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CODE DES DÉLITS ET DES PEINES
DU 3 BRUMAIRE, AN 4
(25 octobre 1795)
Contenant les Lois relatives
à l'instruction des affaires criminelles

TITRE V – Procédure devant le tribunal criminel

ARTICLE 301

Nul ne peut, pour délit emportant peine afflictive ou infamante, être poursuivi devant le tribunal criminel, et jugé, que sur une accusation reçue légalement par un jury composé de huit citoyens.

ARTICLE 302

Quand le jury a déclaré qu'il y a lieu à accusation, le procès, et l'accusé, s'il est détenu, sont, par les ordres du commissaire du pouvoir exécutif près le directeur du jury, envoyés, dans les vingt-quatre heures, au tribunal criminel du département.

Les vingt-quatre heures courent du moment de la signification de l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter.

ARTICLE 303

Si le tribunal criminel du département est établi dans une commune au-dessous de 40.000 habitants, l'accusé peut, dans l'un ou l'autre des deux cas ci-après, le récuser, et demander à être jugé par l'un des tribunaux criminels des deux départements les plus voisins.

Ces deux cas sont :

1°. Celui où la déclaration du jury d'accusation a été rendue dans la commune où est établi le tribunal criminel ;

2°. Celui où la commune dans laquelle est établi le tribunal criminel, se trouve être celle de la résidence habituelle de l'accusé.

ARTICLE 304

L'accusé, dans les deux cas exprimés par l'article précédent, notifie son option au greffe du directeur du jury, dans les vingt-quatre heures de la signification qui lui a été faite (à personne, s'il est détenu, ou au lieu de sa résidence s'il a été reçu à caution), de l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter.

ARTICLE 305

Dans ces deux mêmes cas, l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter fait mention expresse du droit d'opter accordé par la loi à l'accusé, et des deux tribunaux criminels entre lesquels il peut l'exercer.

A défaut de cette mention, le délai de vingt-quatre heures fixé par l'article précédent, ne court pas, et l'accusé peut exercer son droit d'option, tant qu'il n'a pas comparu devant le jury de jugement.

ARTICLE 306

Lorsque la même accusation comprend plusieurs personnes actuellement détenues, si l'une d'elles seulement fait son choix, le tribunal qu'elle choisit est préféré.

Si elles ne peuvent s'accorder sur le tribunal, le directeur du jury les fait tirer au sort avant de rédiger son ordonnance de prise de corps ou de se représenter, et désigne dans cette ordonnance le tribunal que le sort a désigné.

ARTICLE 307

Après les vingt-quatre heures accordées à l'accusé pour faire son option, il est envoyé, ainsi qu'il est réglé par l'article 302, à la maison de justice du tribunal qu'il a choisi, ou, à défaut de choix, à celle du tribunal direct.

ARTICLE 308

Si l'accusé contre lequel il a été rendu une ordonnance de prise de corps, et qui se trouve dans le cas de l'option, n'est pas actuellement détenu, les pièces du procès, après les vingt-quatre heures dont il vient d'être parlé, sont envoyées au greffe du tribunal direct.

ARTICLE 309

Lorsque, dans le cas ou il y a lieu a l'option, l'accusé qui n'a pu être saisi sur le mandat d'amener ou d'arrêt de l'officier de police judiciaire, vient à l'être en vertu de l'ordonnance de prise de corps, celui qui est porteur de cette ordonnance le conduit devant le juge de paix du lieu ou il l'a trouvé, pour y passer la déclaration de l'option dont il vient d'être parlé, ou de son refus de la faire.

ARTICLE 310

Lorsque plusieurs accusés ont été arrêtés en même temps de la manière prévue par le précédent article, si l'un d'eux seulement déclare son choix, le tribunal qu'il choisit est préféré ;

S'ils ne peuvent s'accorder sur le choix du tribunal, le juge de paix devant lequel ils sont conduits, les fait tirer au sort.

ARTICLE 311

Le juge de paix garde minute du procès-verbal qu'il tient dans le cas des deux articles précédents, et en délivre expédition au porteur de l'ordonnance de prise de corps, en lui enjoignant de conduire l'accusé ou les accusés devant le tribunal choisi, où, à défaut de choix, devant le tribunal direct.

ARTICLE 312

Le porteur de l'ordonnance, immédiatement après avoir conduit l'accusé dans la maison de justice du tribunal qu'il a choisi, ou à défaut de choix, dans celle du tribunal direct, remet au greffe de l'un ou de l'autre, l'expédition du procès-verbal mentionné en l'article précédent, et l'ordonnance de prise de corps.

ARTICLE 313

Le greffier donne connaissance de ces deux actes à l'accusateur public ; et si le tribunal que l'accusé a préféré n'est pas le tribunal direct, l'accusateur public fait notifier ces actes par un huissier, au greffe du tribunal direct.

Sur cette notification et sur la réquisition que l'accusateur public en fait par l'acte même de notification, le tribunal direct lui envoie aussitôt les pièces du procès.

ARTICLE 314

En aucun cas, la faculté d'opter ne peut être exercée par ceux d'entre plusieurs accusés compris dans le même acte d'accusation, qui sont arrêtés postérieurement à l'option faite par un de leurs coaccusés, ou, à défaut de choix de sa part, postérieurement à sa translation dans la maison de justice du tribunal direct.

ARTICLE 315

Dans tous les cas, vingt-quatre heures au plus tard après son arrivée en la maison de justice, et la remise des pièces au greffe, l'accusé est entendu par le président, ou par l'un des juges que celui-ci commet à cet effet.

Le greffier tient note de ses réponses, et le président la joint aux pièces.

ARTICLE 316

Les notes des interrogatoires subis par le prévenu devant le juge de paix et devant le directeur du jury, et par l'accusé devant le président du tribunal criminel, sont, ainsi que les autres pièces, communiquées à l'accusateur public avant l'assemblée du jury de jugement.

ARTICLE 317

Si l'accusateur public et la partie plaignante, ou l'accusé, ont à produire des témoins qui n'aient pas encore été entendus devant l'officier de police ou le directeur du jury, leurs déclarations sont reçues avant l'assemblée du jury de jugement, par le président, ou par un juge du tribunal criminel qu'il commet à cet effet.

ARTICLE 318

Si les témoins à entendre résident hors du canton dans l'arrondissement duquel siège le tribunal criminel, le président peut, pour recevoir ces déclarations, commettre un directeur du jury ou un officier de police judiciaire qui, après les avoir reçues, les envoie dûment scellées et cachetées, au greffe du tribunal criminel.

ARTICLE 319

Dans l'un et l'autre cas, elles sont communiquées à l'accusateur public et à l'accusé, à peine de nullité de toutes procédures ultérieures.

ARTICLE 320

L'accusé reçoit pareillement, et sous la même peine, après son interrogatoire devant le président, copie des autres pièces de la procédure.

Cette copie lui est délivrée gratis par le greffier.

ARTICLE 321

L'accusé peut choisir un ou plusieurs conseils pour l'aider dans sa défense.

A défaut de choix de sa part, lors de son interrogatoire, le président, ou le juge qui l'interroge, lui désigne un conseil sur-le-champ, à peine de nullité.

Cette désignation devient nulle, si avant l'ouverture des débats, l'accusé choisit lui-même un autre conseil.

ARTICLE 322

Les conseils de l'accusé ne peuvent communiquer avec lui qu'après son interrogatoire.

ARTICLE 323

Le président peut, lorsqu'il le juge utile pour découvrir la vérité, différer ou suspendre cette communication, et tenir l'accusé au secret pendant un temps déterminé, pourvu qu’il lui en laisse un espace suffisant pour préparer ses moyens de défense avant l'assemblée du jury de jugement.

En cas de difficulté, le tribunal criminel en décide.

ARTICLE 324

Aussitôt après l'interrogatoire de l'accusé, les pièces sont communiquées au commissaire du pouvoir exécutif, qui examine si les formes prescrites par la loi ont été observées, tant dans la délivrance du mandat d'arrêt par l'officier de police judiciaire, que dans l'instruction.

ARTICLE 325

S'il trouve que les formes ont été observées, il écrit au bas de l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter, ces mots : la loi autorise ; et il remet les pièces à l'accusateur public, pour agir ainsi qu'il est dit ci-après.

ARTICLE 326

S'il trouve que les formes n'ont pas été observées, il écrit au bas de l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter, ces mots : La loi défend ; et il remet les pièces au président, qui est tenu de convoquer le tribunal dans les vingt-quatre heures suivantes, pour prononcer à l'audience sur la légalité ou l'illégalité, soit du mandat d'arrêt, soit de l'instruction, après avoir entendu le commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 327

Si le tribunal juge que le mandat d'arrêt est nul, il le casse, ainsi que toute la procédure faite en conséquence, même la déclaration du jury d'accusation, et l'ordonnance de prise de corps ou de se représenter ; et il renvoie, s’il y a lieu, le prévenu en état d'arrestation provisoire devant un autre officier de police judiciaire, qui, après l'avoir entendu, le met en liberté, ou décerne contre lui un nouveau mandat d'arrêt, suivant les circonstances.

ARTICLE 328

Si le mandat d'arrêt étant jugé valable, le tribunal décide que les formes légales n'ont pas été observées dans l'instruction faite devant le directeur du jury, il annule l'acte qu'il juge défectueux, ainsi que tout ce qui a été fait depuis ; et il renvoie le prévenu en état d'arrestation devant un autre directeur du jury, qui recommence l'instruction, à partir du plus ancien des actes annulés.

ARTICLE 329

Si le mandat d'arrêt, et l'instruction faite devant le directeur du jury jusqu'à la déclaration des jurés inclusivement, étant jugés valables, le tribunal décide que les formes légales n'ont pas été observées dans l'ordonnance de prise de corps, il la déclare nulle, et en décerne une nouvelle contre l'accusé.

ARTICLE 330

Dans le cas de l'article précédent, et dans celui où le tribunal a déclaré valables, tant le mandat d'arrêt, que l'instruction faite depuis jusqu'à l'ordonnance de prise de corps inclusivement, les pièces de la procédure sont, dans les vingt-quatre heures du jugement, remises à l'accusateur public.

ARTICLE 331

L'accusateur public, dès que les pièces lui ont été remises, soit en exécution de l'article précédent, soit en exécution de l'article 325, est tenu de faire ses diligences pour que l'accusé puisse être jugé à la première assemblée du jury de jugement qui sera convoquée après son arrivée.

ARTICLE 332

Le jury de jugement s'assemble le 15 de chaque mois, sur la convocation qui en est faite le 5 par le président, ainsi qu'il est réglé ci-après.

ARTICLE 333

Si l'accusateur public ou l'accusé ont des motifs pour demander que l'affaire ne soit pas portée à la première assemblée du jury, ils présentent au tribunal criminel une requête en prorogation de délai.

ARTICLE 334

Le tribunal décide si cette prorogation doit ou non être accordée.

S'il l'accorde, il ne peut proroger le délai au-delà de l'assemblée du jury, qui aura lieu le 15 du mois suivant.

ARTICLE 335

La requête en prorogation de délai ne peut être admise, si elle n'est présentée avant le 5 du mois au-delà duquel la prorogation est demandée.

ARTICLE 336

Les accusés qui n'arrivent à la maison de justice qu'après la convocation du jury de jugement, peuvent être jugés par ce jury, si l'accusateur public le requiert, et s'ils y consentent.

ARTICLE 337

Le nombre de douze jurés et de trois adjoints est nécessaire, à peine de nullité, pour former un jury de jugement.

ARTICLE 338

Au jour fixé pour l'assemblée du jury, le tribunal criminel ayant pris séance, les douze jurés et les trois adjoints se rendent dans l'intérieur de l'auditoire.

ARTICLE 339

Les douze jurés prennent place tous ensemble, suivant l'ordre de leur nomination, sur des siéges séparés du public et des parties, en face de ceux qui sont destinés à l'accusé et aux témoins.

ARTICLE 340

Les trois jurés adjoints se placent aussi dans l'intérieur de l'auditoire ; mais séparément des autres.

TITRE VI – DE L’EXAMEN

ARTICLE 341

Le tribunal et les jurés étant assemblés, le président fait entrer dans l’intérieur de l'auditoire, l'accusé, ses conseils, les témoins, et la partie plaignante, s'il y en a une.

L'accusé comparait à la barre, libre, sans fers, et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader.

Le président lui dit qu'il peut s'asseoir, lui demande son nom, son âge, sa profession, sa demeure, et en fait tenir note par le greffier.

ARTICLE 342

Les conseils de l'accusé promettent ensuite de n'employer que la vérité dans sa défense.

ARTICLE 343

Après avoir reçu cette promesse, le président du tribunal adresse aux jurés et à leurs adjoints le discours suivant :

«  Citoyens, Vous promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse, les charges portées contre un tel ; …. de n'en communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous décider d'après les charges et moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime et profonde conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre ».

Chacun des jurés et de leurs adjoints, appelé nominativement par le président, répond : «  Je le promets ».

ARTICLE 344

Immédiatement après, le président avertit l'accusé d'être attentif à ce qu'il va entendre.

Il ordonne au greffier de lire l'acte d'accusation.

Le greffier fait cette lecture à haute et intelligible voix.

ARTICLE 345

Après cette lecture, le président rappelle à l'accusé, le plus clairement possible, ce qui est contenu en l'acte d'accusation, et lui dit : «  Voilà de quoi vous êtes accusé ; vous allez entendre les charges qui seront produites contre vous ».

ARTICLE 346

L'accusateur public expose le sujet de l'accusation et présente la liste des témoins qui doivent être entendus, soit à sa requête, soit à celle de la partie plaignante.

Cette liste ne peut contenir que des témoins dont les noms, âge, profession et domicile, aient été notifiés à l'accusé vingt-quatre heures au moins avant l'examen ; et ni l'accusateur public, ni la partie plaignante, ne peuvent, à peine de nullité, en faire entendre d'autres.

ARTICLE 347

La liste mentionnée en l'article précédent est lue à haute voix par le greffier.

ARTICLE 348

Le président ordonne ensuite aux témoins de se retirer dans une chambre destinée à cet effet, et dont ils ne peuvent sortir que pour déposer.

ARTICLE 349

Les témoins déposent séparément, et l'un après l'autre suivant l'ordre de la liste.

ARTICLE 350

Le président, avant de recevoir la déposition de chaque témoin, lui fait promettre «  de parler sans haine et sans crainte, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ».

ARTICLE 351

Il lui demande ensuite s'il connaissait l'accusé avant le fait mentionné dans l'acte d'accusation, s'il est parent ou allié, soit de l'accusé, soit de la partie plaignante, et à quel degré.

Il lui demande en même temps s'il n'est pas attaché au service de l'un ou de l'autre.

ARTICLE 352

Cela fait, le témoin dépose oralement, et sans que sa déposition puisse être écrite.

ARTICLE 353

Après chaque déposition, le président demande au témoin si c'est de l'accusé présent qu'il a entendu parler.

Il demande ensuite à l'accusé s'il veut répondre à ce qui vient d'être dit contre lui.

L'accusé peut, par lui-même ou par ses conseils, questionner le témoin, et dire, tant contre lui personnellement que contre son témoignage, tout ce qu’il juge utile à sa défense.

ARTICLE 354

Le président peut également demander au témoin et à l'accusé tous les éclaircissements qu'il croit nécessaires à la manifestation de la vérité.

Les juges, l'accusateur public et les jurés ont la même faculté, en demandant la parole au président.

ARTICLE 355

Chaque témoin, après sa déposition, reste dans l'auditoire, jusqu'à ce que les jurés s'en soient retirés pour donner leurs déclarations.

ARTICLE 356

Après l'audition des témoins produits par l'accusateur public et par la partie plaignante, l'accusé fait entendre les siens, s'il y en a.

ARTICLE 357

L'accusé peut faire entendre des témoins pour attester qu'il est homme d'honneur, de probité, et d'une conduite irréprochable.

Les jurés ont tel égard que de raison à ce témoignage.

ARTICLE 358

Ne peuvent être entendus en témoignage, soit à la requête de l'accusé, soit à celle de l'accusateur public, soit à celle de la partie plaignante :

1°. Le père, la mère, l'aïeul, l'aïeule, ou autre ascendant de l'accusé ;

2°. Son fils, sa fille, son petit-fils, sa petite-fille, ou autre descendant ;

3°. Son frère ou sa sœur;

4°. Ses alliés aux degrés ci-dessus ;

5°. Sa femme ou son mari, même après le divorce légalement prononcé.

L'accusateur public et la partie plaignante ne peuvent pareillement produire pour témoins les dénonciateurs, quand il s'agit des délits dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la loi, ou lorsque le dénonciateur peut, de toute autre manière, profiter de l'effet de sa dénonciation.

ARTICLE 359

Les témoins qui n'ont pas déposé préalablement par écrit, peuvent être entendus dans le débat, savoir :

A la requête de l'accusateur public ou de la partie plaignante, pourvu qu'ils aient été assignés, et qu'ils soient portés sur la liste mentionnée dans l'article 346.

Et à la requête de l'accusé, quand même ils n'auraient reçu de sa part aucune assignation.

ARTICLE 360

Les témoins par quelque partie qu'ils soient produits, ne peuvent jamais s'interpeller entre eux.

ARTICLE 361

L'accusé peut par lui-même ou par ses conseils, demander que les témoins, au lieu de déposer séparément, ainsi qu'il est dit article 349, soient entendus en présence les uns des autres.

Il peut demander encore, après qu'ils ont déposé, que ceux qu'il désigne se retirent de l'auditoire, et qu'un ou plusieurs d'entre eux soient introduits et entendus de nouveau, soit séparément, soit en présence les uns des autres.

ARTICLE 362

L'accusateur public a la même faculté à l'égard des témoins produits par l'accusé.

ARTICLE 363

Pendant l'examen, les jurés, l'accusateur public et les juges, peuvent prendre note de ce qui leur paraît important, soit dans les dépositions des témoins, soit dans la défense de l'accusé, pourvu que la discussion n’en soit pas arrêtée ni interrompue.

ARTICLE 364

Dans le cours ou à la suite des dépositions, le président fait représenter à l'accusé tous les effets trouvés lors du délit ou depuis, pouvant servir à conviction, et il l'interpelle de répondre personnellement s'il les reconnaît.

ARTICLE 365

Il ne peut être lu aux jurés aucune déclaration écrite de témoins non présents à l'auditoire.

ARTICLE 366

Quant aux déclarations écrites que les témoins présents ont faites, et aux notes écrites des interrogatoires que l'accusé a subis devant l'officier de police, le directeur du jury et le président du tribunal criminel, il n'en peut être lu, dans le cours des débats, que ce qui est nécessaire pour faire observer, soit aux témoins, soit à l'accusé, les variations, les contrariétés et les différences qui peuvent se trouver entre ce qu'ils disent devant les jurés et ce qu'ils ont dit précédemment.

ARTICLE 367

Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin paraît évidemment fausse, le président en dresse procès-verbal ; et d'office, ou sur la réquisition, soit de l'accusateur public, soit de la partie plaignante, soit de l'accusé et de ses conseils, il fait sur-le-champ mettre ce témoin en état d'arrestation, et délivre, à cet effet, contre lui un mandat d'arrêt, en vertu duquel il le fait conduire devant le directeur du jury d'accusation de l'arrondissement dans lequel siège le tribunal criminel.

L'acte d'accusation, dans ce cas, est rédigé par le président.

ARTICLE 368

Dans le cas où l'accusé, les témoins ou l'un d'eux, ne parleraient pas la même langue ou le même idiome, le président du tribunal criminel nomme d'office un interprète âgé de vingt-cinq ans au moins et lui fait promettre de traduire fidèlement, et suivant sa conscience, les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents.

L'accusé et l'accusateur public peuvent récuser l'interprète, en motivant leur récusation.

Le tribunal juge les motifs.

ARTICLE 369

L'interprète peut, du consentement de l'accusé et de l'accusateur public, être pris parmi les témoins ou les jurés.

ARTICLE 370

A la suite des dépositions orales des témoins, et des dires respectifs auxquels elles donnent lieu, l'accusateur public, et la partie plaignante, s'il y en a une, sont entendus, et développent les moyens qui appuient l'accusation.

L'accusé et ses conseils peuvent leur répondre.

La réplique est permise à l'accusateur public et à la partie plaignante ; mais l'accusé a toujours la parole le dernier.

ARTICLE 371

L'accusé n'ayant plus rien à dire pour sa défense, le président déclare que les débats sont terminés.

ARTICLE 372

Le président résume l'affaire, et la réduit à ses points les plus simples.

Il fait remarquer aux jurés les principales preuves pour et contre l'accusé.

Il leur rappelle les fonctions qu'ils ont à remplir, et, pour cet effet, il leur donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères dans la chambre destinée à leurs délibérations :

«  Les jurés doivent examiner l'acte d'accusation, les procès-verbaux, et toutes les autres pièces du procès, à l'exception des déclarations écrites des témoins, des notes écrites des interrogatoires subis par l'accusé devant l'officier de police, le directeur du jury et le président du tribunal criminel.

C'est sur ces bases, et particulièrement sur les dépositions et les débats qui ont eu lieu en leur présence, qu'ils doivent asseoir leur conviction personnelle : car c'est de leur conviction personnelle qu'il s'agit ici ; c'est cette conviction que la loi les charge d'énoncer ; c'est à cette conviction que la société, que l'accusé, s'en rapportent.

La loi ne leur demande pas compte des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve : elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins. Elle ne leur dit pas non plus : Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d'indices. Elle ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?

Ce qu'il est bien essentiel de ne pas perdre de vue, c'est que toute la délibération du jury de jugement porte sur l'acte d'accusation : c’est à cet acte qu'ils doivent uniquement s'attacher ; et ils manquent à leur premier devoir, lorsque, pensant aux dispositions des lois pénales, ils considèrent les suites que pourra avoir, par rapport à l'accusé, la déclaration qu'ils ont à faire. Leur mission n'a pas pour objet la poursuite ni la punition des délits : ils ne sont appelés que pour décider si le fait est constant, et si l'accusé est, ou non, coupable du crime qu'on lui impute. »

ARTICLE 373

Ensuite le président, au nom et de l'avis du tribunal, pose toutes les questions qui résultent tant de l'acte d'accusation que des débats, et que les jurés doivent décider.

ARTICLE 374

La première question tend essentiellement à savoir si le fait qui forme l'objet de l'accusation, est constant ou non ;

La seconde, si l'accusé est, ou non, convaincu de l'avoir commis, ou d'y avoir coopéré.

Viennent ensuite les questions qui, sur la moralité du fait, et le plus ou le moins de gravité du délit, résultent de l'acte d'accusation, de la défense de l'accusé, ou du débat.

Le président les pose dans l'ordre dans lequel les jurés doivent en délibérer, en commençant par les plus favorables à l’accusé.

ARTICLE 375

Dans les délits qui renferment des circonstances indépendantes les unes des autres, comme dans une accusation de vol, pour savoir s'il a été commis de nuit, avec effraction, par une personne domestique, avec récidive, etc., les questions relatives à ces circonstances sont présentées chacune séparément, sans qu'il soit nécessaire de commencer par les moins aggravantes.

ARTICLE 376

L'accusé, ses conseils, l'accusateur public et les jurés, peuvent faire des observations sur la manière dont les questions sont posées, et le tribunal en décide sur-le-champ.

ARTICLE 377

Il ne peut être posé aucune question complexe. (Article 250 de l'acte constitutionnel.)

ARTICLE 378

Il n'en peut être posé aucune sur des faits qui ne seraient pas portés dans l'acte d'accusation, quelles que soient les dépositions des témoins.

ARTICLE 379

Mais les jurés peuvent être interrogés sur une ou plusieurs circonstances non mentionnées dans l'acte d'accusation, quand même elles changeraient le caractère du délit résultant du fait qui y est porté.

Ainsi, sur l’accusation d’un acte de violence exercé envers une personne, le président peut, d'après les débats, poser la question de savoir si cet acte de violence a été commis à dessein de tuer.

ARTICLE 380

Toute contravention aux règles prescrites par les articles 352, 358, 365, 368, 373, 374, 377 et 378, emporte nullité.

ARTICLE 381

Le président, après avoir énoncé les questions, les remet par écrit aux jurés, dans la personne de leur chef.

ARTICLE 382

Il leur remet aussi toutes les pièces du procès, à l'exception des déclarations écrites des témoins et des interrogatoires écrits de l'accusé.

ARTICLE 383

Il leur annonce que la loi les oblige de se retirer dans leur chambre pour en délibérer, et il leur rappelle qu'elle leur défend de communiquer avec personne jusqu'après leur déclaration.

ARTICLE 384

Il fait en même temps reconduire l'accusé dans la maison de justice.

ARTICLE 385

Les jurés retirés dans leur chambre, y discutent les questions qui ont été posées par le président.

Celui d'entre eux qui se trouve le premier inscrit sur le tableau, est leur chef.

ARTICLE 386

Lorsqu'ils sont en état de donner leur déclaration, ils font avertir le président.

Le président commet l'un des juges pour recevoir dans la chambre du conseil, avec le commissaire du pouvoir exécutif, les déclarations individuelles que les jurés doivent faire successivement et en l'absence les uns des autres.

ARTICLE 387

Le chef des jurés fait sa déclaration le premier. Quand il l'a achevée, il reste dans la chambre du conseil avec le juge et le commissaire du pouvoir exécutif.

Les autres jurés se retirent à mesure qu'ils ont fini leurs déclarations.

ARTICLE 388

Ces déclarations se font de la manière qui va être expliquée.

ARTICLE 389

Chaque juré déclare d'abord si le fait porté dans l'acte d'accusation est constant ou non.

ARTICLE 390

Si cette première déclaration est affirmative, il en fait une seconde sur l’accusé, pour décider s’il est ou non convaincu.

ARTICLE 391

Le juré qui a déclaré que le fait n'est pas constant, n'a pas d'autre déclaration à faire, et sa voix est comptée en faveur de raccusé dans les questions suivantes.

ARTICLE 392

Le juré qui, ayant trouvé le fait constant, a déclaré que l'accusé n'en est pas convaincu, ne fait aucune autre déclaration, et sa voix est également comptée en faveur de l'accusé dans les questions qui pourront suivre.

ARTICLE 393

Le juré qui a déclaré le fait constant et l’accusé convaincu, donne ensuite sa déclaration sur la moralité du fait, d'après les questions intentionnelles posées par le président.

ARTICLE 394

Lorsque sur plusieurs questions intentionnelles, présentées dans leur ordre graduel, un juré en a décidé une en faveur de l'accusé, il n'a plus de déclaration à faire sur celles qui suivent.

Mais tant qu'il en juge une contre l'accusé, il faut qu'il prononce sur les questions ultérieures, jusqu'à ce qu'il ait donné son opinion sur toutes celles que le tribunal a posées.

ARTICLE 395

Dans les questions relatives aux circonstances indépendantes l'une de l'autre, qui se trouvent dans le même délit, le juré qui a voté sur une en faveur de l'accusé, ne continue pas moins de donner son opinion sur les autres.

ARTICLE 396

Les jurés ne peuvent prononcer sur d'autres délits que ceux qui sont portés dans l'acte d'accusation, ni se dispenser de prononcer sur aucun de ceux qui y sont portés.

ARTICLE 397

Chaque juré prononce les diverses déclarations ci-dessus dans la forme suivante :

Il met la main sur son cœur, et dit : Sur mon honneur et ma conscience, le fait est constant, ou le fait ne me parait pas constant ; l'accusé est convaincu, ou l'accusé ne me parait pas convaincu ; il a commis tel fait méchamment et à dessein, ou il ne me parait pas avoir commis, etc.

ARTICLE 398

Pour constater ces diverses déclarations, des boîtes blanches et des boîtes noires sont posées sur le bureau de la chambre du conseil.

Les boîtes blanches servent à constater les opinions favorables à l'accusé ; les boîtes noires constatent les opinions qui lui sont contraires.

Il y a, pour le jugement de chaque affaire, autant de paires de boîtes que de questions à décider par les jurés, et sur chacune on inscrit l'affirmative ou la négative, suivant sa destination.

ARTICLE 399

Après chacune de ses déclarations prononcées à haute voix, chaque juré choisit dans les mains du juge qui lui présente deux boules, l'une noire, l'autre blanche, celle propre à exprimer son opinion, et il la dépose ostensiblement dans la boîte de couleur correspondante.

ARTICLE 400

Pour éviter toutes méprises, les boîtes sont construites de manière que la boule noire ne puisse pas entrer dans l'ouverture de la boule blanche.

ARTICLE 401

Les douze jurés ayant achevé de donner leurs déclarations individuelles, ils rentrent tous dans la chambre du conseil.

ARTICLE 402

Les boîtes sont ouvertes devant eux par le juge, le commissaire du pouvoir exécutif présent, et les déclarations partielles sont rassemblées pour former la déclaration générale du jury.

ARTICLE 403

La décision du jury se forme sur chaque question, en faveur de l'accusé, par le concours de trois boules, et contre lui par le concours de dix.

ARTICLE 404

Pour cet effet, les boîtes étant ouvertes, les boules qu'elles renferment respectivement sont comptées dans le même ordre qu’ont été posées les questions auxquelles elles correspondent.

ARTICLE 405

En conséquence, on ouvre d'abord les boîtes qui ont servi à décider si le fait est constant ou non.

S'il s'y trouve trois boules blanches, il est décidé que le fait n'est pas constant, et la délibération est terminée.

Dans le cas contraire, on passe à l'ouverture des boîtes sur la question de savoir si l'accusé est auteur du fait déclaré constant.

ARTICLE 406

Les boules blanches qui, sur cette seconde question se trouvent dans l'une des boîtes, s'additionnent avec les boules blanches qui peuvent avoir été données au-dessous du nombre de trois, sur la première question.

ARTICLE 407

Si cette addition donne trois boules blanches, ou si trois boules blanches se trouvent réunies dans la boîte destinée à la seconde question, la délibération se termine là, et il est décidé que l'accusé n'est pas convaincu du fait porté dans l'acte d'accusation.

ARTICLE 408

Si, au contraire, il ne se rencontre pas, soit de l'une, soit de l'autre manière, trois boules blanches sur la seconde question, le juge passe à l'ouverture des boîtes relatives à la moralité du fait.

ARTICLE 409

Dans ce troisième recensement, les boules blanches fournies sur les deux premières questions, s'additionnent encore avec celles qui se trouvent dans la boîte blanche.

ARTICLE 410

Lorsqu'il a été posé plusieurs questions intentionnelles, si les trois premiers recensements réunis n'ont pas encore fourni trois boules blanches, on ouvre les boîtes sur la seconde question intentionnelle, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le recensement des suffrages soit terminé, soit par l'ouverture de toutes les boîtes, soit par une somme de trois boules blanches, qui arrête et fixe la décision des jurés sur l'une des questions qui leur sont présentées successivement.

ARTICLE 411

Les boules blanches fournies sur chacune des circonstances indépendantes d'un même délit, ne s'additionnent pas entre elles, mais seulement avec les boules blanches fournies sur les questions relatives à l'existence du corps du délit, et à la conviction de l'auteur de ce délit.

ARTICLE 412

La délibération étant terminée, le résultat en est rédigé par écrit, en autant d'articles séparés qu'il y a eu de questions décidées.

ARTICLE 413

Tous les jurés alors rentrent dans l'auditoire et y reprennent leurs places.

Le président leur demande quel est le résultat de leur délibération sur chacune des questions qu'il leur a présentées.

Le chef des jurés se lève et dit : Sur mon honneur et ma conscience, la déclaration du jury est que … .

Il donne lecture de cette déclaration, telle qu'elle a été arrêtée dans la chambre des jurés.

Il la signe, et la remet au président qui la signe également et la fait signer par le greffier.

ARTICLE 414

En cas de contravention de la part des jurés à l'une des règles qui leur sont prescrites par les articles 385 et suivants, leur déclaration est nulle, et le tribunal criminel, est tenu, à peine de nullité du jugement qui pourrait intervenir sur le fond, de la rejeter du procès, en leur ordonnant de se retirer sur-le-champ dans leur chambre pour en former une nouvelle.

ARTICLE 415

La décision du jury ne peut jamais être soumise à l'appel.

Si néanmoins le tribunal est unanimement d'avis que les jurés, tout en observant les formes, se sont trompés au fond, il ordonne que les trois jurés-adjoints se réuniront aux douze premiers pour donner une nouvelle déclaration aux quatre cinquièmes de voix.

ARTICLE 416

Nul n'a le droit de provoquer cette nouvelle délibération ; le tribunal ne peut l'ordonner que d'office, et immédiatement après que la déclaration du jury a été prononcée à l'auditoire.

ARTICLE 417

Il ne peut, à peine de nullité, y avoir lieu à une nouvelle délibération, dans le cas de l'article 415, que lorsque l'accusé a été convaincu, jamais lorsqu'il a été acquitté.

ARTICLE 418

L'examen d'un procès une fois entamé ne peut être interrompu ni suspendu, et il doit être continué jusqu'à la déclaration du jury inclusivement, sauf les intervalles nécessaires pour le repos des juges, des jurés et des témoins.

ARTICLE 419

Néanmoins, lorsqu'un témoin qui a été cité ne comparaît pas, le tribunal peut, sur la réquisition de l'accusateur public, et avant que les débats soient ouverts par la déposition du premier témoin inscrit sur la liste mentionnée en l'article 346, renvoyer l'affaire à la prochaine assemblée du jury du jugement.

ARTICLE 420

Dans ce cas, tous les frais des citations, actes, voyages de témoins et autres ayant pour objet de faire juger l'affaire dans cette session, sont à la charge du témoin qui n'a pas comparu ; et il y est condamné sur la réquisition du commissaire du pouvoir exécutif, par le jugement qui renvoie les débats à la session suivante.

Le même jugement ordonne, en outre, qu'il sera amené par la force publique, à la prochaine session, pour y déposer.

ARTICLE 421

Dans tout autre cas, le témoin qui n'a pas comparu, est condamné à une amende triple de sa contribution personnelle.

Cette condamnation se prononce à la suite des débats, et sans désemparer, sur la réquisition du commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 422

La voie de l'opposition est ouverte contre cette condamnation, ainsi que contre celle mentionnée en l'article précédent, dans les dix jours de la signification qui en a été faite à personne ou domicile ; et l'opposition est reçue, si le témoin condamné prouve qu'il a été retenu par une maladie grave ou force majeure.

ARTICLE 423

Tous les accusés présents qui sont compris dans le même acte d'accusation, sont examinés par le même jury, et jugés sur la même déclaration.

Pour cet effet, le tribunal détermine celui qui doit être présenté le premier au débat, en commençant par le principal accusé, s'il y en a un.

Les autres coaccusés y sont présents, et peuvent faire leurs observations.

Il se fait ensuite un débat particulier pour chacun d'eux, sur les circonstances qui lui sont particulières.

TITRE VII. - DU JUGEMENT ET DE L'EXÉCUTION

ARTICLE 424

Lorsque l'accusé a été déclaré non convaincu, le président, sans consulter les juges, ni entendre le commissaire du pouvoir exécutif, prononce qu'il est acquitté de l'accusation, et ordonne qu'il soit mis sur-le-champ en liberté.

ARTICLE 425

Il en est de même, si les jurés ont déclaré que le fait a été commis involontairement, sans aucune intention de nuire, ou pour la légitime défense de soi ou d'autrui.

ARTICLE 426

Tout individu ainsi acquitté peut poursuivre ses dénonciateurs pour ses dommages-intérêts.

Il ne peut plus être repris ni accusé à raison du même fait.

ARTICLE 427

Si l'accusé acquitté, ainsi qu'il vient d'être dit, du fait porté dans l'acte d'accusation, a été inculpé sur un autre fait, soit par des pièces, soit par les dépositions des témoins, le président, d'office, ou sur la demande de l'accusateur public, ordonne qu'il soit arrêté de nouveau.

Il reçoit les éclaircissements que le prévenu donne sur le nouveau fait ; il délivre, s'il y a lieu, un mandat d'arrêt contre lui, et le renvoie, devant le directeur du jury du lieu où siège le tribunal criminel, pour être procédé à une nouvelle instruction.

ARTICLE 428

Lorsque l'accusé a été déclaré convaincu, le président, en présence du public, le fait comparaître, et lui donne lecture de la déclaration du jury.

ARTICLE 429

Sur cela, le commissaire du pouvoir exécutif fait sa réquisition au tribunal pour l’application de la loi.

ARTICLE 430

La partie plaignante fait également la sienne pour ses dommages-intérêts.

ARTICLE 431

Le président demande à l'accusé s'il n'a rien à dire pour sa défense.

L'accusé ni ses conseils ne peuvent plus plaider que le fait est faux, mais seulement qu'il n'est pas défendu ou qualifié crime par la loi, ou qu'il ne mérite pas la peine dont le commissaire du pouvoir exécutif a requis l'application, ou qu'il n'emporte pas de dommages-intérêts, au profit de la partie plaignante, ou enfin que celle-ci élève trop haut les dommages-intérêts qui lui sont dus.

ARTICLE 432

Les juges prononcent ensuite, et sans désemparer, la peine établie par la loi, ou acquittent l'accusé, si le fait dont il est convaincu n'est pas défendu par elle.

Dans l'un et l'autre cas, ils statuent sur les dommages-intérêts prétendus par la partie plaignante ou par l'accusé.

Ils ne peuvent, à peine de nullité, y statuer que par le même jugement.

ARTICLE 433

Lorsque les jurés ont déclaré que le fait de l'excuse proposée par le président dans la série des questions qui leur ont été remises, est prouvé, les juges prononcent, ainsi qu'il est dit dans le livre des Peines.

ARTICLE 434

Si le fait dont l'accusé est déclaré convaincu, se trouve être du ressort, soit des tribunaux de police, soit des tribunaux correctionnels, le tribunal n'en prononce pas moins définitivement, et en dernier ressort, les peines qui auraient pu être prononcées par ces tribunaux.

ARTICLE 435

Les juges délibèrent et opinent à voix basse ; ils peuvent, pour cet effet, se retirer dans la chambre du conseil ; mais le jugement est prononcé à haute voix en présence du public et de l'accusé, le tout à peine de nullité.

ARTICLE 436

Avant de le prononcer, le président est tenu de lire le texte de la loi sur laquelle il est fondé.

ARTICLE 437

Le greffier écrit le jugement ; il y insère le texte de la loi lue par le président.

ARTICLE 438

La minute du jugement est signée par les cinq juges qui l'ont rendu, à peine de nullité.

ARTICLE 439

Après avoir prononcé le jugement, le président retrace à l'accusé la manière généreuse et impartiale avec laquelle il a été jugé ; il l’exhorte à la fermeté et à la résignation ; il lui rappelle la faculté qu'il a de se pourvoir en cassation ; et le terme dans lequel l'exercice de cette faculté est circonscrit.

ARTICLE 440

Le condamné a trois jours francs après celui où son jugement lui a été prononcé, pour déclarer au greffe qu'il se pourvoit en cassation.

Pendant ces trois jours, il est sursis à l'exécution du jugement.

ARTICLE 441

Le commissaire du pouvoir exécutif peut également, dans les trois jours, déclarer au greffe qu'il demande, au nom de la loi, la cassation du jugement.

ARTICLE 442

Néanmoins, dans le cas d'absolution par un jugement, le commissaire du pouvoir exécutif n'a que vingt-quatre heures pour se pourvoir ; et, pendant ce temps seulement, il est sursis à l'élargissement du prisonnier.

ARTICLE 443

La condamnation est exécutée, ou dans les vingt-quatre heures qui suivent les trois jours dont il vient d'être parlé, s'il n'y a point eu de recours en cassation, ou dans les vingt-quatre heures de la réception du jugement du tribunal de cassation qui a rejeté la demande.

ARTICLE 444

Cette exécution se fait par les ordres du commissaire du pouvoir exécutif, qui a le droit de requérir pour cet effet l'assistance de la force publique.

ARTICLE 445

Elle se fait sur une des places publiques de la commune où le tribunal criminel tient ses séances.

ARTICLE 446

Lorsque pendant les débats qui ont précédé le jugement de condamnation, l'accusé a été inculpé, soit par des pièces, soit par des dépositions de témoins, sur d'autres faits que ceux portés dans l'acte d'accusation, le tribunal criminel ordonne qu'il sera poursuivi, à raison de ces nouveaux faits, devant le directeur du jury du lieu où il tient ses séances, mais seulement dans le cas où ces nouveaux faits mériteraient une peine plus forte que les premiers.

Dans ce cas, le tribunal surseoit à l'exécution de la première peine, jusqu'après le jugement sur les nouveaux faits.

TITRE VIII - DE LA CASSATION DES JUGEMENTS

ARTICLE 447

La déclaration du recours en cassation, faite au greffe, en conformité des articles 440 et 441, soit par le condamné, soit par le commissaire du pouvoir exécutif, est inscrite par le greffier sur un registre particulier à ce destiné.

ARTICLE 448

Elle est signée du déclarant, ou, s'il ne sait pas signer, le greffier en fait mention.

ARTICLE 449

Le condamné, soit en faisant la déclaration dont il vient d'être parlé, soit dans les dix jours suivants, remet au greffe une requête contenant ses moyens de cassation.

Le greffier lui en donne une reconnaissance, et transmet sur-le-champ cette requête au commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 450

Dans les dix jours qui suivent la déclaration du recours en cassation, le commissaire du pouvoir exécutif fait passer au ministre de la justice l'expédition du jugement, les pièces du procès, et la requête du condamné, s'il en a remis une.

ARTICLE 451

Dans les vingt-quatre heures de la réception de ces pièces, le ministre de la justice les adresse au tribunal de cassation, et il en donne avis, dans les deux jours suivants, au commissaire du pouvoir exécutif près le tribunal criminel, lequel en avertit, par écrit, le président, le condamné et son conseil.

ARTICLE 452

Le tribunal de cassation est tenu de prononcer sur le recours en cassation dans le mois de l'envoi qui lui a été fait des pièces par le ministre de la justice.

ARTICLE 453

Il rejette la requête, ou annule le, jugement.

Dans l'un et l'autre cas, il motive sa décision.

S'il annule le jugement, il renvoie le fond du procès, savoir :

Devant un autre officier de police judiciaire que celui qui a fait la première instruction, si le jugement est annulé pour fait de ce dernier, non réformé par le directeur du jury ni par le tribunal criminel ;

Devant un autre directeur du jury que celui qui a dressé l'acte d'accusation, si le jugement est annulé pour fait de ce dernier ou du jury d'accusation, non réformé par le tribunal criminel ;

Devant un des deux tribunaux criminels les plus voisins, si le jugement est annulé pour fait du tribunal criminel, ou du jury de jugement.

ARTICLE 454

L'officier de police judiciaire et le directeur du jury, auxquels se fait le renvoi du procès dans les cas prévus par l'article précédent, ne peuvent être pris que parmi ceux du ressort de l'un des deux tribunaux criminels les plus voisins de celui dont le jugement est annulé.

ARTICLE 455

Le jugement du tribunal de cassation qui rejette la requête, est délivré dans les trois jours au commissaire du pouvoir exécutif près ce tribunal, par simple extrait signé du greffier.

Cet extrait est adressé au ministre de la justice, qui l'envoie aussitôt au commissaire du pouvoir exécutif près le tribunal criminel, lequel en donne connaissance, par écrit, au président, à l'accusé, à son conseil, et agit ensuite ainsi qu'il est réglé par l'article 443.

ARTICLE 456

Le tribunal de cassation ne peut annuler les jugements des tribunaux criminels que dans les cas suivants :

1°. Lorsqu'il y a eu fausse application des lois pénales ;

2°. Lorsque des formes ou procédures prescrites par la loi, sous peine de nullité, ont été violées ou omises ;

3°. Lorsque l'accusé ou le commissaire du pouvoir exécutif ayant requis l'exécution d'une formalité quelconque, à laquelle la loi n'attache pas la peine de nullité, cette formalité n'a pas été remplie ;

4°. Lorsque le tribunal criminel a omis de prononcer sur une réquisition quelconque de l'accusé ou du commissaire du pouvoir exécutif ;

5°. Lorsque, dans les cas où il en avait le droit, le tribunal criminel n'a pas prononcé les nullités établies par la loi ;

6°. Lorsqu'il y a eu contravention aux règles de compétence établies par la loi pour la connaissance du délit ou pour l'exercice des différentes fonctions relatives à la procédure criminelle, ou qu'il y a eu, de quelque manière que ce soit, usurpation de pouvoir.

ARTICLE 457

Le jugement du tribunal de cassation qui annule un jugement émané d'un tribunal criminel, est, par le ministre de la justice, adressé en expédition authentique au commissaire du pouvoir exécutif près ce tribunal, qui la communique au président, à l'accusé et à son conseil, et la dépose ensuite au greffe.

ARTICLE 458

L'accusé dont la condamnation a été annulée par le tribunal de cassation, est traduit en personne devant l'officier de police judiciaire, directeur du jury ou tribunal criminel, à qui son procès est renvoyé, d'après les distinctions portées par l’article 453.

ARTICLE 459

Si le jugement a été annulé pour fausse application de la loi, le tribunal criminel à qui le procès est renvoyé, rend son jugement sur la déclaration déjà faite par le jury, après avoir entendu l'accusé ou son conseil, et le commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 460

Si le jugement a été annulé pour une des autres causes mentionnées en l'article 456, l'officier de police judiciaire, directeur du jury ou tribunal criminel recommence l'instruction, à partir du plus ancien des actes qui se trouvent frappés de nullité.

ARTICLE 461

Aucun de ceux qui ont rempli les fonctions de jurés, soit d'accusation, soit de jugement, dans la procédure annulée, ne peut les remplir dans la nouvelle.

TITRE IX – DES CONTUMACES

ARTICLE 462

Lorsque, sur une ordonnance de prise de corps ou de se représenter en justice, l'accusé n'a pu être saisi, et ne se présente pas dans les dix jours de la notification qui en a été faite à son domicile ;

Lorsque après s'être présenté ou avoir été saisi, il vient à s'évader ;

Ou enfin, lorsque après avoir été admis à caution, il ne se présente pas au jour fixé pour l’examen du procès,

Le président du tribunal criminel rend une ordonnance portant qu'il sera fait perquisition de sa personne, et que tout citoyen est tenu d'indiquer le lieu où il se trouve.

ARTICLE 463

Cette ordonnance et celle de prise de corps ou de se représenter en justice, sont publiées, le décadi suivant, à son de trompe ou de caisse, et affichées à la porte du domicile de l'accusé, ainsi qu'à celle de son domicile élu ; ou, s'il n'est pas domicilié, à celle de l'auditoire du tribunal criminel ;

Elles sont également notifiées à ses cautions, s'il en a fourni ;

Le tout à la diligence du commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 464

Le dixième jour après cette publication, le président du tribunal rend une seconde ordonnance portant qu'un tel est rebelle à la loi ; qu'en conséquence il est déchu du titre et des droits de citoyen français ; que ses biens vont être et demeurent séquestrés au profit de la République, pendant tout le temps de sa contumace ; que toute action en justice lui est interdite pendant le même temps, et qu'il va être procédé contre lui malgré son absence.

ARTICLE 465

Dans le jour suivant, cette ordonnance est adressée, par le commissaire du pouvoir exécutif, au directeur des domaines et droits d'enregistrement du domicile du contumax ;

Elle est en outre publiée, affichée et notifiée, sans aucun délai, aux lieux indiqués par l'article 463.

ARTICLE 466

Après un nouveau délai de dix jours, le procès est continué dans la forme prescrite pour les accusés présents, sauf les exceptions ci-après.

ARTICLE 467

Aucun conseil ou fondé de pouvoir ne peut se présenter pour défendre l'accusé contumax, soit sur les faits, soit sur l'application de la loi, soit sur la forme de la procédure.

Seulement, s'il est dans l'impossibilité absolue de se rendre, il peut envoyer son excuse, et en faire plaider la légitimité par un fondé de pouvoir.

Ses parents et ses amis ont la même faculté, en justifiant de son absence hors du territoire continental de la république, en vertu de passeport régulier, avant les premières poursuites faites contre lui.

ARTICLE 468

Si le tribunal trouve l'excuse légitime, il ordonne qu'il sera sursis au jugement de l'accusé et au séquestre de ses biens, pendant un temps qu'il fixe, eu égard à la nature de l'excuse et à la distance des lieux.

ARTICLE 469

Après la lecture de l'acte d'accusation, des ordonnances mentionnées dans les articles 462 et 464, et des procès-verbaux dressés pour en constater la proclamation et l'affiche, le président, après avoir entendu le commissaire du pouvoir exécutif, prend l'avis des juges sur la régularité ou l'irrégularité de l'instruction faite contre l'accusé.

ARTICLE 470

Si l'instruction n'est pas conforme à la loi, le tribunal la déclare nulle, et ordonne qu'elle sera recommencée, à partir du plus ancien acte qui est jugé illégal.

ARTICLE 471

Si l'instruction est régulière, le tribunal ordonne que les pièces, et les déclarations écrites des témoins entendus devant l'officier de police judiciaire, devant le directeur du jury et devant le président du tribunal criminel, seront lues publiquement aux jurés.

Les témoins, dans ce cas, ne déposent point oralement.

ARTICLE 472

La condamnation qui intervient contre un contumax, est, dans les vingt-quatre heures de sa prononciation, et à la diligence du commissaire du pouvoir exécutif, affichée par l'exécuteur des jugements criminels, à un poteau qui est planté au milieu de la place publique du lieu où le tribunal criminel tient ses séances.

ARTICLE 473

Le recours en cassation n'est ouvert contre les jugements par contumace, qu'au commissaire du pouvoir exécutif.

ARTICLE 474

En aucun cas, la contumace d'un accusé ne peut suspendre ni retarder l'instruction à l'égard de ses coaccusés présents.

Elle ne peut pas non plus, après le jugement de ceux-ci, empêcher la remise des effets déposés au greffe, comme pièces de conviction, lorsqu'ils sont réclamés par les propriétaires intéressés à cette remise.

Cette remise est précédée d'un procès-verbal de description, dressé par le président, ou par un juge qu'il a commis à cette fin.

ARTICLE 475

Tous les fruits, revenus et produits qui sont, en exécution de l'ordonnance mentionnée dans l'article 464, perçus par les receveurs des droits d'enregistrement, et par eux versés dans les caisses nationales, appartiennent irrévocablement à la République, sauf les secours à accorder à la femme, aux enfants, au père ou à la mère de l'accusé, s'ils sont dans le besoin.

Ces secours sont réglés par le corps législatif.

ARTICLE 476

Si l'accusé se constitue prisonnier, ou s'il est pris ou arrêté, le jugement rendu et les procédures faites contre lui depuis l'ordonnance de prise de corps, sont anéantis de plein droit, et il est procédé à son égard dans la forme ordinaire.

ARTICLE 477

Néanmoins les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence, sont lues aux jurés, qui y ont tel égard que de raison ; en observant toujours que les preuves écrites ne sont point la règle unique de leurs décisions, et qu'elles ne leur servent que de renseignements.

ARTICLE 478

L'accusé contumax, à compter, soit du jour où il a été arrêté, soit de celui où il s'est lui-même constitué prisonnier, rentre dans l'exercice de tous ses droits ; et ses biens, à l'exception des fruits perçus ou échus antérieurement, lui sont rendus.

ARTICLE 479

Dans le cas même d'absolution, l'accusé qui a été contumax, est condamné, par forme de correction, à garder la prison pendant une décade : le juge lui fait en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens, et il ne lui est accordé aucun recours contre son dénonciateur.

ARTICLE 480

La peine portée dans le jugement de condamnation par contumace, est prescrite par vingt ans, à compter de la date du jugement.

ARTICLE 481

Mais, ce temps passé, l'accusé n'est plus reçu à se présenter pour purger sa contumace.

ARTICLE 482

Après la mort du contumax, prouvée légalement, ou après cinquante ans de la date de sa condamnation, ses biens, à l'exception des fruits perçus ou échus antérieurement, sont restitués à ses héritiers légitimes.

Néanmoins, après vingt ans, les héritiers peuvent, en donnant caution, être envoyés provisoirement en possession des biens.

Suite du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV

Signe de fin