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INTRODUCTION AU DROIT CRIMINEL
par R. Garraud

Traité du droit pénal français (3e éd. Paris 1913), T.I, p. 63 n° 31

Les sciences sociales ont pour sujet l’homme ; la société est le milieu où elles le placent ; et ce qu’elles étudient, ce sont les relations sociales, considérées sous les aspects divers et complexes qu’elles embrassent. Toute science, qui a pour objet et pour sujet l’homme, doit prendre, comme point de départ de ses recherches, l’observation de l’homme. Or, un fait frappe tout d’abord quand on observe l’homme : tandis que tous les autres êtres sont soumis à des lois fatales, l’homme, au contraire, paraît libre de ses actions. L’homme paraît libre : est-ce à dire qu’il ne soit soumis à aucune loi ? Non, cette liberté, dont .nous avons conscience, n’a pas et ne saurait avoir cette étendue. Tout être a sa loi, l’homme, comme les autres êtres, c’est-à-dire que tout être a un but à atteindre, une fin à accomplir : parti d’un point, il doit arriver à un autre, et la loi n’est que le principe de direction qui préside à ce mouvement.

Mais, tandis que la loi est imposée aux autres êtres, elle est proposée à l’homme : car l’homme est libre de lui obéir ; il peut suivre la direction qui lui est tracée ou s’en écarter.

Dans son sens le plus général, la loi est donc le principe de direction, qui est tantôt imposé, tantôt proposé aux êtres, dans leur développement.

Pour l’homme, cette loi a un caractère spécial : maître matériellement de faire ou de ne pas faire, l’homme est asservi rationnellement ; à côté de la liberté de fait dont il est doué, il existe, pour lui, des nécessités rationnelles d’action ou d’inaction. Ces nécessités d’action ou d’inaction sont ce que l’on nomme les lois de la conduite de l’homme, ou lois morales, et cette faculté, qui apprécie les motifs des actes libres, qui met en rapport l’acte qu’il s’agit d’accomplir avec ces lois rationnelles, cette faculté s’appelle le sens moral ou la conscience.

On est certainement d’accord pour constater l’existence actuelle, chez l’homme, d’un sens moral; mais on diffère profondément sur l’origine de cette faculté. A toutes les époques de l’histoire, aujourd’hui, comme aux temps anciens d’Épicure et de Platon, deux écoles antagonistes se trouvent en présence :

- l’une est celle des moralistes qui pensent que le sens moral est une faculté primitive, innée, que tout homme apporte en venant au monde ; que les jugements de cette faculté ont un caractère d’évidence qui ne se raisonne pas ; qu’ils sont, à travers les sophismes, de l’intérêt et le tumulte des passions, l’écho plus ou moins affaibli de la voix de Dieu même dans l’âme humaine ;

- l’autre école, sans contester l’existence actuelle du sens moral, ne voit, dans cette faculté, qu’un produit social, le résultat accumulé, chez chacun de nous, d’un travail de réflexion et d’élaboration qui se poursuivrait depuis des siècles : l’homme aurait vu que tels actes lui étaient utiles dans leurs conséquences, que tels autres lui étaient préjudiciables ; et ces expériences répétées d’utilité, les réflexions qu’elles auraient suggérées de générations en générations, transmises par la loi de l’hérédité, auraient constitué, à chacun de nous, un sens moral, une conscience.

Je n’ai pas à examiner sur quelles subtiles explications les partisans de la morale inductive ou dérivée, par opposition à la morale intuitionniste, fondent leur système. Ce que l’on peut affirmer, c’est que leur théorie sur l’origine du sens moral est destructive de tout droit et de toute justice : quel respect peut exiger de l’homme un droit et une justice qui ont leurs époques, qui, demain peut-être, cesseront d’être le droit- et la justice ? Si la morale n’a pas d’autre appui que cette impulsion héréditaire, cette « voix des aïeux », si elle n’a pas de réalité objective, elle n’est qu’une admirable invention de l’homme. Or, la première condition de toute morale est évidemment l’existence d’une loi impérative, loi supérieure à l’homme et dont le principe ne peut être qu’une intelligence éternelle. Sans Dieu, point d’obligation morale; et la preuve que ces deux termes s’expliquent naturellement, c’est que tous ceux qui ont nié Dieu ou-qui ont dénaturé l’idée de Dieu, en niant sa personnalité, en sont venus, par la force irrésistible des choses, à nier l’obligation morale. Si l’impératif catégorique de Kant est un « vieux. reste du Décalogue », comme l’a dit Schopenhauer, cela prouve tout simplement que c’est au verbe divin qu’il faut rattacher le principe de la loi du bien et du mal et que la « Morale sans obligation ni sanction » est une contradiction.

Il faut du reste reconnaître, en faisant abstraction de toute conviction philosophique personnelle, que la conception du droit, chez les peuples modernes, repose sur deux faits de conscience et, comme le disent les philosophes, sur deux postulats essentiels :1’existence d’une loi morale qui s’impose à l’homme comme règle de conduite, et la liberté pour l’homme d’y conformer ses actes. Du rapprochement de ces deux idées, naissent, en effet, la responsabilité, c’est-à-dire le devoir, et l’inviolabilité, c’est-à-dire le droit : l’homme n’est responsable que parce qu’il est libre, et il n’est inviolable que parce qu’il est responsable ; de sorte que, dans l’acception la plus haute du mot, le droit serait précisément la faculté inviolable pour l’homme de réaliser son devoir.

Si l’homme vivait isolé, la question de ses droits ne se poserait que d’une manière abstraite. Il faut admettre, pour qu’elle se présente pratiquement, que l’homme, voulant conformer sa conduite à la loi morale, rencontre un obstacle, dans un autre individu, qui l’empêche de faire son devoir : alors, en face de cet obstacle, il est tenté de se dire : « C’est mondroit », et de passer outre. Or, l’homme n’est pas fait pour vivre seul : non est enim singulare nec solivagum genus hoc. Il fut cependant une époque, qui n’est pas éloignée de nous, où prévalut l’opinion que, pendant un temps indéterminé, les hommes avaient mené sur la terre une vie solitaire et sauvage. Les philosophes du XVIIIe siècle, Hobbes, Rousseau, Montesquieu, Puffendorf, Burlamaqui, avaient accepté cette opinion, dont ils firent le point de départ de leurs systèmes. De cet état primitif, appelé l’état de nature, les hommes étaient passés, disaient ces philosophes, à une certaine époque; à l’état de société où nous les voyons vivre aujourd’hui.

Comment s’expliquait cette évolution ? Tantôt, en supposant que, parmi les hommes, les plus forts avaient soumis leurs semblables, plus faibles ; tantôt, qu’une convention de société était librement intervenue entre eux. Rousseau a développé, avec une grande force, cette dernière hypothèse, dans son ouvrage célèbre, le Contrat -social. Cette opinion reposait sur une fiction historique, que contredisent les traditions de tous les peuples : il n’est pas exact qu’il y ait eu passage d’un état d’isolement absolu, qui serait l’état naturel de l’homme, à un état de société, qui serait un état. factice. Sans doute, à l’origine de toutes les races, avant la constitution de lois permanentes et des pouvoirs chargés de les appliquer, c’est-à-dire avant l’organisation da la société politique et des fédérations de tribus, ou de groupes qui en ont été quelquefois l’origine, on rencontre une période d’associations patriarcales, la famille, la horde, la tribu, mais on ne rencontre jamais une période d’isolement absolu. L’homme est né dans la société et pour la société : c’est là son véritable état de nature, car il ne l’a pas choisi et il ne dépend pas de lui de s’y soustraire. La société est un instrument nécessaire au développement individuel de l’homme : c’est- de que démontrent, les conditions physiques, morales et intellectuelles de son être. La société n’est pas un fait d’ordre conventionnel, c’est un fait d’ordre naturel. Sous n’avons donc, pas à considérer l’individu isolé, mais vivant en société. Ainsi, le droit réglemente l’activité humaine dans le milieu social.

Mais alors que va devenir l’inviolabilité de l’homme ? Quand des individus vivent côte à côte, leurs intérêts se croisent, s’entremêlent ; presque toujours-naissent entre eux des conflits. Ces. « collisions » ne seront-elles tranchées que par la force ? Comment assurer le triomphe du droit ? Le voici : dans toute société politique, nous trouvons un pouvoir, c’est-à-dire un gouvernement constitué et organisé. Il n’y a pas de société acéphale, suivant l’énergique expression de d’Aguesseau.

La mission essentielle du pouvoir est de protéger l’exercice des droits de chacun. Quand un individu agit dans les limites de son droit,:il peut se trouver en face d’autres individus qui veulent entraver l’usage légitime de sa liberté. Sans le pouvoir, la lutte s’établirait entre les individus et le triomphe resterait au plus fort. Le pouvoir intervient, il prend pour lui cette lutte, et, en écartant toute résistance coupable, il assure la protection du droit. On doit donc considérer le. pouvoir comme une force collective et organisée mise au service du droit .Du jour où le pouvoir ne protège plus le droit, il cesse d’être le pouvoir et devient la tyrannie ; tandis que, s’il comprend sa mission, il réalise la belle pensée de Pascal : « Il faut mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, et que ce qui est fort soit juste. »

Dans sa notion objective, le droit consiste donc dans la garantie des conditions de la vie sociale assurée par la force coercitive de L’État.

Mais. deux questions se posent : 1° Pour quel objet et dans quelles limites s’exerce l’intervention du pouvoir ? 2° Par quels-moyens le pouvoir protège-t-il les droits qu’il a pour mission de sanctionner ?

1°  La première question nous amène à distinguer la religion, la morale et le droit. Dans les sociétés primitives, le droit a été confondu partout avec la religion ; il a été considéré comme le moyen de réaliser la destinée humaine tout entière. Plus tard quand s’affaiblit le régime théocratique, la notion du droit se déplace ; on en vient à l’intégrer dans la notion de morale. Au nom du droit ainsi compris, la loi, son organe, a .la prétention de tout régler : les idées, les actes, les- croyances. Ce point de vue domine l’antiquité, le moyen âge, les temps modernes. L’État, qui monopolise la contrainte sociale, est maître de l’homme tout entier. C’est-le XVIIIe siècle qui lutte pour faire reconnaître- définitivement la notion du droit individuel, et la Déclaration des droits de l’homme, cet évangile de la Révolution, proclame, pour la première fois, l’affranchissement des droits de l’homme vis-à-vis de L’État. Désormais, ces expressions « morale, droit, religion » correspondront à des idées différentes.

La morale, qui est l’ensemble des lois qui règlent l’exercice de l’activité humaine, en déterminant ce qui est permis, commandé ou défendu, comprend, sans doute, le droit, mais sa sphère d’action est plus étendue que celle du droit. En effet, l’analyse des divers rapports, que régit la morale, les fait partager en deux classes distinctes. Les uns sont les rapports extérieurs des hommes entre eux et avec la société dont ils sont membres. Les autres sont les rapports de chaque individu avec lui-même. Les premiers forment le domaine du droit ou morale sociale, les autres demeurent l’objet exclusif de la morale pure ou morale individuelle, qu’on appelle ainsi par opposition à la morale religieuse, qui s’occupe des rapports de l’homme avec Dieu. Le droit seul peut être sanctionné par les législations humaines. Dans ce cas, il prend le nom de droit positif, et on l’oppose alors à cette partie du droit; dont les préceptes n’ont pas reçu de sanction effective, et que l’on désigne sous le nom de droit naturel ou rationnel. Les législations anciennes ont confondu le droit et la morale, la morale individuelle et la morale religieuse, et, par suite, exagéré la mission du pouvoir social. Ce n’est qu’à une époque de civilisation plus avancée qu’on a distingué ces choses. Le droit n’est appelé à régir que les relations extérieures des hommes entre eux ; c’est seulement au maintien de ces relations dans les limites du juste, que le pouvoir peut employer la force collective et organisée.

2° Dans le cercle des rapports sociaux, quels moyensle pouvoir peut-il prendre pour sanctionner le droit ? La morale ne demande qu’un assentiment volontaire : elle ne s’adresse qu’à la conscience. La loi va plus loin : elle force l’obéissance. Le droit n’est pas seulement l’organisation pacifique des rapports sociaux, mais le rétablissement, par la force, de ces rapports, lorsqu’ils sont troublés. Derrière l’ordre pacifique, le pouvoir de l’État apparaît, sous la figure de Thémis, tenant, d’une main, la balance, pour peser les actes, et, de l’autre, l’épée, pour défendre le droit et en imposer le respect. « L’épée sans la balance serait la force brutale ; la balance sans l’épée serait l’impuissance du droit ; l’une ne peut aller sans l’autre ; il n’y a d’ordre. juridique parfait que là où l’énergie avec laquelle la justice porte l’épée est égale à l’habileté avec laquelle elle manie la balance » a écrit Jhering.

La contrainte est donc inséparable de l’idée de droit : elle en est l’âme, l’élément vital. Mais le mode-de contrainte prend l’une de ces trois formes. Tantôt, le pouvoir impose effectivement l’observation des prescriptions ou prohibitions légales : c’est l’exécution forcée directe ; d’autres fois, il détruit ou tient pour non avenu ce qui aura été fait au mépris de la règle établie : c’est l’exécution forcée indirecte ; tantôt, enfin, il inflige une peine à celui qui méconnaît la loi. Dans quels cas l’emploi des deux premiers procédés est-il suffisant ? Dans quels cas le pouvoir recourt-il à la pénalité, comme sanction suprême de ses commandements ? C’est se demander quelles limites séparent le droit civil du droit pénal ; quelle est la -raison d’être de la distinction, faite par les législations positives, entre la violation des « normes » dont le -redressement ne peut être poursuivi que par les procédés de la loi civile, et la violation des « normes » qui est une infraction, et dont la répression est assurée par l’application d’une peine.

Pour le comprendre, j’analyse des faits qui se passent sous nos yeux. Un individu vend une maison ; l’acheteur ne paie pas son prix : celui-ci commet-il une infraction ? Nullement. Le pouvoir social ne lui infligera aucune peine pour avoir violé les droits du vendeur ; mais il  mettra la force publique à la disposition de celui-ci pour contraindre l’acheteur à payer et à réparer le préjudice qu’il a causé en ne payant pas. Mais un individu met volontairement le feu à la maison de son voisin ; outre la réparation du préjudice dont il sera tenu, celui-ci deviendra, par ce fait, passible d’un châtiment que lui infligera le pouvoir social, La raison d’être de ces différences de sanction, pour des-violations de droit qui causent à la propriété un préjudice analogue, est facile à comprendre. Dans le premier cas, il suffit, à chacun de nous, pour s’en préserver, d’être attentif et diligent dans la conduite de ses affaires. Avant de contracter avec quelqu’un, nous avons pu et nous avons dû examiner sa solvabilité, prendre contre lui des garanties ; si nous ne l’avons pas fait, le préjudice, qui résulte de notre négligence, n’intéresse qui nous, et, si le pouvoir social intervient, il ne le fait que pour garantir notre droit, en nous donnant la faculté d’en poursuivre la reconnaissance devant les tribunaux et l’exécution par toutes les voies civiles. Dans le second cas, au contraire, l’emploi de toutes nos facultés, de notre attention, de notre réflexion. serait insuffisant pour nous garantir du préjudice qui nous est causé. L’incendie volontaire est un fait lui n’intéresse pas seulement la conservation de notre propriété, mais la conservation de la propriété de tous ; une société, dans laquelle ce fait ne serait pas énergiquement réprimé, tomberait en dissolution. Le pouvoir social intervient donc, dans l’intérêt, non seulement d’un propriétaire, mais de-tous les propriétaires, pour infliger une peine à l’agent coupable de ce fait. Ainsi, le dommage que produit l’action incriminée par la loi pénale, est un dommage social, c’est-à-dire tel qu’on n’ait pas d’autre moyen que de le punir, pour pourvoir à la défense de l’ordre extérieur. Si le dommage est restreint à l’individu, ou réparable par un moyen direct, le législateur excéderait ses pouvoirs en déclarant délit pénal, l’acte’ qui en a été la cause. C’est dire qu’il ne doit pas punir tout acte par cela seul qu’il est contraire au droit (illicite) et qu’il cause un dommage : il ne peut punir que l’acte qui cause un trouble social.

Cette observation élimine, du domaine de la répression, trois catégories de faits : 1° ceux qui ne relèvent que de la conscience ; 2° ceux que l’État peut prévenir par des moyens moins coercitifs que la peine ; 3° ceux pour lesquels la justice civile donne une protection suffisante.

Qu’on le remarque, en effet, le droit pénal n’a pas un domaine limité quant aux intérêts et aux valeurs sociales qu’il protège. Ce n’est pas, à ce point de vue, qu’il faut rechercher et déterminer son caractère propre. La nature des intérêts et des valeurs sociales, à l’occasion desquels intervient le droit pénal, n’est pas spéciale à ce droit : elle appartient aux domaines les plus divers : celui de la famille, du mariage, de la paternité (adultère, bigamie, suppression d’état, etc.), celui de la propriété (vol, destruction, dégradation, etc.), celui de l’existence et de la santé (homicide, coups, blessures, etc.), celui des intérêts de l’État (crimes contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État, espionnage, complot, etc.), celui de la circulation (contraventions de voirie, roulage, etc.), etc. Ce qui est particulier au droit pénal, c’est la protection renforcée qu’il ajoute, par la menace d’une peine, aux-commandements et aux défenses de l’ordre juridique. Si donc tous les intérêts, sans exception, peuvent bénéficier de la protection pénale, ils n’en bénéficieront, en réalité, que s’ils sont particulièrement dignes de protection. Dans le domaine des intérêts juridiquement protégés, le droit pénal intervient comme un gendarme, pour assurer un complément de sécurité, à des intérêts pour lesquels la protection juridique ordinaire ne suffirait pas.

La distinction. des lésions de droit, des « injustices » qui sont ou ne sont pas punissables, ne semble pas s’être dégagée immédiatement à l’origine des sociétés. Le sentiment de la justice brutale, tel que nous le rencontrons encore aujourd’hui chez l’homme du peuple, répugne à cette analyse, qui est le fait d’une civilisation avancée ; il voit volontiers, dans toute violation de droit, un délit, et il réclame, par conséquent, non seulement le redressement du tort qui lui-est causé, mais l’application d’une peine à celui qui en est l’auteur. Le droit civil emprunte alors au droit pénal sa sanction. C’est ce sentiment brutal que nous trouvons consacré par des législations barbares, qui font, de presque toutes les lésions de droit, des délits, réprimés par une peine privée, qui joue le double rôle de nos dommages-intérêts- et de nos amendes. D’un autre côté, dans le commencement de leur évolution, le droit pénal et le droit civil sont identiques. Nés de la nécessité de protéger le droit, ils se confondent d’abord, pour se coordonner ensuite. Mais la séparation absolue du droit privé et du droit pénal, c’est-à-dire de la justice réparative et de la justice pénale, est, dans les législations modernes, le terme d’une évolution qui se poursuit depuis bien des siècles.

L’emploi des deux premier procédés pour sanctionner le droit, la mise en œuvre de la « justice indemnisante » est certainement légitime de la part du pouvoir social ; personne n’a jamais songé à contester la régularité de son intervention, quand il fait respecter le droit de chacun ou qu’il fait réparer le préjudice résultant de sa violation. Mais l’emploi du troisième procédé ; l’application d’une peine à l’auteur d’une lésion de droit, est-il également légitime ? La « justice punissante » est-elle une création artificielle de la société ? En un mot, ce fait, répété depuis tant de siècles, contemporain de la naissance des sociétés primitives, en vertu duquel un individu est privé, par ses semblables, de son patrimoine, de sa. liberté, de sa vie, de ses droits les plus sacrés, est-il un abus de la force sociale ou l’exercice d’un droit social ? …

Signe de fin