Page d'accueil > Table des rubriques > La législation criminelle > Anciens textes > Le Digeste de Justinien (Traduction de Henri HULOT, 1803) > Livre 47 (Deuxième partie)

DIGESTE DE JUSTINIEN
( dit en grec « Pandectes » )

Commission établie en 530
Promulgation intervenue en 533
Traduction de Henri HULOT
( Metz l’an XII – 1803 )

LIVRE QUARANTE-SEPT
(Deuxième partie)

TITULUS III. - DE TIGNO JUNCTO

TITRE III. - DU VOL DES MATÉRIAUX, etc.

1. Ulpianus liber 37 ad Edictum.

1. Ulpien au livre 37 sur l'Édit.

Lex duodecim tabularum neque solvere permittit tignum furtivum aedibus vel vineis iunctum, neque vindicare ; (quod providenter lex effecit, ne vel aedificia sub hoc praetextu diruantur vel vinearum cultura turbetur) Sed in eum, qui convictus est iunxisse, in duplum dat actionem. La loi des douze tables ne permet pas de détacher d'une maison ni d'une vigne un morceau de bois volé qu'on y aurait utilisé, ni même de le revendiquer (ce que la loi a fait avec prévoyance, de peur que sous ce prétexte les édifices ne fussent détruits, ou que la culture des vignes ne fût troublée). Contre celui qui serait convaincu d'avoir ainsi agi, elle donne l'action au double.
§1. Tigni autem appellatione continetur omnis materia, ex qua aedificium constet, vineaeque necessaria. Unde quidam aiunt tegulam quoque et lapidem et testam ceteraque, si qua aedificiis sunt utilia (tigna enim a tegendo dicta sunt) ; hoc amplius et calcem et arenam tignorum appellatione contineri. Sed et in vineis tigni appellatione omnia vineis necessaria continentur, ut puta perticae pedamenta. §1. Sous le nom de poutre sont compris tous les matériaux dont un édifice est composé, et ceux qui sont nécessaires à la vigne. De là quelques uns disent que la tuile aussi et la pierre et la brique et le reste qui peut être utile aux édifices (car tignum, poutre, dérive d'un mot qui signifie couvrir) : bien plus et la chaux et le sable sont contenus dans la dénomination de poutre. Et aussi dans les vignes, on comprend sous le nom de poutre tout ce qui est nécessaire à la vigne, tels que les perches, les échalas.
§2. Sed et ad exhibendum danda est actio : nec enim parci oportet ei qui sciens alienam rem aedificio inclusit, vinxitve : non enim sic eum convenimus quasi possidentem ; sed ita quasi dolo malo fecerit, quominus possideat. §2. Mais on donne l'action pour faire exhiber : car on ne doit pas ménager celui qui sciemment s'est emparé de la chose d'autrui, l'a incorporée ou attachée à un édifice : car on ne l'actionne pas comme possesseur, mais comme ayant par dol une possession médiocre.

2. Idem liber 42 ad Sabinum.

2. Le même au livre 42 sur Sabin.

Sed si proponas tigni furtivi nomine aedibus juncti actum, deliberari poterit, an extrinsecus sit rei vindicatio. Et esse non dubito. Mais si vous supposez que l'on ait intenté l'action de la chose dérobée, on peut examiner si on a indépendamment la revendication de la chose. Et je n'en doute pas.

TITULUS IV.
SI IS, QUI TESTAMENTO LIBER ESSE IUSSUS ERIT POST MORTEM DOMINI, ANTE ADITAM HEREDITATEM SUBRIPUISSE AUT CORRUPISSE, QUID DICETUR

TITRE IV. -
SI CELUI QUI, AYANT REÇU LA LIBERTÉ PAR TESTAMENT DEPUIS LA MORT DU MAÎTRE AVANT L'ADITION D'HÉRÉDITÉ, EST DIT AVOIR VOLÉ OU GÂTÉ QUELQUE CHOSE

1. Ulpianus liber38 ad Edictum.

1. Ulpien au livre 38 sur l'Édit.

Si dolo malo ejus, qui liber esse jussus erit, post mortem domini, ante aditam hereditatem in bonis, quae ejus fuerunt, qui eum liberum esse jusserit, factum esse dicetur, quominus ex his bonis ad heredem aliquid perveniret : in eum intra annum utilem dupli judicium datur. Si, par le dol de celui qui a reçu directement la liberté après la mort du maître, avant l'adition d'hérédité, il a été fait quelque chose aux biens qui appartenaient à celui qui lui a donné la liberté, pour empêcher qu'une partie de ces biens ne parvint à l'héritier, l'action au double est donnée contre lui dans l'année utile.
§1. Haec autem actio, ut Labeo scripsit, naturalem potius in se quam civilem habet aequitatem, si quidem civilis deficit actio : sed natura aequum est non esse impunitum eum, qui hac spe audacior factus est ; quia neque ut servum se coerceri posse intellegit spe imminentis libertatis, neque ut liberum damnari, quia hereditati furtum fecit, hoc est dominae ; dominus autem dominave non possunt habere furti actionem cum servo suo, quamvis postea ad libertatem pervenerit vel alienatus sit, nisi si postea quoque contrectaverit. E re itaque esse praetor putavit calliditatem et protervitatem horum, qui hereditates depopulantur, dupli actione coercere. §1. Or cette action d'après le fait (comme l'a écrit Labéon) est en soi d’équité, plutôt naturelle que civile, puisqu'elle est donnée à défaut d'action civile. Mais il est équitable naturellement que cet individu ne reste pas impuni, lui qui, espérant l'être, en est devenu plus audacieux ; parce qu'il s’imagine qu'il ne peut pas être puni comme un esclave dans l'espérance d'une liberté prochaine, ni condamné comme un homme libre, parce qu'il a fait un vol à l'hérédité, c'est-à-dire à son maître ; or le maître ou la maîtresse ne peuvent avoir l'action de vol contre leur esclave, quoique dans la suite il parvienne à la liberté, ou qu'il ait été aliéné ; à moins que dans la suite il n'ait déplacé la chose. C'est pourquoi le préteur a cru qu'il était utile que la ruse et l'audace de ceux qui spolient des successions fussent punis par l'action au double.
§2. Non alias tenebitur iste libertus, quam si dolo quid dissipasse proponatur. Culpa autem neglegentiaque servi post libertatem excusata est ; sed culpa dolo proxima dolum repraesentat. Proinde si quid damni dedit sine dolo, cessabit ista actio, quamvis alias Aquilia tenetur ob hoc quod damnum qualiter qualiter dederit. Habet itaque certum finem ista actio, ut et dolo fecerit iste et post mortem domini, et ante aditam hereditatem. Caeterum si sine dolo, aut dolo quidem, verum vivo domino, non tenebitur hac actione. Quinimo et si post mortem post aditam hereditatem, cessabit actio : nam ubi adita hereditas est, jam quasi liber conveniri potest. §2. Cet affranchi ne sera obligé que s'il a dissipé quelque chose par fraude. La faute et la négligence de l'esclave après sa liberté sont excusés, mais une faute très proche du dol représente le dol. C'est pourquoi s’il a causé quelque dommage sans dol, cette action n'aura pas lieu, quoique d'ailleurs il soit tenu de la loi Aquilia pour avoir causé un dommage d'une manière quelconque. Ainsi, pour que cette action ait lieu, il faut unir ces conditions que l'auteur soit en fraude, qu'il l’ait commise après la mort du maître et avant l'adition d’hérédité. Mais si c'est sans fraude ou même avec fraude, mais du vivant du maître, il ne sera pas tenu de cette action. Bien plus, même après la mort du maître et après l'adition d'hérédité, cette action n'a pas lieu : car, une fois l'hérédité acquise, on peut le poursuivre comme un homme libre.
§3. Quid tamen, si sub condicione accepit libertatem ? Ecce nondum liber erit : sed ut servus potest coerceri. Idcirco dicendum est cessare hanc actionem. §3. Qu'arrivera-t-il cependant s'il a reçu la liberté sous condition ? Alors il ne sera pas encore libre, mais il peut être puni comme un esclave. C'est pourquoi il faut dire que cette action n'a pas lieu.
§4. Sed ubi libertas competit, continuo dicendum est posse et debere hanc actionem dari adversus eum, qui pervenit ad libertatem. §4. Mais dès que la liberté est acquise, il faut dire qu'à l'instant cette action peut et doit être donnée contre celui qui est parvenu à la liberté.
§.5. Si servus pure legatus ante aditam hereditatem, quid admiserit in hereditate, dicendum est, quia dominium in eo mutatur, huic actioni locum esse. §.5. Si un esclave, légué purement et simplement, a porté atteinte à quelque chose dans l'hérédité avant qu'elle soit acquise, il faut dire que, par cela le domaine sur l'esclave est changé, et qu'il y a lieu à action.
§6. Et generaliter dicimus, quo casu in servo dominium vel mutatur, vel amittitur, vel libertas competit post intervallum modicum aditae hereditatis, eo casu hanc actionem indulgendam. §6. En général nous disons, dans le cas où à l'égard de l'esclave le domaine est changé ou perdu, ou que la liberté lui advient peu de temps après l'adition d'hérédité, dans ce cas cette action doit être accordée.
§7. Sed si fideicommissaria libertas servo data sit, quidquid in hereditate maleficii admisit, numquid non prius cogatur heres manumittere, quam si satisfecerit ? Est autem saepissime et a divo Marco et ab imperatore nostro cum patre rescriptum non impediri fideicommissariam libertatem, quae pure data est. Divus sane Marcus rescripsit, arbitrum ex continenti dandum, apud quem ratio ponatur. Sed hoc rescriptum ad rationem ponendam pertinet actus, quem servus administravit. Arbitror igitur et hic posse hanc actionem competere. §7. Mais si une liberté fidéicommissaire a été donnée à l'esclave qui a commis quelque dommage dans l'hérédité, est-ce que l'on ne pourra pas empêcher le maître de l'affranchir avant qu'il ait satisfait ? Très souvent il a été répondu, par des rescrits du divin Marcus et par notre empereur avec son père, que ce n'est point un obstacle à la liberté fidéicommissaire donnée sans condition. Cependant le divin Marcus a déclaré par un rescrit qu'il faut donner à l'instant un arbitre devant qui le compte sera rendu. Mais ce rescrit regarde le compte que doit rendre l'esclave qui a administré. Je crois donc que dans ce cas cette action peut être accordée.
  §8. « Ante aditam hereditatem » sic accipere debemus «  antequam vel ab uno adeatur hereditas » : nam ubi vel unus adit, competit libertas. §8. « Avant l'adition d'hérédité » doit être entendu « avant que l'hérédité soit acquise même par un seul » : car sitôt même qu’un seul l'a acquise, la liberté survient.
§9. Si pupillus heres institutus sit et a substituto ejus libertas data, medioque tempore quaedam admittantur ; si quidem vivo pupillo quid fuerit factum ; locum non esse huic actioni. Sin vero post mortem, antequam quis pupillo succederet, actionem istam locum habere. §9. Si un pupille a été institué héritier et que la liberté ait été donnée aussitôt qu il y aurait un substitué, et que dans le temps intermédiaire il soit commis quelque dommage, si cela a été commis du vivant du pupille, il n'y a pas lieu à cette action. Mais si c'est après sa mort, avant que quelqu'un lui succédât, il y a lieu à cette action.
§10. Haec actio locum habet non tantum in rebus, quae in bonis fuerunt testatoris, sed et si heredis interfuit dolum malum admissum non esse, quominus ad se perveniret. Et ideo Scaevola plenius tractat etsi eam rem subripuisset servus, quam defunctus pignori acceperat, hanc actionem honorariam locum habere ; plenius enim causam bonorum hic accipimus pro utilitate. Nam si in locum deficientis furti actionis propter servitutem hanc actionem substituit praetor, verisimile est in omnibus causis eum, in quibus furti agi potuit, substituisse. Et in summa probatur hanc actionem, et in rebus pigneratis, et in rebus alienis bona fide possessis locum habere. Idem et de re commodata testatori. §10. Cette action a lieu non seulement pour les choses qui étaient dans les biens du testateur, mais encore si l'héritier a intérêt que la fraude n'ait pas été commise pour qu'il n'en ressente aucun dommage. C'est pourquoi Scévola pronon-ce d'une manière plus étendue, que si l'esclave avait déro-bé une chose que le défunt avait reçu en gage, cette action prétorienne est applicable : car ici la cause des biens, dans un sens plus étendu, signifie l'utilité. Car si le préteur en place de l'action de vol, qui n'est point applicable à cause de la servitude, a substitué cette autre action, il est vrai-semblable qu'il a substitué la même dans tous les cas où l'on aurait pu agir par l'action de vol. En somme, il faut reconnaître que cette action a lieu pour les choses données en gage et pour les choses d'autrui possédées de bonne foi. Il en est de même de la chose prêtée au testateur.
§11. Item si fructus post mortem testatoris perceptos hic servus, qui libertatem prospicit, contrectaverit, locus erit huic actioni. Sed et si partus vel foetus post mortem adgnatos, tantundem erit dicendum. §11. De même quant aux fruits perçus depuis la mort du testateur ; si cet esclave qui a en vue la liberté les a dérobés, il y aura lieu à cette action. Si ce sont des enfants d'esclaves ou des portées d'animaux nés depuis la mort à la succession, il faudra en dire autant.
§12. Praeterea si impubes post mortem patris quaesierit rei dominium, eaque antequam impuberis hereditas adeatur, subripiatur, locum habere istam actionem dicendum est. §12. De plus si un impubère, depuis la mort de son père, a acquis la propriété d'une chose, et qu'avant que l'hérédité de l'impubère soit acceptée elle soit dérobée, il faut dire que cette action est applicable.
§13. Sed et in omnibus, quae interfuit heredis non esse aversa, locum habet haec actio. §13. Et pour toutes les choses que l'héritier a intérêt à ce qu’elles ne soient pas détournées, cette action a lieu.
§14. Non tantum autem ad sola furta ista actio pertinet, sed etiam ad omnia damna, quaecumque hereditati servus dedit. §14. Cette action est appliquée non seulement au cas de vol, mais aussi à tous les cas de dommages que l'esclave a pu faire à l'hérédité.
§15. Scaevola ait possessionis furtum fieri : denique si nullus sit possessor, furtum negat fieri. Idcirco autem hereditati furtum non fieri, quia possessionem hereditas non habet, quae facti est et animi. Sed nec heredis est possessio, antequam possideat ; quia hereditas in eum id tantum transfundit, quod est hereditatis ; non autem fuit possessio hereditatis. §15. Scévola dit que l'on fait le vol de la possession ; en sorte que, s'il n'y aucun possesseur, il n'y a pas de vol. Et l'on ne fait pas de vol à une hérédité, parce que l'hérédité n'emporte pas la possession, laquelle est de fait et d'intention. L'héritier lui-même n'a pas de possession avant d'appréhender corporellement, parce que l'hérédité ne lui transmet que ce qui est purement de l'hérédité ; mais la possession n’entre pas dans la notion d'hérédité.
§16. Illud verum est, si potest alias heres ad suum pervenire, non esse honorariam hanc actionem tribuendam;: cum in id quod intersit condemnatio fiat. §16. Il est vrai que, si par un autre moyen l'héritier peut obtenir ce qui lui appartient, il ne faut pas lui accorder l'action honoraire : puisque l'on y condamne à ce qu'on a intérêt d'obtenir.
§7. Praeter hanc actionem esse et vindicationem rei constat, cum haec actio ad similitudinem furti competat. §7. Outre cette action, il est certain que l'on a encore la revendication de la chose, puisque cette action honoraire est de même nature que de celle du vol.
§18. Item heredi caeterisque successoribus competere istam actionem dicendum est. §18. Il faut dire de même que cette action appartient aussi à l'héritier et aux autres successeurs.
§19. Si plures servi libertatem acceperunt, et dolo malo quid admiserint, singuli convenientur in solidum, hoc est in duplum : et cum ex delicto conveniantur, exemplo furti nullus eorum liberatur, etsi unus conventus praestiterit. §19. Si plusieurs esclaves ayant reçu la liberté ont commis par fraude quelque dommage, chacun d'eux sera tenu solidairement, au double : et comme ils sont coauteurs d'un délit, aucun d'eux, comme en cas de vol, n'est libéré, quoique étant poursuivi un d'entre eux ait payé.

2. Gaius liber13 ad Edictum provinciale.

2. Gaïus au livre 13 sur l'Édit provincial.

Si paulo ante, quam statuta libertas optigerit, amoverit aliquid servus aut corruperit, ignorantia domini non introducit hanc actionem : ideoque licet maxime ignoraverit heres a statulibero, aut quilibet alius dominus a servo suo amotum aliquid corruptumve esse, non impetrat post libertatem ejus ullam actionem ; quamvis in pluribus aliis causis iusta ignorantia excusationem mereatur. Si peu de temps avant que la liberté donnée soit effective, l'esclave a dérobé quelque chose ou l'a détérioré, l'ignorance du maître n'introduit pas cette action. Ainsi, quoique l'héritier ait parfaitement ignoré que son esclave libre sous condition, ou tout autre maître que son esclave a détourné ou détérioré quelque chose, il n'obtiendra après sa liberté aucune action ; quoique dans beaucoup d'autres causes une juste ignorance serve d'excuse.

3. Ulpianus liber13 ad Edictum.

3. Ulpien au livre 13 sur l'Édit.

Labeo putavit sub condicione manumissum res  amoventem, si cito conditio extitit, hac actione conveniendum. Labéon a soutenu qu'un homme affranchi sous condition, qui détourne quelque chose, si la condition arrive bientôt, peut être poursuivi par cette action.

TITULUS V. - FURTI ADVERSUS NAUTAS CAUPONES STABULARIOS

TITRE V. – L’ACTION DE VOL CONTRE LES NAUTONNIERS, CABARETIERS ET HÔTELIERS

1. Ulpianus liber 38 ad Edictum.

1. Ulpien au livre 38 sur l'Édit.

In eos, qui naves, cauponas, stabula exercebunt, si quid a quoquo eorum, quosve ibi habebunt furtum factum esse dicetur, judicium datur, sive furtum ope consilio exercitoris factum sit, sive eorum cujus, qui in ea navi navigandi causa esset. Le droit donne une action contre ceux qui tiennent des navires, des cabarets ou des hôtelleries ; s'il est dit qu'un vol ait été fait par un d'eux ou de leurs gens ; que le vol ait été commis avec l’aide et le conseil du maître du navire ou de ceux qui sont sur le navire pour la navigation.
§1. Navigandi autem causa accipere debemus, eos qui adhibentur, ut navis naviget, hoc est nautas. §1. Les mots, « pour la navigation », doivent être entendus de ceux qui sont employés pour faire voguer le bâtiment, c'est-à-dire les nautoniers.
§2. Et est in duplum actio. §2. Cette action est au double.
§3. Cum enim in caupona, vel in navi res perit, ex edicto praetoris obligatur exercitor navis vel caupo ita ; ut in potestate sit ejus, cui res subrepta sit, utrum mallet cum exercitore honorario jure an cum fure jure civili experiri. §3. Lorsque dans un cabaret ou un navire, une chose vient à périr, l'édit du préteur vise le maître du navire ou le cabaretier ; en sorte que celui à qui la chose a été dérobée peut diriger son action soit d'après le droit prétorien contre le maître, soit suivant le droit commun contre le voleur.
§4. Quod si receperit salvum fore caupo vel nauta, furti actionem non dominus rei subreptae, sed ipse habet, quia recipiendo periculum custodiae subit. §4. Si le cabaretier ou le nautonier s'est chargé de rendre la chose saine et sauve, l'action de vol est donnée non au maître de la chose dérobée, mais à celui qui, en s'en chargeant, a pris sur lui le péril de la garde.
§5. Servi vero sui nomine exercitor noxae dedendo se liberat. Cur ergo non exercitor condemnetur, qui servum tam malum in nave admisit ? Et cur liberi quidem hominis nomine tenetur in solidum, servi vero non tenetur ? nisi forte idcirco, quod liberum quidem hominem adhibens, statuere debuit de eo, qualis esset ; in servo vero suo ignoscendum sit ei quasi in domestico malo, si noxae dedere paratus sit. Si autem alienum adhibuit servum, quasi in libero tenebitur. §5. Mais le maître du navire poursuivi pour le fait de son esclave, peut se libérer en l'abandonnant à l'action noxale. Pourquoi donc le maître du navire n'est-il pas condamné pour avoir admis dans son vaisseau un esclave si vicieux ? Pourquoi est-il tenu solidairement pour le délit d'un homme libre, et non pour celui d'un esclave ? Si ce n'est peut-être parce qu'en employant un homme libre, il a dû s'assurer de ce qu'il était, tandis que pour son esclave, il faut avoir quelque indulgence, comme dans un mal domestique, s'il est prêt de l'abandonner à l'action noxale. Si cependant il a employé l'esclave d'autrui, il sera obligé comme pour un homme libre.
§6. Caupo praestat factum eorum, qui in ea caupona ejus cauponae exercendae causa ibi sunt, item eorum, qui habitandi causa ibi sunt ; viatorum autem factum non praestat : namque viatorem sibi eligere caupo vel stabularius non videtur nec repellere potest iter agentes. Inhabitatores vero perpetuos ipse quodammodo elegit, qui non rejecit, quorum factum oportet eum praestare. In navi quoque vectorum factum non praestatur. §6. Le cabaretier répond du fait de ceux qui sont dans le cabaret pour en faire le service, et aussi de ceux qui y sont pour y demeurer ; mais il ne répond pas du fait des voyageurs : car ni le cabaretier ni l’hôtelier ne paraissent choisir les voyageurs, et ils ne peuvent pas refuser les passants. Mais ils se sont choisis en quelque sorte les habitants à demeure, par cela qu'ils ne les ont pas rejetés ; ainsi il faut qu'ils répondent de leur fait. De même dans un navire on ne répond pas du fait des passagers.

TITULUS VI. -
SI FAMILIA FURTUM FECISSE DICETUR

TITRE VI. - DES ESCLAVES DU MÊME MAÎTRE QUI SONT DITS AVOIR VOLÉ

1. Ulpianus liber 38 ad Edictum.

1. Ulpien au livre 38 sur l'Édit.

Utilissimum id edictum praetor proposuit, quo dominis prospiceret adversus maleficia servorum ; videlicet ne, cum plures furtum admittunt, evertant domini patrimonium, si omnes dedere aut pro singulis aestimationem litis offerre cogatur. Datur igitur arbitrium hoc edicto, ut, si quidem velit dicere noxios servos, possit omnes dedere qui participaverunt furtum : enimvero si maluerit aestimationem offerre, tantum offerat, quantum si unus liber furtum fecisset, et retineat familiam suam. Le préteur a porté cet édit très utile, pour mettre les maîtres à couvert des méfaits de leurs esclaves ; de peur que si plusieurs en commettaient, ils ne compromissent le patrimoine de leur maître, s'il était contraint de les abandonner tous à l'action noxale, ou d'offrir pour chacun d'eux leur estimation. Ainsi par cet édit il a le choix s'il veut déclarer ses esclaves en faute, d'abandonner tous ceux qui ont participé au vol ; et s'il aime mieux offrir l'estimation, il peut offrir autant que si un homme libre avait fait le vol, et conserver ses esclaves.
§1. Haec autem facultas domino tribuitur totiens, quotiens ignorante eo furtum factum est : ceterum si sciente, facultas ei non erit data : nam et suo nomine et singulorum nomine conveniri potest noxali iudicio, nec una aestimatione, quam homo liber sufferret, defungi poterit. Is autem accipitur scire, qui scit et potuit prohibere : scientiam enim spectare debemus, quae habet et voluntatem. Caeterum si scit, prohibuit tamen, dicendum est usurum edicti beneficio. §1. Cette faculté est donnée au maître lorsque le vol a été fait à son insu. S'il a été fait à sa connaissance il n'aura pas cette faculté : car il peut être poursuivi et en son nom et aussi au nom de chaque esclave par l'action noxale ; et en payant une seule fois l'estimation faite pour un homme libre il n'est pas quitte pour cela. Est dit savoir celui qui a été prévenu de la chose et a pu l'empêcher : car nous devons prendre en compte la connaissance accompagnée de volonté. Au reste, s'il l'a su et qu'il ait empêché le dommage, il faut dire qu'il aura le bénéfice de l'édit.
§2. Si plures servi damnum culpa dederint, aequissimum est eandem facultatem domino dari. §2. Si plusieurs esclaves ont causé du dommage par leur faute, il est juste que soit donnée au maître la même faculté.
§3. Cum plures servi ejusdem rei furtum faciunt et unius nomine cum domino lis contestata sit, tamdiu aliorum nomine actio sustineri debebit, quamdiu priore judicio potest actor consequi, quantum consequeretur, si liber id furtum fecisset ; §3. Lorsque plusieurs esclaves volent une même chose, et qu'à raison d'un de ces esclaves la cause a été dirigée contre le maître, l'action à raison des autres esclaves reste en suspens, tant que, par l’effet de la première instance, le demandeur peut obtenir autant qu'il obtiendrait si le vol avait été fait par un homme libre ;

2. Julianus liber 23 Digestorum.

2. Julien au livre 23 du Digeste.

Id est, et poenae nomine duplum, et condictionis simplum. C'est-à-dire le double à titre de peine et le simple pour la condictio.

3. Ulpianus liber 38 ad Edictum.

3. Ulpien au livre 38 sur l'Édit.

Quotiens tantum praestat dominus, quantum praestaretur, si unus liber fecisset, cessat caeterorum nomine actio, non adversus ipsum, verum etiam adversus emptorem duntaxat, si forte quis eorum, qui simul fecerant, venierint. Idemque et si fuerit manumissus. Quod si prius fuerit ablatum a manumisso, tunc dabitur adversus dominum familiae nomine : nec enim potest dici, quod a manumisso praestitum est, quasi a familia esse praestitum. Plane si emptor praestiterit, puto denegandam in venditorem actionem : quodammodo enim hoc a venditore praestitum est, ad quem nonnumquam regressus est ex hac causa, maxime si furto furtis noxaque solutum esse promisit. Toutes les fois que le maître paye autant qu'il paierait si un seul homme libre avait fait le vol, l'action à raison des autres cesse non seulement contre le maître lui-même mais aussi contre l'acheteur, si par hasard quelqu'un de ceux qui ont volé en même temps que lui a été vendu. La même chose est s'il est affranchi. Si d'abord on a fait payer l'affranchi, alors on dirigera l'action contre le maître à raison de ces esclaves : car on ne peut pas dire que ce qui a été payé par l'affranchi ait été payé comme par la famille des esclaves. Certainement si l'acheteur l'a payé, je pense que l'action doit être déniée contre le vendeur : car cela est en quelque façon payé par le vendeur, contre lequel quelquefois on a un recours pour cette même cause, surtout s'il a déclaré que l'esclave vendu n'était ni coupable de vol ni soumis à aucune action noxale.
§1. Sed an, si legati servi nomine ,vel eius qui donatus est, actum sit cum legatario, vel eo, cui donatus est, agi possit etiam cum domino caeterorum, quaeritur ? Quod admittendum puto. §1. Mais, si à raison d'un esclave légué ou donné, on a poursuivi le légataire ou le donataire, peut-on intenter son action contre le maître à raison des autres ? Je pense que cela doit être admis.
§2. Hujus edicti levamentum non tantum ei, qui servos possidens condemnatus praestitit tantum, quantum si unus liber fecisset, datur ; verum ei quoque, qui idcirco condemnatus est, quia dolo fecerat quo minus possideret. §2. Bénéficie de l’édit, non seulement celui qui possédant un esclave est condamné et a payé autant que si un seul homme libre eût causé le dommage, mais aussi celui qui a été condamné, parce que par dol il a cessé de posséder.

4. Julianus liber 22 Digestorum.

4. Julien au livre 22 du Digeste.

Etiam heredibus ejus cui plures ejusdem familiae furtum fecerint, eadem actio competere debet, quae testatori competebat; id est ut omnes non amplius consequantur, quam consequerentur, si id furtum liber fecisset. Les héritiers de celui à qui plusieurs esclaves de la même famille ont fait un vol, ont la même action que celle qui appartenait au testateur : i.e. tous ne retireront pas plus qu'ils n'en retireraient si un homme libre eût fait ce vol.

5. Marcellus liber 8 Digestorum.

5. Marcellus au livre 8 du Digeste.

Familia communis sciente altero furtum fecit. Omnium nomine cum eo qui scit, furti agi poterit ; cum altero ad eum modum, qui edicto comprehensus est. Quod ille praestiterit non totius familiae nomine, ab hoc socio partem consequeretur. Et si servus communis alterius jussu damnum dederit, etiam quod praestiterit alter, si modo cum eo quoque ex lege Aquilia vel ex duodecim tabulis agi potest, repetat a socio ; sicuti cum communi rei nocitum est. Si ergo duntaxat duos habuerim servos communes, cum eo, quo non ignorante factum est, agetur utriusque servi nomine ; sed non amplius consequentur a socio, quam si unius nomine praestitisset : Quod si cum eo, quo ignorante factum est, agere volet, duplum tantum consequetur. Et videamus, an jam in socium alterius servi nomine non sit dandum judicium, quemadmodum si omnium nomine socius decidisset : nisi forte hoc casu severius a praetore constituendum est nec servorum conscio parcendum est. Une communauté a commis un vol au su d'un des deux maîtres. On pourra, au nom de tous les esclaves, poursuivre par action de vol celui qui l'a su, et l'autre maître seulement dans les limites posées par l'édit. Si le premier a payé, il en fera supporter la part au second, son associé, mais non pas à raison de la famille toute entière. Et si un esclave en commun a fait du dommage par l'ordre d'un des deux maîtres, ce que l'autre aura payé, si cependant on peut agir contre lui en vertu de la loi Aquilia ou de la loi des douze tables, il le redemandera à son associé, comme ayant essuyé du dommage dans la chose commune. Si donc j'ai eu seulement deux esclaves en commun, on dirigera les poursuites contre celui qui a commis le dommage lorsqu'on le faisait, et ce sera à raison des deux esclaves ; mais il ne retirera pas plus de son associé que s'il eût payé au nom d'un seul. Que si l'on veut intenter son action contre celui qui ne savait pas que l'on causait le dommage, on ne retirera que le double. Et examinons s'il n'aura pas en même temps action contre son associé à raison de l'autre esclave, comme s'il avait payé en qualité d'associé au nombre de tous, considérés comme faisant un tout ; mais probablement dans ce cas le préteur doit être plus sévère, car il ne faut pas avoir de ménagement pour le complice des esclaves.

6. Scaevola liber 4 Quaestionum.

6. Scévola au livre 4 des Questions.

Labeo putat, si coheres meus, quod furtum familia cujus fecisset, duplum abstulisset, me non impediri, quominus dupli agam, eoque modo fraudem edicto fieri : esseque iniquum plus heredes nostros ferre, quam ferremus ipsi. Idem, si defunctus minus duplo abstulit, adhuc singulos heredes recte experiri Scaevola respondit. Verius puto partes ejus heredes persecuturos, sed ut cum eo, quod defunctus abstulit, uterque heres non plus duplo ferat. Labéon pense que si, à raison d'un vol fait par une famille d'esclaves, mon cohéritier a reçu le double rien ne m'empêche d'intenter l'action au double, et qu'ainsi on va contre l'intention de l'édit ; il est injuste que nos héritiers retirent plus que nous ne retirerions nous-mêmes. Il ajoute que si l’héritier a reçu moins que le double, chacun des héritiers pourra encore intenter son action. Scévola a répondu que les héritiers ne pourront poursuivre que des parts égales ensemble à ce qu'aurait pu demander le défunt : en sorte qu'avec ce que le défunt a reçu, l'un et l'autre héritiers, unissant ce qu'ils auront, ne reçoivent point au-delà du double.

TITULUS VII
ARBORUM FURTIM CAESARUM

TITRE VII
DES ARBRES COUPÉS FURTIVEMENT

1. Paulus liber 9 ad Sabinum.

1. Paul au livre 9 sur Sabin.

Si furtim arbores caesae sint, et ex lege Aquilia et ex duodecim tabularum dandam actionem Labeo ait. Sed Trebatius ita utramque dandam, ut judex in posteriore deducat id quod ex prima consecutus sit, et reliquo condemnet. Si des arbres ont été coupés furtivement, Labéon dit qu'il faut donner une action, et d'après la loi Aquilia, et d’après celle des Douze tables. Mais Trébatius observe que l'une et l'autre sont données ; de sorte que le juge, dans la condamnation de la dernière, doit déduire ce que l'on a reçu par la première, et condamner pour le reste.

2. Gaius liber 1 ad Legem duodecim tabularum.

2. Caïus au livre 1 sur la Loi des douze tables.

Sciendum est autem eos, qui arbores, et maxime vites ceciderint, etiam tamquam latrones puniri. Il faut savoir que ceux qui coupent des arbres, et surtout des vignes, sont punis également comme des voleurs.

3. Ulpianus liber 42 ad Sabinum.

3. Ulpien au livre 42 sur Sabin.

Vitem arboris appellatione contineri plerique veterum existimaverunt. La plupart des anciens ont estimé que la vigne est comprise dans le mot arbre.
§1. Hederae quoque et arundines, arbores non male dicentur. §1. Les lierres et les roseaux aussi ne sont pas improprement appelés des arbres.
§2. Idem de salicteto dicendum est. §2. Il faut dire la même chose des saussaies.
§3. Sed si quis saligneas virgas instituendi, salicti causa defixerit haeque, antequam radices coegerint, succidantur aut evellantur ; recte Pomponius scripsit non posse agi de arboribus succisis, cum nulla arbor proprie dicatur, quae radicem non conceperit. §3. Si, pour établir une saussaie, quelqu'un a planté en terre des baguettes de saule et qu'avant d'avoir poussé des racines elles soient coupées ou arrachées, Pomponius a écrit avec raison, que l'on ne peut intenter action dite « à raison d'arbres coupés », puisque aucun arbre n'est proprement ainsi qualifié avant qu'il n'ait pris racines.
§4. Quod si quis ex seminario, id est stirpitus arborem transtulerit, eam, quamvis nondum comprehenderit terram, arborem tamen videri Pomponius libro nono decimo ad sabinum probat. §4. Si quelqu'un a transporté un arbre d'une pépinière, c'est-à-dire avec ses racines, quoiqu'elles n'aient pas encore pris terre, Pomponius au livre dix-neuf sur Sabin dit que cela lui semble être un arbre.
§5. Ideo ea quoque arbor esse videtur, cujus radices desinent vivere, quamvis adhuc terra contineatur. Quam sententiam Labeo quoque probat. §5. C'est pourquoi on regarde aussi comme un arbre celui dont les racines cessent de vivre, quoiqu'elles soient encore en terre. Labéon est de cet avis.
§6. Labeo etiam eam arborem recte dici putat, quae subversa a radicibus etiam nunc reponi potest ; aut quae ita translata est, ut poni possit. §6. Labéon pense que l'on peut aussi appeler arbre celui qui, renversé et déraciné, peut encore être replanté ; ou qui a été transporté de manière à pouvoir être replanté.
§7. Stirpes oleae arbores esse magis est, sive jam egerunt radices sive nondum. §7. Des souches d'olivier sont plutôt des arbres, qu'elles aient poussé des racines ou qu'elles n'en aient pas poussé.
§8. Omnium igitur harum arborum, quas enumeravimus, nomine agi poterit. §8. On pourra donc intenter l’action pour tous ces arbres dont nous avons fait l'énumération.

4. Gaius lib ad Legem duodecim tabularum.

4. Gaïus au livre sur la Loi des douze tables.

Certe non dubitatur, si adhuc adeo tenerum sit, ut herbae loco sit, non debere arboris numero haberi. Bien sûr, si un arbre est encore si jeune qu'il soit comme une herbe, il ne doit pas être regardé comme un arbre.

5. Paulus liber 9 ad Sabinum.

5. Paul au livre 9 sur Sabin.

Caedere est non solum succidere, sed etiam ferire caedendi causa. Cingere est deglabrare. Subsecare est subsecuisse. Non enim poterat cecidisse intellegi, qui serra secuisset. Couper est non seulement trancher, mais encore frapper dans l'intention de couper. Ceindre, c'est écorcer. Couper c’est avoir tranché. Car on ne pourrait pas être dit avoir coupé en frappant quand on sépare avec une scie.
§1. Ejus actionis eadem causa est, quae est legis Aquiliae. §1. Cette action a la même cause que dans la loi Aquilia.
§2. Is, cujus ususfructus est in fundo, hanc actionem non habet. §2. Celui qui a l'usufruit sur un fonds n'a pas cette action.
§3. Qui autem fundum vectigalem habet, hanc actionem habet ; sicut aquae pluviae arcendae actionem, et finium regundorum. §3. Celui qui a un fonds tributaire a cette action, comme celle pour écarter l'eau de pluie et celle de bornage.

6. Pomponius liber20 ad Sabinum.

6. Pomponius au livre 20 sur Sabin.

Si plures eadem arborem furtim ceciderint, cum singulis in solidum agetur. Si plusieurs ont furtivement coupé le même arbre, on a contre chacun une action solidaire.
§1. At si eadem arbor plurium fuerit, universis duntaxat una et semel poena praestabitur. §1. Toutefois, si le même arbre appartient à plusieurs personnes, toutes pourront ensemble se faire payer une fois seulement la même peine.
§2. Si arbor in vicini fundum radices porrexit, recidere eas vicino non licebit, agere autem licebit ; non esse ejus sicuti tignum aut protectum immissum habere. Si radicibus vicini arbor aletur, tamen ejus est, in cujus fundo origo ejus fuerit. §2. Si un arbre a poussé ses racines dans le terrain du voisin, celui-ci n'a pas le droit de les couper sur son terrain ; mais il a une action pour le faire prescrire, comme pour une poutre ou un toit en saillie. Si un arbre se nourrit par des racines poussées dans le terrain du voisin, cependant il appartient à celui dans le terrain duquel il a pris son origine.

7. Ulpianus liber 38 ad Edictum.

7. Ulpien au livre 38 sur l'Édit.

Furtim caesae arbores videntur, quae ignorante domino, celandique ejus causa caeduntur. Des arbres sont réputés coupés furtivement lorsqu'ils sont coupés à l'insu du maître et pour se cacher de lui.
§1. Nec esse hanc furti actionem scribit Pedius, cum et sine furto fieri possit, ut quis arbores furtim caedat. §1. Cet acte n'est pas un acte de vol, dit Pédius, puisque même sans intention de voler il peut se faire que l'on coupe des arbres furtivement.
§2. Si quis radicitus arborem evellerit vel exstirpaverit, hac actione non tenetur : neque enim, vel caedit, vel succidit, vel subsecuit : Aquilia tamen tenetur, quasi ruperit. §2. Si quelqu'un a arraché un arbre en tirant les racines, ou l'a extirpé, il n'est pas soumis à cette action : car il ne l'a pas frappé, ni coupé, ni tranché. Mais il est tenu de la loi Aquilia comme l'ayant rompu.
§3. Etiam si non tota arbor caesa sit, recte tamen agetur quasi caesa. §3. Même si l'arbre tout entier n'ait pas été coupé, cependant on aura action comme s’il était coupé.
§4. Sive autem quis suis manibus, sive dum imperat servo arbores cingi, subsecari, caedi, hac actione tenetur. Idem et si libero imperet. §4. Soit que quelqu'un le fasse de ses mains, soit qu'il commande à un esclave de ceindre les arbres, de les trancher, de les couper, il est tenu de cette action. Il en est de même s'il le commande à un homme libre.
§5. Quod si servo suo non praeceperit dominus, sed ipse sua voluntate id amiserit, Sabinus ait competere noxale, ut in ceteris maleficiis Quae sententia vera est. §5. Si le maître n'en a pas donné l'ordre à son esclave, mais que celui-ci l'ait fait de son propre mouvement, Sabin dit que dans ce cas on a l'action noxale comme dans tout autre délit. Cette opinion est fondée.
§6. Haec actio, etiam si poenalis sit, perpetua est ; sed adversus heredem non datur ; heredi ceterisque successoribus dabitur. §6. Cette action, quoique pénale, est perpétuelle ; mais elle n'est pas donnée contre l'héritier ; elle sera donnée à l'héritier et aux autres successeurs.
§7. Condemnatio autem ejus duplum continet. §7. La condamnation sur cette action est au double.

8. Paulus liber 39 ad Edictum.

8. Paul au livre 39 sur l'Édit.

Facienda aestimatione, quanti domini intersit non laedi : ipsarumque arborum pretium deduci oportet, et ejus quod superest fieri aestimationem. En faisant l'estimation convenable pour que le maître n'ait pas souffert de dommage, il faut déduire le prix des arbres et estimer le reste.
§1. Furtim arborem caedit, qui clam caedit. §1. Coupe furtivement un arbre, qui le coupe en cachette.
§2. Igitur si ceciderit et lucri faciendi causa contrectaverit, etiam furti tenebitur lignorum causa et condictione et ad exhibendum. §2. C'est pourquoi s'il l’a coupé, et que dans l'intention de faire un gain il l’ait déplacé, il sera tenu de vol pour le bois et de la condictio et de l'action pour faire exhiber.
§3. Qui per vim, sciente domino, caedit, non incidit in hanc actionem. §3. Celui qui coupe par violence et à la connaissance du maître, n'est pas soumis à cette action.

9. Gaius liber13 ad Edictum provinciale.

9. Gaïus au livre 13 sur l'Édit provincial.

Si colonus sit, qui caeciderit arbores, etiam ex locato cum eo agi potest. Plane una actione contentus esse debet actor. Si c'est un fermier qui a coupé les arbres, on peut le poursuivre en vertu du louage ; mais le demandeur doit se contenter d'une action.

10. Julianus liber 3 ex Minicius.

10. Julien au livre 5 sur Minicius.

Si gemina arbor esset, et supra terram junctura ejus emineret, una arbor videtur esse. Sed si id, qua jungeretur non exstaret, totidem arbores sunt, quot species earum supra terram essent. Si un arbre a deux troncs, et que leur union paraisse hors de terre, cela constitue un seul arbre. Mais si la jonction est en terre, il y a autant d'arbres qu'il y a de troncs hors de terre.

11. Paulus liber 22 ad Edictum.

11. Paul au livre 22 sur l'Édit.

Sed si de arboribus caesis ex lege Aquilia actum sit, interdicto (quod vi aut clam) reddito absolvetur, si satis prima condemnatione gravaverit reum, manente nihilominus actione ex lege duodecim tabularum. Si, pour des arbres coupés, on a intenté l'action de la loi Aquilia, l'interdit (contre les actes de violence ou clandestins) ayant été rendu, le défendeur sera absous, si par la première condamnation il a assez payé. Mais il n'en restera pas moins l'action d'après la Loi des douze tables.

12. Javolenus liber 15 ex Cassius.

12. Javolénus au livre 15 sur Cassius.

Qui agrum vendidit, nihilominus furtim arborum caesarum agere potest. Celui qui a vendu un champ pourra intenter l’action d'arbres coupés furtivement avant la vente.

TITULUS VIII. - BONORUM RAPTORUM
ET DE TURBA

TITRE VIII. - DES BIENS RAVIS PAR FORCE
ET DE L'ATTROUPEMENT

1. Paulus liber 22 ad Edictum.

1. Paul au livre 22 sur l'Édit.

Qui rem rapuit, et furti nec manifesti tenetur in duplum, et vi bonorum raptorum in quadruplum. Sed si ante actum sit vi bonorum raptorum, deneganda est furti. Si ante furti actum est, non est illa deneganda, ut tamen id quod amplius in ea est consequatur. Celui qui a pris une chose par force est tenu de l'action de vol non manifeste au double, et de celle des biens ravis par force au quadruple. Mais si l'on a d'abord intenté l'action des biens ravis par force, on ne doit pas accorder celle de vol. Et si l'on a commencé par intenter celle de vol, on ne refusera pas l'autre, mais seulement pour ce qu'elle contient de plus que la première.

2. Ulpianus liber 56 ad Edictum.

2. Ulpien au livre 56 sur l'Édit.

Praetor ait : « Si cui dolo malo hominibus coactis damni quid factum esse dicetur, sive cujus bona rapta esse dicentur, in eum, qui id fecisse dicetur, iudicium dabo. Item si servus fecisse dicetur, in dominum judicium noxale dabo ». Le préteur dit : « Si l'on expose que quelque dommage a été commis par dol et par le moyen d'hommes rassemblés, ou que les biens d’autrui ont été ravis par force, j'accorderai action contre celui qui sera dit avoir fait ces choses. De même si un esclave est dit l'avoir fait, je donnerai contre le maître l'action noxale ».
§1. Hoc edicto contra ea, quae vi committuntur, consuluit praetor ; nam si quis se vim passum docere possit, publico judicio de vi potest experiri ; neque debet publico judicio privata actione praejudicari quidam putant. Sed utilius visum est, quamvis praeiudicium legi Juliae de vi privata fiat, nihilominus tamen non esse denegandam actionem eligentibus privatam persecutionem. §1. Le préteur par cet édit a donné un recours contre les agressions par force : si quelqu'un peut prouver qu'il a souffert de la violence, il pourra agir par jugement public contre la violence ; certains pensent que l'action privée ne préjudicie pas au jugement public. Mais il a paru plus utile, quoique l'action privée préjudicie à la loi Julia sur la violence privée, que l'on ne refuse pas l'action à ceux qui choisissent la poursuite privée.
§2. Dolo autem malo facere potest (quod edictum ait), non tantum is qui rapit, sed et qui praecedente consilio ad hoc ipsum homines colligit armatos, ut damnum det, bonave rapiat. §2. Selon l'édit on peut commettre le délit par dol, non seulement quand on dérobe soi-même, mais aussi quand, en exécution d'un projet, on rassemble des hommes armés pour causer un dommage ou ravir des biens par force.
§3. Sive igitur ipse quis cogat homines, sive ab alio coactis utitur ad rapiendum, dolo malo facere videtur. §3. Donc, que l'on rassemble soi-même des hommes, ou qu'on se serve de ceux réunis par d'autres pour ravir de vive force, c'est agir par dol.
§4. Homines coactos accipere debemus ad hoc coactos, ut damnum daretur. §4. Des « hommes rassemblés » doivent être entendus de ceux qui le sont pour causer du dommage.
§5. Neque additur, quales homines : qualescumque, sive liberos, sive servos. §5. Comme il n'est pas ajouté quels hommes, ce seront des hommes quelconques, libres ou esclaves.
§6. Sed et si unus homo coactus sit, adhuc dicemus homines coactos. §6. Mais même si un seul homme a été appelé, nous dirons alors que des hommes sont rassemblés.
§7. Item si proponas solum damnum dedisse, non puto deficere verba. Hoc enim, quod ait « hominibus coactis », ut, sive solus vim fecerit, sive etiam hominibus coactis, sic accipere debemus ; sive etiam hominibus coactis vel armatis vel inermibus hoc edicto teneatur. §7. De même si vous supposez qu'un seul ait causé du dommage, je pense que les termes de l'édit ne sont pas en défaut. Car ceux dont l’édit se sert « par des hommes rassemblés », doivent être entendus ainsi : soit qu'il ait fait violence lui seul, soit qu'il l'ait faite avec des hommes rassemblés ; soit que les hommes rassemblés aient des armes ou n'en aient pas, l'édit comprend tout.
§8. Doli mali mentio hic, et vim in se habet : nam qui vim facit, dolo malo fecit. Non tamen qui dolo malo facit, utique et vi facit. Ita dolus habet in se et vim : et sine vi si quid callide admissum est, aeque continebitur. §8. La mention du dol ici contient en soi la violence : car celui qui fait violence emploie le dol. Il ne s'ensuit pas cependant que celui qui emploie le dol par cela même exerce la violence. Ainsi le dol a en soi aussi la violence ; et ce qui sans violence sera exécuté avec une adresse trompeuse, y sera également contenu.
§9. « Damni » praetor inquit : omnia ergo damna continet et clandestina. Sed non puto clandestina, sed ea quae violentia permixta sunt. Etiam quis recte definiet, si quid solus admiserit quis non vi, non contineri hoc edicto ; et si quid hominibus coactis, etiamsi sine vi, dummodo dolo sit admissum, ad hoc edictum spectare. §9. « Un dommage », dit le préteur. Il contient donc tous les dommages, même clandestins. Je ne le pense pas des clandestins, mais de ceux seulement où l'on a mêlé de la violence. Ce sera circonscrire avec raison l'édit en disant que, si quelqu'un a commis le dommage seul et sans violence, il n'est pas contenu dans l'édit ; et que, s'il a été commis par des hommes rassemblés, et même sans violence, s’il y a eu dol, c'est un cas relevant de l'édit.
§10. Ceterum, neque furti actio, neque legis Aquiliae contributae sunt in hoc edicto ; licet interdum communes sint cum hoc edicto : nam Julianus scribit eum qui vi rapit furem esse improbiorem, et si quid damni coactis hominibus dederit, utique etiam Aquilia poterit teneri. §10. Au reste, ni l'action de vol, ni l'action de la loi Aquilia, ne sont confondues avec cet édit ; quoique parfois elles concourent : car Julien écrit que celui qui ravit par violence est un voleur plus criminel, et que celui qui aura fait du dommage avec des hommes rassemblés pourra être poursuivi aussi par la loi Aquilia.
§11. « Vel cujus bona rapta esse dicuntur ». Quod ait praetor bona rapta, sic accipiemus : etiam si una res ex bonis rapta sit. §11. « Ou que les biens d’autrui ont été ravis par force ». Quand le préteur dit les biens ravis par force, cela signifie quand même n'aurait-on enlevé qu'une seule chose.
§12. Si quis non homines ipse coegerit, sed inter coactos ipse fuerit et quid aut rapuerit, aut damni dederit, hac actione tenetur. Sed utrum hoc solum contineat edictum, quod dolo malo hominibus a reo coactis damnum datum sit, vel raptum, an vero quod dolo malo rei raptum, vel damnum datum sit, licet ab alio homines sint coacti, quaeritur ? Et melius esse dicitur etiam hoc contineri, ut omnia haec contineantur, et quod ex coactis ab alio damnum datum sit ; ut et is qui coegit et is qui coactus est contineri videatur. §12. Si quelqu'un n'a pas rassemblé lui-même les hom-mes, mais s'est trouvé dans un rassemblement, et qu'il ait ravi quelque chose, ou qu'il ait causé quelque dommage, il est tenu par cette action. L'édit contient-il seulement le dommage fait frauduleusement ou violemment par des hommes qu'a rassemblés le défendeur, ou bien ce même dommage quoique les hommes aient été rassemblés par un autre ? Il est mieux de dire que cela même y est contenu : en sorte que l'édit renferme, et le dommage qu'ont fait des hommes rassemblés par un autre que le défendeur, et celui fait par ceux qu’il a été rassemblés.
§13 In hac actione intra annum utilem verum pretium rei quadruplatur, non etiam quod interest. §13 Dans cette action, pendant l'année utile, on quadruplera le prix même de la chose, mais pas les dommages et intérêts.
§14. Haec actio etiam familiae nomine competit, non imposita necessitate ostendendi, qui sunt ex familia homines qui rapuerunt, vel etiam damnum dederunt. Familiae autem appellatio servos continet, hoc est eos qui in ministerio sunt, etiam si liberi esse proponantur, vel alieni bona fide nobis servientes. §14. Cette action est accordée aussi du fait de la familia, sans qu'il soit nécessaire de montrer quels sont les hommes de la familia qui ont enlevé par force ou ont causé le dommage. La dénomination de familia contient les esclaves, c'est à dire ceux qui sont en service, quoiqu'on les prétende libres ou esclaves d’autrui nous servant de bonne foi.
§15. Hac actione non puto posse actorem singulorum servorum nomine agere adversus dominum eorum, quia sufficit dominum semel quadruplum offerre. §15. Par cette action, je ne pense pas que le demandeur puisse exercer ses poursuites contre le maître à raison de chaque esclave pris séparément ; il suffit que le maître offre une fois le quadruple.
§16. Ex hac actione noxae deditio non totius familiae, sed eorum tantum, vel ejus qui dolo fecisse comperietur, fieri debet. §16. En vertu de l’action noxale, on doit faire l'abandon, non de tous les esclaves, mais de ceux ou de celui seulement qui sera prouvé avoir causé le dommage.
§17. Haec actio vulgo «  vi bonorum raptorum » dicitur. §17. Cette action est dite « des biens ravis par violence ».
§18. Hac actione is demum tenetur, qui dolum malum adhibuit. Si quis igitur suam rem rapuit, vi quidem bonorum raptorum non tenebitur, sed aliter multabitur. Sed et si quis fugitivum suum, quem bona fide aliquis possidebat, rapuit, aeque hac actione non tenebitur, quia rem suam aufert. Quid ergo, si sibi obligatam ? Debebit teneri. §18. Cette action est contre celui qui a employé le dol. Si donc quelqu'un a ravi de force sa propre chose, il ne sera pas passible de l'action des biens ravis par violence, mais sera sanctionné autrement. Si quelqu'un a enlevé de vive force son esclave fugitif, que quelqu'un possédait de bonne foi, pareillement il ne sera pas tenu de cette action, parce qu'il enlève sa propre chose. Quid s'il enlève une chose qui lui soit obligée ? Il relève de l'édit.
§19. Vi bonorum raptorum actio in impuberem qui doli mali capax non est, non dabitur ; nisi servus ipsius vel familia ejus admisisse proponantur ; et servi et familiae nomine noxali vi bonorum raptorum actione tenetur. §19. L'action des biens ravis par force ne sera pas donnée contre un impubère incapable de dol, à moins que l'on n'expose que son esclave ou ses esclaves aient fait l'enlè-vement ; dans ce cas, du fait de son ou de ses esclaves, il est tenu de l'action noxale des biens ravis par force.
§20. Si publicanus pecus meum abduxerit, dum putat contra legem vectigalis aliquid a me factum : quamvis erraverit, agi tamen cum eo vi bonorum raptorum non posse, Labeo ait : sane dolo caret ; si tamen ideo inclusit, ne pascatur et ut fame periret, etiam utili lege Aquilia. §20. Si un fonctionnaire a emmené mon troupeau, pensant que j'ai fait quelque chose contre la loi de l'impôt, et quoiqu'il se soit trompé ; cependant je ne pourrai point agir contre lui par l'action des biens ravis par force, à ce que dit Labéon, si le publicain n'a pas commis de dol. Si cependant il l'a enfermé, pour l’empêcher de paître et le faire périr de faim, on aura l'action utile de la loi Aquilia.
§21. Si per vim abductum pecus incluserit quis, utique vi bonorum raptorum conveniri poterit. §21. Si quelqu'un a emmené de force un troupeau et l'a enfermé, on pourra le poursuivre par l'action des biens ravis par force.
§22. In hac actione non utique spectamus rem in bonis actoris esse ; sive in bonis sit, sive non sit ; si tamen ex bonis sit, locum haec actio habebit. Quare sive commodata res sit sive locata, sive etiam pignerata proponatur, sive deposita apud me, sic ut intersit mea eam non auferri, sive bona fide a me possideatur, sive usum fructum in ea habeam, vel quod aliud jus, ut intersit mea non rapi : dicendum est competere mihi hanc actionem, ut non dominium accipiamus, sed illud solum, ex bonis meis, hoc est ex substantia mea res ablata esse proponatur. §22. Avec cette action, nous n'examinons pas si la chose ravie fait partie des biens du demandeur ; qu'elle en fasse partie ou non, si cependant elle est une dépendance de ce qui nous est profitable, cette action aura lieu. C'est pourquoi si la chose m'est prêtée ou louée, ou engagée ou déposée, de sorte que j'aie intérêt qu'elle ne me soit pas enlevée, soit que je la possède de bonne foi, ou que j'aie sur elle un usufruit ou un autre droit quelconque que j'aie intérêt qui ne me soit pas enlevé, il faut dire que cette action m'appartient ; non pas pour recouvrer ou retenir le domaine de la chose, mais seulement ce qui est enlevé des choses qui me profitent, c'est-à-dire de ma substance.
§23. Et generaliter dicendum est, ex quibus causis furti mihi actio competit in re clam facta, ex hisdem causis habere me hanc actionem. Dicet aliquis : adquin ob rem depositam furti actionem non habemus. Sed ideo addidi si intersit nostra non esse raptam : nam et furti actionem habeo. §23. En général il faut dire que toutes les causes qui me donnent l'action de vol pour ce qui a été fait de manière clandestine, me donnent cette action. On dira, cependant, que pour une chose déposée nous n'avons point l'action de vol. Mais c'est pour cela que j'ai ajouté, s'il est de notre intérêt qu'elle n'ait pas été ravie : car j'ai l'action de vol.
§24. Si in re deposita culpam quoque repromisi, vel pretium depositionis non quasi mercedem accepi, utilius dicendum est et si cesset actio furti ob rem depositam, esse tamen vi bonorum raptorum actionem, quia non minima differentia est inter eum qui clam facit et eum qui rapit, cum ille celet suum delictum, hic publicet et crimen etiam publicum admittat. Si quis igitur interesse sua vel modice docebit, debet habere vi bonorum raptorum actionem. §24. Si pour une chose déposée j'ai répondu de ma faute, ou que j'aie reçu le prix de mon office de dépositaire, non pas à titre de salaire, il est plus utile de dire que, quoique l'action de vol n'ait pas lieu pour une chose déposée, j'ai cependant l'action des biens ravis par force, parce qu'il n'y a pas une petite différence entre celui qui a agi clandestinement et celui qui a ravi de vive force, puisque l'un cache son délit, l'autre le montre et même commet un crime public. Si donc quelqu'un montre qu'il a un intérêt, même médiocre, il aura l'action des biens ravis par force.
§25. Si fugitivus meus quasdam res instruendi sui causa emerit, eaeque raptae sint, quia in bonis meis hae sunt res, possum de his vi bonorum raptorum actione agere. §25. Si mon esclave fugitif achète quelques choses pour son utilité, et qu'elles lui soient enlevées par force ; attendu qu'elles sont au nombre de mes biens, je puis à ce sujet intenter l'action des biens ravis par force.
§26. Rerum raptarum nomine etiam furti vel damni injuriae, vel condictione agi potest ; vel certe singulae res vindicari possunt. §26. À raison de choses ravies, on peut intenter encore l'action de vol, ou l'action de dommage fait injustement, ou la condictio ; ou au moins chaque chose en particulier peut être revendiquée.
§27. Haec actio heredi ceterisque successoribus dabitur. Adversus heredes autem vel ceteros successores non dabitur, quia poenalis actio in eos non datur. An tamen in id, quod locupletiores facti sunt, dari debeat, videamus ? Et ego puto ideo praetorem non esse pollicitum in heredes in id quod ad eos pervenit, quia putavit sufficere condictionem. §27. Cette action sera donnée à l'héritier et aux autres successeurs. Elle ne sera pas donnée contre les héritiers ou les autres successeurs ; parce que l'on n'accorde pas contre eux une action pénale. Mais cependant doit-elle être donnée pour ce dont ils se sont enrichis ? C'est ce qu'il faut voir. Je pense que le préteur n'a pas promis contre les héritiers l'action pour ce qui leur est parvenu, parce qu'il a cru qu'il suffisait de la condictio.

3. Paulus liber 54 ad Edictum.

3. Paul au livre 54 sur l’Édit.

Si servus rapuerit et cum libero agatur : etiam, si cum domino experiundi potestas fuit, non recte cum manumisso post annum agetur : quia cum quocumque experiundi potestas fuerit, excluditur actor. Si cum domino intra annum actum sit, deinde cum manumisso agatur, rei judicatae exceptionem nocere. Labeo ait. Si un esclave a agi par force, et que l'on dirige son action contre lui quand il est devenu libre ; quoiqu'on ait eu le pouvoir de poursuivre le maître, on ne pourra pas valablement diriger son action après l'année contre l'affranchi ; parce que quelle que soit la personne contre laquelle on a pu faire des poursuites, le demandeur n'est pas recevable. Et si, dans l'année, on a dirigé son action contre le maître, et qu'ensuite on veuille l'intenter contre l'affranchi, on sera déclaré non recevable par l'exception de chose jugée. C'est ce que l'écrit Labéon.

4. Ulpianus liber 56 ad Edictum.

4. Ulpien are livre 56 sur l'Édit.

Praetor ait : « Cujus dolo malo in turba damnum quid factum esse dicetur, in eum in anno, quo primum de ea re experiundi potestas fuerit, in duplum, post annum in simplum judicium dabo ». Le préteur dit : « Lorsqu'il sera exposé que, par le dol de quelqu'un, du dommage a été causé par attroupement, je donnerai contre lui dans l'année, à compter de l'instant qu'on aura pu poursuivre, action au double, et après l'année au simple. »
§1. Hoc edictum de eo damno proponitur, quod quis in turba dedit. §1. Cet édit est donné pour remédier au dommage que quelqu'un a causé par un attroupement.
§2. Turbam autem appellatam Labeo ait ex genere tumultus idque verbum ex graeco tractum “apo tou thorubein” ; ie. a tumultuando. §2. Labéon dit que le mot attroupement est tiré d'une espèce de troupe tumultueuse, et que le mot latin turba est tiré d'un mot grec qui signifie troubler.
§3. Turbam autem ex quo numero admittimus ? Si duo rixam commiserint, utique non accipiemus in turba id factum, quia duo turba non proprie dicentur. Enimvero si plures fuerunt, decem aut quindecim homines, turba dicetur. Quid ergo, si tres aut quatuor ? Turba utique non erit. Et rectissime Labeo inter turbam et rixam multum interesse ait : namque turbam multitudinis hominum esse turbationem et coetum, rixam etiam duorum. §3. Pour constituer un attroupement quel nombre faut-il ? Si deux hommes ont engagé une rixe, nous ne regarderons pas cela comme fait dans un attroupement, parce que deux ne sont pas un attroupement proprement dit. Mais s'ils sont un plus grand nombre, par exemple dix ou quinze hommes, on pourra appeler cela un attroupement. Que sera-ce s'ils sont trois ou quatre ? Ce ne sera pas non plus un attroupement. Labéon dit très bien qu'entre un attroupement et une rixe il y a grande différence : car l'attroupement est une multitude d'hommes, un rassemblement qui porte le trouble, mais qu'une rixe est un rassemblement même de deux hommes.
§4. Hoc autem edicto tenetur non solus, qui damnum in turba dedit, sed et is, qui dolo malo fecerit, ut in turba damni quid daretur, sive illo venerit sive non fuerit praesens : dolus enim malus etiam absentis esse potest. §4. Cet édit comprend, non seulement celui qui a causé du dommage dans un attroupement, mais encore celui qui par dol a fait qu’un attroupement a causé ce dommage ; et ce, qu'il ait été ou non présent : car le dol peut se commettre même par un absent.
§5. Hoc edicto dicendum est etiam eum teneri, qui venit et in turba fuit auctor damni dandi ; si tamen et ipse inter turbam fuit, cum damnum daretur, et dolo malo fuit : nam et hujus dolo malo in turba damni quid factum esse negari non potest. §5. Cet édit réprime aussi celui qui est venu dans l'attroupement et qui a conseillé de faire le dommage ; s’il a été lui-même dans l'attroupement lorsque l'on a causé le dommage, et ce avec mauvaise intention : car on ne peut pas nier que la troupe n'ait fait du mal à son instigation.
§6. Si quis adventu suo turbam concitavit, vel contraxit, vel clamore, vel facto aliquo, vel dum criminatur aliquem, vel dum misericordiam provocat ; si dolo malo ejus damnum datum sit, etiam si non habuit consilium turbae cogendae, tenetur. Verum est enim dolo malo ejus in turba damni quid datum : neque enim exigit praetor, ut ab ipso sit turba convocata, sed hoc, ut dolo alicujus in turba damnum datum sit. Eritque haec differentia inter hoc edictum et superius, quod ibi de eo damno praetor loquitur, quod dolo malo hominibus coactis datum est, vel raptum etiam non coactis hominibus ; at hic de eo damno, quod dolo malo in turba datum est, etiamsi non ipse turbam coegit, sed ad clamorem ejus, vel dicta, vel misericordiam turba contracta est, vel si alius contraxit, vel ipse ex turba fuit. §6. Si quelqu'un par son arrivée a animé une troupe, ou l'a ralliée par ses cris ou par quelqu'action, en accusant quelqu'un, ou en excitant la commisération ; si par son dol il a été cause de quelque dommage, quoiqu'il n'ait pas eu le projet de rassembler la troupe, il peut être poursuivi en vertu de l'édit ; car il est vrai que par son dol il y a eu quelque dommage de commis : car le préteur n'exige pas que la troupe soit convoquée par lui, mais il suffit que par la fraude de quelqu'un le dommage ait été commis du fait d’un attroupement ; et il y aura cette différence entre cet édit et celui d'auparavant, en ce que dans le premier le préteur parle du dommage qui a été commis, lorsque par dol on a rassemblé des hommes, ou que l'on a ravi par force même sans avoir rassemblé plusieurs hommes ; mais dans celui-ci il parle du dommage qui par dol a été fait dans un attroupement qu'il n'aurait pas convoqué, mais qui se serait réuni par ses cris ou ses discours, ou parce qu'il a excité sa compassion, quand même un autre l'aurait réuni, mais qu'il ait été dans le rassemblement.
§7. Idcirco illud quidem edictum, propter atrocitatem facti, quadrupli poenam comminatur, at hoc dupli. §7. C'est pourquoi le premier édit, en raison de l'atrocité du fait, prévoit la peine du quadruple, et celui-ci la peine du double.
§8. Sed et hoc et illud intra annum tribuit experiundi facultatem ; post annum in simplum competit. §8. L'un et l'autre donnent dans l'année la faculté d'exercer son action ; mais après un an il l'a réduite au simple.
§9. Loquitur autem hoc edictum de damno dato, et de amisso, de rapto non : sed superiori edicto vi bonorum raptorum agi poterit. §9. Cet édit s'occupe du dommage causé et de ce qui a été perdu, mais non de ce qui a été pris avec violence ; l'édit précédent donne l'action des biens ravis par force.
§10. Amissa autem dicuntur ea, quae corrupta alicui relinquuntur, scissa forte vel fracta. §10. La perte se dit des choses qui sont laissées dété-riorées, telles que coupées ou brisées.
§11. Haec autem actio in factum est ; et datur in duplum, quanti ea res erit : quod ad pretium verum rei refertur ; et praesentis temporis fit aestimatio ; et semper in duplum intra annum est. §11. Cette action est liée au fait ; elle est donnée au double de la valeur de la chose, ce qui se reporte au prix véritable ; et l'estimation doit être faite au temps présent, et toujours au double et dans l'année.
§12. Docereque actor in turba damnum esse datum debet. Caeterum si alibi datum sit, quam in turba, cessabit haec actio. §12. Le demandeur doit prouver que le dommage a été fait dans un attroupement. Si le dommage a été commis autre part que dans un attroupement, cette action n'a pas lieu.
§13. Si, cum servum meum Titius pulsaret, turba fuerit collecta, isque servus in ea turba aliquid perdiderit, cum eo qui pulsabat agere possum ; quippe cum in turba dolo malo damnum datum sit ; sic tamen, si, ut damnum daret, ideo coeperat caedere. Caeterum si alia causa verberandi fuit, cessat actio. §13. Si lorsque Titius frappait mon esclave, un attroupement était rassemblé, et que mon esclave y ait perdu quelque chose, je puis poursuivre celui qui le frappait, puisque c'est par sa faute qu'il a éprouvé du dommage dans un attroupement ; il en est de même si on a commencé à le battre pour lui faire souffrir ce dommage. S'il a été battu pour une autre cause l'action n'a pas lieu.
§14. Sed et si quis ipse turbam convocasset, ut turba coram servum verberaret, injuriae faciendae causa, non damni dandi consilio, locum habet edictum. Verum est enim eum, qui per injuriam verberat, dolo facere ; et eum qui causam praebuit damni dandi, damnum dedisse. §14. Mais si quelqu'un a convoqué lui-même l'attroupement pour que la bande en sa présence frappât l'esclave, et cela pour lui faire injure, mais non dans le projet de lui faire du dommage, cet édit a lieu : car il est vrai que celui qui frappe injustement, agit avec dol, et que celui qui a été la cause d'un dommage a fait un dommage.
§15. In servum autem et in familiam praetor dat actionem. §15. Le préteur donne action contre l'esclave et la familia.
§16. Quae de heredibus caeterisque successoribus in vi bonorum raptorum actione diximus, et hic erunt repetita. §16. Ce que nous avons dit des héritiers et successeurs divers, dans l'action des biens ravis par force, vaut ici.

5. Gaius liber 21 ad Edictum provinciale.

5. Gaius au livre 21 sur l’Édit provincial.

Non prodest ei qui vi rapuit, ad evitandam poenam, si ante iudicium restituat rem quam rapuit. Il ne sert à rien à celui qui a ravi par force, pour éviter la peine, de restituer avant le jugement ce qu'il a enlevé.

6. Venulejus liber 17 Stipulationum.

6. Vénuléius au livre 17 des Stipulations.

Quod vi possessum raptumve sit, antequam in potestatem domini heredisve ejus perveniat, usucapi lex vetat. Tant que ce qui a été possédé ou ravi par force, n'est pas revenu en la puissance du maître ou de son héritier, la loi en empêche l'usucapion.

TITULUS IX. - DE INCENDIO RUINA NAUFRAGIO RATE NAVE EXPUGNATA

TITRE IX. - DES VOLS ET RAPINES
QUI SE COMMETTENT EN CAS D'INCENDIES, RUINES, DE NAUFRAGES D'UNE BARQUE
OU DE NAVIRE EN DÉTRESSE

1. Ulpianus liber 56 ad Edictum.

1. Ulpien au livre 56 sur l'Édit.

Praetor ait : « In eum, qui ex incendio, ruina, naufragio, rate, nave expugnata, quid rapuisse recepisse dolo malo, damnive quid in his rebus dedisse dicetur ; in quadruplum in anno quo primum de ea re experiundi potestas fuerit ; post annum in simplum iudicium dabo. Item in servum et in familiam iudicium dabo ». Le préteur dit : « Si l'on expose que quelqu’un lors d’un incendie, d’une ruine, d’un naufrage, d’une barque ou navire en détresse, a enlevé quelque chose par violence ou l'a recélé par fraude, ou a causé quelque dommage, je donnerai action au quadruple dans l'année dès l'instant que l'on pourra poursuivre, et après un an au simple. De même je donnerai l'action contre l'esclave et la familia. »
§1. Hujus edicti utilitas evidens et justissima severitas est, si quidem publice interest nihil rapi ex hujusmodi casibus. Et quamquam sint de his facinoribus etiam criminum executiones, attamen recte praetor fecit, qui forenses quoque actiones criminibus istis praeposuit. §1. L'utilité de cet édit est évidente, et sa sévérité juste, puisqu'il est de l'intérêt public que rien ne soit dérobé lors de tels accidents. Et quoique ces crimes puissent se poursuivre criminellement, cependant le préteur a bien fait d'accorder aussi contre ces crimes l’action civile.
§2. « Ex incendio»  quemadmodum accipimus ? Utrum ex ipso igne, an vero ex eo loco, ubi incendium fit ? Et melius sic accipietur « propter incendium », hoc est propter tumultum incendii vel trepidationem incendii, rapit : quemadmodum solemus dicere « in bello amissum », quod propter causam belli amittitur. Proinde si ex adjacentibus praediis, ubi incendium fiebat, raptum quid sit, dicendum sit edicto locum esse, quia verum est ex incendio rapi. §2. « Lors un incendie », comment l'entendre ? Est-ce du milieu du feu, ou bien du lieu où est l'incendie ? Le mieux est de l'entendre à cause de l'incendie, c'est-à-dire à cause du tumulte que produit l'incendie ou l'effroi de l'incendie : comme on a coutume de dire que l'on a perdu en guerre ce que l'on a perdu « à cause de la guerre ». C'est pourquoi, si l'on a enlevé quelque chose des habitations adjacentes où était l'incendie, il faut dire que l'édit est applicable ; car il est vrai que l'on a enlevé de l'incendie.
§3. Item « ruinae » appellatio refertus ad id tempus, quo ruina fit, non tantum si ex his quae ruerunt tulerit quis, sed etiam si ex adiacentibus. §3. De même le nom de « ruine » se rapporte à ce temps où se produit la catastrophe, non seulement si on pille des bâtiments qui se sont écroulés, mais aussi des adjacents.
§4. Si suspicio fuit incendii vel ruinae, incendium vel ruina non fuit, videamus, an hoc edictum locum habeat. Et magis est, ne habeat, quia neque ex incendio neque ex ruina quid raptum est. §4. S'il y a eu soupçon d'incendie ou de ruine, et qu'il n’y ait eu ni ruine ni incendie, voyons si cet édit peut être invoqué. Il est semble qu'il ne l’est pas, parce qu'on n'a rien enlevé ni d'un incendie ni du milieu des ruines.
§5. Item ait praetor : « si quid ex naufragio ». Hic illud quaeritur, utrum, si quis eo tempore tulerit, quo naufragium fit, an vero et si alio tempore, hoc est post naufragiumque : nam res ex naufragio etiam hae dicuntur, quae in litore post naufragium iacent. et magis est, ut de eo tempore. §5. Le préteur dit : « dans un naufrage ». On se demande si cela doit s'entendre du temps où se fait le naufrage, ou si cela peut s'appliquer à d'autres temps, c'est-à-dire après le naufrage. On regarde comme appartenant au naufrage les effets jetés sur le rivage après le naufrage ; il est préférable de dire au temps du naufrage.

2. Gaius liber 21 ad Edictum provinciale.

2. Gaïus au livre 21 sur l’Édit provincial.

Et loco. Et dans le lieu.

3. Ulpianus liber 56 ad Edictum.

3. Ulpien au livre 56 sur l'Édit.

Quo naufragium fit, vel factum est, si quis rapuerit, incidisse in hoc edictum videatur. Qui autem rem in litore jacentem, postea quam naufragium factum est, abstulit, in ea condicione est, ut magis fur sit quam hoc edicto teneatur ; quemadmodum is, qui quod de vehiculo excidit tulit ; nec rapere videtur, qui in litore iacentem tollit. Où le naufrage survient ou s’est produit, quelqu'un a enlevé une chose, il parait être tombé dans le cas de l'édit. Mais celui qui, après le naufrage, a enlevé une chose jetée sur le rivage, est plutôt considéré comme un voleur que comme ayant contrevenu à l'édit ; de même que celui qui emporte ce qui est tombé d'un char, il ne parait pas enlever de vive force l’effet laissé sur le rivage.
§1. Deinde ait praetor « rate, nave, expugnata ». Expugnare videtur, qui in ipso quasi proelio et pugna adversus navem et ratem aliquid rapit, sive expugnet sive praedonibus expugnantibus rapiat. §1. Ensuite le préteur dit, « d'une barque ou navire en détresse ». Celui-là parait prendre de vive force, qui en quelque sorte dans le combat contre l’équipage d’une barque ou un navire, a enlevé quelque chose, soit qu'il les prenne à l'abordage, soit qu'il les pille comme quand des pirates les prennent à l'abordage.
§2. Labeo scribit, aequum fuisse, ut, sive de domo, sive in villa expugnatis aliquid rapiatur, huic edicto locus sit : nec enim minus in mari, quam in villa per latrunculos inquietamur, vel infestari possumus. §2. Labéon écrit qu'il est juste que, si l'on enlève quelque chose à des personnes accablées par une agression, soit à la ville, soit à la campagne, il y a lieu d’appliquer cet édit : car on peut être inquiété et agressé par les brigands également et sur mer et sur terre.
§3. Non tantum autem qui rapuit, verum is quoque, qui recepit, ex causis supra scriptis, tenetur ; quia receptores non minus delinquunt quam adgressores. Sed enim additum est « dolo malo » : quia non omnis qui recipit statim etiam delinquit, sed qui dolo malo recipit. Quid enim, si ignarus recipit ? Aut quid, si ad hoc recepit, ut custodiret salvaque faceret ei qui amiserat ? Utique non debet teneri. §3. Non seulement celui qui a ravi de force, mais aussi celui qui recèle, peut être poursuivi dans les cas exposées ci-dessus ; parce que les receleurs ne sont pas moins coupables que ceux qui attaquent. On a ajouté « par dol », parce que quiconque reçoit une chose ne commet pas pour cela un délit, mais seulement s’il reçoit en fraude : car s'il reçoit en ignorant la qualité de la chose, ou s'il l’a reçue pour la garder, la conserver au profit de celui qui l'a perdue, il n'est pas coupable.
§4. Non solum autem qui rapuit, sed et qui abstulit, vel amovit, vel damnum dedit, vel recepit, hac actione tenetur. §4. Non seulement celui qui a enlevé de force, mais aussi celui qui a emporté, ou détourné, ou causé un dommage, ou recélé, peut être poursuivi par cette action.
§5. Aliud autem esse rapi, aliud amoveri palam est ; si quidem amoveri aliquid etiam sine vi possit, rapi autem sine vi non potest. §5. Il est évident qu'une chose est de ravir, autre chose de détourner ; puisqu'une chose peut être détournée sans violence, mais ravir se fait de vive force.
§6. Qui ejecta nave quid rapuit, hoc edicto tenetur. « ejecta »   hoc est quod graeci aiunt exebrasthe. §6. Celui qui a enlevé quelque chose d'un vaisseau échoué peut être poursuivi par cet édit. Échoué est ce que les Grecs disent exebrasthe.
§7. Quod ait praetor de damno dato, ita demum locum habet, si dolo damnum datum sit ; nam si dolus malus absit, cessat edictum. Quemadmodum ergo procedit, quod Labeo scribit, si defendendi mei causa vicini aedificium orto incendio dissipaverim, et meo nomine et familiae iudicium in me dandum ? Cum enim defendendarum mearum aedium causa fecerim, utique dolo careo. Puto igitur non esse verum, quod Labeo scribit. An tamen lege Aquilia agi cum hoc possit ? Et non puto agendum : nec enim injuria hoc fecit, qui se tueri voluit, cum alias non posset. Et ita Celsus scribit. §7. Ce que dit le préteur du dommage causé n'a lieu que s'il a été causé par dol : à défaut de dol l'édit n'a pas lieu. Comment donc entendre ce qu'écrit Labéon : que si pour me défendre d'un incendie qui commence à éclater, j'abats la maison de mon voisin, on peut me poursuivre et en mon nom et au nom de mes esclaves ? Car, comme je l'ai fait pour défendre ma maison, je suis exempt de dol. Je pense donc que ce que Labéon dit est pas exact. Peut-on cependant agir en vertu de la loi Aquilia ? Je ne pense pas qu'on le puisse : car ce n'est pas injustement qu'a agi celui qui a voulu se garantir ne pouvant le faire autrement. C'est ce qu'écrit Celse.
§8. Senatus consultum Claudianis temporibus factum est : « Ut, si quis ex naufragio clavos vel unum ex his abstulerit, omnium rerum nomine teneatur ». Item alio senatus consulto cavetur « eos, quorum fraude aut consilio naufragi suppressi per vim fuissent, ne navi vel ibi periclitantibus opitulentur, legis Corneliae, quae de sicariis lata est, poenis adficiendos : eos autem, qui quid ex miserrima naufragiorum fortuna rapuissent lucrative fuissent dolo malo, in quantum edicto praetoris actio daretur, tantum et fisco dare debere ». §8. Sous Claude a été porté un sénatus-consulte : celui qui dans un naufrage a enlevé les gouvernails, ou l'un d’eux, est obligé pour tout le vaisseau. De même il a été réglé par un autre sénatus-consulte, que ceux par la fraude ou le conseil desquels des naufragés auraient été menacés pour les empêcher de porter du secours au navire ou aux hommes eux-mêmes en danger, seraient punis des peines de la loi Cornélia sur les assassins ; et que ceux qui par dol auraient pris ou gagné quelque chose du sort malheureux des naufragés, paieraient en amende au fisc tout autant qu'ils devraient payer par l'édit du préteur.

4. Paulus liber 54 ad Edictum.

4. Paul au livre 54 sur l'Édit.

Pedius posse etiam dici ex naufragio rapere, qui, dum naufragium fiat, in illa trepidatione rapiat. Pédius dit que c'est ravir dans un naufrage que de ravir dans la terreur qui précède immédiatement le naufrage.
§1. Divus Antoninus de his, qui praedam ex naufragio diripuissent, ita rescripsit : « Quod de naufragiis navis et ratis scripsisti mihi, eo pertinet, ut explores, qua poena adficiendos eos putem, qui diripuisse aliqua ex illo probantur. Et facile, ut opinor, constitui potest : nam plurimum interest, peritura collegerint an quae servari possint, flagitiose invaserint. Ideoque si gravior praeda vi adpetita videbitur, liberos quidem fustibus caesos in triennium relegabis aut, si sordidiores erunt, in opus publicum ejusdem temporis dabis : servos flagellis caesos in metallum damnabis. Si non magnae pecuniae res fuerint, liberos fustibus, servos flagellis caesos dimittere poteris. Et omnino, ut in caeteris, ita hujusmodi causis ex personarum condicione, et rerum qualitate diligenter sunt aestimandae, ne quid aut durius aut remissius constituatur, quam causa postulabit. » §1. L'empereur Antonin a fait un rescrit sur ceux qui pillent pendant le naufrage : « Ce que vous m'avez écrit du naufrage d'un navire et d'une barque, se réduit a demander de quelle peine je pense que doivent être punis ceux qui ont pillé quelque chose de ce navire. À mon avis, cela peut s'établir facilement ; car il y a grande différence à recueillir ce qui va périr, ou de s'être saisi criminellement de ce qui peut se conserver. C'est pourquoi, si on s'est saisi d'une chose considérable, vous ferez bâtonner les hommes libres et les reléguerez pour trois ans ; s'ils sont d'une condition vile, vous les appliquerez pendant le même temps à des travaux publics ; les esclaves vous les ferez punir du fouet et les condamnerez aux mines. Si le vol n'est pas considérable, vous ferez bâtonner les hommes libres, fouetter les esclaves, et vous pourrez les renvoyer. Ainsi, dans tous les cas et dans ceux pareils à celui-ci, il faudra se régler avec attention sur la condition des personnes et la qualité des choses pour déterminer les peines, afin de ne pas mettre plus de dureté ou d'indulgence que la cause ne l'exige ».
§2. Hae actiones heredibus dantur ; in heredes eatenus dandae sunt, quatenus ad eos pervenit. §2. Les actions sont données aux héritiers, mais elles ne sont données contre les héritiers que pour ce qui leur en est parvenu.

5. Gaius liber 21 ad Edictum. provinciale.

5. Gaïus au livre 21 sur l'Édit provincial.

Si quis ex naufragio, vel ex incendio ruinave servatam rem, et alio loco positam subtraxerit aut rapuerit, furti scilicet, aut alias vi bonorum raptorum judicio tenetur ; maxime si non intellegebat, ex naufragio, vel incendio ruinave eam esse. Jacentem quoque rem ex naufragio, quae fluctibus expulsa sit, si quis abstulerit, plerique idem putant. Quod ita verum est, si aliquod tempus post naufragium intercesserit. Alioquin si in ipso naufragii tempore id acciderit, nihil interest, utrum ex ipso mari quisque rapiat, an ex naufragiis, an ex litore. De eo quoque, quod ex rate nave expugnata raptum sit, eandem interpretationem adhibere debemus. Si quelqu'un a soustrait ou enlevé une chose sauvée d'un naufrage, d'un incendie ou d'une ruine, et qui a été déposée dans un autre lieu, il est tenu de l'action de vol ; ou, suivant le délit, de l'action des biens ravis par force ; s'il ne savait pas que la chose provînt d'un naufrage, d'un incendie ou d'une ruine. De même pour une chose venant du naufrage et poussée par les flots, si quelqu'un l'enlève, la plupart des auteurs pensent de même : ce qui est vrai, s'il s'est passé quelque temps depuis le naufrage. Mais si cela arrive dans le temps même du naufrage, peu importe que l'on enlève la chose de la mer du navire naufragé ou du rivage. Pour ce qui a été enlevé d'un vaisseau en détresse, nous devons faire la même différence.

6. Callistratus liber1 Edicti monitorii.

6. Callistrate au livre 1 de l'Édit monitoire.

Expugnatur navis, cum spoliatur aut mergitur aut dissolvitur aut pertunditur aut funes ejus praeciduntur, aut vela conscinduntur, aut ancorae involantur de mare. Un navire est en détresse, lorsqu'il est pillé ou coulé bas, ou entr'ouvert ou écrasé, ou que ses câbles sont coupés ou ses voiles déchirées, ou ses ancres emportées par la mer.

7. Idem liber 2 Quaestionum.

7. Le même au livre 2 des Questions.

Ne quid ex naufragiis diripiatur vel quis extraneus interveniat colligendis eis, multifariam prospectum est. Nam et divus Hadrianus edicto praecepit, ut hi, qui juxta litora maris possident, scirent, si quando navis vel inficta vel fracta intra fines agri cujusque fuerit, ne naufragia diripiant, in ipsos judicia praesides his, qui res suas direptas queruntur, reddituros ; ut quidquid probaverint ademptum sibi naufragio, id a possessoribus recipiant. De his autem, quos diripuisse probatum sit, praesidem ut de latronibus gravem sententiam dicere. Ut facilior sit probatio hujusmodi admissi, permisit his et quidquid passos se hujusmodi queruntur, adire praefectos et ad eum testari reosque petere, ut pro modo culpae, vel vincti, vel sub fidejussoribus ad praesidem remittantur. A domino quoque possessionis, in qua id admissum dicatur, satis accipi, ne cognitioni desit, praecipitur. Sed nec intervenire naufragiis colligendis aut militem aut privatum aut libertum servumve principis, placere sibi ait Senatus. On a pris bien de précautions pour que rien ne fût pillé d'un vaisseau, et qu'aucun étranger ne vienne recueillir les biens. L'empereur Adrien a ordonné par un édit, que ceux qui ont des possessions sur les bords de la mer sachent que si un navire est échoué ou brisé sur le rivage qui les borde, qu'ils ne s'avisent pas de piller les effets naufragés : les gouverneurs donneront contre eux une action à ceux qui cherchent ce qu'on leur a pillé ; de sorte que tout ce qu'ils prouveront leur avoir été pris dans le naufrage, ils le recouvrent des possesseurs de terres. Quant à ceux contre lesquels on prouverait qu'ils ont pillé, que le gouverneur les jugerait aussi sévèrement que des voleurs. Et pour que la preuve de ces délits soit facilitée, il a permis à ceux-ci et à tous ceux qui se plaindraient d'avoir souffert chose pareille, d’aller trouver le préfet, de faire leur déposition, et de poursuivre les coupables, pour que, selon la mesure de leur faute, ils soient renvoyés au gouverneur ou enchaînés ou sous caution : il a voulu que le maître du rivage sur lequel on indiquerait que le délit a été commis, donnât caution pour aider à fournir des renseignements. Le Sénat a déclaré qu'il est défendu à aucun soldat, à aucun particulier, à un affranchi ou à un esclave du prince de s’entremettre pour recueillir des effets naufragés.

8. Neratius liber 2 Responsorum.

8. Nératius au livre 2 des Réponses.

Ratis vi fluminis in agrum meum delatae, non aliter potestatem tibi faciendam, quam si de praeterito quoque damno mihi cavisses. Si votre barque a été portée par la force du fleuve sur mon terrain, vous ne pourrez la reprendre que quand vous m'aurez donné caution de payer le dommage déjà fait.

9. Gaius liber 4 ad Legem duodecim tabularum.

9. Gaïus au livre 4 sur la Loi des douze tables.

Qui aedes acervumve frumenti juxta domum positum combusserit, vinctus, verberatus igni necari jubetur, si modo sciens prudensque id commiserit. Si vero casu, id est neglegentia, aut noxiam sarcire jubetur aut : si minus idoneus sit, levius castigatur. Appellatione autem aedium omnes species aedificii continentur. Celui qui aura mis le feu à un bâtiment ou à un tas de blé près d'une maison, sera enchaîné, battu de verges et jeté au feu, s'il l'a fait sciemment et avec connaissance. Mais si c'est par hasard, c'est-à-dire par négligence, il doit réparer le dommage, ou, s'il n'est pas solvable, subir un léger châtiment. On appelle bâtiment toute espèce d'édifice.

10. Ulpianus liber 1 Opinionum.

10. Ulpien au livre 1 des Opinions.

Ne piscatores nocte lumine ostenso fallant navigantes, quasi in portum aliquem delaturi, eoque modo in periculum naves et qui in eis sunt, deducant, sibique execrandam praedam parent, praesidis provinciae religiosa constantia efficiat. Que la vigilance religieuse du gouverneur de la province empêche les pêcheurs de nuit de montrer de la lumière qui comme indiquant un port, tromperait les voyageurs, amènerait les vaisseaux et ceux qui les montent dans le danger de périr, et préparerait ainsi un affreux malheur.

11. Marcianus liber 14 Institutionum.

11. Marcien au livre 14 des Institutes.

Si fortuito incendium factum sit, venia indiget, nisi tam lata culpa fuit, ut luxuria aut dolo sit proxima. Si un incendie est survenu par hasard, il faut le pardonner, à moins que ce ne soit par une faute si grande qu'elle soit proche de l’excès ou du dol.

12. Ulpianus liber 8 de Officio proconsulis.

12. Ulpien au livre 8 de l'Office du proconsul.

Licere unicuique naufragium suum impune colligere constat : idque imperator Antoninus cum divo patre suo rescripsit. Chacun peut impunément recueillir ses propres effets naufragés : c'est ce qu’énonce un rescrit de l'empereur Antonin et de l'empereur son père.
§1. Qui data opera in civitate incendium fecerint, si humiliore loco sint, bestiis obici solent ; si in aliquo gradu id fecerint, capite puniuntur aut certe in insulam deportantur. §1. Ceux qui ont mis exprès le feu dans une ville, s'ils sont d'un état vil, sont d'ordinaire exposés aux bêtes féroces ; s'ils sont d'un rang plus élevé, ils sont punis de mort, ou au moins déportés dans une île.

Suite du Digeste - Livre 47