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PLACARD DES ÉTATS GÉNÉRAUX
DU 6 SEPTEMBRE 1661
CONTRE LES RIXES ET LES HOMICIDES,
DANS LES PAYS DE BRABANT ET D’OUTRE-MEUSE

Extrait des « Coutumes du duché de Limbourg »,
par C. Casier et L. Crahay  (Bruxelles 1889)

La  prévention des homicides ou coups et blessures,
soit délibérés, soit commis au cours d’une rixe,
a toujours retenu l’attention des pouvoirs publics.

Le document ci-dessous exploite différentes voies
dans lesquelles le législateur peut s’engager
pour s’efforcer de limiter le nombre des meurtres.

Ce qui était vrai hier, l’est encore aujourd’hui ;
la science criminelle ne connaît pas de frontières,
que ce soit dans le temps ou dans l’espace.

Les États Généraux des Pays-Bas Réunis,

à tous ceux qui ces présentes verront ou entendront lire, salut.

Faisons savoir.

Comme Nous sommes informés que dans les pays de Brabant et d’Outre-Meuse, appartenant à cet État, et principalement dans la mairie de Bois-le-Duc, les homicides sont très fréquents et se multiplient chaque jour ; par suite de l’absence d’une répression prompte et énergique des délin–quants, nonobstant divers placards émanés sur ce point. Comme aussi quelques personnes insolentes et méchantes se permettent de porter secrète–ment sur elles des pistolets de poche et, quelques-unes, une espèce insolite de couteaux ayant une lame de dix-sept pouces de longueur, ou environ, avec lesquels, ainsi armées, elles assaillent les gens et les blessent, non seulement sur les chemins publics, mais aussi se rendent en compagnie dans les cabarets et dans d’autres lieux, cherchant querelle et commettant toutes espèces d’insolences d’où naissent des rixes et résultent souvent des homicides.

Ainsi est-il que Nous, ayant entendu sur ce point l’avis du conseil de Brabant, voulant pourvoir à ce, avons ordonné, statué et défendu, comme nous ordonnons, statuons et défendons bien expressément, par la présente, que personne à l’avenir ne se permettra de s’armer ou de porter sur soi, d’une façon cachée ou ostensible, des pistolets de poche (à l’exception de nos officiers dans l’exercice de leur office, pour leur sécurité) ou de tels longs couteaux ou toute autre arme inusitée, sous peine que si quelqu’un est surpris en flagrant délit ou s’il peut être démontré par des témoins dignes de foi qui il l’a fait, il sera condamné : pour la première fois, à cinquante florins ; pour la seconde fois, à cent florins ; et pour la troisième fois. à deux cents florins et à être banni en outre, pendant quelques années, à la discrétion du juge.

Et si quelqu’un tire sur ou après un autre avec un pistolet de poche ou s’il lève sur ou vers un autre un couteau de l’espèce précitée ou une autre arme inusitée, soit qu’il le blesse ou non, que celui-là, outre la somme précitée de deux cents florins, sera encore condamné corporellement suivant l’exigence du cas.

Nous ordonnons et statuons, en même temps, que si quelque délinquant ne pouvait pas se procurer et payer la somme précitée de deux cents florins, le juge devra aggraver la peine corporelle susdite.

En outre, Nous ordonnons et statuons que si quelqu’un lève sur ou vers un autre un couteau ordinaire, soit qu’il blesse quelqu’un ou non, il encourra vingt-cinq florins, comme l’encourra aussi celui qui menace de frapper quelqu’un de la main armée d’un bâton, d’une cruche, ou autrement, bien qu’il ne l’atteigne ni ne le blesse.

Nous ordonnons, de plus, que si, dans un cabaret vient à surgir querelle ou dispute, fût-ce entre les consommateurs ou contre d’autres personnes ne faisant pas partie de la compagnie, les cabaretiers et les cabaretières ainsi que les autres personnes là présentes feront aussitôt tous leurs efforts pour apaiser et empêcher lesdits différends et disputes, gardant l’un des querelleurs auprès d’eux, et faisant sortir l’autre de la maison ou de la chambre, et employant, en outre, à cet effet, tous autres moyens efficaces, qu’ils jugeront les plus convenables,de manière à ce qu’il n’arrive pas d’homicide, sous peine, si un homicide s’y produit ou si des coups mortels étaient portés dans ladite maison, quand même le blessé ne succomberait pas immédiatement, ni dans la maison même, que les cabaretiers et cabaretières, qui ne se seraient pas acquittés de ce devoir, ne pourront tenir cabaret pendant les trois années suivantes, ni servir à boire du vin ou de la bière, ni dans la même maison, ni aussi dans toutes autres, sous peine d’être condamnés à cinquante florins et à une autre correction arbitraire.

Dans les kermesses, noces, danses ou autres réunions publiques, qui ont lieu souvent dans les villages et au plat pays, lorsqu’il y surgira quelque différend, nous voulons que chacun s’emploie pour intervenir, faisant partir ou séquestrant celui qui, le premier, commencera quelque dispute, sans exciter ceux qui se querellent, à se battre, sous peine d’être puni arbitrai–rement suivant l’exigence et l’occurrence de la chose. Et afin d’empêcher d’autant mieux, dans ces mêmes réunions, toutes contestations, difficultés et homicides, Nous défendons à chacun de s’y rendre avec les armes précitées ou d’autres armes offensives inusitées, sous peine de confiscation desdites armes et d’une amende de vingt florins Carolus.

Et quoique en matière d’homicide, il n’échet pas de condamnation capitale, si ce n’est contre celui qui a porté le coup de mort et qui l’a instigué, Nous ordonnons, statuons et voulons cependant que seront con- damnés au bannissement et aux peines arbitraires tous ceux qui auront contusionné ou blessé le défunt, bien qu’il soit établi qu’ils ne lui ont pas donné la blessure mortelle. Ordonnant à tous officiers, tant aux nôtres qu’à ceux de nos vassaux, dans les villes et au plat pays, aussitôt qu’un homicide aura été commis, de visiter et d’examiner, assistés de deux représentants de la justice et d’un greffier, secrétaire ou clerc, le cadavre, et d’en dresser un acte formel ; en outre, d’ouvrir une information spéciale au sujet de la perpétration dudit homicide, et de toutes les circonstances, entendant sous la foi du serment tous ceux qui ont été présents ou qui d’autre manière ont à parler du fait, qu’ils soient ou non de leur juridiction, y contraignant lesdits témoins par voie d’arrestation, d’amende et autrement, ainsi qu’ils le trouveront convenir, le tout sous peine d’encourir cinquante florins Carolus et de correction arbitraire.

Un homicide ayant été commis, les officiers feront immédiatement toutes diligences pour arrêter le délinquant, afin de faire rendre justice sur le fait. Et s’ils ne peuvent l’appréhender, ils avertiront en toute hâte l’officier du lieu où ils sauront que le délinquant s’est rendu, et, nonobstant, ils feront saisir et placer sous la main de la justice, moyennant bon et sincère inventaire, tous les biens, tant meubles qu’immeubles, situés et trouvés sous leur juridiction. ils les placeront sous séquestre et les feront administrer par une personne capable, à nommer à cet effet, par la justice, et conserveront ledit inventaire avec l’information précitée, et s’ils connaissent quelques biens appartenant au délinquant, hors de leur juridiction, ils en avertiront l’officier de l’endroit pour, étant procédé par celui-ci aux mêmes devoirs de saisie et d’inventaire, de séquestration et d’administration, le même inventaire être transmis, dans les quinze jours, à l’officier du lieu où le fait a été commis, sous peine, en cas de quelque connivence et négligence dans les susdites appréhensions ou avis, d’être privés de leur office, indépen–damment de l’amende de cent florins ou d’autre correction arbitraire.

Et la susdite arrestation pourra être faite avant la mort, aussitôt après que la blessure aura été examinée. Nos officiers et nos vassaux seront tenus de procéder contre l’inculpé arrêté, en toute diligence et sans aucun retard, et de bien s’acquitter de leur devoir, sous peine d’être punis arbitrairement, comme ils seront également obligés, lorsque la personne ne pourra pas être appréhendée sous leur juridiction, de procéder par voie d’édits ou d’assi–gnations ; auxquelles fins nous voulons que les justices et les magistrats leur prêtent tous secours et assistance, en décernant les assignations précitées, en décrétant les défauts et en jugeant ce qu’ils trouveront convenir en bonne justice.

Qu’il soit bien entendu que, bien que, par suite de la contumace des délinquants, leurs biens soient déclarés confisqués il ne sera pas procédé à la vente de leurs biens immeubles jusqu’à la fin de l’année, après l’exécution des lettres d’assignation personnelle octroyées sur ce point.

Et si sur ce qui précède ou sur un point spécial quelconque, les officiers et les juges se mettaient de connivence ou se montraient peu attentifs ou négligents, ils encourront, chaque fois l’amende de soixante florins et seront corrigés arbitrairement.

Et l’avocat fiscal et le procureur général du conseil de Brabant répareront, aux frais desdits officiers et juges, les fautes et les négligences qu’ils auront commises, et procéderont contre les délinquants par voie d’arrestation, d’assignation et de défauts, comme pour autres délits dépendant de leur office.

Pour mieux découvrir lesdites connivences et négligences, nous ordonnons bien expressément à tous nos officiers et à ceux de nos vassaux, qu’un homicide ayant été commis dans leur district, ils le signaleront immédiatement, au moins dans les quinze jours qui suivent, au susdit conseil de Brabant, lui transmettant aux mêmes fins copie authentique de l’information et de l’acte d’examen du cadavre, comme ci-dessus, ainsi que de l’inventaire des biens de l’auteur du fait, dressé par eux, ainsi qu’il a été dit plus haut, pour en être usé comme il appartiendra ….

Et afin que personne ne puisse prétendre ignorer ce qui précède, nous ordonnons que publication de la présente sera faite à l’audience publique du rôle du conseil de Brabant prémentionné, et, en outre, partout dans les Villes, franchises, seigneuries, villages et lieux du quartier de Brabant et des pays d’Outre-Meuse, ressortissant de cet État, avec affiche aux endroits accoutumés, car nous l’avons trouvé convenir ainsi pour le service du pays.

Donné à La Haye, sous notre sceau, paraphe et signature de notre greffier, le six septembre 1661.

Était paraphé  W . V. Haren

Au dessous on lisait :

Par ordonnance des Hauts Seigneurs États Généraux,

signé N. Ruysch

en marge était imprimé en cire rouge le sceau desdits Seigneurs États.

Signe de fin