou d’habitude ; et le troisième, les délinquants anormaux ou défectueux.

36 - Les délinquants primaires ou d’occasion constituent la minorité des coupables; leur vie est régulière, leurs instincts sont bons, mais une passion soudaine, un entraînement irréfléchi, un affaissement passager de la volonté les a, sous l’empire d’une sorte de fièvre ou d’un oubli momentané de leur devoir, poussés au délit. Ce délit est un accident dans leur existence qui, l’accès une fois passé, reprend sa marche ordinaire.

37 - Les délinquants de profession ou d’habitude forment la grande majorité des condamnés. Si, pour l’école anthropologique, ils représentent le type de régression ou du sauvage, les forces élémentaires et irréductibles évocatrices des âges lointains, pour le juriste, ils sont, au sein de la société régulière, les classes dangereuses ou criminelles, où se confondent la misère et le vice, la débauche et la paresse, l’alcoolisme et la prostitution.

Chez le récidiviste, il n’y a ni oubli ni entraînement passagers, mais tendance permanente au délit ; si l’on ne commet pas toujours le crime pour le crime, on profite de toute occasion pour le commettre ; ce sont les antisociaux normaux qui font de la criminalité une entreprise.

38 - Parmi les délinquants d’habitude enfin, il y a à distinguer la catégorie des anormaux.

Il est nécessaire de les grouper à part, parce que la peine ne peut avoir sur eux aucune action efficace, et que la théorie de l’amendement moral qui a inspiré les pénologues du XIXe siècle n’a, en ce qui les concerne, aucune portée pratique.

Leur nature les rend en effet insensibles à toute tendance réformatrice basée sur les sentiments normaux de l’homme ordinaire. Ce sont les alcooliques, les impulsifs, les dégénérés, les neurasthéniques, les épileptiques, les individus atteints de faiblesse intellectuelle, etc., tous les défectueux dont l’anormalité ne va pas jusqu’à la folie.

Les criminalistes doivent être d’accord avec les médecins pour reconnaître qu’à cette catégorie il faut un régime spécial, que l’on peut appeler régime de préservation, et qui doit avoir pour but de les mettre dans l’impossibilité de nuire.

§ 2 — L’école de sociologie criminelle

39 - L’école de sociologie criminelle étudie l’influence du milieu comme l’école d’anthropologie criminelle étudie le délinquant. L’influence du milieu a été signalée au siècle dernier par Montesquieu, dans notre siècle par Taine, mais la sociologie criminelle proprement dite a son origine en Belgique, car c’est un Belge illustre, Quetelet, qui, dans ses Essais de physique sociale, a montré la constance du penchant au crime, la régularité de la courbe de la criminalité, l’action sur la criminalité des faits économiques et des phénomènes naturels, tels que les saisons et le climat.

Il y a un milieu social normal, favorable à la santé morale et ou le penchant au crime se développe avec peine ; il y a un milieu social malsain où le penchant au crime trouve un terrain propice ; et le délit est ainsi un fait social en connexion avec l’organisation sociale.

40 - Pour l’école sociologique, il y a dans chaque infraction, à côté du facteur individuel, de l’âge, du caractère, du tempérament, des dispositions personnelles, le facteur collectif ou social, c’est-à-dire le milieu, les lois générales de l’humanité ; et les classes criminelles dans leur ensemble apparaissent comme un des phénomènes les plus douloureux et les plus durables de l’histoire du monde.

41 - Mais la constance du penchant au crime n’a pas un sens absolu.

Elle signifie simplement qu’en prenant un milieu social déterminé, on trouve un rapport entre ce milieu et sa criminalité, que les occasions du crime y sont rares ou fréquentes, et que la proportion des individus qui succombent peut être approximativement fixée.

Toutefois d’abord la loi des grands nombres qui permet de fixer une proportion de délinquants, ne permet jamais de déterminer quels individus figureront dans la proportion.

Ensuite le milieu lui-même est loin de rester invariable : des diverses conditions physiques, morales et sociales, combinées avec les tendances individuelles, se dégage un niveau de criminalité qui s’élève ou s’abaisse suivant les cas et subit à travers les âges l’influence de l’évolution historique. Au lieu de l’immobilité nous constatons dans ce domaine une mobilité extrême.

42 - Ce que le droit moderne appelle crime est, au début, une impulsion instinctive ; il ne s’y attache aucune idée de culpabilité ; l’homme primitif attachant un grand prix à la force, en use conformément à son intérêt et à ses appétits. Et le caractère licite ou illicite des actions étant toujours déterminé par l’opinion dominante du groupe dont on fait partie, à l’origine les actes illicites sont très rares et l’idéal des peuples barbares est très étroit. Il tend surtout à l’élimination des faibles et à la survie des plus vigoureux : un chef de clan ou de tribu vit de pillages et d’attaques, et est d’autant plus honoré qu’il est plus agressif. Ce n’est que peu à peu que l’humanité arrive à la notion de la protection des faibles contre les forts, à la conception du droit et à la répudiation du crime. L’expérience apprend à la société l’impossibilité pour elle de tolérer la violence et la fraude, la nécessité de l’ordre public et l’utilité d’en fixer les conditions dans des textes de lois.

43 - Dans cette marche en avant, la criminalité subit des transformations incessantes. Chaque période de l’histoire, chaque nation a son caractère propre, et son genre de civilisation qui réagit sur son genre de criminalité. Dans l’Inde, le vol des métaux, l’insolence d’un soudra, donnant un avis au brahmane ; en Égypte, la mort donnée à un chat (animal consacré), l’inobservation par le prêtre des prescriptions relatives à la nourriture sont autant de crimes punis de mort. À Sparte, l’infanticide et l’avortement ; à Athènes, la pédérastie et la piraterie étaient des faits tolérés. Partout l’on admet les homicides en l’honneur des dieux ; la légende glorifie Agamemnon sacrifiant Iphigénie ou Abraham sacrifiant Isaac.

En Europe, la criminalité se transforme aussi à travers les siècles. Le Moyen âge est brutal ; c’est l’époque des guerres privées, des combats singuliers, des attentats violents contre la vie et la propriété ; d’autre part les ordres errants donnent à la mendicité, aujourd’hui réprimée, un caractère régulier. À la fin du Moyen âge, le commerce se développe, la brutalité n’est plus la source unique des crimes, la ruse fait son apparition et, en même temps que les mers s’ouvrent à l’esprit d’aventure, l’on voit naître la piraterie et la contrebande. Enfin, à notre époque, les sentiments humains prennent leur essor, la violence diminue de plus en plus, mais le développement du capital et des sociétés anonymes, la cupidité, l’habileté, provoquent à leur tour une criminalité nouvelle, basée sur la fraude.

44 - La civilisation n’en a pas moins exercé sur la criminalité une influence bienfaisante. D’abord, elle l’a localisée en la reléguant dans certains groupes sociaux et, notamment, dans les bas-fonds de la société ; répandue jadis dans tout l’organisme social, elle est resserrée aujourd’hui et cantonnée dans les classes criminelles.

Ensuite, elle l’a atténuée par le progrès des arts, des sciences, de l’industrie, offrant des débouchés nouveaux, multipliant les occasions d’activité honnête et accroissant le rôle de l’intelligence au détriment de la force.

Mais, dans ce rythme lent qui marque l’amélioration des instincts de l’homme, il y a des vibrations multiples, c’est-à-dire des périodes de troubles et d’agitations, succédant à des périodes de sécurité et de calme. L’époque Mérovingienne, la guerre de Cent ans, les guerres de religion, la Renaissance italienne, la Révolution de 1789 sont, notamment, des dates de recrudescence de criminalité. La fin du XIXe siècle se signale aussi par cette recrudescence, et, si trois siècles de police, de gendarmes, de discipline et d’efforts ont amorti en nous la fougue des passions natives, les causes économiques et sociales ont rendu une grande importance aux classes criminelles.

45 - L’accroissement de la criminalité à notre époque est dû en premier lieu à l’énorme développement des villes dépeuplant les campagnes et attirant les énergies pour le mal comme pour le bien. La population urbaine a débordé ; la place a manqué et il s’est formé un prolétariat livré à toutes les fluctuations économiques et fournissant au vagabondage et à la criminalité un terrain propice.

46 - Il faut noter en second lieu les appétits énormes éveillés dans la société actuelle; la sensualité excitée par le développement des richesses ; l’avidité, le goût et la facilité des spéculations ; le contraste entre le luxe et la pauvreté ; les nécessités inéluctables du struggle for life en face de la concentration des capitaux.

Les législations ont sacrifié les campagnes et l’agriculture aux villes et à l’industrie; dans les villes, elles ont négligé l’enfance et l’apprentissage ; elles ont abandonné le jeune ouvrier aux excitations de la rue et de l’atelier, à la promiscuité des taudis ; ainsi se sont accrus les instincts criminels et s’est formé ce que G. Le Bon (« Psychologie du socialisme » Paris 1898)) appelle un « déchet inutilisable ». C’est là le ferment le plus actif de la criminalité.

47 - Ces constatations ont leur contrecoup sur les conditions de la répression. La criminalité ayant des causes sociales, on doit la combattre par des moyens sociaux et à cet égard les mesures préventives ont plus de portée que les mesures répressives, au même titre que l’hygiène préventive l’emporte sur le remède.

48 - L’hygiène préventive dans le domaine de la criminalité comprend des moyens nombreux, au premier rang desquels on peut citer :

Une politique économique fournissant le pain à bon marché et une législation sur les habitations ouvrières procurant au prolétaire à un prix modique, avec l’air, la lumière, l’eau potable, un intérieur qui ne lui fait regretter ni le cabaret ni la cellule confortable de la prison ; des unions professionnelles conservant à l’ouvrier moderne ce qu’il y avait de bon dans la vie corporative d’autrefois, c’est-à-dire le contrôle mutuel et l’assistance mutuelle ; une organisation de la bienfaisance publique garantissant le secours aux vrais indigents et non aux paresseux rebelles au travail ; une législation sur les assurances ouvrières contre la maladie, l’accident, la vieillesse; le combat contre l’alcoolisme, cette intarissable source de criminalité ; la protection, l’éducation physique et morale de l’enfance abandonnée et une instruction populaire surtout professionnelle, et variant suivant qu’elle s’adresse aux campagnes ou aux centres industriels ; la lutte contre la presse licencieuse qui empoisonne l’âme populaire ; des efforts constants pour empêcher les villes d’attirer toutes les énergies d’un pays, pour repeupler les campagnes abandonnées et rendre la vigueur à la petite industrie. La distribution de la force motrice électrique à domicile, telle qu’elle existe à Genève, paraît de nature à transformer les conditions de la vie industrielle.

49 - À côté de la prévention, la répression apparaît comme un mal nécessaire, comme un expédient auquel il faut recourir en dernier ressort. Un système pénal quelconque est surtout un frein pour les hésitants, un moyen de mettre à l’écart les dangereux, il est rarement un moyen de régénération pour les malfaiteurs.

50 - Quoi qu’il en soit, la justice pénale, même dans ce rôle accessoire, a son utilité et son efficacité à condition de s’inspirer des réalités concrètes qui l’entourent. Pour exercer sa mission d’une façon salutaire, le juge n’a pas uniquement à constater la réunion des éléments de la définition théorique du délit, mais aussi à apprécier la nature plus ou moins antisociale du délinquant et le degré d’intensité du mobile antisocial qui le pousse comme les conditions du milieu où il vit.

51 - Pour atteindre le but, il ne suffit pas de substituer à une vaine scolastique juridique, une scolastique médicale tout aussi vaine réclamée par l’école anthropologique. On ne résout pas le problème en se perdant dans la recherche de données anatomiques, biologiques, physiologiques, psychiatriques qu’il est impossible de réunir et pour l’examen desquelles le magistrat devrait avoir une culture encyclopédique.

Nous verrons dans quelles conditions le juriste doit avoir recours au médecin. Mais on améliore déjà le fonctionnement de la justice en multipliant les tribunaux locaux, en décentralisant la justice, en mettant le juge près des justiciables, en rapport intime avec la population où il doit exercer son ministère et qu’il peut étudier et connaitre. On remplace ainsi le tribunal impersonnel et symbolique qui siège dans les grands centres, et juge à distance et sur pièces, par le magistrat local qui juge d’après les règles du bon sens et du cœur, avec l’expérience des hommes et de la vie. La multiplication des juges locaux est conforme aux lois de l’organisation sociale : la santé résulte de la plénitude de la vie et la vie ne s’isole pas sur les sommets ; elle est répandue dans tout l’organisme. La justice, comme la vie, doit être répandue dans tout le corps social.

52 - Au point de vue moral, notons dés à présent qu’en adoptant ce qu’il y a de fondé aussi bien dans les doctrines de l’école anthropologique que dans les doctrines de l’école sociologique, on ne détruit pas l’individualité et son libre développement et l’on ne réduit pas le délinquant au rôle d’agent passif victime d’un penchant irrésistible ou d’un milieu tout-puissant.

On peut affirmer au contraire que les études contemporaines agrandissent le champ d’action de la lutte contre le mal et assignent à cette lutte un but plus élevé. L’école anthropologique a mieux fait connaître l’homme dans son organisation complexe, l’école sociologique a mieux fait connaître les conditions au milieu desquelles il se débat, mais l’une et l’autre ont aussi, par là même, mieux fait comprendre le rôle de la volonté et de la liberté dans les destinées humaines ; l’une et l’autre ont montré que toute l’éducation sociale doit être un immense effort pour fortifier la volonté individuelle et accroître ainsi la liberté individuelle et pour élever de plus en plus l’individu vers les régions de la loi morale.

58 bis - La mission du législateur est de réunir ces tendances et aspiration variées en un ensemble harmonique et rationnel construit sur les réalités de la vie.

Nous n’avons pas à faire table rase de la succession des âges ; il faut profiter de toute parcelle de vérité contenue dans les leçons du passé et rattacher le droit nouveau au droit ancien en reconnaissant que toute tradition a d’abord été un progrès, comme tout progrès est toujours une tradition qui commence…

Renan a dit avec raison que les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont le respect du passé.

Signe de fin