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CHAPITRE I

Théorie générale de la loi

Section I  –  Les différentes sources du droit

Section II -  Le principe de légalité

Section III -  Le domaine de la loi dans le temps

Section IV -  Le domaine de la loi dans l’espace

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Section I - Les différentes sources du droit

Traités internationaux- autorité supérieure à celle de la loi interne.

Cass.crim. 22 octobre 1970 (Bull.crim. n° 276 p. 657)

R....

Aux termes de l’art. 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords régulièrement ratifiés et approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie.

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Traités internationaux - textes européens - autorite supérieure a celle des lois internes même postérieures.

Cour de cassation (Ch.mixte) 24 mai 1975 (JCP 1975 II 18180 bis Concl. Touffait).

Administration des douanes  c. Sté Cafés ... .

Le Traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l’art. 55 de la Constitution, a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre intégré à celui des États membres ; en raison de cette spécificité, l’ordre juridique qu’il a créé est directement applicable aux ressortissants de ces États et s’impose à leurs juridictions ; dès lors, c’est à bon droit, et sans excéder ses pouvoirs, que la Cour d’appel a décidé que l’art. 95 du traité devait être appliqué en l’espèce, à l’exclusion de l’article 265 du Code des douanes, bien que ce dernier texte fût postérieur...

Note. -  La Cour de justice des communautés européennes, le 9 mars 1978, a statué dans le même sens : « Le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en lais­sant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel ».

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Loi - Notion de loi - Acception matérielle et non restrictivement formelle.

Cour européenne des droits de l’homme 24 avril 1990 -§ 39- (Gaz.Pal. 1er mai 1990)

Dans le domaine du § 2 de l’art. 8 de la Convention EDH, et d’autres textes analogues, la Cour a toujours entendu le terme Loi dans son acception matérielle et non formelle ; elle y a inclus à la fois des textes de rang infra-législatif et le droit non écrit. Les arrêts Sunday Times du 26 avril 1979... concernaient le Royaume-Uni, mais on aurait tort de forcer la distinction entre pays de common law et pays continentaux. La loi écrite revêt aussi, bien entendu, de l’importance dans les premiers. Vice versa, la jurisprudence joue traditionnellement un rôle considérable dans les seconds, à telle enseigne que des branches entières du droit positif y résultent, dans une large mesure, des décisions des Cours et Tribunaux... A la négliger, la Cour ne minerait guère moins le système juridique des États continentaux que son arrêt Sunday Times n’eût frappé à la base celui du Royaume-Uni s’il avait écarté la common law de la notion de loi. Dans un domaine couvert par le droit écrit, la loi est le texte en vigueur tel que les juridictions compétentes l’ont interprété en ayant égard, au besoin, à des données techniques nouvelles.

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Loi - conformité à la constitution - contrôle par les tribunaux répressifs (non).

Cass.crim. 11 mai 1833 (S. 1833 I 357).

P...

Sur le moyen tiré de la prétendu inconstitutionnalité de l’art. 16 de la loi du 25 mars et de l’art. 3 de la loi du 8 octobre 1830, et de la violation des art. 69 et 70 de la Charte...

Attendu que la loi du 8 octobre 1830, rendue pour l’exécution de l’art. 69 de la Charte, tout en attribuant par son art. 1er, la connaissance des délits commis par la voie de la presse, aux cours d’assises, a expressément maintenu, dans son art. 3, le droit conféré aux Cours et tribunaux par l’art. 16 de la loi du 25 mars;

Attendu que la loi du 8 octobre, délibérée et promulguée dans les formes constitutionnelles prescrites par la Charte, fait la règle des tribunaux et ne peut être attaquée devant eux pour cause d’inconstitutionnalité...

Rejette...

Note. - La Cour de cassation a maintenu sa position jusqu’à nos jours.

Cass.crim.2 mai 1990 (Gaz.Pal. 1990 II somm. p.641) : « L’art. R 262-1 C. trav. sanctionnant l’infraction contraventionnelle au repos dominical définie par l’art. L 221-5 du même Code édicte une peine d’amende entrant dans les prévisions des art. 465 et 466 C.pén., lesquels déterminent les pénalités applicables aux contraventions de police. Ces derniers textes, ayant valeur législative, s’imposent aux juridictions de l’ordre judiciaire qui ne sont pas juges de leur constitutionnalité. »

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LOI- CODIFICATION - CODIFICATION DE TEXTES ÉPARS « À DROIT CONSTANT  » - RÉGIME.

Cass.crim. 16 octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 Chronique I 4°).

K... et B...

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des art. 111-3 et 112-1 C.pén., et 4 de la toi du 26 juillet 1993...

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que K... et B..., dirigeants successifs de la société de vente par correspondance « Centre commercial ... », sont poursuivis pour avoir le premier en 1990 et 1991, le second en 1992 et jusqu’en juin 1993, méconnu la réglementation des loteries publicitaires, infraction punie par l’art. L.121-41 C.consommation, et effectué des publicités de nature à induire en erreur, délit prévu et réprimé par les art. L.121-1 et suivants de ce Code ;

Attendu que les prévenus ont fait valoir devant les juges du fond qu’à la suite de l’abrogation, par la loi du 26 juillet 1993 relative au C.consommation, des textes applicables à la date des faits -art. 5 de la loi du 6 janvier 1989 réglementant les loteries publicitaires et art. 44-1 et 44-II de la loi du 27 décembre 1973-, les délits poursuivis ne sont plus pénalement sanctionnés, les dispositions nouvelles du Code de la consommation ne pouvant réprimer des faits commis avant son entrée en vigueur ;

Qu’ils ont également soutenu que le décret du 22 août 1990 relatif à certaines opérations publicitaires tendant à faire naître l’espérance d’un gain, pris pour l’application de l’art. 5 de la loi du 6 janvier 1989, ne peut fonder la poursuite du fait de l’abrogation de la loi dont il procède ;

Attendu que pour écarter cette argumentation, les juges d’appel relèvent que les textes abrogés ont été codifiés, sans aucune modification, sous les art. L.121-1 et s. et L.121-36 et s. C.consommation ; qu’ils énoncent que ni le principe de légalité des délits et des peines ni le principe de la non-rétroactivité des lois ne font obstacle à ce qu’une loi nouvelle s’applique à des faits incriminés par une loi ancienne sous l’empire de laquelle ils ont été commis dès lors que les éléments constitutifs de l’infraction poursuivie et sa répression sont exactement identiques, comme en l’espèce; qu’ils ajoutent que l’abrogation expresse de l’art. 5 de la loi du 6 janvier 1989 n’entraîne pas de ce seul fait la caducité du décret du 22 août 1990 pris pour son application ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas encouru le grief allégué ;

Qu’en effet l’abrogation d’une loi à la suite de sa codification « à droit constant » ne modifie ni la teneur des dispositions transférées, ni leur portée ;

Qu’en outre les arrêtés ou règlements légalement pris par l’autorité compétente revêtent un caractère de permanence qui les fait survivre aux lois dont ils procèdent, tant qu’il n’ont pas été rapportés ou qu’il ne sont pas devenus inconciliables avec les règles fixées par une législation postérieure ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli... Rejette...

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Arrêté - arrêté assorti d’une sanction pénale - disposition individuelle - nécessité qu’elle soit motivée.

Cass.crim. 11 octobre 1990 (Gaz.Pal. 1991 I 151 note Doucet)

R...

Sur le moyen de cassation, pris de la violation de l’art. L.19 al.2 C.route, des art. 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 et des art. 591 et 593 C.pr.pén...

Attendu que, selon les art. 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions administratives individuelles défavorables doivent être motivées ; que cette motivation doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que R… a été poursuivi pour avoir refusé de restituer son permis de conduire à l’agent de l’autorité chargé de l’exécution d’un arrêté préfectoral suspendant ledit permis pour une durée de 14 jours; qu’avant toute défense au fond, il a soulevé une exception tirée de l’illégalité de l’arrêté susvisé pour défaut de motivation ;

Attendu que pour rejeter cette exception, la Cour d’appel énonce que « l’arrêté litigieux indique clairement que la commission de suspension du permis de conduire a étudié dans sa séance du 27 septembre 1988 un procès-verbal pour infrac­tion à l’art.  R.10 C.route dont R... a fait l’objet le 13 septembre 1988 à 14 heures 05 à Saint-Rémy et dont le prévenu connaît parfaitement la teneur »; que la Cour d’appel relève que « R... ne conteste pas avoir été convoqué à cette séance et avoir ainsi été en mesure de prendre connaissance du dossier et de présenter sa défense » et que « l’arrêté indique que le sous-préfet de Chalon-sur-Saône a pris sa déci­sion au vu de l’avis émis par cette commission »; que la Cour d’appel ajoute enfin que « dans ces conditions », elle estime que cet arrêté « répond aux exigences de la loi »;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision; que l’arrêté litigieux qui se borne à mentionner, outre la date et le lieu des faits, les textes applicables et qui ne fait que viser l’avis de la commission de suspension du permis de conduire sans le reproduire ou le joindre, ne comporte pas une motivation conforme à celle exigée par la loi du 11 juillet 1979 et se trouve, dès lors, entaché d’illégalité ;

D’où il suit que la cassation est encourue...

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Arrêtés - publication - formalité nécessaire à laquelle il ne peut être suppléer par la constatation de sa connaissance dans le public.

Cass.crim. 5 mai 1923 (S. 1923 I 398)

X…(arrêt « Défense de fumer »)

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 96 de la loi du 5 avril 1884 et 471 15° C.pén., de l’avis du Conseil d’Etat du 25 prairial an XIII, et de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810...

Attendu que les règlements de police ne deviennent obligatoires qu’après qu’ils ont été portés légalement à la connaissance de ceux auxquels ils s’adressent; que, d’après l’art. 96 de la loi du 5 avril 1884, l’affichage des arrêtés municipaux contenant des dispositions générales est nécessaire pour assurer la publicité voulue par la loi; que si, avant la promulgation de cette loi, la publication desdits arrêtés par voie d’affiches n’était pas indispensable, leur publicité n’en devait pas moins être assurée à l’aide de l’un des modes autorisés par l’avis du Conseil d’Etat du 25 prairial an XIII ;

Attendu, d’autre part, que la preuve de la publicité d’un arrêté municipal incombe au ministère public, lorsque cette publicité est contestée par le prévenu ;

Attendu que le demandeur était poursuivi pour contravention à l’arrêté municipal de la ville de Bourg du 29 janvier I866, relatif à l’organisation du théâtre de cette ville, dont l’art. 21 interdit de fumer dans le vestibule, dans le foyer, ou toute autre partie des bâtiments du théâtre; que, devant le Tribunal de simple police et à l’audience du 1er décembre I922, il a contesté la publication de l’arrêté sus-daté; qu’à l’audience du 5 janvier suivant, à laquelle l’affaire avait été renvoyée, le ministère public a déclaré ne pouvoir rapporter la preuve de la publication et de l’affichage de l’arrêté, mais a requis néanmoins l’application au fait reconnu constant de l’art. 471-15 C.pén.;

Attendu que le juge de police a fait droit à ces réquisitions, en se fondant sur la longue et constante application du règlement de I866 sans protestation des intéressés, sur l’existence, dans le vestibule du théâtre, d’une pancarte portant « Défense de fumer », et sur la connaissance personnelle que le prévenu aurait eue dudit règlement ;

Mais attendu que, ni l’application qui aurait été faite de l’arrêté sur de précédentes poursuites, ni la connaissance que le demandeur aurait eue de l’interdiction de fumer au théâtre, ne sauraient tenir lieu de la publication par les voies régulières, cette formalité substantielle pouvant seule mettre les justiciables en demeure de se conformer sous une sanction pénale à un règlement administratif; que, d’autre part, l’apposition dans le théâtre d’une pancarte portant simplement : « Défense de fumer », sans aucune autre indication ne peut suppléer à l’affichage prescrit par la loi ;

D’où il suit, qu’en l’état de ces constatations, le jugement a attaqué a violé les dispositions visées au moyen ;

Casse le jugement rendu par le Tribunal de simple police de Bourg, le I9 janvier 1923...

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Arrêté - publication - arrêté préfectoral visant une profession - nécessité qu’il soit porté à la connaissance des personnes intéressées.

Cass.crim. 5 mars 1991 (Gaz.Pal. 1992 I 287 note Doucet)

L...

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 1er C.civ., 4 C.pén., 10, 591 et 593 C.pr.pén., 6 de la Conv. EDH, 2, 3 et 5 de l’arrêté du préfet du département du Nord du 19 juillet 1973, défaut de motifs et manque de base légale...

Attendu que les actes réglementaires pris par l’autorité préfectorale ne deviennent obligatoires qu’après avoir été portés à la connaissance des personnes qu’ils concernent ;

Attendu que devant la juridiction répressive, saisie des pour­suites exercées à son encontre pour avoir le 22 janvier 1988 contrevenu à l’arrêté pris le 19 juillet 1973 par le préfet du département du Nord en application de l’art. 43 du livre II C.trav., devenu l’art. L.221-17 du même Code, et prescrivant la fermeture le jour du repos hebdomadaire des établissements de son département commercialisant des carburants, L..., qui exploite une station-service à Villeneuve-d’Ascq, a sollicité sa relaxe en soutenant que l’acte réglementaire en cause ne lui était pas opposable, dès lors qu’il n’avait pas été régulièrement publié ;

Attendu que pour écarter cette exception et dire la prévention établie, la Cour d’appel se borne à énoncer que l’arrêté préfectoral du 19 juillet 1973 a été publié au recueil départemental des actes administratifs du 25 octobre 1973 ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que la seule insertion de l’arrêté préfectoral litigieux au recueil des actes administratifs du département du Nord n’établit pas que cet acte a été porté à la connaissance des exploitants de stations-service, la Cour d’appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé; qu’il s’ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, Casse...

Note. - De manière plus générale, Cass.crim. 23 novembre 1935 (Gaz.Pal. 1935 II 945) a jugé que : « Il est de principe que, pour devenir obligatoires, les lois ou décrets doivent avoir été, par leur publication dans les formes légales, portés à la connaissance des citoyens».

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Arrêté. Sur l’exception d’illégalité proposée par la défense, voir : Trib.pol. Corte 13 mars 1989 (L... c. Dame V...,).

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Principes généraux. Les principes généraux du droit peuvent être directement accueillis par les tribunaux, voir : Cass.crim. 13 décembre 1956, (arrêt L...).

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usages loyaux et constants du commerce – Application en matière de Fraudes commerciales - normes de références.

Cass.crim. 5 octobre 1967 (Bull.crim. n° 242 p.564, Gaz.Pal. 1967 II 253)

Le G...

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’art. 1er de loi du 1er août 1905, envisagé dans son § 1er et dans son § 2, des art. 4 C.pén. et R.42 du même code, de la loi du 2 juillet 1935, notamment en son art. 23, de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué ainsi que du jugement dont il adopte les motifs non contraires que Le G..., boulanger-pâtissier à C... a mis en vente le 25 février 1966 sous la détermination « quatre-quarts » avec l’adjonction de la mention « spécialité bretonne » des gâteaux fabriqués avec des matières grasses autres que le beurre, celui-ci n’entrant dans la composition desdits gâteaux que dans la proportion de 5 % ; que Le G... ne conteste pas les faits ;

Attendu que l’arrêt attaqué ajoute qu’en l’absence de texte imposant l’utilisation du beurre dans la fabrication des gâteaux dits « quatre-quarts », il échet de se référer aux usages loyaux et constants du commerce; que d’après ces derniers, le « quatre-quarts » est un gâteau traditionnellement constitué en parties égales de farine, d’œufs, de sucre et de beurre; que le consommateur qui achète dans une boulangerie-pâtisserie un gâteau désigné sous l’espèce « quatre-quarts » avec la mention « spécialité bretonne » est fondé à penser que la composition du gâteau qui lui est offert est conforme aux usages précités ;

Attendu que, par ces énonciations, la Cour d’appel a donné une base légale à sa décision; en effet, en l’état des constatations de l’arrêt attaqué, était caractérisé tant à l’égard de l’alinéa 1er que de l’alinéa 2 l’article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Attendu enfin que l’appréciation de l’existence d’un usage entre dans le pouvoir souverain des juges du fond et échappe, dès lors, au contrôle de la Cour de Cassation ;

Rejette...

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Usages, source subsidiaire du droit, constatation par les juges du fond.

Cass.crim. 17 janvier 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr. p.77/78) : En matière de fraude commerciale portant sur un produit non réglementé, les juges du fond ont tout pouvoir pour reconnaître ou dénoncer l’existence d’un usage.

Note. Voir également : Cass.crim. 5 octobre 1967 (arrêt Le G... ci-dessus), et Cass.crim. 8 février 1996 (Dame L..., Chronique 1996 n°6) : Les juges du fond apprécient souverainement le contenu de la règle coutumière fondée sur des usages locaux non contraires à la loi.

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Jurisprudence - source simplement complémentaire du droit positif - interdiction des arrêts de règlement.

Cass.crim. 18 juillet 1991 (Bull.crim. n° 301 p. 758, Gaz.Pal. 1991 II somm. 23).

Dame V...

Sur le moyen pris de la violation des art. 5 C.civ., L.221-17 et R.262-1 C.trav...

Attendu, d’une part, qu’ il est fait défense aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ;

Attendu, d’autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision; que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ;

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que L.B..., épouse V... a été poursuivie pour avoir, en 1988, contrevenu à un arrêté du préfet du département de la Haute-Savoie, en date du 5 janvier 1982, prescrivant la fermeture, au public, le dimanche, de tous les établissements du département, spécialisés dans la vente de meubles, d’articles d’ameublement et de literie ;

Attendu que la prévenue a régulièrement contesté la légalité de cet arrêté, lui faisant grief de n’avoir pas entériné un accord intersyndical régulièrement conclu entre professionnels de l’ameublement; qu’elle a aussi soutenu que l’arrêté en cause ne lui était pas opposable, dès lors que dans son établissement étaient effectués des travaux d’ébénisterie qui n’entraient pas dans l’énumération des activités professionnelles visées par l’acte réglementaire en cause ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation et dire la prévention établie, la cour d’appel se borne à énoncer que la légalité de l’arrêté préfectoral du 5 janvier 1982 ne peut être contestée et à se référer, sur cette question, « à ses précédentes décisions du 9 octobre 1986 » et « aux arrêts de la chambre criminelle en date du 22 novembre 1988 » ;

Mais attendu qu’en se déterminant par ces motifs, les juges du second degré, qui se sont abstenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, ont méconnu les principes ci-dessus rappelés ;

Qu’il s’ensuit que la cassation est encourue de ce chef...

Note. – Jurisprudence constante et indiscutable. P.ex., Cass.crim. 25 mai 1971 (Bull.crim. n°175 p.440) : Aux termes de l’article 5 du Code civil, il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

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SECTION II - Le principe de legalite

Lois et décrets – conformité au Traité des communautés européennes – loi exigeant que le mode d’emploi d’un produit vendu en France soit rédigé en français – loi applicable dès lors qu’elle tend à la protection des consommateurs français.

Cass.crim. 26 avril 2000 (Bull.crim. n° 163 p.475)

N...

Attendu que le prévenu a soutenu que l’obligation pénalement sanctionnée de rédiger le mode d’utilisation d’un produit en langue française, susceptible de créer une entrave au commerce intracommunautaire, est incompatible avec l’article 30, devenu l’article 28, du Traité des Communautés européennes ;

Attendu qu’en rejetant cette exception, l’arrêt n’encourt pas les griefs allégués, dès lors que la mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation qui pourrait résulter de la législation prescrivant l’emploi de la langue française dans les modes d’utilisation des produits est justifiée, conformément à l’article 36, devenu l’article 30, du Traité, par la protection des consommateurs sur le territoire national ,

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Rejette

NOTE. On observera que, pour la Cour de cassation, la protection de la langue française ne semble pas constituer en elle-même un intérêt protégé. Notre langue ne serait alors pas défendue en tant qu’instrument essentiel de notre civilisation, mais seulement en tant qu’élément de la protection des « consommateurs ». On peut en être surpris puisque la Constitution a souligné son importance ; mais peut-être celle-ci n’est-elle déjà plus la première source de droit de la France ?

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Lois et décrets – Conformité nécessaire de la loi interne aux principes posés par la Conv.EDH – Inapplicabilité d’un texte non conforme.

Cass.crim. 29 novembre 2000 (Bull.crim. n°356 p.1051, Société V... R...) :

Les dispositions de la Conv.EDH s’opposent à ce que, comme le prévoit l’art. 374 § 1 C.douanes, la confiscation d’un objet ayant servi à masquer une fraude douanière soit prononcée par une juridiction pénale sans que son propriétaire connu ait été cité à comparaître.

 

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Loi assortie d’une sanction pénale - nécessité que le législateur l’ait formulée en termes clairs et précis.

Cass.crim. 1er février 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 398 note Doucet, Rev.sc.crim. 1991 555 obs. Vitu).

D...

Sur le moyen relevé d’office et pris de l’illégalité de l’art. R.362-4 C. des communes ;

Vu l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les art. 34 et 37 de la Constitution et l’art. 4 C.pén., ensemble les art. 6-3 a et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusa­tion portée contre lui ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que D..., qui exploite une en­treprise de Pompes funèbres, a été poursuivi sur le fondement de l’art. R.362-4 C.comm., pour avoir, à Amiens courant janvier et février 1987, organisé des obsèques sans être attri­butaire de la concession définie à l’art. L.362-1 du même Code; qu’après avoir constaté l’amnistie et relevé que les faits n’étaient pas contestés, la Cour d’appel a accordé à la société Pompes funèbres régionales, entreprise bénéficiaire de la concession, partie civile, le montant des prestations que cette dernière aurait facturées ;

Mais attendu que l’art. R.362-4 C.communes, fondement de la poursuite, punit des peines d’amende prévues pour les contraventions de la cinquième classe « toutes infractions » aux dispositions de l’art. L.362-1, lequel, en prévoyant seulement que le service extérieur des Pompes funèbres appartient, à titre de service public, aux communes qui peuvent l’assurer soit directement, soit par entreprise, ne définit aucune incrimination; que dès lors ledit art. R.362-4 ne met pas le juge pénal en mesure de s’assurer que les faits poursuivis sont de ceux que l’autorité réglementaire a entendu réprimer ; qu’il est en conséquence entaché d’illégalité au regard du principe ci-dessus rappelé et ne saurait servir de base à une condamnation pénale ;

Qu’ainsi la cassation est encourue...

Note. - De même, Cass.crim. 29 octobre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I somm. 89). La Commission européenne des droits de l’homme, le 4 avril 1974 (Annuaire 1974), avait déjà énoncé : Le principe de la légalité des délits et des peines comprend la condition que l’infraction soit clairement définie par la loi.

Cass.crim. 30 octobre 1995 (Bull.crim. n° 329 p.954, sommaire) va dans le même sens : Une infraction à la réglementation communautaire ne peut être pénalement poursuivie que lorsqu’un texte de droit interne le prévoit et à la condition, en outre, que l’incrimination qui en résulte soit définie en des termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusation portée contre lui.

Note. A. Vitu, Le principe de la légalité criminelle et la nécessité de textes clairs et précis (Observations sous Cass.crim. 1er février 1990, Rev.sc.crim. 1991 555).

Le principe de la légalité criminelle, clef de voûte du droit pénal et de la procédure pénale, impose au législateur, comme une exigence logique de sa fonction normative, la rédaction de textes définissant sans ambiguïté les comportements qu’ils érigent en infractions, et les sanctions qui leur sont attachées. La loi criminelle ne peut assurer pleinement et véritablement son rôle de protection contre l’arbitraire possible des juges et de l’administration, sa mission pédagogique à l’égard des citoyens soucieux de connaître le champ de liberté qui leur est reconnu, et son devoir de prévention générale et spéciale à l’encontre des délinquants potentiels, que si elle détermine avec soin les limites du permis et de l’interdit.

Sans être ignorée de la doctrine antérieure à 1950, mais rarement mise en évidence par elle, l’exigence de textes incriminateurs précis est affirmée maintenant par l’unanimité des auteurs français contemporains. De son côté, le Conseil constitutionnel a conféré à cet impératif ses lettres de noblesse en proclamant, en plusieurs décisions publiées depuis une dizaine d’années, «la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire» (Cons.const. 19-20 janvier 1981, D.1982.441, note A. Dekeuwer, JCP 1981.II.19701, note Cl. Franck, L. Favoreu et L. Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 4e éd. n° 34 ; 10-11 oct. 1984, L. Favoreu et L. Philip, op. cit. n° 40; 18 janv. 1985, D. 1986.426, note T. Renoux); cette exigence lui est apparue dériver à la fois de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme (« Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ») et de l’article 34 de la Constitution de 1958 (« La loi fixe ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables »).

Le législateur n’est pas seul concerné par l’exigence constitutionnelle de clarté et de précision : celle-ci vaut également pour les auteurs de textes administratifs, puisque eux aussi tiennent de la Constitution actuelle le pouvoir de créer des dispositions incriminatrices, du moins dans l’ordre des contraventions. Dans leur vie de chaque jour, les citoyens ressentent autant l’effet contraignant des règles d’origine administrative, que le poids des ukases législatifs, et dans l’un comme dans l’autre cas ils ont besoin de savoir ce qu’il faut faire et ne pas faire; l’arbitraire de l’administration est même plus à craindre que celui des juges.

Bien qu’imposée pareillement au législateur et aux rédacteurs des textes administratifs, l’exigence d’une rédaction claire et précise n’est pas assortie de la même sanction selon l’origine du texte en cause. Si le grief d’imprécision ou d’obscurité est dirigé contre une loi pénale, la sanction est imparfaite en ce sens que, si le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi avant la promulgation de cette loi et mis en mesure de déclarer inconstitutionnelle la disposition critiquée, la loi devient droit positif et doit s’appliquer: car il n’appartient pas au juge d’apprécier lui-même la constitutionnalité des lois. Au contraire, la sanction de l’exigence constitutionnelle sera plus facile à mettre en oeuvre s’il s’agit d’un texte administratif: le vice d’imprécision peut alors être invoqué contre lui par la voie du recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État ou devant les tribunaux administratifs, ou soulevé par le biais de l’exception d’illégalité (ou d’inconstitutionnalité) devant la juridiction répressive, saisi d’une poursuite fondée sur le texte vicié.

Or, voici que l’occasion a été donnée récemment, à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, de mettre en oeuvre l’exigence de textes clairs et précis, dans deux affaires en tous points identiques et concernant des contraventions de police d’atteinte au monopole dans le service des pompes funèbres (Cass.crim.. 1er février 1990, Bull.crim. n° 56 ; et 1 décembre 1990, Bull.crim. n°432, relatif à l’exercice de l’action civile). Aux termes de l’article L. 362-1 (al. 1er) du Code des communes, « Le service extérieur des pompes funèbres ... appartient aux communes à titre de service public » ; ce même article ajoute (al. 2) : « Les communes peuvent assurer ce service, soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications », De son côté, l’article R. 362-4 du même code s’exprime ainsi : « Indépendamment des peines prévues en cas de récidive à l’article L. 362-12, toute infraction aux dispositions des articles L. 362-1, L. 362-4-1, L. 362-8, L. 362-9 et L. 362-10 est punie des peines d’amende prévues pour les contraventions de la 5e classe ». On se trouve donc en présence d’une de ces combinaisons extrêmement fréquentes, dans lesquelles l’incrimination est légale parce que concernant une matière qui relève du domaine de la loi, ici l’administration et les compétences des collectivités locales (art. 34, Constitution 1958), et la pénalité réglementaire, parce que le législateur a estimé que des pénalités contraventionnelles suffiraient à sanctionner les infractions qui seraient commises sur ce point.

Tel est le tissu constitutionnel, législatif et réglementaire sur lequel, depuis quelques années, s’est développée la « guerre des pompes funèbres », opposant les entreprises concessionnaires ou adjudicataires du service public communal, et d’autres entreprises non attributaires de concessions et venant empiéter sur un monopole qui, à leurs dires, favorise l’exploitation des familles en deuil. Saisie d’un pourvoi contre un arrêt par lequel la cour d’appel d’Amiens avait condamné le dirigeant d’une de ces entreprises contestataires, la Chambre criminelle, par l’arrêt du 1er février 1990 précité, a cassé la décision attaquée en retenant expressément que le texte prétendument violé, l’article L.362-1 du Code des communes, ne contenait aucune incrimination rédigée en termes clairs et précis, et que, de ce fait, aucune peine n’aurait dû être prononcée contre le prévenu.

En effet, à la différence des articles L. 362-8, -9 et -10, auxquels renvoie également l’article R. 36211, et qui contiennent des incriminations aux contours nettement définis (« il est interdit aux entreprises privées de pompes funèbres ... d’employer dans leurs enseignes, annonces, affiches ... des termes ou mentions... » ; « les entreprises privées de pompes funèbres ... doivent faire mention dans leurs enseignes ... des noms des propriétaires... » ; « sont interdites les offres de services... »), l’article L. 362-1 affirme seulement le caractère public du service municipal des pompes funèbres et indique les modalités de son attribution à des entreprises privées. On pourrait, il est vrai, soutenir qu’en créant un monopole au profit des communes et au bénéfice des entreprises qui ont traité avec elles, cet article sous-entend qu’aucune autre entreprise ne peut s’immiscer dans l’activité ainsi réservée, et que toute immixtion est punissable pénalement. Mais on répondra qu’une incrimination ne peut résulter d’un sous-entendu : elle n’a pas alors les contours précis et clairs qu’elle devrait avoir. Une incrimination doit, au minimum, décrire avec netteté un comportement actif ou passif, qui puisse être imputé à un être humain, et dont la composante psychologique ou élément moral ressorte de la définition de ce comportement ou soit impliqué sans hésitation par lui. Rien de tel n’apparaît dans l’article L.362-1 du Code des communes.

Deux points doivent être ajoutés à ce qui précède. Dans son arrêt du 1er février 1990, la Chambre criminelle a relevé d’office le moyen de cassation, tiré de l’imprécision que le demandeur n’avait pas songé à invoquer. D’autre part, la Haute juridiction vise non seulement l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et l’article 34 de la Constitution de 1958 (ce qu’avait fait aussi le Conseil constitutionnel, dans les décisions précitées), mais également l’article 4 du Code pénal, qui proclame la légalité des délits et des peines, et les articles 6-3, et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (art. 6-3-a : « Tout accusé a droit à être informé ... de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui » ; art. 7 : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ... ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international »), textes qu’il n’appartenait pas au Conseil constitutionnel d’invoquer dans les décisions précitées, puisqu’il est le gardien des seules dispositions d’ordre constitutionnel de notre pays.

Dans le sillage de l’arrêt du 1er février 1990 s’est engouffré le pourvoi en cassation qui a donné lieu au second arrêt de la Chambre criminelle, celui du 13 décembre 1990. Le moyen formulé par le demandeur se référait expressément au principe que « toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusation portée contre lui ». La leçon donnée par l’arrêt du 1er février 1990 n’a donc pas été perdue, et il ne serait pas étonnant qu’à l’avenir d’autres décisions s’appuient sur le même argument pour faire tomber des condamnations fondées sur des textes administratifs insuffisamment précis. Comme l’a écrit notre collègue M. Puech (Droit pénal général, n° 82), les autorités administratives doivent s’attendre à des surprises.

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Le juge et le principe de légalité. Les lois d’incrimination doivent être entendues par les tribunaux répressifs de manière restrictive. Ainsi une loi autorisant la constatation d’infractions à la police de la circulation ne permet pas de procéder à une perquisition : Cass.crim. 23 juin 1964 (P..., ci-dessous).

Le juge et le principe de légalité. Ce principe s’applique notamment lors de la détermination par le tribunal des obligations mises à la charge d’une personne condamnée au sursis avec mise à l’épreuve : Cass.crim. 2 avril 1963 (B..., ci-dessous).

Techniques législatives. Cass.crim. 25 octobre 1961 (C..., ci-dessous) a rappelé que, en principe, les pouvoirs publics ne peuvent privilégier une catégorie de citoyens.

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SECTION III -  Le domaine de la loi dans le temps

Loi - Entrée en vigueur - Règlements d’application non parus.

Cass.crim. 6 mai 1996 (F..., Gaz.Pal. 1996 II Chronique) : En l’absence de disposition subordonnant expressément ou nécessairement son exécution à une condition déterminée, une loi est exécutoire dès sa publication.

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Principe de légalité, énoncé.

Conseil constitutionnel 18 janvier 1985 (Gaz.Pal. 1985 I L.127) : En vertu de l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

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Principe de légalité, domaine.

Conseil constitutionnel 20 décembre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I Lég. 63) : Le principe de non-rétroactivité ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non-judiciaire.

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Principe de légalité, application. Sur la non-rétroactivité d’une loi étendant le champ d’une incrimination, voir : Cass.crim. 21 avril 1982 (P...).

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Principe de légalité, application. Sur la non-rétroactivité d’une loi édictant une peine plus sévère, voir: Cass.crim. 20 juillet 1960 (M...).

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Loi - application dans le temps - loi interprétative - limites de la rétroactivité.

Cass.crim. 23 janvier 1989 (Bull.crim. n° 25 p. 78, Gaz.Pal. 1989 II somm. 285).

B...

Attendu que si une loi à caractère interprétatif a un effet rétroactif et doit être appliquée dans les procédures non encore définitivement jugées, elle ne saurait rétroagir au-delà de l’entrée en vigueur du texte qu’elle entend interpréter et qui a justifié son intervention ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que B..., gérant de fait de la SARL B... L... , a été cité devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA et d’impôt sur le revenu, et pour omission de passation d’écritures en comptabilité ; que le prévenu a régulièrement invoqué, avant toute défense au fond, la nullité de la procédure de vérification de comptabilité en soutenant qu’il n’avait pu disposer d’un délai raisonnable pour se faire assister d’un conseil ;

Attendu que pour écarter cette exception les juges, après avoir relevé que lors de la remise de l’avis de vérification, le 25 novembre 1981, les agents de l’Administration ont recueilli des renseignements sur les conditions d’exploitation du fonds de commerce et ont procédé à l’inventaire des marchandises en stock, énoncent que les constatations ainsi opérées entrent dans les prévisions du dernier alinéa de l’art. L.47 ;

Mais attendu que l’art. 74-11 de la loi du 29 décembre 1982, texte à caractère interprétatif complétant l’art. L.47 L.proc.fisc. et qui permet aux agents de l’Administration de procéder à de simples constatations matérielles des éléments physiques de l’exploita­tion, de l’existence des documents comptables et de leur état, ne saurait rétroagir antérieurement au ler janvier 1982, date d’entrée en vigueur du décret de codification du 15 septembre 1981 qui, en les transférant à l’article L.47 du Livre précité, a irrégulièrement ajouté aux dispositions de l’art. 1649 septies C.gén.impôts pour permettre les contrôles fiscaux sans l’envoi d’un avis préalable ; que, dès lors, en faisant application dudit texte à un contrôle effectué avant le 1er janvier 1982, les juges ont méconnu le sens et la portée du principe sus-rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue...

Note. - De même : Cass.crim. 3 décembre 1990 (Bull.crim. n° 412 p. 1035, Gaz.Pal. 1991 II somm. 18/7).

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Application de la loi dans le temps - Loi plus douce - Rétroactivité.

Conseil constitutionnel 19-20 janvier 1981 (Gaz.Pal. 1981 I Lég. 57) : Les dispositions critiquées tendent à limiter les effets de la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu’elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s’appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée; dès lors elle doivent être regardées comme contraires au principe formulé par l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

Application de la loi dans le temps - Loi plus douce - Rétroactivité.

Cass.crim. 23 janvier 1979 (Bull.crim. n° 30 p.84) : Une loi nouvelle, édictant des pénalités moins sévères, doit être appliquée aux faits commis antérieurement et ayant donné lieu à des poursuites non encore terminées par une décision devenue définitive au moment où la loi nouvelle est entrée en vigueur ; il en est ainsi notamment lorsque le législateur a modifié dans un sens moins sévère le régime de certaines amendes fiscales en faisant prédominer leur caractère pénal sur leur caractère indemnitaire.

Rétroactivité de la loi plus douce. Pour un exemple, voir : Cass.crim. 20 juillet 1961 (Dame N...o, ci-dessous IX 4°).

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Application de la loi dans le temps - rétroactivité des lois plus douces - notion de loi plus douce - appréciation globale.

Cass.crim. 5 juin 1971 (Bull.crim. n° 180 p.451)

M... et autres.

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 4 C.pén., 593 C.pr.pén., défaut de motifs et manque de base légale...

Attendu que c’est sans aucune violation des textes visés au moyen que la Cour d’appel a fait application aux demandeurs de la disposition de l’art. 734-1 C.pr.pén., qui permet aux juges de décider que le sursis ne s’appliquera que pour partie à l’exécution de l’emprisonnement ;

Qu’il n’importe que les faits réprimés soient antérieurs à la promulgation de la loi du 17 juillet 1970 qui a introduit cette disposition dans le C.pr.pén. ;

Qu’en effet, les modifications qui ont été apportées par l’art. 29 de ladite loi, au titre de ce Code relatif au sursis à l’exécution des peines, et qui ont eu notamment pour objet de faciliter l’octroi du sursis et d’en déduire les cas de révocation, forment un tout dont les éléments ne sauraient être séparés et qui, considéré dans son ensemble, est plus favorable au prévenu que la législation précédente ;

Que dès lors, le nouveau texte était sur ce point applicable, même pour les infractions commises antérieurement...

Rejette...

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SECTION IV – Le domaine de la loi dans l’espace

Loi pénale française - domaine d’application dans l’espace - coïncidence avec la compétence des juridictions françaises - extension aux faits indivisibles.

Cass.crim. 3 mai 1995 (Bull.crim. n° 161 p.446)

I...

Il résulte de l’arrêt attaqué que le porte-conteneurs MC R..., battant pavillon des Bahamas, effectuait un transport de marchandises entre le port ghanéen de T... et celui du Havre avec un équipage composé de marins ukrainiens sous les ordres du capitaine I...; au cours de la traversée, alors que le navire se trouvait en haute mer, 9 passagers clandestins de nationalité ghanéenne auraient été découverts et emprisonnés pendant plusieurs jours dans des conditions dégradantes avant d’être fusillés, leurs corps étant aussitôt jetés à la mer; un seul d’entre eux, K..., est parvenu à s’échapper et se soustraire aux recherches dont il était l’objet jusqu’à l’arrivée au Havre où il a donné l’alerte aux autorités françaises ;

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 689 (ancien) et s. C.pr.pén., 689 (nouveau) et s. C.pr.pén., 591 et 593 C.pr.pén., 1er C.civ., 53 et 55 de la Constitution, 6 de la Conv. EDH, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense...

Attendu que pour retenir la compétence de la juridiction française, la chambre d’accusation relève que les recherches en vue de s’assurer de la personne du seul survivant K... dans une intention homicide ont été activement poursuivies dans les eaux territoriales où le navire est entré le 5 novembre 1992 aux environs de deux heures du matin et jusqu’à l’arrivée au Havre ; que les juges énoncent par ailleurs que lesdites recherches sont consécutives aux séquestrations et assassinats antérieurement perpétués, dont K... restait le seul témoin, et que la juridiction française étant régulièrement saisie des faits accomplis dans les eaux territoriales, sa compétence s’étend à ceux commis en haute mer avec lesquels ils forment un tout indivisible ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs et constatations, abstraction de tous autres motifs surabondants voire erronés, les juges ont donné une base légale à leur décision ;

Qu’en effet, d’une part, l’avis du Conseil d’Etat du 20 novembre 1806 ayant valeur législative attribue compétence à la juridiction française pour connaître des infractions commises à bord d’un navire battant pavillon étranger, dès lors qu’elles l’ont été dans les eaux territoriales par ou contre une personne ne faisant pas partie de l’équipage ;

Que, d’autre part, l’art. 689-2 C.pr.pén. issu de la loi du 30 décembre 1985, dont les dispositions ont été reprises par les art. 689-1 et 689-2 C.pr.pén. modifiés par la loi du 16 décembre 1992, donne compétence à la juridiction française pour poursuivre et juger, s’il est trouvé en France, quiconque, hors du territoire de la République, s’est rendu coupable de faits qualifiés crime ou délit qui constituent des tortures et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants au sens de l’article 1er de la Convention de New York du 10 décembre 1984, en vigueur en France depuis le 26 juin 1987 ;

D’où il suit que le moyen doit écarté...

Note. - Voir également Cass.crim. 23 avril 1981 (A...).

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