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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettres  V - W
(Sixième partie)

VIEILLESSE (Vieillard)

Cf. Abus de faiblesse*, Âge*, Circonstance aggravante (réelle)*, Démence*, Peine*, Personnes vulnérables*, Responsabilité pénale*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-330 p.496

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-208, p.273

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-107, p.436

- Notion. On parle de vieillesse à partir du moment où, par l'usure du temps, une personne a perdu une appréciable partie de ses capacités physiques ou de ses facultés mentales.
Le moment où une personne est atteinte la vieillesse varie d'un sujet à une autre. Cette circonstance pose un problème technique au législateur, qui doit statuer de manière abstraite (p.ex. 70, 75, 80 ans) ; mais elle ne constitue que l'un des éléments du cas d'espèce qu'il appartient aux juges d'apprécier souverainement.

Signe Philosophie Burlamaqui (Principes de droit naturel) : La vieillesse, c'est un retour d'infirmités qui nous rendent presque aussi dépendants des autres que nous l'étions dans l'enfance.

- La protection des vieillards. Du fait de leur fragilité, les personnes âgées doivent être particulièrement protégées par le législateur. Ainsi l'art. 221-4 C.pén. tient pour une circonstance aggravante du meurtre le fait que la victime soit une personne rendue particulièrement vulnérable par son âge.

Signe Philosophie Aristote (éthique à Nicomaque) : A tout vieillard nous devons rendre l’honneur dû à son âge, en nous levant à son approche, en le faisant asseoir, et ainsi de suite.

Signe Droit comparé Code pénal du Salvador. Art. 30 : Sont des circonstances qui aggravent la responsabilité pénale...le fait de profiter de la faiblesse de la victime en raison de son âge.

- La responsabilité pénale des vieillards. La vieillesse ne constitue pas, par elle-même, une cause de non-imputabilité ; elle ne le devient que si elle s'accompagne d'une détérioration des facultés mentales (démence sénile...).

Signe Philosophie Bautain (Manuel de philosophie morale) : Le vieillard tombé en enfance n'agit plus librement.

Signe Philosophie Carrara (Cours de droit criminel) : La période de la vieillesse et de la décrépitude a semblé à quelques criminalistes devoir fournir une excuse pénale. Mais c'est là une équivoque.
Le privilège de commettre impunément des délits est difficile à soutenir, et ce qu'on dit des privilèges dus à l'âge avancé est en opposition directe avec cette proposition qu'il y a chez les vieillards une diminution d'imputabilité...
L'âge avancé ne peut pas, par lui-même, diminuer la responsabilité des fautes que le vieillard vient à commettre ; au contraire, la société a le droit d'exiger de lui, vu son expérience et le refroidissement des passions, un plus grand respect de la loi, et si les années ne lui ont pas enlevé la connaissance du bien et du mal, elles lui imposent peut-être de plus grands devoirs
.

Signe Doctrine Trousse (Novelles de droit pénal belge) : L'âge, quelque avancé qu'il soit, n'apporte en soi, aucune atténuation de responsabilité, ni a fortiori aucune cause de justification. Sans doute la vieillesse s'accompagne chez certains sujets d'une détérioration psychique susceptible d'entraîner l'irresponsabilité (sénilisme). Mais, dans ce cas, la vieillesse est considérée sous son aspect pathologique et non sous son aspect physiologique.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 29 juillet 2011) : Mercredi le musée des Beaux-arts de Brest s'est fait voler un tableau par un couple arrêté le lendemain... L'homme est âgé de 80 ans ; sa compagne est plus jeune. Après une garde à vue, ils ont été remis en liberté et seront jugés prochainement pour vol en réunion.

- L'aptitude d'un vieillard à subir une peine. L'emprisonnement d'un vieillard ne répond pas au but d'amendement, qui justifie l'exécution d'une peine d'incarcération. Aussi hésite-t-on à prononcer une telle sanction à l'encontre d'un condamné déjà fort âgé.
L'art. 751 C.pr.pén. dispose que la contrainte judiciaire ne peut être prononcée contre les personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans au moment de la condamnation.

Signe Histoire Lois de Manou. En ce qui concerne les infractions légères : Un malade, un vieillard, une femme enceinte et un enfant doivent seulement être réprimandés.

Signe Histoire Code annamite de Gia Long. Art. 21 : Les coupables âgés de soixante-dix ans et au-dessus seront admis à se racheter et on recevra le prix du rachat de leur peine.

Signe Histoire Code pénal de 1791. Art. I-V-5 : Nul ne pourra être déporté, s'il a soixante-quinze ans accomplis.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale de la République dominicaine. Art. 342 :  Au moment de fixer la peine, le tribunal doit prendre en considération les conditions particulières... qui rendent recommandable un régime spécial d'accomplissement de cette peine : 1° Quand le coupable a plus de soixante-dix ans ; 2° Quand il souffre d'une maladie en phase terminale ou qu'il se trouve dans un état de démence survenu après la commission de l'infraction...

Signe Doctrine Stéfani, Levasseur et Jambu-Merlin (Criminologie et science pénitentiaire) : L'opinion générale considère, depuis longtemps que les facultés intellectuelles s'affaiblissent avec l'âge et qu'un châtiment sévère serait cruel, à la fois parce qu'immérité et parce qu'inutile.

VILLERS-COTTERÊTS

C’est dans cette localité que fut signée l’ordonnance prescrivant, de manière générale, l’utilisation de la Langue française* dans les actes judiciaire.

Signe Renvoi rubrique Voir : «  Ordonnance de Villers-Cotterêts »  (sur l’emploi de la langue française - François Ier, août 1539)

VINCULER

Cf. Contraindre*, Intimidation*.

Du latin, vinculare, enchaîner ; le vinculum était la chaîne entravant un prisonnier ("in vinculis" : dans les fers). Le verbe vinculer est encore employé en Belgique, notamment pour dire qu'une personne est victime d'une contrainte faisant obstacle à l'exercice de son libre arbitre.

Signe Philosophie Janet (La morale) : Il y a entre les homme un lien interne, "vinculum sociale".

Signe Doctrine Constant, (Manuel de droit pénal belge), 2e partie, T. I, p.429 n°669 : Il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait eu le dessein de nuire spécialement à celui dont la liberté est vinculée.

Signe Doctrine Nypels et Servais, (Le Code pénal belge interprété ) T.III (Bruxelles 1898), p.492 : Ce qui constitue le crime, c’est l’appropriation frauduleuse, obtenue en vinculant par violence ou menace, contrainte physique ou morale, la volonté de la victime ainsi amenée à se dessaisir de son bien.

VINDICATIF

Cf. Colère*, Justice (vindicative)*, Vengeance*.

Une personne est dite vindicative lorsqu'elle a tendance a exagérer la portée d'une atteinte qu'elle a subie, et qu'elle est portée à s'en venger de manière disproportionnée.

Signe Philosophie Core (Les criminels) : Le criminel est vindicatif et met un point d'honneur à laver dans le sang ce qu'il regarde comme une injure ou une trahison. Il s'abandonne alors d'autant plus aisément à son instinct cruel, qu'il croit exercer justice à sa manière.

Signe Philosophie Garofalo (La criminologie) : Les sentiments vindicatifs individuels ont été sans doute l'origine de toute pénalité : la loi du talion est là pour le prouver ; aujourd'hui, quoique ces sentiments subsistent encore, ils ont été bien tempérés ; la morale de l'Évangile n'y a pas peu contribué sans doute ; mais ce qui, surtout, les a réduits à une très petite mesure, c'est l'habitude acquise, depuis un grand nombre de générations, de voir le coupable puni par le pouvoir social. C'est pourquoi de tels sentiments reparaissent, avec toute leur férocité, dans les cas où les Lois ne sont pas assez sévères, ni la Justice assez forte.

Signe Philosophie Tarde (La philosophie pénale) : Quand la proportion des colériques, des alcooliques, des joueurs, des envieux, des politiciens, des vindicatifs, dépasse un certain degré, le lien social se relâche ou se brise.

Signe Jurisprudence Aix-en-Provence 24 novembre 1989 (Gaz.Pal. 1990 I 240 note Damien) : La nature des propos tenus par un avocat à l'issue d'un verdict d'une Cour d'assises et le caractère véhément, voire vindicatif de son comportement à la fin de l'audience... démontre que celui-ci a manqué à la dignité, la délicatesse et la modération qu'un avocat soucieux de ses devoirs envers les juridictions et sa propre profession se doit d'observer en toutes circonstances.

Signe Jurisprudence Paris 24 octobre 1988 (D. 1990 somm. 391) : Le président d'un club sportif manifeste à l'égard d'une société de presse une hostilité agressive, vindicative et malveillante en infligeant aux collaborateurs d'un journal des brimades publiques et répétées au prétexte d'un litige sur les modalités de leur entrée dans le stade.

VINDICTE

Cf. Action civile*, Action publique*, Vendetta*, Vengeance*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-206, p.342

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine» (4e éd.), n° II-305, p.357 / n° III-112, p.448

- Notion. Le vieux mot de vindicte, apparenté au terme vengeance, désigne en droit criminel la réaction provoquée par la commission d’un crime ou d’un délit.

Signe Philosophie Le Bon (Psychologie des foules) : Nos codes, et surtout l’esprit de nos magistrats, sont tout imprégnés encore de l’esprit de vengeance du vieux droit primitif, et le terme de vindicte (vindicta, vengeance) est encore d’un usage journalier.

Signe Philosophie Bautain (Manuel de philosophie morale) : On a dit que la société a le droit de se venger du crime qui l'attaque, et on a mis en avant le grand mot de la vindicte des lois. C'est une idée fausse, d'où sort une conséquence cruelle. La société n'a pas plus que l'individu le droit de se venger. Elle a le droit de se défendre et le devoir de protéger ses membres...

Signe Philosophie Neufbourg (La loi naturelle) : La société se défend contre les attaques de la malveillance, elle ne s'en venge pas. Le mot de vindicte publique a été emprunté à des temps d'ignorance.

Signe Doctrine Ortolan (éléments de droit pénal) : Tous les jours, au Palais, nous parlons encore de « venger la loi », « venger les société », de « vengeance » ou de « vindicte publique » : de sont des vestiges de l’origine grossière de la pénalité.

Signe Doctrine Proal (Le crime et la peine) : Chez les barbares, le mot vengeance était, en réalité, synonyme de punition. C’est dans ce sens qu’on dit : la vengeance céleste, la vindicte publique

- La vindicte publique se situe sur le terrain de la société encadrée par l’État ; elle se manifeste par l’exercice de l’action publique.

Signe Doctrine Ortolan (Cours de droit criminel) : Le progrès de la civilisation fit acquérir aux peuples l'idée de l'État, et la société civile se trouva ainsi personnifiée... Alors à cette nouvelle idée on adapta le vieux principe de la vengeance dans les peines ; On ne vit plus dans le délit une offense envers le particulier, mais une offense envers envers la société toute entière. On ne vit plus dans la peine une vengeance privée, mais une vengeance de la société offensée.

Signe Histoire Loi Gombette. T. 80, art. 2 : Ceux que le sort des armes n’a pas punis doivent être frappés d’une peine pécuniaire pour la vindicte publique, afin de s’assurer  qu’à l’avenir nul n’osera pousser la dépravation jusqu’à mentir en justice.

Signe Histoire Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Pour la vengeance qu’on appelle « vindicte publique », c’est au Procureur du Roi à la requérir.

Signe Histoire Code des délits et des peines de 1795. Art. 93 : Il ne dépend pas des citoyens, quand bien même ils seraient désintéressés subséquemment à une accusation par eux intentée, d'arrêter la vindicte publique, qui ne peut être satisfaite que par un jugement.

Signe Doctrine Le Graverend (Traité de législation) : Une transaction entre des parties sur leurs intérêts … ne peut pas paralyser l'action de la vindicte publique.

Signe Doctrine Rauter (Traité du droit criminel, 1836) : Les expressions de "venger la loi", de "vindicte publique"  est encore usitée dans nos cours criminelles.

Signe Philosophie Tarde (La criminalité comparée) : J’avoue qu’au milieu du déploiement continuel d'animosités hypocrites, je suis peu touché de voir les criminalistes se scandaliser du mot de vindicte publique employé encore par quelque avocat général retardataire.

Signe Philosophie Franck (Philosophie du droit pénal) : L'expression vindicte publique, n’est-elle pas de nature à nous faire croire que le droit de punir pris en lui-même, quand on remonte jusqu’à son principe et qu’on fait abstraction des causes qui l’ont fait passer des mains de l’individu dans celles de la société, que le droit de punir n’est pas autre chose que le droit de se venger ?

Signe Droit comparé Cour de cassation du Luxembourg . 23 mars 1961 : La peine de l’action publique sanctionne uniquement l’infraction et ne répare aucun dommage, si ce n’est le trouble moral et social sanctionné au profit de la vindicte publique.

Signe Exemple concret Vidocq (Les voleurs) : Il ne chercha pas à nier la tentative criminelle que la vindicte publique lui reprochait.

- La vindicte populaire se situe sur le terrain de la population prise dans sa matérialité. Désigner quelqu’un à la vindicte populaire constitue une faute ; dans les cas les plus graves, on peut songer aux incriminations de Diffamation*, voire de Provocation au meurtre*.

Signe Jurisprudence Pau 5 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 II somm. 504) : Le prévenu doit être déclaré coupable du délit de diffamation publique envers des fonctionnaires publics, pour avoir apposé sur la voie publique des affiches les désignant brutalement à la vindicte populaire.

Signe Exemple concret Encyclopédie Microsoft. Le changement de pouvoir donne lieu à un véritable bain de sang : le président T. est éventré et ses plus proches collaborateurs sont exécutés et offerts à la vindicte populaire.

- La vindicte privée résulte d’un sentiment de rancune, d’animosité, de haine envers autrui. Elle ne peut plus s’exercer par la vengeance*, mais doit se manifester par l’exercice de l’Action civile*.
On a toutefois vu, il y a quelques années, des talibans autoriser les proches d'une victime à procéder eux-mêmes, pendant la mi-temps d'un match de football, à l'exécution du coupable.

Signe Doctrine Haus (Principes de droit pénal) : Le droit de venger le crime, c’est-à-dire de le réparer par le mal infligé au coupable, ne peut être attribué aux particuliers. Ce droit, exercé par la Société, est la vindicte publique que l’on oppose à la vindicte privée, qui ne peut se concilier ni avec la morale, ni avec l’existence de la Société.

Signe Droit comparé Carrara (Cours de droit criminel) : On ne saurait admettre la réparation dite vindicative, consistant dans la satisfaction accordée à l'offensé de voir souffrir l'auteur de l'offense pour le seul plaisir de sa passion... Il est aisé de comprendre que, ni la loi naturelle, ni la loi civile, ne peuvent reconnaître un droit tendant à la satisfaction d'une passion vicieuse. Le grand avantage de la justice civile est précisément qu'ayant soustrait la mesure des pénalités au jugement des passions privées pour la remettre au jugement de la raison, elle est vraiment la justice et non plus la vengeance.

Suite des lettres V - W